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Orphelins par Thomas Kennington.

Une œuvre orpheline est une œuvre dont certains ayants droit sont impossibles ou difficiles à identifier ou à joindre. La définition varie un peu d'un système légal à un autre et se fonde généralement sur l’échec d'une recherche (diligente, appropriée, sérieuse, avérée ... les qualificatifs varient) d'un ou plusieurs ayants droit. Certains systèmes n'en donnent aucune définition. Le concept est important car, faute de pouvoir contacter les ayants droit, il n'est pas possible d'obtenir l'autorisation d'exploiter l'œuvre qui est donc quasiment exclue du patrimoine culturel, sauf à en accéder des copies dans les bibliothèques pour ce qui concerne les œuvres imprimées. L'exploitation sans autorisation peut donner lieu à des poursuites en contrefaçon en cas de réapparition des ayants droit.

Les œuvres orphelines sont devenues importantes avec la numérisation du patrimoine culturel, car cette numérisation permet d'envisager leur exploitation dans des conditions économiques viables, ce qui n'était souvent pas le cas auparavant. L'importance des œuvres orphelines varie suivant les secteurs culturels (livre, image, photographie, audiovisuel, ...), sans que l'on en ait d'évaluation précise. Selon diverses estimations, elles pourraient représenter entre 30 % et 70 % du patrimoine hors domaine public.

Une œuvre peut être orpheline parce que l'auteur a disparu, sans que l'on sache s'il est mort, parce que l'on ne sait pas retrouver ses héritiers, parce que les droits en ont été cédés à une société disparue sans que l'on sache ce qu'il est advenu de son patrimoine. Ce ne sont que des exemples. Une œuvre peut n'être que partiellement orpheline si elle a plusieurs ayants droit, dont seulement certains sont introuvables. La multiplicité des ayants droit peut provenir du fait qu'il y a eu plusieurs auteurs (œuvre de collaboration), ou du fait que des droits partiels ont été acquis par différents acteurs. Par exemple, pour un livre, on peut céder à une société les droits de diffusion imprimée et à une autre les droits de diffusion numérique.

Faute de connaître la date du décès de l'auteur, il peut être impossible de déterminer si une œuvre est sous droits, éventuellement orpheline, ou du domaine public. Bien que la question des œuvres orphelines ne soit pas nouvelle, ce n’est que récemment, avec le développement de la numérisation de masse, qu’elle a pris une tournure particulière. Une réflexion, aussi bien au niveau national qu’international, a donc été menée afin d’apporter une réponse à cette situation épineuse longtemps négligée.  

Le phénomène des œuvres orphelines

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L’émergence de la notion d’œuvre orpheline

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L’avènement des technologies numériques laisse entrevoir de nouvelles opportunités de diffusion et d’exploitation des œuvres. Les établissements culturels, tels que les bibliothèques et les musées, sont conscients de l’intérêt que représente le secteur du numérique et ont développé des projets de numérisation afin de préserver leurs fonds et les rendre accessibles en ligne. La numérisation des œuvres semble poursuivre une noble cause : elle préserve l’héritage culturel pour les générations futures et le rend disponible au plus grand nombre.

Symbole ©. Signification Copyright entreprise

Pour autant, l’utilisation d’une œuvre doit respecter un principe cardinal du droit de la propriété intellectuelle qui est celui de l’autorisation préalable de l’auteur, lequel dispose en effet d’un droit de propriété incorporelle exclusif. La numérisation et la mise en ligne d’une œuvre impliquent la réalisation d’un acte de reproduction (copie) et de représentation (communication au public) nécessitant par conséquent le consentement exprès de l’auteur ou du titulaire des droits. Même si la plupart des législations nationales ont institué des exceptions aux droits exclusifs de l’auteur afin d’autoriser notamment les reproductions effectuées par les établissements culturels à des fins de préservation ou de restauration, l’autorisation de l’auteur est toutefois requise lorsque son œuvre est utilisée pour être mise à disposition du public. À moins que l’œuvre ne soit tombée dans le domaine public, toute utilisation faite sans le consentement préalable de l’auteur est illicite.

