Utilisateur:Leonard Fibonacci/Gamaliel II

Gamaliel II
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Shimon ben Gamliel II
Hanina ben Gamaliel (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Maître
Vue de la sépulture.
Mausolée où reposerait Rabban Gamliel de Yavné ; jusqu’en 1948, cette tombe mamelouke bâtie en 1293 n’était connue que comme le Mausolée d’Abu Huraira[1]

Rabban Gamliel de Yavné (hébreu : רַבַּן גַּמְלִיאֵל דְּיָבְנֶה Rabban Gamliel deYavne « Notre maitre Gamliel de Yavné ») ou Gamaliel II est un rabbin judéen ayant vécu à la charnière des deux premiers siècles de l’ère commune. Nommé vers 80 à la tête de l'assemblée de Yavné qui a succédé au Sanhédrin de Jérusalem, il meurt vers 138-140[2].

Éléments biographiques modifier

Gamliel de Yavné est le fils de Siméon et le petit-fils de Gamliel l'Ancien[2]. Son grand-père était un membre du Sanhédrin et son père a été l’un des meneurs de la Grande Révolte contre Rome. La tradition de la rencontre entre Yohanan ben Zakkaï et Vespasien (Gittim 56b) raconte que le premier obtint de l'empereur romain le pardon de la famille de Gamaliel[3]. Yohanan ben Zakkaï est celui qui va obtenir de la part des Romains l'autorisation de créer une académie à Yabneh, malgré l'utilisation de la littérature juive comme puissant levier pour justifier la révolte. Toutefois en se fondant sur Flavius Josèphe, les historiens estiment que cette rencontre entre Vespasien et Yohanan au cours du siège de Jérusalem est entièrement légendaire, car selon la Guerre des Juifs, Titus mène le siège de bout en bout. Ils ne tiennent pas compte des nombreuses sources juives qui disent que le siège a eu lieu en 69 et pas en 70 et des nombreux auteurs, tant chrétiens que Juifs, qui mentionne que Vespasien a, au moins, commencé le siège. La famille de Gamliel devient importante à partir de la période de Yavné. Elle semble être indépendante des partis d'Hillel ou de Shammaï[4], même si des traditions plus tardives font de Gamliel I le petit-fils d’Hillel[5]. Bien qu'il n'appartienne pas à l'école de Hillel, Gamliel est choisi par Yohanan ben Zakkaï pour lui succéder à la direction de l'académie de Yavné[2] environ dix ans après la chute du Temple (ca. 80-85[6]).

Il semble être le premier à recevoir le titre de nasi (« prince », souvent traduit par « président » ou « patriarche »)[2]. Il préside l'académie que Yohanan ben Zakkaï semble avoir transformée en « assemblée » ou « synode », dans le but de la substituer au Sanhédrin disparu dans la tourmente de la révolte de 66-74[7]. Son élection par les rabbins est confirmée par le gouverneur romain de Syrie[2], bien que son père, Simon ben Gamaliel ait été l'un des chefs de la révolte. L'autorité et la légitimité nouvelles du nasi est spirituelle plus que politique[2]. « Comme son prédécesseur Yohanan ben Zakkaï, Gamaliel a eu aussi pour tâche de fixer le calendrier, de proclamer les jours fastes, les jours de fêtes et les jours de jeûne, à laquelle s'est ajoutée celle de nommer les juges et de prononcer éventuellement des anathèmes à l'égard de ceux des Judéens jugés comme déviants ou apostats[2]. » Simon Claude Mimouni souligne que l'autorité et la légitimité de Gamaliel, « comme celles de son prédécesseur, n'ont cependant pas dépassé les confins du « mouvement des rabbins »[8]. »

À l'époque de Rabban Gamaliel :

  • les Nazaréens (notzrim) sont considérés comme une secte hérétique.
  • la Pâque juive (Pessa'h) peut être fêtée sans offrir le traditionnel sacrifice de l'agneau pascal (du fait de la destruction du second temple de Jérusalem) et un nouveau texte, la Haggada, explique et accompagne le rituel du soir de la Pâque.
  • l'étude devient l'activité la plus importante de la vie juive.

