Utilisateur:Jacques Kunda/Histoire du ski

Le ski est une forme particulière de patin permettant de se déplacer sur la neige, en marchant ou en glissant. Long et étroit, il est recourbé à l'avant (spatule). La partie centrale est aménagée pour recevoir le système d'attache[note 1].

Les skis ont très vraisemblablement été inventés il y a environ 10 000 ans, peu après la fin de l'ère glaciaire, dans le nord-est de l'Europe. De là, ils se sont répandus rapidement en Finlande et Laponie. Ils ont été apportés ultérieurement  en Sibérie méridionale[note 2].     

La pratique du ski s'est étendue au sport au XIXe siècle, d'abord en Scandinavie et Finlande, où étaient organisées des compétitions de fond, de saut et de descente en terrain vierge. Son extension en Europe moyenne, essentiellement  dans les régions de montagne, a fait apparaitre le « ski alpin » et ses diverses techniques gestuelles de virage.

Les skis ont été faits en bois de pin, de bouleau puis de frêne et d'hickory jusque vers 1950[note 3]. Les progrès du fonctionnement des skis ont été dus en partie à l'amélioration des chaussures et des systèmes d'attache[note 4].

Étymologie, linguistique modifier

Le mot « ski », prononcé à la française, s'est généralisé dans le monde. Il vient du norvégien ski qui se prononce schi. Il n'a pas de rapport avec le mot finlandais suksi. Le mot skid en vieux norrois, la langue mère des langues scandinaves, signifie « fendre » et désigne aussi les « planches ».

Les Saami, qui parlent des dialectes proches les uns des autres, appartenant au même groupe que le finnois, désignent les skis  par des mots totalement différents comme sihpiek, sivekkä, sabehat, golas, träokka[1].

Origines du ski modifier

Le berceau du ski se situe très vraisemblablement dans le sud-est de la Baltique, dans la région qui englobe l'Estonie actuelle et la partie avoisinante de la Russie. Les restes des skis les plus anciens actuellement connus ont été mis au jour au début des années 1960 par l'archéologue ukrainien Grigori Burov sur le site de Vis 1, situé à 350 km à l'ouest de la chaîne de l'Oural et à la latitude du lac Onega[2]. Les vestiges culturels du site relèvent de la culture de Kunda, identifiée dans l'actuelle Estonie. Les fragments correspondent à deux types de skis dénommés « Vis » et « Veretje ». Ils se situent respectivement entre 7350 et 7180 av. J.-C. et vers 6000 av. J.-C.[note 5].

Les skis et les patins de traîneaux n'ont pas été faits à partir de planches. Ils étaient taillés dans la masse de billes de bois préalablement fendues en deux, suivant le procédé très ancien de la fabrication des pirogues monoxyles

Il est très probable que l'invention des skis ait été inspirée par les patins de traîneaux[note 6].

La population de culture Kunda avait une double origine. Elle était constituée de groupes venus du sud des plaines russes (culture épigravettienne) et d'autres du sud-ouest de l'Europe (culture Magdalénienne). Ces derniers étaient arrivés dans les pays Baltes vers 9000 av. J.-C. Les uns et les autres avaient suivi la migration des hardes de rennes que le radoucissement du climat avait poussées vers le Nord[3].

Formation du peuple saami modifier

Le peuplement de la Finlande et de la future Laponie a commencé vers 8500 av. J.-C. avec le déploiement vers le nord de clans qui allaient former le peuple saami[4]. Ils restèrent longtemps isolés car la première immigration de peuple non saami n'est intervenue que vers 4000 av. J.-C.[5]. Ces derniers arrivants connaissaient également le ski. De souche finnoise, ils le désignaient probablement par le mot suksi.

Transmission du ski en Sibérie modifier

La présence jusqu'à une date récente de groupes ethniques de langue finno-ougrienne dans le massif des Sayan[6], entre l'Altaï et le lac Baïkal, suggère fortement que des clans de souche finnoise originaires de l'Oural se sont établis en Sibérie méridionale. Le ski fait partie des éléments en faveur de cette hypothèse car les peuples sibériens du groupe linguistique toungouzo-mandchou utilisent des mots comme souxilla, souxilda, sokseljta, très proche de suksi. Fridtjof Nansen avait remarqué ces ressemblances et en avait tiré l'hypothèse que le ski avait été probablement inventé en Sibérie. Les connaissances d'aujourd'hui permettent de la rejeter.

On manque de données pour dater l'introduction du ski en Sibérie Méridionale. Elle est potentiellement postérieure à 5000 av. J.-C. (âge des patins de traîneaux de type européen mis au jour dans l'est de l'Oural) et certainement antérieure à 3300 av. J.-C., fin du Mésolithique dans cette région.

Gravures rupestres modifier

Staraia Zalavruga, Mer Blanche. « Patrouille » de skieurs armés d'un bâton.
Haut Ienisseï, Chalabolino. Archer

Les gravures rupestres sont extrêmement diverses et nombreuses en Eurasie et ailleurs dans le monde. Elles ne peuvent pas être datées directement, leur âge ne peut être qu'estimé. Celles de de Finno-Scandinavie et de Sibérie sont jugées postérieures à 4000 av. J.-C. et 5000 av. J.-C.

