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André Lentin est un mathématicien et logicien français né le 9/11/1913 en Algérie et décédé le 9/1/2015 à Paris. Il a accompagné plusieurs grandes avancées scientifiques de la deuxième moitié du 20ème siècle : il s’est intéressé très tôt aux ordinateurs - le terme informatique n’était pas né - et aux applications possibles en traduction automatique, a œuvré pour la diffusion des mathématiques modernes dans l’enseignement secondaire et universitaire, a participé à la création des premiers enseignements publics en informatique, juste après l'apparition du mot informatique en français. Enfin il a travaillé sur les rapports entre mathématiques et linguistique dans des travaux remarqués par des linguistes renommés. Il a été membre du CNRS et professeur à l’Université Paris 5.
Jeunesse et formation
modifierAndré Lentin a réussi à Constantine un double baccalauréat scientifique et littéraire. Il prépare l'agrégation à Marseille en 1936-37, où enseigne René de Possel, membre fondateur du groupe de mathématiciens Bourbaki en 1935; pour des raisons politiques des pans des mathématiques développées en Allemagne n’étaient pas au programme[1].
La guerre arrive très vite, il est mobilisé en tant qu'officier de réserve. Il est fait prisonnier et passe les années suivantes en Oflag IV A puis V A (Offizierlager). Il y apprend des mathématiques allemandes, Hilbert par exemple, qui complètent sa formation. Il y rencontre le linguiste André Martinet, qui éveille son intérêt pour la linguistique[2].
L'après guerre : mathématiques et premiers ordinateurs
modifierIl publie en 1948 un article important sur la notion de groupe[3], réédité en 1998[4].
Enseignant au lycée Buffon puis Jacques Decour en classe préparatoire de mathématiques spéciales il publie en 1956 les Éléments d'algèbre moderne [5](avec Jacques Rivaud), ouvrage novateur qui connaîtra 5 éditions[6] et sera traduit en plusieurs langues[7], destiné aux classes préparatoires et aux premières années d'université ; puis les Leçons d'algèbre moderne[8] (avec Jacques Rivaud). Il a ainsi contribué au renouvellement de l'enseignement des mathématiques dans l'enseignement supérieur.
Dans le même esprit pionnier, il publie aussi une série de manuels préparant au baccalauréat scientifique avec Georges Girard, chez Hachette dans la collection de R. Maillard, par exemple Géométrie et mécanique[9].
Peu de temps après la guerre, il a suivi avec grand intérêt les conférences de Louis Couffignal sur les premiers ordinateurs[2]. il prend part au mouvement en faveur de la traduction automatique et il est l'un des trois membres fondateurs de l'ATALA, avec Emile Delaveney et Pierre Meile[10] en 1959 (Association pour l’étude et le développement de la Traduction Automatique et de la Linguistique Appliquée, qui deviendra en 1965 Association pour le Traitement Automatique des Langues). Dans le cadre du séminaire, il y présente des conférences[11] [ATALA 50 ans]; cette association est toujours active.
CNRS et Informatique
modifierLorsque René de Possel, nommé à la chaine d'Analyse numérique à la Faculté des Sciences de Paris, prend la tête du département de calcul automatique de l'Institut Blaise Pascal (IBP) du CNRS , il appelle André Lentin algébriste impliqué dans traitement automatique des langues. Ce dernier deviendra sous-directeur de l'IBP[12] en 1962.
Dans cette période pionnière et foisonnante, chargée en tâches administratives[12], toujours dans les précurseurs, André Lentin participe au premier ouvrage de la première collection informatique de Gauthier-Villars en 1965, Algol 60[13]. Puis il publie Notions sur les grammaires formelles[14] avec Maurice Gross, ouvrage né dans les réunions de l’ATALA, préface de Noam Chomsky, linguiste au MIT. Ce livre fondateur sera traduit en anglais[15], en allemand[16], en russe[17], en japonais[18], en espagnol[19].
C'est aussi dans cette période qu'André Lentin participe activement à la création de l'Institut de Programmation, rattaché à la faculté des Sciences de Paris[12]. Cet Institut a été le premier lieu de l'enseignement public en informatique, jusqu'au niveau ingénieur[20]; André Lentin a naturellement rédigé la partie historique de l'ouvrage édité pour les dix ans de l'Institut de programmation[20], comme le confirme un article de la revue pour l'histoire du CNRS[21].
Activités universitaires : mathématiques et linguistique
modifierAndré Lentin a travaillé sur une structures algébrique très simple encore peu étudiée à l'époque : le monoïde. Sa thèse d'état[22], publiée en 72, dont un résumé est disponible en ligne[23], est consacrée aux équations dans cette structure.
Il est nommé professeur à l'Université Paris V, au Département de Mathématiques et d'Informatique, Université Paris-Sorbonne. Il y contribue à la formation de linguistes, suit cette discipline avec beaucoup d'attention : il y recherche les structures logico-mathématique et les met en lumière dans un dialogue fécond avec Zellig Harris[24] [25], fondateur du premier département de linguistique aux USA en 1946, ainsi qu'avec David Cohen[26], spécialiste français des langues chamito-sémitiques.
Preuve de l'intérêt de ces analyses, encore en 2009, Jean-Pierre Desclés[27] reprend les propos d’André Lentin dans sur le flou de la définition du concept d’opérateur en linguistique, analysé du point de vue mathématique.
