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Décolonisation des bibliothèques

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Enjeux de classification des savoirs autochtones

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À l’origine, les bibliothèques et archives représentaient des concepts inconnus des communautés autochtones basées sur une tradition de transmission orale des connaissances. Par la perception de l’infériorité des traditions orales et des langues non européennes, le colonialisme a permis de collectionner les connaissances des peuples autochtones tout en les considérant comme primitives[1].

La façon éthique de traiter les documents contenant des savoirs autochtones dans les collections des bibliothèques serait de créer des relations respectueuses avec les peuples autochtones afin de créer des protocoles qui évolueront dans le temps[2]. Les savoirs autochtones englobent les savoirs traditionnels incluant les connaissances au niveau écologique ainsi que les expressions culturelles de ces groupes [2]. Ces savoirs traditionnels sont dynamiques et peuvent être transmis selon des formes et moyens de communication contemporains tels que des bandes dessinées, la science-fiction ou des slams territoriaux [2] [3]. La Fédération canadienne des associations de bibliothèques (CFLA-FCAB) a d’ailleurs pris position pour faire reconnaitre le droit de propriété des peuples autochtones sur leurs connaissances en lien avec la Loi sur le droit d’auteur du Canada [4].

En effet, les bibliothèques ne sont pas des espaces neutres et transmettent des stéréotypes[5]. La classification, qui représente la division hiérarchique de concepts en classes et sous-classes en fonctions de leurs caractéristiques communes et divergentes[6], et le catalogage, la création d’une liste exhaustive des documents d’une collection arrangée de façon systématique pour faciliter le repérage[7], sont notamment particulièrement problématiques. Les systèmes de classification Library of Congress ou le système décimal Dewey, fixent des réalités autochtones sous des sujets inappropriés, discriminatoires ou qui éliminent des concepts se traduisant difficilement hors du contexte de la communauté[8]. Le Cataloging Code of Ethics de l’American Library Association (ALA) note d’ailleurs explicitement la présence de racisme, suprématie blanche, colonialisme et d’oppression au sein des pratiques actuelles[9].

Bibliothéconomie autochtone

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Quoique pouvant être normatives au sein d’une culture, les pratiques bibliothéconomiques ne sont pas universelles[8]. La bibliothéconomie autochtone permet d’adapter les pratiques bibliothéconomiques avec les perspectives autochtones au niveau des théories et pratiques permettant de mieux représenter leurs savoirs et cultures[10]. Pour ce faire, deux approches peuvent être adoptées : revitaliser les bibliothèques autochtones ou établir des normes afin de traiter avec respect le matériel au contenu autochtone préservé au dehors des communautés autochtones[8]. Par exemple, le développement de thésaurus tels que le Māori Subject Headings Thesaurus et le Aboriginal and Torres Strait Islander Thesaurus permet de gérer des collections biculturelles à l’intérieur d’un seul répertoire[8]. L’implémentation d’un système spécialisé tel que le système de classification Brian Deer[11], notamment utilisé par la X̱wi7x̱wa Library de l’Université de Colombie-Britannique[12], permet de classifier les collections autochtones selon les spécifications de la communauté[8]. Un troisième type d’outil est illustré par le Mashantucket Pequot Thesaurus of American Indian Terminology qui classifie les collections en adéquation avec une conception du savoir autochtone[8]. Ce thésaurus utilise le modèle de la roue médicinale pour déterminer le domaine spécifique de l’univers (spirituel, physique, social et mental) qui fournit le contexte approprié[8].

Collaboration et réconciliation

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L’initiation d’un processus de décolonisation requiert un rôle actif conjoint de la part des bibliothécaires et de la bibliothèque en tant qu'institution[13]. Une progression de la sensibilité culturelle de l’individu par les étapes de négation, défense, minimalisation, acceptation, adaptation et intégration lui permettra de passer du déni vers l’ouverture, d’une perspective ethnocentrique vers l’ethnorelativisme[13]. Du côté institutionnel, la sécurité culturelle devrait être considérée lors de l’implémentation de pratiques et de l'aménagement des lieux. Des outils de sensibilisation à la culture autochtone peuvent être offerts autant au personnel qu’aux usagers, en plus d’incarner un contexte d’échange de savoir entre les personnes de culture occidentales et autochtones[13].

Une collaboration entre les institutions avec les communautés autochtones sera nécessaire afin de respecter l’Article 11 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui octroie aux peuples autochtones le droit de protéger leurs manifestations culturelles[14]. Le mandat du groupe Indigenous Matter Section de la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (IFLA) est de favoriser la coopération internationale pour offrir des services qui répondent aux besoins des communautés autochtones ainsi qu'encourager le leadership autochtone et la recherche[15].