À la fin du règne de l'empereur romain Domitien (v. 95-96), il séjourne à Rome à la tête d'une délégation de l'académie de Yabneh, « peut-être pour prévenir une action contre les Judéens de la part de cet empereur (Talmud de Babylone, 39a, 90b-91a ; Midrash, Shemoth Rabba 30)[9]. »

C'est un dirigeant controversé, qui n'hésite pas à anathématiser son beau-frère, Rabbi Eliezer ben Hyrcanus, lorsque celui-ci, certain de son droit, refuse de se plier à l'avis de la majorité qu'il estime faux, ni à humilier Rabbi Yehoshoua ben Hanania lors d'une discussion sur la fixation du calendrier[9]. Il est alors déposé par les sages de Yavné[9]. Dans ce conflit, Rabbi Akiva représente la voie de la modération[10]. Les membres de l'académie envisagent d'élire Rabbi Akiva pour remplacer Gamaliel[10], mais finalement ils choisissent Éléazar ben Azariah dans des conditions énigmatiques et dramatiques[9]. Selon le Talmud, ce qui aurait pesé dans la décisions des sages serait les origines prosélytes de Rabbi Akiva[10]. Gamaliel est ensuite renommé à la charge de nasi, probablement après l'échec de la révolte de Bar Kokhba[9] (135). « Il est possible que ces controverses cachent des oppositions plus radicales entre l'école de Hillel, à laquelle appartiennent R. Eliezer ben Hyrcanus, R. Yehoshoua ben Hanania et R. Éléazar ben Azariah[9] » d'une part et Gamaliel « dont la filiation spirituelle — sur laquelle on ne sait rien — ne relève pas de l'école de Hillel[9]. » Une fois réintégré, il n'hésite pas, en représailles, à interdire de rapporter un quelconque enseignement au nom de Rabbi Meïr ou Rabbi Nathan qui ont instigué la révolte. Cet interdit fut, doux euphémisme, peu respecté. Il lutte contre les Juifs chrétiens et lance un anathème contre Rabbi Yehoshoua ben Hanania, pour une hypothétique sympathie à l'égard du message de Jésus de Nazareth (Talmud Houllin II, 24 ; Talmud de Babylone Abodah Zarah 16b-17a ; Midrash Qohelet Rabba I, 8, 3)[9].

Gamaliel est un personnage important du « mouvement des rabbins »[9]. Les écrits juifs ont surtout retenu qu'il a œuvré à la conservation des traditions anciennes et qu'il a pris certaines décisions en matière de calendrier liturgique et de halakhah[9]. C'est lui par exemple qui est à l'origine de la récitation trois fois par jour de la prière des « dix-huit bénédictions » (Shemoneh-'esreh) édictée par Shim'on haPaqoli et de l'amélioration ou la composition de la « Bénédiction des hérétiques » (Birkat ha-Minim) composée par Samuel ha-Katan (Talmud de Babylone Berakhot 28b ; Megillah 17b)[9].

Un des fils de Gamaliel, Shimon ben Gamliel II préside à son tour le Sanhédrin, qui s'est reconstitué en Galilée après la défaite de la Révolte de Bar Kokhba et l'expulsion des Juifs d'une grande partie de la Judée (135).

Rabban Gamliel nous a également laissé ce principe, qui dicta son existence (Traité Shabbat 151b) : « Quiconque a pitié des autres, le Ciel aura pitié de lui; quiconque n'a pas de pitié pour les autres, le Ciel n'aura pas de pitié pour lui. »

Tradition modifier

Selon une partie de la tradition rabbinique, à ses funérailles le prosélyte Onqelos (Aquila de Sinope) aurait relancé ce qui est présenté comme une ancienne coutume : brûler des matériaux coûteux d'une valeur de soixante mines. Pour sa part, Gamaliel avait donné comme directive que son corps devait être enveloppé dans le linceul le plus simple possible. Par là, il voulait faire échec à l'extravagance qui était devenue la règle de l'ordonnance des obsèques, et son but a été atteint ; son exemple est devenu la règle. C'est aussi devenu la coutume de lui rendre hommage dans les paroles de consolation adressées aux pleureuses[11].