Les utilisateurs potentiels sont ainsi tenus de rechercher le titulaire des droits afin d’obtenir son autorisation et de négocier avec lui les modalités d’exploitation de son œuvre, ce qui pose évidemment problème lorsque celui-ci ne peut être identifié ou retrouvé malgré des recherches scrupuleuses. L’œuvre est alors dite orpheline (« orphan work »), car sans propriétaire connu.

La notion a vraisemblablement émergé aux États-Unis, dans le contexte des projets de numérisation de masse. En effet, il est apparu qu’un grand nombre d’œuvres présumées protégées ne pouvait être légalement diffusées, faute de pouvoir joindre les ayants droit[1]. Les utilisateurs potentiels ont donc deux solutions : soit exploiter les œuvres en question et s’exposer à une poursuite en contrefaçon si l’auteur ou ses ayants droit viennent à se manifester, soit renoncer à leur utilisation. Le risque d’être condamné génère un effet dissuasif important. De fait, les utilisateurs de bonne foi sont contraints à délaisser les œuvres orphelines, qui deviennent alors un « élément mort et inerte du patrimoine culturel »[2]. Le « gel » de ces œuvres est préjudiciable pour tous : pour les auteurs, dont les œuvres, qui ne peuvent être exploitées, sont condamnées à rester dans l’ombre ; et pour le public, qui est privé d’une part substantielle du patrimoine culturel. Le phénomène, qui s’est avéré difficile à quantifier, est longtemps resté abstrait.

La recherche du titulaire de droits est nécessaire afin d'obtenir son autorisation d’utilisation

Auparavant, le problème ne se posait pas avec la même acuité. Les utilisateurs, notamment en France, recouraient ponctuellement au mécanisme de l’autorisation judiciaire afin de pouvoir exploiter les œuvres délaissées par leur propriétaire ou bien utilisaient, souvent à mauvais escient, la mention « droits réservés ». Surtout, l’absence des technologies numériques ne permettait pas d’envisager une exploitation économiquement viable de ces œuvres, dont la valeur commerciale est particulièrement faible, sinon nulle. En effet, les œuvres orphelines sont par exemple « des livres débattant des risques de voir une guerre éclater, publiés entre 1910 et 1913, des enregistrements sonores de gens ordinaires, pris dans les actes de la vie quotidienne, pour garder une trace des dialectes régionaux du Danemark, des pamphlets politiques anonymes présentant des points de vue dissidents sur le régime communiste en Hongrie ou encore le bulletin pédagogique d’un institut universitaire de technologie diffusé entre 1969 et 1982, sans mention d’auteur ni d’éditeur »[3].

Mais l’émergence de projets de numérisation massive a créé une situation nouvelle, favorisant la réutilisation à grande échelle de toutes sortes d’œuvres, y compris les plus anciennes, et ce, pour un coût relativement faible. Les différents opérateurs ont alors rapidement été confrontés au problème des œuvres orphelines qui constituent un obstacle majeur au développement des bibliothèques numériques. En effet, l’utilisation de ces œuvres est impossible, puisque leurs auteurs, par définition inconnus ou introuvables, ne peuvent accorder une quelconque autorisation. Dans ces circonstances, les institutions culturelles, qui ne pouvaient numériser une importante partie de leurs fonds en vue d’une mise à disposition en ligne, réclamaient, au nom de l’intérêt général, la création d’une nouvelle exception consacrant un accès libre et gratuit à la connaissance. Les ambitions prométhéennes de la société américaine Google, ourdissant un projet de numérisation sans précédent, qui lui aurait permis de s’approprier un corpus inestimable, ont finalement motivé une réaction juridique afin de sortir les œuvres orphelines de l’obscurité et d’encadrer leur utilisation.

Le contexte révélateur de la numérisation de masse

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Le processus de numérisation
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Convertisseur Analogique Numérique et Convertisseur Numérique Analogique.

Le rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes sur les enjeux européens de la numérisation de l’écrit définit la numérisation d’un document comme « l’opération consistant à transformer un document physique en impulsions électriques par codification des intensités lumineuses et de la colorimétrie d’un document »[4]. Il s’agit donc d’un processus de conversion d'un signal analogique en un signal numérique[5], permettant de transformer le document numérisé en document sous forme électronique.

