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Vermillon (couleur)

Le pigment de vermillon

Le vermillon est une couleur rouge éclatante, plus ou moins orangée.

L’acception première du terme vermillon est celle de « pigment rouge vif de sulfure de mercure » qui peut être soit tiré par un processus physique de purification du cinabre minéral (de sulfure de mercure) soit synthétisé chimiquement directement à partir du mercure et du soufre[n 1].

Mais depuis les années 1960, la communauté scientifique a convenu en général de restreindre le sens de « vermillon » au pigment rouge de α-HgS obtenu par synthèse et d’employer « cinabre » pour le pigment naturel minéral.

Ce pigment a longtemps été adopté en raison de sa couleur d’un rouge profond, doté d’un éclat particulier, une grande opacité et une bonne adhésion. Il est très résistant à l’oxydation et aux pluies acides[1].

Le Color index qui entend faire œuvre de normalisation en donnant un code international d’identification des pigments à imprimer sur les tubes de peinture, propose les codes suivants[2],[n 2]:

Color index : Rouge (CAS 1344-48-5)
Code Nom du pigment CI Nom commun Composition chimique
N/A Cinnabar Cinabre Sulfure de mercure naturel,
avec éven. des impuretés
PR 106 Vermillion (genuine) Vermillon véritable, cinabre Sulfure de mercure(II) synthétique, cinabre naturel
PR 4 PY 1 Permanent Red R Rouge vermillon substitut Pigments azoïques et charges minérales

Le vermillon véritable a été progressivement abandonné depuis le début du XXe siècle au profit du vermillon substitut[3].

Le vermillon d'antimoine, apparu au XIXe siècle pour falsifier le vermillon véritable (de mercure), est une variante plus terne, fabriquée à partir du sulfure rouge d'antimoine qui porte le numéro PR107 au Color Index.

Étymologie modifier

Son nom est dérivé du français vermeil (et suffixe –on), terme utilisé pour désigner un rouge éclatant, légèrement plus foncé que l'incarnat et tirant sur le rouge cerise[4], et qui lui-même vient du latin vermiculus, « petit vers, vermisseau », qui en bas latin désigne la « cochenille » (Kermes vermilio parasite du Chêne Kermès) et par métonymie « couleur écarlate produite par la cochenille »

Lat. vermis « vers » → lat. vermiculus « petit vers » → bas lat. « cochenille » → méton. « rouge écarlate produit par la cochenille » → fr. vermeil → fr. dériv. vermillon.

Terminologie modifier

Actuellement en français modifier

Les acceptions de « vermillon » et « cinabre » se recoupent largement en raison des aléas de l'histoire de la terminologie. La polysémie de « cinabre » pouvant être source de confusion, il n’est peut-être pas inutile de rappeler ses différentes acceptions :

  1. le minerai brut de sulfure de mercure α-HgS, trouvé souvent avec des traces de stibnite (Sb2S3), pyrite (FeS2), quartz (SiO2), etc.
  2. le pigment de cinabre, une poudre rouge utilisée en peinture que l’on obtient par un processus physique de broyage et lévigation du minerai, pour éliminer le plus possible les impuretés. Il représente environ 1/5e du poids du minerai.
  3. la substance chimique de synthèse, obtenue par la réaction: Hg + S → HgS associée à un traitement physique pour donner la forme rouge α-HgS.

Ces trois substances ont souvent été toutes appelées « cinabres » par les chimistes et peintres du temps passé. Quand le célèbre chimiste Nicolas Lémery (1645-1715) veut les distinguer, il appelle les deux premières « cinabre naturel » ou « cinabre minéral » et la troisième « cinabre artificiel » [5].