Difficultés chronologiques modifier

Toutefois selon le Talmud de Babylone (Avoda Zara, 11a), celui à qui Onqelos aurait assuré des funérailles royales n'est pas Gamaliel de Yabne, mais Gamaliel l'Ancien[12],[13] qui est mort vers 50 et le maintien des identifications ci-dessus en disant qu'il s'agit d'une erreur[14] n'est pas satisfaisant. Vers 50, Aquila de Sinope n'était pas né et donc l'Onqelos qui a donné des funérailles royales à Gamaliel est très probablement l'auteur du Targoum Onkelos, lui aussi appelé Aquila. Les deux Talmudim effectuent en effet un parallèle entre les deux traducteurs, tous deux appelés Aquila, et qui présentent des profils comparables. Tous deux sont des prosélytes, tous deux seraient des riches citoyens romains, proches parents de l'empereur — fils d'une sœur de Titus et/ou marié à une sœur d'Hadrien —, tous deux sont des traducteurs — de la Torah en Judéo-araméen pour Onqelos le Prosélyte, de la Bible en grec pour Aquila de Sinope. De plus, tous deux se sont convertis au judaïsme, ou à une forme de judaïsme pour ce qui concerne Aquila de Sinope et tous deux sont des disciples de Rabbi Eliezer et Rabbi Joshua.

Ce parallèle effectué dans les sources rabbiniques basé sur cet ensemble de convergences a causé une confusion considérable[15]. Ainsi pour Natalio Fernández Marcos, dans le Talmud de Babylone et dans la Tosephta des incidents similaires sont décrits pour Onqelos et sont attribués à Aquila dans le Talmud de Jérusalem et dans les midrashim palestiniens[15]. Ce véritable écheveau de citations talmudiques à démêler rend difficile de fournir des éléments biographiques sur Onqelos, pour lequel les écrits rabbiniques sont nos seules sources, bien que depuis le XVIe siècle, à la suite du rabbin Azaria di Rossi, des tentatives aient été faites pour résoudre la confusion.

Deux traducteurs différents modifier

Après avoir comparé les deux textes, le rabbin Azaria di Rossi (XVIe siècle) a été le premier à estimer que Onqelos et Aquila étaient deux personnes différentes parce que leurs traductions étaient beaucoup trop différentes[16]. Il travaillait sur deux versions différentes de la traduction attribuées à Aquila et il s'est aperçu que la seconde était très proche du Targoum Onkelos et très différente de la version préservée par Origène dans l'Hexapla. Il en a donc conclu qu'il y avait confusion entre deux personnages[17].

Les traductions d'Onqelos et d'Aquila diffèrent totalement. Onqelos recoure à la paraphrase explicative, lorsqu'il en a besoin, tandis qu'Aquila a produit une version extrêmement littérale. Rédigée en araméen, « la version d'Onqelos perpétue la longue tradition d'interprétation pratiquée dans les synagogues ». C'est une exégèse du texte en hébreu qui n'a pas pour but de remplacer l'original. La version d'Aquila en revanche s'adressait aux Juifs de culture grecque qui ne lisaient pas l'hébreu. Elle était destinée à remplacer la Septante[18].

Les citations par le Talmud de Jérusalem de la traduction d’Aquila font apparaître des différences notables entre les traductions grecque et araméenne[19], la première affichant, contrairement à la seconde, un parti pris herméneutique de traduire le texte biblique mot-à-mot, y compris les prépositions grammaticales, aux dépens de la fluidité et du respect de la grammaire grecque[20]. Depuis Azaria di Rossi (XVIe siècle), des tentatives ont été faites pour démêler la confusion entre Onqelos, le traducteur en araméen et Aquila le traducteur en grec dans les citations du Talmud, mais sans parvenir à des solutions satisfaisantes.