Un scanner à plat.
Vidéo du processus de numérisation et de reconnaissance optique de caractères (OCR) en temps réel avec un scanner portable.

Le scanner à plat est le procédé de numérisation le plus utilisé : le document est placé sur une vitre à travers laquelle il est éclairé au moyen d’un balayage lumineux. La lumière ainsi émise, réfléchie par le document, converge vers un capteur qui la transforme en signal électrique transmis à l’ordinateur, qui procède ensuite à la recomposition de l’image sous forme numérique[6]. Le processus de numérisation comprend une étape d’océrisation, par laquelle un logiciel de reconnaissance des caractères transforme automatiquement l’image scannée en fichier texte, afin de permettre son exploitation informatique, en particulier la recherche au sein du contenu textuel et la création de tables de navigation[7]. Bien qu’elle comporte inévitablement des erreurs de retranscription, liées notamment à la qualité de la numérisation, aux polices utilisées et à la forme du texte, la technique de reconnaissance optique des caractères permet ainsi de gagner un temps considérable, la saisie manuelle étant particulièrement longue et fastidieuse. Néanmoins, le scanner à plat a rapidement semblé inadapté à la numérisation d’ouvrages anciens, non seulement parce qu’il risque de les abîmer, puisqu’il implique d’écraser le livre sur une plaque en verre, mais aussi parce que l’image obtenue n’est pas nécessairement plane en raison de la courbure des pages, plus ou moins importante selon la reliure du livre, ce qui peut empêcher le logiciel de reconnaissance des caractères d’identifier les lettres et les chiffres imprimés sur les pages numérisées.

Ainsi, dans le contexte de la numérisation de masse, de nouveaux scanners ont été conçus pour numériser les livres avec soin et rapidité. Afin de réduire les manipulations et neutraliser la courbure des pages, la société Google a mis au point un nouveau procédé de numérisation des livres, qui fait l’objet d’un brevet : le livre est simplement ouvert, déposé sur un support comprenant un robot tournant délicatement les pages, et deux caméras infrarouges placées au-dessus le modélisent en trois dimensions en corrigeant en temps réel la courbure des pages lors de la numérisation[8]. Ce dispositif permet de numériser environ 1 000 pages par heure[9].

Les projets de bibliothèques numériques
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La Tour de Babel vue par Pieter Brueghel l'Ancien au XVi siècle.
Michael Hart (à gauche), créateur du projet Gutemberg, et Gregory Newby.

Le « rêve babélien » de la construction « d’une grande bibliothèque numérique regroupant et diffusant l'intégralité du savoir humain »[10] est relativement ancien. Ainsi, dès 1971, avant même la création d’internet, la première bibliothèque numérique, nommée « projet Gutenberg », voit le jour[11]. La volonté de son créateur, Michael Hart, un étudiant américain, est d’encourager la création et la distribution de livres sous forme électronique (ebooks) afin de les diffuser gratuitement dans le monde entier. Les livres ainsi numérisés relèvent pour l’essentiel du domaine public et sont à l’origine principalement anglais. Le statut de l’œuvre est soigneusement vérifié, et les livres encore protégés ne sont utilisés qu’avec l’accord des ayants droit. Le projet s’est ensuite étendu aux autres langues et comprend désormais plus de 50 000 livres disponibles.

Cette initiative en a inspiré bien d’autres. Ainsi, en France, la Bibliothèque nationale de France (BnF) lance dès 1997 la bibliothèque numérique Gallica. Les documents numérisés, provenant principalement des fonds propres de la Bibliothèque nationale, sont alors disponibles en mode image. La numérisation concerne essentiellement les œuvres du XIXe siècle. Si Gallica se veut à l’origine une bibliothèque numérique sélective à vocation encyclopédique[12], elle évolue néanmoins profondément à partir de 2005, en riposte au projet de numérisation trop ambitieux du futur géant du web, Google. Le président de la Bibliothèque nationale de France, Jean-Noël Jeanneney, met en garde « contre les risques d'un quasi-monopole consenti à une entreprise commerciale tentée par les vertiges de la toute-puissance »[13] et appelle à une réaction européenne.