En réponse aux appels à l’action de la Commission de la vérité et de la réconciliation du Canada[16], la Fédération canadienne des associations de bibliothèques (CFLA-FCAB) crée son propre Comité de vérité et réconciliation qui a adapté une méthodologie inspirée de la roue médicinale pour émettre ses recommandations[17]. L'organisme tient à jour des ressources pour outiller les associations[18] dont un document vivant présentant une ontologie des noms des peuples Premières Nations, Métis, et Inuit[19] et une liste d'albums jeunesse sélectionnés par un comité[20]. Par ailleurs, la collaboration et le partage de pratiques exemplaires seront importantes au cours des prochaines années pour soutenir les efforts du Plan d'action mondial de la Décennie internationale des langues autochtones 2022-2032 de l’UNESCO[21].

Références

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  1. (en) Jess Crilly, « Decolonising the library: a theoretical exploration », Spark: UAL Creative Teaching and Learning Journal, vol. 4, no 1,‎ , p. 6–15 (ISSN 2397-6594, lire en ligne)
  2. a b et c (en) Camille Callison, Ann Ludbrook, Victoria Owen et Kim Nayyer, « Engaging Respectfully with Indigenous Knowledges: Copyright, Customary Law, and Cultural Memory Institutions in Canada », KULA: Knowledge Creation, Dissemination, and Preservation Studies, vol. 5, no 1,‎ (ISSN 2398-4112, DOI 10.18357/kula.146, lire en ligne)
  3. Sarah Henzi, « Entre « orature » et écriture : souveraineté, décolonisation et culture populaire autochtones », Canadian Literature, nos 230-1,‎ , p. 198–213 (ISSN 0008-4360, DOI 10.14288/cl.v0i230-1.187359, lire en ligne)
  4. Fédération canadienne des associations de bibliothèques, « Énoncé de position de la FCAB-CFLA – Connaissances autochtones dans la Loi sur le droit d’auteur »,
  5. (en) Millicent Fullmer, « Are we there yet? Visualizing Indigenous culture in today’s library », IFLA Journal Special Issue: Indigenous Librarianship,‎ , p. 313 (lire en ligne)
  6. (en) Joan M. Reitz, « classification », Online Dictionary for Library and Information Science,‎ 1996- (lire en ligne)
  7. (en) Joan M. Reitz, « catalog », Online Dictionary for Library and Information Science,‎ 1996 - (ressource mise à jour continuellement) (lire en ligne)
  8. a b c d e f et g (en) Ulia Gosart, « Indigenous librarianship: Theory, practices, and means of social action », IFLA Journal Special Issue: Indigenous Librarianship,‎ (lire en ligne)
  9. (en) American Library Association Cataloging Ethics Steering Committee (CESC), « Cataloging Code of Ethics »,
  10. (en) Kathleen Burns, Ann Doyle, Gene Joseph et Allison Krebs, « Indigenous Librarianship », Encyclopedia of Library and Information Sciences, Fourth Edition,‎ (lire en ligne)
  11. (en) University of British Columbia, « Brian Deer Classification System », s.d.
  12. University of British Columbia, « X̱wi7x̱wa Library », s.d.
  13. a b et c Catherine Séguin, « Une bibliothèque inclusive pour les Autochtones », Documentation et bibliothèques, vol. 66, no 2,‎ , p. 5–11 (ISSN 0315-2340 et 2291-8949, DOI 10.7202/1069966ar, lire en ligne)
  14. Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), « Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones »,
  15. (en) IFLA - Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques, « Indigenous Matters Section », s.d.
  16. Commission de vérité et réconciliation du Canada, « Commission de vérité et réconciliation du Canada : Appels à l’action », sur Centre national pour la vérité et la réconciliation - Université du Manitoba,
  17. Camille Callison, « Rapport et recommandations du Comité de vérité et réconciliation de la FCAB-CFLA », sur Fédération canadienne des associations de bibliothèques (FCAB-CFLA),
  18. (en) Fédération canadienne des associations de bibliothèques (FCAB-CFLA), « Indigenous Resources - Ressources and Databases », s.d.
  19. Fédération canadienne des associations de bibliothèques (FCAB-CFLA), « First Nations Metis and Inuit Indigenous Ontology », s.d.
  20. (en) IBBY Canada, « From Sea to Sea to Sea: Celebrating Indigenous Picture Books », s.d.
  21. Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), « Plan d’action mondial de la Décennie internationale des langues autochtones (2022-2032) »,