Toutefois, certains auteurs suggèrent qu'une même personne serait l'auteur de ces deux traductions, la version grecque étant une œuvre de jeunesse tandis que le Targoum araméen serait celle de la maturité[19]. Ce qui reporterait l'écriture du Targoum Onkelos plusieurs décennies après 140, bien après l'Académie de Yavné (90-132), son contexte d'écriture selon les spécialistes[21]. Pour eux, il s'agit en fait non pas de Gamaliel l'Ancien, mais de Rabban Gamliel de Yavné[14] mort vers 138-140[2] et cette attestation concernerait Aquila de Sinope, qui pour eux est le même personnage qu'Onqelos. Cette identification entre Aquila de Sinope et Onqelos est rejetée par une grande partie des historiens pour qui il s'agit clairement de deux personnages différents[22] et par une bonne partie des exégètes pour qui les deux traductions ne peuvent pas être l'œuvre de la même personne.

Notes et références modifier

  1. Mausoleum of Abu Huraira
  2. a b c d e f g et h Mimouni 2012, p. 486.
  3. Jewish Encyclopedia
  4. Grabbe 2000, p. 198
  5. Grabbe 2000, p. 196
  6. Mimouni 2012, p. 484
  7. Mimouni 2012, p. 485
  8. Mimouni 2012, p. 486-487.
  9. a b c d e f g h i j et k Mimouni 2012, p. 487.
  10. a b et c Mimouni 2012, p. 488.
  11. Ketubah 8, II.
  12. Ralph V. Harvey, Rabban Gamaliel, 2005, Xulon Press, USA, p. 233.
  13. Shemuel Safrai, M. Stern,David Flusser, The Jewish People in the First Century, Volume 2, Van Gorcum & Fortress Press, 1976, USA, p. 781.
  14. a et b Shemuel Safrai, M. Stern,David Flusser, qui citent Lieberman à ce sujet inThe Jewish People in the First Century, Volume 2, Van Gorcum & Fortress Press, 1976, USA, p. 781, note no 5.
  15. a et b Natalio Fernández Marcos, The Septuagint in Context: Introduction to the Greek Version of the Bible, 2000, Brill, Leiden, p. 112.
  16. Giuseppe Veltri, Gegenwart der Tradition: Studien zur jüdischen Literatur und Kulturgeschichte, 2002, éd. Brill, Leiden, p. 99.
  17. cf. (he) « Aquilas », sur Daat (consulté le )
  18. Jean Delisle, Judith Woodsworth, Les traducteurs dans l'histoire, p. 169.
  19. a et b (he) R’ Menahem Mendel Pomerantz, « Nikra oumetarggem - Mavo leTargoum Onkelos », dans Rabbi Yehoushua Leifer (dir.), Mikraot Guedolot Oz veHudor Hamevoar, t. 1, Oz veHudor, , 1re éd.
  20. (he) « Aquilas », sur Daat (consulté le )
  21. Mimouni 2012, p. 111.
  22. (en) Louis Isaac Rabinowitz, « Onkelos and Aquila », dans Fred Skolnik et Michael Berenbaum (dir.), Encyclopaedia Judaica, vol. 15, Thompson Gale et Keter Publishing House, , 2e éd. (lire en ligne)

Annexes modifier

Bibliographie modifier

  • (en) Lester L. Grabbe, Judaic Religion in the Second Temple Period : belief and Practice from the Exile to Yavneh, Routledge, (ISBN 978-0415212502)
  • Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, PUF,
  • (en) « Gamaliel II », dans Jewish Encyclopedia, New York, Jewish Encyclopedia (Funk & Wagnalls), (lire en ligne)