Peinture de Jean-Pierre Louis Laurent Houel intitulée Prise de la Bastille et numérisée dans Gallica.

Gallica se lance ainsi sur le marché de la numérisation de masse, en augmentant considérablement la quantité de documents numérisés, et en passant progressivement au mode texte ; elle conclut également des partenariats avec différentes institutions culturelles afin d’intégrer dans son corpus des œuvres protégées. Parallèlement, comme l’y invitait M. Jeanneney, est créée en 2008 Europeana, la bibliothèque numérique européenne, dans l’objectif de rendre accessibles au public les ressources culturelles et scientifiques du patrimoine européen. Plus de 3 000 institutions ont contribué au projet, parmi lesquelles la Bibliothèque nationale de France, le musée du Louvre ou encore la British Library, bibliothèque nationale du Royaume-Uni.

Différents appareils (téléphone portable, liseuses et tablettes tactiles) utilisant diverses applications pour la lecture de livres numériques.

Europeana n’est pas un projet de numérisation en tant que tel mais un portail regroupant les œuvres numérisées par les établissements culturels nationaux des États membres. Plus de 50 millions d’œuvres de toute nature et provenant de toute l’Europe ont ainsi été répertoriées et sont accessibles depuis le site de la bibliothèque européenne[14]. Une bibliothèque numérique mondiale (World Digital Library) a également été lancée un an plus tard par l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO)[15]. Elle est cependant d’une faible envergure avec moins de 15 000 documents numérisés. De fait, elle s’attache surtout à recueillir des documents historiques de très grande valeur.

Force est de constater que les projets de grande ampleur ont véritablement émergé sous l’impulsion des moteurs de recherche, au premier rang desquels figure Google. Avec son projet Google Books (ou Google Livres) lancé en 2004, la célèbre entreprise américaine, bénéficiant de ressources considérables, a effectivement contribué à façonner l’univers du livre numérique, en amenant les pays à réfléchir sur les stratégies, aussi bien juridiques que bibliothéconomiques, à adopter afin de contrecarrer ses plans hégémoniques, et l’utilisation d’œuvres protégées a notamment permis de mettre en lumière la problématique des œuvres orphelines.

L’intrépide Google et son projet de numérisation massive
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Larry Page au Parlement européen le 17 juin 2009.

Selon l’omniscient Google, la Terre abrite pas moins de 129 864 880 livres différents[16]. En 2002, quatre ans après la création de l’entreprise, les créateurs de Google développent en secret un projet de numérisation de masse, en s’inspirant des projets précédents, tels que le « projet Gutenberg ». Le premier objectif est de réduire considérablement le temps nécessaire à la numérisation. De nombreux experts sont consultés et de nouvelles technologies sont étudiées. Larry Page, cofondateur de Google, rend notamment visite à l’Université du Michigan, qui utilise de nouveaux systèmes d’archivage et de numérisation. Lorsque la présidente de l’université lui indique que la numérisation des sept millions de volumes de la bibliothèque universitaire devrait nécessiter un millier d’années, il lui rétorque que Google devrait pouvoir le faire en six ans[17].

Schéma du processus de numérisation manuelle

Dès 2003, Google met en œuvre de nouvelles techniques permettant de numériser les livres bien plus rapidement sans les détériorer . Les ingénieurs perfectionnent également les logiciels de reconnaissance optique des caractères afin de prendre en considération notamment les différentes tailles et polices de caractères, même les plus anciennes et inhabituelles, et ce dans 430 langues différentes .

Google Books est aujourd’hui, avec plus de 25 millions de livres numérisés, l’une des plus grandes bibliothèques numériques du monde, ainsi que la plus connue. Cependant, Google a entrepris la numérisation de millions de livres sans se soucier de savoir s’ils étaient ou non dans le domaine public, ce qui a inévitablement conduit à de nombreuses actions en justice. En 2005, une société d’auteurs, The Authors Guild, et une société d’éditeurs, The Association of American Publishers, ont engagé un recours collectif (class action) contre Google pour violation massive du droit d’auteur. L’entreprise s’est défendue en invoquant le fair use : la bibliothèque numérique, qui ne présente qu’une partie des œuvres, ne porte pas atteinte à leur valeur économique. De plus, Google a mis en avant le fait que son projet permettait de préserver les œuvres orphelines ou épuisées et de les populariser à travers le monde.

