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La division sexuelle de la production domestique

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La production domestique est réalisée dans le cadre d'une division sexuelle du travail domestique. Ce concept de division sexuelle du travail a été créé par Christine Delphy, sociologue française et militante féministe, dans un article publié en 1970 dans Partisans, article à la base de son ouvrage paru en 1998, intitulé l'Ennemi principal[1].

Christine Delphy s'appuie dans ses analyses sur la théorie marxiste dans la domination dans les rapports de production économique pour faire apparaître ses limites dans la prise en compte de la domination dans les rapports sociaux de sexe, ce qui a donné naissance au courant du féminisme matérialiste, très influent dans le contexte français. Selon elle, le marxisme, dans sa théorisation, nie la domination patriarcale en prenant uniquement en compte la domination capitaliste, confirmant, voire justifiant la place des femmes comme dominées. Selon elle, cette situation de domination s'exprime principalement dans le foyer, où les femmes sont encouragées à rester pour permettre aux hommes de produire de la valeur marchande. Le travail réalisé par les femmes au sein du foyer, qui englobe l'ensemble des tâches ménagères (préparer le repas, s'occuper des enfants, entretenir le foyer), mais peut aller jusqu'à la production de petits biens artisanaux qui pourront être revendus ensuite, n'est pas rémunéré et donc pas pris en compte dans le marché des biens et services. Elle pointe par ailleurs un paradoxe: ces travaux prennent une valeur marchande à partir du moment où ils sont réalisés par des femmes en dehors de leur foyer respectif, ce sont les domestiques des familles bourgeoises ou les femmes de ménage plus largement.

Par l'existence de rapports sociaux de sexe, les hommes et les femmes, dans un couple hétérosexuel, ne ne consacrent pas le même temps aux tâches ménagères. Ainsi, selon les chiffres de l'INSEE parus en 2012[2], une mère vivant en couple consacre 28 heures hebdomadaires aux tâches ménagères restreintes (cuisine, ménage, repassage, soin des enfants) contre 10 heures hebdomadaires pour les pères en couple. Lorsqu'on se penche plus précisément sur ces chiffres, on remarque que les temps domestiques des hommes diminuent avec le nombre d'enfants, quand celui des femmes évolue dans une dynamique inverse, en augmentant. portent davantage la charge de l'élevage des enfants. Selon une étude publiée en 2015 par l'INSEE[3], qui s'attache à montrer les évolutions dans les comportements depuis les années 1970, les femmes passent moins de temps à s'occuper du foyer, sans que cela se traduise par une augmentation de ce temps domestique pour les hommes dans les mêmes proportions. Toutefois, le temps parental (toutes les activités liées aux enfants) ont augmenté pour les deux sexes, avec un déséquilibre toujours fort au détriment des femmes, les femmes consacrant près d'1h30 aux enfants, quand les hommes y consacrent environ 40 minutes en 2010.

Un élément n'est toutefois pas pris en compte par ces graphiques, concernant la production domestique. En effet, les femmes portent notamment ce qu'on appelle la charge mentale, illustrée et largement diffusée[4], en mai 2017, par la dessinatrice Emma[5]. Cette idée renvoie à, au-delà de la charge matérielle des tâches (lancer une lessive, faire la vaisselle, préparer le dîner), l'organisation du ménage, la prévoir et l'anticiper :préparer la liste de courses, prévoir le prochain rendez-vous chez le dentiste de l'enfant, réserver les vacances d'été, jusqu'à l'entretien des relations sociales du ménage par l'invitation de proches à manger. Selon Emma, cette charge mentale se caractérise notamment par deux expressions que sont « Fallait demander », et l'utilisation du verbe « aider » lorsqu'il s'agit d'évoquer les tâches réalisées par les hommes, qui fournissent une aide à leur compagne, ignorant ainsi le fait que chaque membre du couple devrait théoriquement avoir la même responsabilité dans la tenue du foyer.

Titiou Lecoq, dans son ouvrage Libérées, le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale[6], évoque le rapport à la temporalité différente des hommes et des femmes au sujet des tâches ménagères. En effet, de manière générale, les femmes privilégieraient une prise en charge rapide des tâches ménagères (ne pas laisser trop de vaisselle ou trop de linge sale encombrer l'espace), quand les hommes agiraient à la dernière minute[7]. Ainsi, les femmes seraient dans la prévention des tâches (agir avant que ça devienne trop important), quand les hommes seraient dans la gestion des problèmes (agir quand le problème est là et ne peut plus être évité). Ces deux logiques peuvent s'expliquer en partie par la multiplication des tâches qui reviennent aux femmes dans le foyer, en lien avec la charge mentale, et la volonté de ne pas accumuler.


  1. Delphy, Christine., L'ennemi principal. 1, Economie politique du patriarcat, Ed. Syllepse, (ISBN 2-907993-60-7 et 978-2-907993-60-9, OCLC 42377994, lire en ligne)
  2. INSEE, « Le travail domestique: 60 milliards d'heures en 2010 », sur www.insee.fr, (consulté le )
  3. Clara Champagne, Ariane Pailhé, Anne Solaz, « Le temps domestique et parental des hommes et des femmes : quels facteurs d’évolutions en 25 ans? », sur www.insee.fr, (consulté le )
  4. Le Nouvel Obs, « "La charge mentale en BD" », sur www.nouvelobs.com, Le Nouvel Obs, (consulté le )
  5. Emma, « "Fallait demander" », sur emmaclit.com, (consulté le )
  6. Lecoq, Titiou (1980-....)., Libérées ! : le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale (ISBN 978-2-213-70534-7 et 2-213-70534-8, OCLC 1010739842, lire en ligne)
  7. L'Obs, « Interview de Titiou Lecoq : "En voyant des chaussettes sales par terre, j'ai pété les plombs" », sur youtube.com, (consulté le )