En Europe, on compte deux gravures de skieur en Norvège et une trentaine en Carélie où elles se trouvent presque toutes sur le fleuve Vyg, au sud de la mer Blanche. Les skieurs sont représentés le plus souvent armés d'un arc et certains, en groupe, armés d’un bâton. En Sibérie méridionale, elles sont une dizaine. Presque tous les personnages sont des archers, le plus souvent chassant le renne.

Skis fossiles modifier

Ski de Salla (3350 av. J.-C.)[note 7]. Seul ski fossile à plusieurs rainures. Les trois trous convergent à l'intérieur du ski pour former le passage de la lanière d'attache.
Ski de Kalvträsk (3200 av. J.-C.). Un des rares skis trouvé en paire et avec le bâton. La lanière d'attache coiffait l'avant de la chaussure et passait longitudinalement sous le ski.

Les plus anciens après ceux trouvés à Vis ont environ 5 000 ans. Il s'agit des skis de Salla (Finlande), Drevja (Norvège) et de Kalvträsk (Suède). Le ski de Kalvträsk se distingue par un système d'attaches à quatre perçages verticaux qui est encore en usage en Sibérie. Les deux autres présentent des perçages transversaux évitant à l'attache de frotter sur la neige. À partir de 1000 av. J.-C. les skis ont tous un socle avec un perçage horizontal, la mortaise. Ils témoignent des débuts de l'âge du Bronze en Finno-Scandinavie.

Pour la plupart, les skis ont été trouvés lors des travaux de drainage de marais et tourbière effectués par les paysans. Une très grande partie date du moyen-âge. Ils ont probablement été volontairement enfouis sous la couche de sphaignes flottant à la surface de l'eau. On distingue bien  deux façon d'utiliser le bois, soit sur quartier soit sur dosse[note 8]. Les skis en bois sur quartier étaient utilisé nus, de multiples rainures stabilisatrices se formant par usure de couches tendres du bois. Les autres avaient généralement une garniture de peau recouvrant la semelle, collée ou cousue à travers le bois.

Écrits modifier

Ski de Storbäck (905 av. J.-C.). Il fait partie des premiers skis à socle et mortaise. Le socle, adapté à la largeur des chaussures, est plus étroit que ski. Le creusement de la mortaise, longue et étroite, est devenu possible grâce aux outils en bronze.

Les plus anciennes mentions de skieurs apparaissent très brièvement dans les  annales chinoises du début de notre ère à propos des peuples nomades évoluant à leur frontière nord, Toungouzes, Türks et Mongoles. En Europe, les Saami sont signalés par Tacite au même moment sous le nom de Fennes (Finnois) mais sans faire état des skis. Ils apparaissent ensuite  dénommés Phinnoï (Ptolémée, en 125), Crefennes (Jordanes, en 551) et Skrithiphinoï (Procope, en 554). La racine skrit signifie « glissement »  mais les skis ne sont toujours pas identifiés. Ils sont évoqués pour la première fois en 788 par Paul Diacre au sujet des Scritobini qui « chassent en faisant des bonds grâce à des « bouts de bois habilement recourbés ».

Des auteurs de langue arabe rapportent l'usage des skis et des traîneaux à chiens au  moyen âge, dans les voyages commerciaux le long des fleuves russes, entre la Baltique et la Méditerranée ou la Caspienne[note 9].

Les Européens prennent conscience de l'existence des Saami vers 1550 grâce au livre d'Olaus Magnus, évêque suédois réfugié à Rome et d'avantage encore, en 1673, avec celui de Johann Scheffer, intellectuel strasbourgeois émigré en Suède. Le premier skieur d'Europe moyenne est le prêtre italien Francesco Negri(1665) et le premier français sera Jean-Baptiste de Lesseps (1788), chargé par La Pérouse de ramener les documents importants du Kamtchatka à Versailles où il fut reçu sur le champ par Louis XVI.

Adoption du ski par les Scandinaves modifier

La question ne se pose pas pour les Finlandais et tous les peuples de langue apparentée au finnois, qu'ils soient établis en Russie d'Europe ou en Sibérie occidentale. Les peuples de langue samoyède connaissaient le ski avant de venir s'établir dans le nord-ouest de la Sibérie. En revanche, les Norvégiens et les Suédois qui étaient traditionnellement utilisateurs des raquettes à neige, ont reçu le ski des Saami. Les contacts ont été plus nombreux et plus anciens le long des côtes de la Norvège. La diffusion du ski dans la population paysanne scandinave aurait vraiment commencé à l'âge du Fer[7].