Un règlement, connu sous le nom de Google Book Settlement, a finalement été conclu entre les deux sociétés et Google le 28 octobre 2008, et ne concernait que les livres enregistrés ou publiés en Australie, au Canada, aux États-Unis ou au Royaume-Uni avant le 5 janvier 2009. Selon les termes de l’accord, les auteurs et les éditeurs peuvent, à leur demande, sortir du projet (opt-out) et réclamer entre 60 et 300 dollars par livre numérisé. Google perçoit 37 % des revenus provenant de l’exploitation des livres numérisés, les 63 % restants revenant aux auteurs et ayants droit qui maintiennent leurs œuvres dans la bibliothèque virtuelle. Le coût initial de l’accord est estimé à 125 millions de dollars, notamment destinés à dédommager les ayants droit et à financer un registre des droits.

L’accord permet essentiellement à Google de mettre en ligne des livres dont l’édition est épuisée (ce qui inclut les œuvres orphelines) dès lors que les titulaires de droits n’ont pas exercé leur faculté de retrait : par défaut, les auteurs et éditeurs sont effectivement couverts par l’accord. L’opt-out (ou option de retrait) repose sur l’idée selon laquelle le consentement de l’auteur serait supposé. Aucune autorisation préalable n’est donc requise pour la mise en ligne des livres, sauf s’ils sont toujours exploités commercialement. Une partie des revenus provenant de l’exploitation des œuvres qui n’ont pas été revendiquées pendant cinq ans sera consacrée à la recherche des ayants droit : après dix ans, les revenus seront versés à des associations caritatives relevant des quatre pays couverts par l’accord. De plus, les librairies concurrentes, comme Amazon, pourront commercialiser les œuvres épuisées contenues dans le catalogue Google Books.

Cet accord a finalement été rejeté par la justice américaine le 22 mars 2011, car il octroyait à Google des prérogatives trop importantes, relevant en principe de la compétence du législateur. Le mécanisme de l’opt-out, permettant à Google de s’approprier les œuvres, a effectivement été jugé contraire aux fondements du copyright. Comme le souligne Lionel Maurel : « ce procédé du "qui ne dit mot consent ", qui devait faire la preuve de la bonne foi de Google renverse en fait les règles classiques du droit d’auteur qui exigent que l’accord explicite des ayants droit soit recueilli préalablement à toute reproduction et utilisation de leurs œuvres »[10]. De plus, la cour relève qu’un simple règlement entre parties privées ne saurait trancher la question du traitement des œuvres orphelines ou non réclamées.

Entretemps, les bibliothèques et les musées, qui s’engageaient sur la voie de la numérisation massive de leurs collections, étaient bloqués par l’impossibilité technique de demander l’autorisation des ayants droit et réclamaient ainsi la création d’un nouveau statut juridique afin de pouvoir numériser les œuvres anciennes en toute sécurité. Dans ce contexte, le Copyright Office a réalisé un rapport en 2006 sur les œuvres orphelines, dans lequel il déclarait urgente l’instauration d’une législation spécifique à ces œuvres. L’affaire eut un rayonnement international, et de nombreux pays ont par la suite commencé à intégrer la notion d’œuvre orpheline dans leur législation.

La prise en considération du phénomène

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Une définition aux contours ambigus
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La définition de l’œuvre orpheline n’est pas harmonisée au niveau international. Selon une définition classique, une œuvre est orpheline lorsque son auteur ne peut être identifié ou retrouvé. Le critère commun à l’ensemble des législations est ainsi l’obligation de réaliser des recherches afin d’identifier ou de localiser le titulaire des droits. De nombreuses précisions sont venues étoffer cette définition, plus ou moins fluctuante.

