Utilisateur:Jean Gorbin/Facteur de gain d'énergie de fusion (nucléaire)

L'explosion de la bombe à hydrogène Ivy Mike. La bombe à hydrogène est le seul dispositif actuellement capable d'atteindre un facteur de gain d'énergie de fusion nettement supérieur à 1.

Le facteur de gain d'énergie de fusion, que l'on exprime couramment à l'aide du symbole Q, est le rapport entre la puissance de fusion produite dans un réacteur à fusion nucléaire et la puissance nécessaire pour maintenir le plasma dans un régime stationnaire. La situation pour laquelle Q = 1, lorsque la puissance libérée par les réactions de fusion est égale à la puissance de chauffage requise, est appelée le seuil de rentabilité ou, dans certaines ouvrages, le seuil de rentabilité scientifique.

L'énergie produite par les réactions de fusion peut être capturée au sein du combustible, entraînant un auto-échauffement. Mais la plupart des réactions de fusion libèrent une partie de leur énergie sous une forme qui ne peut pas être capturée par le plasma. Pour cette raison, un système ayant un facteur de gain Q = 1 se refroidira si on ne maintient pas une source de chaleur externe. Avec des combustibles typiques, pour que l'auto-échauffement dans les réacteurs à fusion puisse remplacer les sources externes, le facteur de gain doit être d'au moins Q ≈ 5. Si Q augmente au-delà de cette valeur, l'auto-échauffement devient suffisant et il est alors possible d'arrêter le chauffage externe. À ce stade, la réaction devient auto-entretenue, une condition appelée combustion, ce qui est généralement considérée comme hautement souhaitable pour les concepts de réacteurs pratiques. L'ignition correspond à une valeur de Q infinie, auquel cas aucun apport d'énergie n'est nécessaire pour démarrer les réactions de fusion auto-entretenues dans le plasma.

Au fil du temps, plusieurs termes apparentés sont entrés dans le jargon de la fusion nucléaire. L'énergie qui n'est pas capturée dans le combustible peut l'être à l'extérieur, pour produire de l'électricité. Cette électricité peut être utilisée pour chauffer le plasma à des températures opérationnelles. Un système auto-alimenté de cette manière est considéré comme fonctionnant au seuil de rentabilité technique. Une machine qui fonctionnerait au-dessus du seuil de rentabilité technique, produirait plus d'électricité qu'elle n'en consommerait et l'excédent pourrait être vendu. Dans le cas d'une machine qui permettrait de vendre suffisamment d'électricité pour couvrir ses coûts d'exploitation, on parle parfois de seuil de rentabilité économique. De plus, les combustibles de fusion, en particulier le tritium, sont très chers, et de nombreuses expériences sont menées avec des gaz de test, comme l'hydrogène ou le deutérium, bien meilleur marché. Un réacteur fonctionnant avec ces combustibles et qui atteindrait les conditions de seuil de rentabilité si du tritium était introduit, est considéré comme étant rentable, et ce seuil théorique est appelé seuil de rentabilité extrapolé.

En 2021, le record pour la valeur de Q était détenu par le National Ignition Facility (NIF) du laboratoire national Lawrence Livermore (en anglais : Lawrence Livermore National Laboratory, ou LLNL) en Californie, avec Q = (1,35 MW) / (1,9 MW) ≈ 0,70, atteint pour la première fois en août 2021[1]. Le record le plus élevé pour un seuil de rentabilité extrapolé a été enregistré par l'appareil JT-60 au Japon, avec Qext = 1,25, dépassant légèrement le précédent 1,14 du Joint European Torus (JET). Le réacteur thermonucléaire expérimental international (en anglais : International thermonuclear experimental reactor, ou ITER) avait été conçu à l'origine pour atteindre l'ignition, mais a été révisé pour atteindre Q = 10, produisant 500 MW de puissance de fusion à partir de 50 MW de puissance thermique injectée.

Le 13 décembre 2022, le département de l'Énergie des États-Unis (en anglais : United States Department of Energy, ou DoE) a annoncé qu'un facteur de gain supérieur à 1 avait été atteint par le NIF en utilisant un dispositif de fusion par confinement inertiel, fournissant 2,05 MJ sur la cible et générant 3,15 MJ avec les réactions de fusion[2],[3]. Ceci équivaut à un facteur de gain Q = 1,54 et c'est la première fois qu'un facteur de gain Q ≥ 1 a été atteint dans l'histoire de la fusion nucléaire (à l'exception des armes thermonucléaires).

Concept modifier

Le facteur de gain Q[note 1] est simplement le raport entre la puissance Pfus dégagée par les réactions de fusion dans le réacteur et la puissance constante Pchauf fournie par le système de chauffage dans les conditions normales de fonctionnement. Pour les concepts qui ne fonctionnent pas en régime stationnaires, mais qui sont plutôt pulsées, le même calcul peut être effectué en additionnant toute l'énergie de fusion produite dans Pfus et toute l'énergie dépensée pour produire l'impulsion dans Pchauf[note 2]. Cependant, il existe plusieurs définitions du seuil de rentabilité qui tiennent compte des différentes pertes d'énergie.

Seuil de rentabilité modifier

En 1955, John Lawson a été le premier à explorer en détail les mécanismes de l'équilibre énergétique, initialement dans des ouvrages classifiés, mais publiés ouvertement dans un article de 1957 désormais célèbre. Dans cet article, il examinait et affinait les travaux de chercheurs antérieurs, notamment Hans Thirring, Peter Thonemann, et un article de synthèse de Richard Post. L'article de Lawson faisait des prédictions détaillées sur la quantité d'énergie qui serait perdue par divers mécanismes, et la comparait à l'énergie nécessaire pour permettre d'entretenir la réaction[4]. L'équilibre entre les deux est aujourd'hui connu sous le nom de critère de Lawson.