Le TLFi[6], appelle « cinabre » en « minéralogie : le sulfure de mercure de couleur rouge, utilisé notamment pour la fabrication du vermillon » et par métonymie « couleur rouge vermillon ». Et il nomme « vermillon » : « technologie : poudre fine de cinabre » qu’il soit obtenu par une purification du minerai ou synthétisé chimiquement. Donc pour le TLF valeur 1 = cinabre, valeurs 2 et 3 = vermillon, c'est-à-dire qu'il se conforme à la terminologie officielle en anglais du Color index.

Enfin, de nombreux spécialistes du cinabre, historien ou chimiste, n’utilisent « vermillon » que pour le α-HgS de synthèse.

De l'Antiquité gréco-latine à l’Europe moderne modifier

Cette confusion terminologique n’est pas nouvelle. Dans l’Antiquité gréco-romaine, le pigment de sulfure de mercure était souvent falsifié par les marchands qui le mélangeaient avec du minium (Pb3O4), du sang-dragon[n 3], une substance résineuse, ou le rouge de cochenille (tiré de Kermes vermilio parasite du Chêne Kermès).

Un changement terminologique au cours de l’Antiquité créa un imbroglio inextricable : le cinabre (HgS), d’abord appelé gr:κινναβαρι, kinnabari par Théophraste (-371, -288) changea brusquement d’appellation avec Vitruve (- Ier siècle) et Dioscoride et Pline (+Ier siècle) qui l’appelèrent alors gr. : « μινιον minion » / lat. : « minium ». Plus tard, Galien (+129, +216) recommencera à désigner dans ses écrits pharmacologiques le cinabre, par « κινναβαρι kinnabari ».

Les chimistes français des XVIIe – XVIIIe siècles qui écrivent maintenant en français (après avoir utilisé le latin), désignent les trois substances riches en sulfure de mercure (minerai, pigment naturel et de synthèse), par « cinabre » ou « cinnabre ». C’est le cas de Nicolas Lémery qui signale toutefois que le « cinnabre artificiel » (obtenu en versant du mercure dans du soufre en fusion, suivi par une sublimation) formé en masse est de couleur rouge brun. « Si on le met en poudre bien subtile en le broyant longtemps sur le marbre, il devient si éclatant et si haut en couleur, qu’on l’a appelé ‘’vermillon’’ » écrit-il [7]. Cette terminologie restera fixée pour les siècles suivants. Puisque aussi bien l’Encyclopédie de Diderot (1751-1772) adopte ces trois valeurs de cinabre de Lémery[8] qu’au XIXe siècle le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle [9] de Pierre Larousse.

En 1787, la Méthode de nomenclature chimique de Guyton de Morveau, Lavoisier et al. produit un effet de rupture assez radical, en proposant une méthode rationnelle pour nommer chaque substance chimique par un seul nom. Ils adoptent le terme de « sulfure de mercure » pour la substance qui nous intéresse.

Composition et propriétés modifier

Le vermillon (alpha HgS) est produit par la synthèse (par voie sèche ou humide) du soufre et du mercure. En raison de la toxicité du mercure, ce pigment a été retiré du commerce (voir Toxicologie).

Le vermillon a une structure cristalline trigonale. Le mercure a tendance à former seulement deux liaisons fortes comme dans les halogénures. Le groupe de recouvrement est C312 ou P3121. La maille contient trois molécules de HgS. La cellule élémentaire a pour dimensions : a=4,160 ou 4,15 ou 4,14 Å pour c=9,540 ou 9,51 ou 9,49 Å selon les auteurs. Chaque atome de mercure est entouré de six atomes de soufre.

Le vermillon comme le cinabre est un semi-conducteur.

Il est photosensible et peut noircir lorsqu'il est exposé à la lumière du jour.

Fabrication modifier

Garçons bangalais à la sortie d'une fabrique de sindoor à base de vermillon.

Le vermillon a été d’abord synthétisé par voie sèche puis par voie humide.