En premier lieu, s’est posée la question de savoir si les œuvres non publiées devaient également être incluses dans la définition. Il existe à cet égard des points de vue divergents. Certaines institutions culturelles ont estimé qu’il était souhaitable d’inclure les œuvres non publiées, car il est dans ce cas encore plus difficile de rechercher les ayants droit. Mais afin de respecter le droit moral de l’auteur, la plupart des législations, notamment européennes, considèrent que les œuvres non publiées sont exclues de la notion. A contrario, d’autres pays accordent une place moins importante au droit moral. L’Inde a par exemple prévu un régime spécifique aux œuvres orphelines non publiées[18]. Par ailleurs, aux États-Unis, le Copyright Office a estimé que cette distinction ne ferait que complexifier la notion, car il est dans bien des cas difficile de savoir si une œuvre est véritablement publiée ou non.

Les adjectifs qualifiant la recherche varient également selon les législations. Celle-ci est le plus souvent qualifiée de « diligente ». C’est d’ailleurs ce terme que reprend la directive européenne 2012/28/EU du 25 octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines . Selon le Dictionnaire de l’Académie française, la diligence renvoie à la « promptitude dans l'exécution d'une chose ». La législation française est plus pointilleuse et exige des recherches « diligentes, avérées et sérieuses ». Cette succession de termes semble cependant redondante ; les deux derniers, qui ne sont pas prévus par la directive, n’ajoutent au demeurant aucune condition supplémentaire.

Le rapport américain de 2006 sur les œuvres orphelines préconisait une « recherche raisonnablement diligente » (reasonably diligent search)[19]. Le régime canadien exige quant à lui que l’intéressé fasse « son possible, dans les circonstances » pour retrouver l’ayant droit[20]. La version anglaise du texte évoque des « efforts raisonnables » (reasonable efforts). La condition de recherche diligente est parfois complétée par l’exigence qu’elle soit réalisée de « bonne foi ».

De nombreuses définitions précisent qu’il doit s’agir d’une œuvre protégée. Mais cette précision ne semble pas pertinente s’agissant des droits patrimoniaux, car à défaut de connaître la date du décès de l’auteur, ce qui est relativement fréquent, il est impossible de déterminer si l’œuvre fait encore l’objet d’une protection. Une œuvre orpheline n’est donc pas forcément une œuvre protégée. De même, comme le souligne Bernard Lang[21], une telle précision introduit une complexité supplémentaire ou nécessiterait du moins un texte plus précis : l’orphanité[22] de l’œuvre peut en effet concerner à la fois les droits patrimoniaux et les droits moraux de l’auteur, ou bien seulement l’un de ces deux attributs.

Certaines institutions ont émis des critiques sur le concept même d’œuvre orpheline. En effet, le terme d’orphelin appliqué à une œuvre semble inapproprié : une œuvre a toujours un parent, même s’il l’ignore : il suffit par exemple qu’un héritier, même éloigné, se manifeste pour mettre fin au statut. L’orphelinisme de l’œuvre n’est par conséquent jamais définitif. Il serait préférable de parler simplement « d’ayant droit non connu ou introuvable ».

Le Syndicat national des auteurs et diffuseurs d'images (Snadi), considérant justement que la définition couramment donnée de l’œuvre orpheline ne tenait pas compte du fait qu’une œuvre n’est pas orpheline par essence, et qu’une telle qualification, éminemment réversible, relevait d’une simple appréciation, proposait la formule suivante : « Est dite orpheline une œuvre figurant au répertoire (français ou européen) des œuvres dites orphelines. Cette qualification est acquise dès l’inscription de l’œuvre à ce Répertoire, et perdure tant qu’elle n’en est pas radiée »[23]. Une telle définition apparait toutefois tautologique et inutilement complexe.