Dans un concept réussie de réacteur à fusion, les réactions de fusion génèrent une quantité d'énergie désignée par Pfus[note 3]. Une partie de cette énergie, Pperd, est perdue par divers mécanismes, principalement la convection du combustible vers les parois de la chambre du réacteur et diverses formes de rayonnement qui ne peuvent pas être capturées pour générer de l'énergie. Afin de maintenir la réaction, le système doit fournir un énergie de chauffage Pchauf pour compenser ces pertes, avec Pperte = Pchauf pour maintenir l'équilibre thermique[5].

La définition la plus élémentaire du seuil de rentabilité est lorsque Q = 1[note 4], c'est-à-dire lorsque Pfus = Pchauf.

Certains travaux parlent de seuil de rentabilité scientifique lorsqu'ils font référence à cette définition, pour l'opposer à des termes similaires[6],[7]. Cependant, cet usage est rare en dehors de certains domaines, notamment celui de la fusion par confinement inertiel, où le terme est largement utilisé. Les dispositifs inertiels, et de nombreux concepts similaires, ne tentent pas de maintenir l'équilibre mais simplement de capturer l'énergie produite. Dans ce cas, Pchauf considère toute l'énergie nécessaire pour produire la réaction, que ce soit un chauffage direct ou d'autres systèmes tels que des lasers ou de la compression magnétique.

Seuil de rentabilité extrapolé modifier

Depuis les années 1950, la plupart des conceptions de réacteurs à fusion commerciaux sont basées sur un mélange de deutérium et de tritium comme combustible principal. D'autres combustibles ont des caractéristiques attrayantes mais sont beaucoup plus difficiles en ce qui concerne leur allumage par fusion. Le tritium est radioactif, hautement bioactif et hautement mobile. Il représente donc un problème de sécurité important, ce qui augmente les coûts de conception et d'exploitation d'un tel réacteur[8].

Dans le but de réduire les coûts, de nombreuses machines expérimentales sont conçues pour fonctionner uniquement avec des combustibles d'essai à base d'hydrogène ou de deutérium, en excluant le tritium. Dans ce cas, on utilise le terme de seuil de rentabilité extrapolé pour faire référence au facteur de gain Qext attendu de la machine qui fonctionnerait au carburant deutérium-tritium (DT), basé sur le facteur de gain Q obtenues lors du fonctionnement avec l'hydrogène ou le deutérium seul[9].

Les records de performances extrapolées sont légèrement supérieurs aux records de performances scientifiques. Le JET et le JT-60 ont tous les deux obtenu des valeurs d'environ Qext = 1,25 (voir ci-dessous pour plus de détails) lorsqu'ils fonctionnent avec du carburant deutérium-deutérium (DD). Lors de fonctionnement avec du carburant deutérium-tritium (DT) (uniquement possible avec le JET), la performance maximale est d'environ la moitié de la valeur extrapolée[10].

Seuil de rentabilité technique modifier

Un autre terme apparenté est le seuil de rentabilité technique, qui considère la possibilité d'extraire l'énergie du réacteur, de la transformer en énergie électrique et d'en réinjecter une partie dans le système de chauffage[9]. Cette boucle fermée, qui renvoie l'électricité produite à partir de l'énergie de la fusion vers le système de chauffage, est connue sous le nom de « recirculation ». Dans ce cas, la définition de base change en ajoutant des termes supplémentaires au côté de Pfus pour tenir compte de l'efficacité de ces processus[11].

Les réactions DT libèrent la majeure partie de leur énergie sous forme de neutrons et une plus petite quantité sous forme de particules chargées comme les particules alpha. Les neutrons sont électriquement neutres et finirons par sortir de tout dispositif de fusion par confinement magnétique (FCM), et malgré les densités très élevées que l'on trouve dans les dispositifs de fusion par confinement inertiel (FCI), ils ont également tendance à s'échapper facilement du combustible de ces machines. Ceci signifie que seules les particules chargées issues des réactions de fusion peuvent être capturées au sein de la masse du combustible et donner lieu à un auto-échauffement. Si la fraction de l'énergie acquise par les particules chargées est fch, alors la puissance de ces particules est


Pch = fchPfus. Si ce processus d'auto-échauffement est parfait, c'est-à-dire que tout la puissance Pch est capturé par le combustible, cela signifie que la puissance disponible pour produire de l'électricité est égale à la puissance qui n'est pas libérée sous cette forme, c'est-à-dire (1 − fch)Pfus[12].

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  1. (en) {{Article}} : paramètre « titre » manquant, paramètre « périodique » manquant,‎
  2. (en) « DOE National Laboratory Makes History by Achieving Fusion Ignition », Energy.gov (consulté le )
  3. (en) « National Ignition Facility achieves fusion ignition », www.llnl.gov (consulté le )
  4. a b et c Lawson 1957, p. 6.
  5. Lawson 1957, p. 8-9.
  6. Karpenko, « The Mirror Fusion Test Facility: An Intermediate Device to a Mirror Fusion Reactor », Nuclear Technology - Fusion, vol. 4,‎ , p. 308–315 (DOI 10.13182/FST83-A22885, Bibcode 1983NucTF...4..308K, S2CID 117938343, lire en ligne)
  7. « 17th IAEA Fusion Energy Conference » () (lire en ligne)
  8. {{Ouvrage}} : paramètre titre manquant,
  9. a et b Razzak, « Plasma Dictionary » [archive du ], Nagoya University (consulté le )
  10. Meade 1997.
  11. Entler 2015, p. 513.
  12. Entler 2015, p. 514.


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