Le ski militaire modifier

La première formation de skieurs militaires de Scandinavie fut un corps de messagers, rapides et discrets, créé par de Gustave Vasa vers 1550. Des soldats à ski furent engagés dans les différents conflits de la Suède contre le Danemark et la Norvège ou contre la Russie. La Russie  commença très tôt  utiliser le ski à titre militaire. En 1449 eut lieu une importante expédition contre les tatars occupant la Sibérie occidentale : plus de 4 000 guerriers skis aux pieds s'emparèrent d'une quarantaine de villages fortifiés[8].

En Sibérie modifier

Les nombreux peuples de Sibérie, diffèrent par la langue et la génétique mais très semblables par le mode de vie furent progressivement soumis par les Russes entre 1600 et 1700. C'est ainsi qu'on commença à connaître leur existence. Beaucoup étaient encore à l'âge de la Pierre. Les skis qu'ils utilisaient étaient pratiquement tous dérivés du modèle des Évenkes, relativement large et court, fait d'une planche mince de pin, renforcée par un ensemble cousu de peau à longs poils. L'attache est essentiellement une lanière coiffant l'avant du pied et passant sous le ski avant de remonter dessus et faire le tour du talon. Tout était conçu pour que ce soit réparable avec un couteau. Ils sont encore utilisés par les éleveurs de rennes et les chasseurs.

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Le système d'attache a été, pendant plusieurs millénaires, la seule attache d'orteil, une lanière de cuir traversant le ski par une mortaise et  entourant l'avant de la chaussure. Elle était parfaitement adaptée à l'utilisation du ski en terrain plat ou peu incliné. La pointe relevée à l'avant des mocassins retenait le ski.
  2. Cette nouvelle hypothèse est développée par Maurice Woehrlé dans le livre Les Peuples du Ski – 10 000 Ans d'Histoire, BoD, 2020.
  3. Les skis étaient en bois massif. La courbure de la spatule et  le cambre étaient obtenus par cintrage à chaud, le plus souvent à l'eau bouillante. Vers 1930 on a commencé à faire des skis lamellés collés. Les cintrages provenaient alors du collage en forme. Les skis à armature métallique et armature en matériau composite  de fibres de verre et résine apparurent entre 1950 et 1960.
  4. Le premier étrier métallique a été inventé par Fritz Huitfeldt en 1897. Les fixations à câble ou à longue lanière furent utilisées à partir des années 30, et les fixations de sécurité à deux butées dans les années 60. Les chaussures sont restées au niveau de la cheville et peu rigides jusqu'en 1965. Le remplacement du laçage par des crochets a permis de passer aux coques en plastique moulé.
  5. Les procédés de datations au radiocarbone disponibles dans les années 60 nécessitaient de grandes quantités de matériau. Les mesures ont été faites sur des morceaux de bois situés au-dessous et au-dessus des fragments de ski. Les dates indiquées par Grigori Burov, brutes de mesure, ne tenaient pas compte des variations passées du taux de gaz carbonique dans l'atmosphère. Celles données ici le sont. Il y a un écart de l'ordre de 1 000 ans dans le sens du vieillissement.
  6. Le site de Vis a également fourni des restes de patins de traîneau de deux types. Les plus anciens sont datés entre 7350 et 5900 av. J.-C. et sont identiques au patin de traîneau de Heinola, dans le sud de la Finlande, daté de 8000 av. J.-C..
  7. Les âges indiqués correspondent à la médiane de la fourchette d'incertitude de la mesure au radiocarbone.
  8. Dans une planche, les  couches de croissance  sont orientées verticalement dans le bois sur quartier et horizontalement dans le bois sur dosse.
  9. Ces auteurs se sont rendus pour différentes raisons à Bolgar, capitale du royaume bulgare de la Volga. Les écrits sont d'Ibn Fâdlan (921),  Al Marwazi (1120), Abu Hamid Al Garnati (1152).

Références modifier

  1. Fridtjof Nansen, En ski travers le Groenland, trad. Charles Rabot, Hoëbeke, 1996
  2. Grigori M. Burov, « Some Mesolithic Artefacts from the site of Vis 1 in the European North East of the USRR », The Mesolithic in Europe, Edimburg, 1985.
  3. Paul M. Dolukhanov, « Archéologie et Langues en Europe Occidentale durant la Préhistoire », Dossier d'Archéologie n° 270, février 2002.
  4. Hannu Takala, The Ristola Site in Lahti and the Earliest Postglacial Settlement of South Finland, Jyväskylä, 2004.
  5. Pauli Kajanoja, A new theory on the biological roots of the Finns.
  6. Andrey Filchenko, Indigenous People of Siberia, 1990 ; The IPF Project, Tomsk Laboratory of Siberian Indigeneous People. Last update 11/04/07.
  7. Inger Zachrisson in Hartvig Birkely, I Norge har Lapperne først indført Skierne, Idut 1994
  8. Yves Gauthier et Antoine Garcia, L'Exploration de la Sibérie, Actes Sud, 1996.

Bibliographie modifier

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Valentina V. Antropova, recueil du Musée d'Anthropologie et d'Ethnographie, t. XIV, , « Lyzhi Narodov Sibiri ». Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.