Distinction avec d’autres notions
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Les œuvres épuisées (ou indisponibles) se distinguent des œuvres orphelines. En effet, les œuvres épuisées ne sont plus commercialisées mais leurs auteurs sont connus. Les œuvres orphelines ne sont plus commercialisées et leurs auteurs sont en revanche inconnus. Ainsi, toutes les œuvres épuisées ne pas pour autant des œuvres orphelines. Évidemment, plus une œuvre est ancienne, plus elle est susceptible de devenir orpheline, a fortiori lorsqu’elle n’a jamais été publiée. Une œuvre orpheline se différencie également d’une œuvre anonyme ou pseudonyme. L’auteur est en effet libre de conserver l’anonymat ou de publier son œuvre sous un pseudonyme, auquel cas l’éditeur le représentera. En France, le Code de la propriété intellectuelle prévoit que les auteurs d’œuvres anonymes ou pseudonymes sont représentés dans l'exercice de leurs droits par « l'éditeur ou le publicateur originaire, tant qu'ils n'ont pas fait connaître leur identité civile et justifié de leur qualité »[24]. Une œuvre anonyme ou pseudonyme ne devient ainsi orpheline que lorsque l’éditeur ou le publicateur ne peut être identifié ou localisé.

L’œuvre partiellement orpheline
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La multiplicité d’auteurs ou d’ayants droit rend complexe la libération des droits. L’utilisateur potentiel doit alors préalablement rechercher chacun des titulaires afin d’obtenir les autorisations requises. Plus ils sont nombreux, plus la tâche d’identification s’avère difficile. Stef van Gompel, professeur à l’Institute for Information Law (IViR) de l’Université d’Amsterdam, observe fort justement que « la probabilité en pratique qu’une œuvre dont la propriété est multiple devienne en partie “orpheline” sera par conséquent plus élevée que si l’œuvre est détenue par un seul et unique ayant droit »[25].

Les situations de blocage concernent ainsi essentiellement les œuvres dites partiellement orphelines. L’expression de « droits orphelins » avait d’ailleurs été envisagée en France afin d’appréhender la diversité des situations juridiques, notamment lorsqu’un ou plusieurs titulaires de droits sont introuvables ; mais c’est finalement l’expression d’ « œuvre orpheline » qui a été retenue par commodité[26]. Le ministère de la justice considérait que la notion de « droit orphelin » aurait été plus précise, puisque les œuvres peuvent donner lieu à différents droits de propriété intellectuelle. Du reste, la définition retenue par la directive ne distingue pas selon que l’œuvre est totalement ou partiellement orpheline, mais elle fait référence à cette terminologie par la mention « un ou plusieurs titulaires de droit ».

Différentes situations peuvent être à l’origine d’une propriété multiple. Le plus simplement, lorsque l’œuvre a été créée par une pluralité d’auteurs qui sont conjointement investis des droits sur l’œuvre par loi. Dans la plupart des États membres de l’Union européenne, cette situation se traduit à travers la notion d’œuvre de collaboration, et concerne notamment le cas des films et des œuvres audiovisuelles.

L’extension du domaine classique de la propriété littéraire et artistique n’a fait qu’accentuer la problématique des œuvres orphelines détenues par plusieurs titulaires de droits. De nouvelles catégories d’auteurs et de titulaires sont en effet apparues, comme les développeurs informatiques ou encore les producteurs de bases de données. L’allongement de la durée de protection de vingt ans pour l’ensemble des États membres est également une cause d’aggravation[27]. Les informations relatives aux droits peuvent en effet évoluer ou être perdues avec le temps, qui génère une fragmentation croissante des droits. La pluralité de propriétaires peut découler tout simplement d’une succession, lorsque les droits d’auteur sont transmis à plusieurs héritiers.

Evolution comparée de la durée du droit d'auteur et de l'espérance de vie.

Le nombre de titulaires peut aussi être augmenté en vertu d’une disposition légale. Par exemple, lorsqu’une œuvre initiale est adaptée, traduite ou transformée par une autre personne, celle-ci est alors investie des droits d’auteur sur l’œuvre dérivée, sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante. De même, de nombreux pays prévoient qu’en cas d’adaptation d’une œuvre audiovisuelle, l’auteur de l’œuvre originaire est de plein droit auteur de l’œuvre nouvelle, ce qui a pour effet d’augmenter le nombre de titulaires à chaque adaptation. Le transfert de droits est un autre facteur qui alourdit la recherche des titulaires. Le transfert peut être total ou partiel, et peut concerner certaines utilisations de l’œuvre ou encore être limité pour une durée déterminée. Quelle que soit la situation, le consentement de chacun des titulaires doit en principe être obtenu afin de pouvoir utiliser l’œuvre. Si un seul des titulaires est introuvable, c’est l’ensemble de l’œuvre qui ne peut être utilisée.