Un hommage lui est rendu par ses élèves et collègues le 23 février 1996; le titre du volume publié en 1997 rassemble ses intérêts scientifiques : Mélanges de mathématiques, linguistique, informatique offerts à André Lentin[28]. Quelques articles[24] [26] montrent qu'André Lentin est resté scientifiquement actif après son retrait de l'enseignement dû à l'âge.
Notes et références
modifier- « Nicolas Bourbaki », sur Wikipédia (consulté le ) : « l'ignorance (explicable en partie par le contexte politique) de branches actives à l'étranger, particulièrement l'algèbre développée en Allemagne. »
- Interview réalisée par Anne Collinot le 29-3-2010
- André Lentin (dir.), « La notion de Groupe; sa puissance et ses limites », Cahier du sud, no Les grands courants de la pensée mathématiques, 538p, , p. 195-201
- Les grands courants de la pensée mathématique, Paris, Hermann, collection Histoire de la pensée, , 533 p.
- André Lentin et Jacques Rivaud, Éléments d'algèbre moderne, Paris, Vuibert, , 283 p.
- André Lentin, Éléments d'algèbre moderne, 5ème édition, Paris, Vuibert, , 333 p.
- (es) André Lentin et Jacques Rivaud (trad. Emilio Motilva Ylarri), Algebra Moderna,, Madrid, Aguilar, (1re éd. 1969) (ISBN 978-8403201699)
- André Lentin et Jacques Rivaud, Leçons d'algèbre moderne, 2ème édition, Paris, Vuibert, , 428 p.
- André Lentin et Georges Girard, Géométrie, Mécanique, Paris, Hachette, , 574 p.
- Jean-Claude Chevalier et Pierre Encrevé, Combats pour la linguistique, de Martinet à Kristeva: essai de dramaturgie épistémologique, Lyon, ENS éditions, , 424 p., page 7; page 258
- « Histoire ATALA, ATALA cinquante ans », sur www.atala.org (consulté le )
- Louis Nolin, « Des caves de l'Institut Henri Poincarré à la terre promise de la rue du Maroc », Mathématiques, informatique et Sciences Humaines, no 36ème année, n° 141, , p. 5-10 :
« Nous voilà donc en 1960 et le Laboratoire de Calcul Numérique auquel était bientôt jointe la section d’Automatique Documentaire de Gardin devenu Institut Blaise Pascal, Directeur René de Possel, sous-directeur André Lentin. »
- Jacques Arsac, André Lentin, Maurice Nivat et Louis Nolin, ALGOL, théorie et pratique, Paris, Gauthier-Villars,
- Maurice Gross et André Lentin (préf. Noam Chomsky), Notions sur les grammaires formelles, Paris, Gauthier-Villars, , 197 p.
- (en) Maurice Gross et André Lentin, Introduction to formal grammars, Berlin, Heidelberg, New York, Springer, , 231 p.
- (de) Maurice Gross et André Lentin (trad. Peter Schreiber), Mathematische Linguistik. Eine Einführung, Berlin Heidelberg, Springer-Verlag, , 289 p.
- (ru) Гросс М.(Gross M.) et Лантен А. (Lentin A.), Теория формальных грамматик, Moscou, Мир, , 296 p.
- (ja) M. グロス (M. Gross) et A. ランタン (A. Lentin) (trad. 相沢輝昭), 数理言語学入門 (Suri gengogaku nyumon), Tokyo, 東京図書, , 243 p.
- (es) Maurice Gross et André Lentin, Nociones sobre las gramáticas formales, Madrid, Editorial Tecnos (Serie de Matemática), , 298 p.
- L’Institut de Programmation a dix ans 1963-1973, Paris, Institut de Programmation, Université Paris 6 (UPMC), , 298 p. (lire en ligne)
- Anne Collinot et Pierre-Éric Mounier-Kuhn, « Forteresse ou carrefour : l’Institut Blaise Pascal et la naissance de l’informatique universitaire parisienne », La Revue POUR L’HISTOIRE DU CNRS, nos 27-28, , p. 85-94
- André Lentin, Équations dans les monoïdes libres, La Haye Paris, Mouton; Gauthier-Villars,
- André Lentin, « Équations dans les monoïdes libres », Mathématiques et sciences humaines, no tome 31, , p. 5-16 (lire en ligne)
- André Lentin, « Quelques réflexions sur les références mathématiques dans l'oeuvre de Zellig Harris », Langages, no 99 Les grammaires de Harris et leurs questions, articles regroupés par Anne Daladier, , p. 85-91 (lire en ligne)
- zellig Harris, « La genèse de l’analyse des transformations et de la métalangue », Langages, no 1990, Les grammaires de Harris et leurs questions, articles regroupés par Anne Daladier, , p 9-20 (lire en ligne) :
« p12: j'ai eu des commentaires très éclairants d'André Lentin. »
- édité par Jérôme Lentin et Antoine Lonnet, Mélanges David Cohen - Études sur le langage, les langues, les dialectes, les littératures, Paris, Maisonneuve & Larose, , 764 p., André Lentin : Mathématiques et linguistique : quelques réflexions
- Jean-Pierre Desclés, « Le concept d’opérateur en linguistique », Histoire Épistémologie Langage, no tome 31, fascicule1, , p. 75-98 (lire en ligne)
- Mélanges de mathématiques, linguistique, informatique offerts à André Lentin, Paris, Centre d'Analyse et de Mathématique Sociales de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, avec le concours du CNRS, , 224 p.
Liens Externes
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