Par voie sèche modifier

La préparation traditionnelle a bien été décrite par Léonor Mérimée peintre et chimiste, père de Prosper Mérimée, en 1830[10]

  1. faire fondre du soufre sur lequel on rajoute six à sept fois son poids de mercure. Le mélange devient noir et porte le nom d’« éthiops minéral » ou de sulfure noir de mercure
  2. réduire en poudre l’éthiops
  3. la masse noire de l’éthiops est ensuite chauffée à plus de 580 °C pour la faire sublimer, et obtenir par condensation une masse cristallisée en aiguilles brillantes violacées
  4. en triturant celles-ci avec de l’eau, on se procure une poudre d’un rouge écarlate
  5. pour donner une couleur brillante, les entreprises utilisent divers procédés tenus secrets (broyer sous l’urine,…). On sait maintenant qu’en traitant la poudre avec des solutions alcalines fortes (NaOH ou KOH), on la débarrasse du soufre libre.

On peut également le préparer suivant un processus de sulfurisation hydrothermique.

Par voie sèche modifier

Selon Kopp, Gottfried Schulz aurait découvert en 1687 une nouvelle voie de synthèse du sulfure de mercure, en chauffant l’éthiops dans une solution de sulfure d’ammonium ou de potassium.

Historique modifier

Historique modifier

Les documents manquent et sont souvent imprécis. Les Chinois pourraient être les premiers à avoir découvert comment fabriquer le vermillon par voie sèche au début de notre ère. Une autre tradition veut que ce soit Zosime de Panopolis, savant et alchimiste grec né en Égypte qui au IIIe siècle de notre ère aurait pour la première fois mentionné dans ses écrits, ou découvert que le cinabre était composé de soufre et de mercure. Vers la même époque, le philosophe péripatéticien Théophraste, dans son traité Des Pierres[11] met en avant la qualité du vermillon de l'île de Céos, qu'il dit meilleure que celui de Lemnos et celui de Sinope.

Le procédé de synthèse est ensuite rapporté par Geber, alchimiste arabe du VIIIe siècle, né en Iran. Il aurait démontré que si le cinabre pouvait être décomposé, on pouvait le créer par la synthèse du soufre et du mercure ou la chaleur pouvait recombiner ces éléments en vermillon. Ce seraient donc les Arabes qui auraient introduit le vermillon artificiel en Occident.

Vermillon, Collection historique de colorant de l'université technique de Dresde (Allemagne)

La découverte de la synthèse du sulfure de mercure fut une innovation majeure du Moyen Âge dans le domaine de l'art. En rendant le vermillon abondant, la palette des peintres s'accroît et d'autres couleurs vives sont requises pour l'harmoniser. L'art de cette période, principalement religieux est riche en vermillon, en feuilles d'or et en bleu outremer, qui sont les trois couleurs principales de la palette médiévale. Le vermillon, de même composition élémentaire que le cinabre, peut être fabriqué presque partout sur de petits creusets, et il est notamment très répandu, entre autres, comme encre rouge dans les manuscrits.

Timbre d'un franc vermillon.

Le moine bénédictin Théophile décrit la fabrication du vermillon à la fin du XIe siècle dans l'ouvrage nommé Schedula diversarum artium. Il faut, du soufre qui peut être de trois sortes : noir, blanc ou jaune. Il est rompu sur une pierre sèche et l'on additionne une part égale de mercure. Quand tout est mélangé et déposé dans un flacon de verre luté d'argile de manière à en sceller l'ouverture pour éviter que la fumée ne puisse s'échapper, on le plonge dans les charbons ardents et quand le pot devient chaud, on entend des craquements, c'est le soufre qui s'unit au mercure. Quand le bruit s'arrête, on peut retirer le pot du feu et y prélever le pigment. La technique décrite par Théophile où le pigment est préparé par synthèse directe à partir du soufre et du mercure, doit résulter en un pigment assez pur, bien que la composition exacte des trois types de soufre ne soit pas connue.

L'alchimiste Albert le Grand est souvent mentionné comme étant le premier à avoir réalisé la synthèse du sulfure de mercure durant le Moyen Âge. Il connaissait les travaux des écoles arabes et, dans ses traités, il accepte et utilise des travaux de Geber en y joignant ses propres observations. Selon lui, les métaux sont formés grâce aux mélanges de sulfure et de mercure. Le mercure et le sulfure s'unissent et se combinent dans la terre en durcissant comme un minéral duquel le métal peut être extrait. Il décrit donc la synthèse du vermillon par sublimation d'un mélange de soufre et de mercure.

Les recherches concernant la fabrication du vermillon de synthèse se sont beaucoup développées du XVIIIe siècle au XIXe siècle. En effet, à cette époque, les Hollandais gardaient jalousement secrets leurs processus de fabrication. Le vermillon anglais avait une très mauvaise réputation car sa couleur s'altérait rapidement. Le pigment naturel cesse d'être commercialisé au XIXe siècle. En Europe, le procédé de fabrication du vermillon par voie humide commence à être utilisé en Allemagne au XVIIIe siècle. Au début du XXe siècle, le vermillon est remplacé par les rouges de cadmium (PR108) qui en sont une bonne alternative.

Toxicologie modifier

Ce pigment est extrêmement toxique. Tout contact avec la peau et les muqueuses doit être évité.

Les principes de prévention techniques sont les suivants : il est nécessaire de disposer d’un bon système de ventilation, de nettoyer quotidiennement les plans de travail, de stocker en récipients étanches et d’éliminer le matériel utilisé pour le nettoyage des composées de mercure. Les survêtements de travail ne devraient pas comporter de poches et de revers. Concernant l'hygiène personnelle, il est recommandé de se laver régulièrement les mains et les ongles, le visage, le brossage des dents et le rinçage de la bouche. Une interdiction formelle de fumer, de manger ou de boire sur le lieu de travail.

Dans la mesure où le vermillon est pulvérulent ou se présente sous forme de poudre, des mesures strictes de protection sont vivement recommandées. L'utilisation de gants permet de se protéger lorsque l'on manipule des pigments toxiques, le port d'un masque est singulièrement recommandé lorsque le pigment est pulvérulent, dans l'idéal il devrait comporter un filtre spécial pour le mercure, les lunettes de protection sont aussi fortement conseillées.

Notes modifier

  1. ces différentes acceptions de « vermillon » sont celles données par le Trésor de la langue française informatisé
  2. nous avons gardé les termes anglais de la deuxième colonne, par contre nous avons remplacé la troisième colonne ‘Common, Historic and Marketing Names’ par les termes français
  3. c’est encore le cas au XVIIIe siècle comme indiqué dans une note du Cours de chymie de Nicolas Lémery publié en 1757

Références modifier

  1. Renate Nöller, « Cinnabar reviewed : characterization of red pigment and its reactions », Studies in Conservation, vol. 60,‎
  2. Color Index Names The Color of Art: Pigment Red, PR, « Vermillion (genuine) » (consulté le )
  3. Atelier Saint André, « les pigments rouges » (consulté le )
  4. Trésor de la langue française « vermeil ».
  5. Nicolas Lémery, Cours de chymie contenant la manière de faire les opérations qui sont en usage dans la médecine,, L.C. d’Houry, Paris, (lire en ligne)
  6. TLFi ou CNRTL, « Cinabre »
  7. Nicolas Lémery, Cours de chymie contenant la manière de faire les opérations qui sont en usage dans la médecine, par une méthode facile ..., L.-C. d'Houry, fils; Paris, (lire en ligne)
  8. d’Holbach, « Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1772) »
  9. Larousse, « Grand dictionnaire universel du XIXe siècle »
  10. Léonor Mérimé, De la peinture à l'huile, ou Des procédés matériels employés dans ce genre de peinture, depuis Hubert et Jean Van-Eyck jusqu'à nos jours, Mme Huzard, Paris, (lire en ligne)
  11. en grec ancien περί λίθων (fr. 52)