C’est précisément en raison de ces difficultés à retrouver les divers ayants droit d’une œuvre orpheline que de nombreux organismes ont considéré que l’instauration d’une exception était d’autant plus justifiée. Mais il y a lieu de se montrer prudent. Le simple fait qu’il y ait plusieurs ayants droit ne suffit pas à justifier une exception ou limitation législative. Toute solution légale au problème des œuvres orphelines ne doit en aucun cas être un moyen de permettre aux utilisateurs peu scrupuleux d’éviter d’avoir à réaliser des recherches. Les utilisateurs potentiels peuvent d’ailleurs privilégier d’autres solutions : ils peuvent tout simplement utiliser une œuvre similaire relevant du domaine public ou dont l’auteur est identifié et susceptible d’accorder une autorisation. Certaines bibliothèques numériques ne contiennent que de très vieux ouvrages, dont on peut raisonnablement penser qu’ils ne font plus l’objet d’aucune protection.

Symbole, sans valeur juridique, utilisé pour indiquer qu'une œuvre est dans le domaine public.

L’ampleur et la nature du problème des œuvres orphelines

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Les catégories d’œuvres concernées
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Le phénomène des œuvres orphelines n’épargne aucun domaine de la propriété littéraire et artistique, même si certains sont bien plus touchés que d’autres. L’ampleur du problème s’avère difficile à quantifier. En pratique, la quantité est évaluée au fur et à mesure de l’avancement des différents projets de numérisation. Rien qu’au Royaume-Uni, le nombre d’œuvres orphelines présentes dans les collections des institutions culturelles serait de 50 millions[28]. La British Library estime quant à elle que ses collections (comportant 150 millions d’éléments) contiendraient 40 % d’œuvres orphelines (cependant, elle intègre également les œuvres non publiées)[29].

Les œuvres textuelles
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Les œuvres orphelines sont abondantes dans les secteurs du livre et de la presse. Les écrits récents devraient a priori être moins concernés par le phénomène, depuis la création d’identifiants internationaux, notamment le Numéro international normalisé des publications en série ou International Standard Serial Number (ISSN) créé en 1970 pour les revues, et le Numéro international normalisé du livre ou International Standard Book Number (ISBN) créé en 1972 pour les livres. Selon une étude publiée par la Commission européenne en 2010, le nombre de livres orphelins à travers l’Europe est estimé à trois millions (ce qui représente 13 % des livres protégés)[30]. Aux États-Unis, les études réalisées estiment que 17 à 25 % des livres sont orphelins[31].

Numérisation d'un manuscrit

Pour les journaux, la situation est bien plus délicate en raison du nombre de contributions et donc de titulaires différents. L’identification d’un titulaire (journaliste, photographe ou encore illustrateur) dépend principalement de la qualité de l’attribution des droits figurant dans le journal. Or, de nombreux contributeurs ne sont pas crédités ou sont crédités d’une manière insuffisante (initiales ou pseudonymes), ce qui rend la tâche de recherche et d’identification particulièrement difficile, sinon impossible. Selon une étude réalisée par la British Library en 2009, 95 % des journaux anglais publiés avant 1912 sont orphelins[30].

Les traductions comportent également un certain nombre d’œuvres orphelines. Le problème se pose d’ailleurs avec une acuité particulière en Europe[32]. Il ne faut pas oublier que les traductions sont protégées, indépendamment de l’œuvre première, si elles sont originales. L’article 2(3) de la Convention de Berne précise que « sont protégés comme des œuvres originales, sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale, les traductions, adaptations, arrangements de musique et autres transformations d’une œuvre littéraire ou artistique ». Par exemple, lorsqu’un ouvrage scientifique regroupe de nombreuses contributions étrangères, il arrive fréquemment que les traducteurs de certaines d’entre elles soient inconnus. Une traduction peut donc devenir orpheline alors même que le texte originel ne l’est pas.

Signataires de la Convention de Berne (en bleu).

Le problème des œuvres orpheline est plus important encore pour les œuvres de littérature grise, c’est-à-dire « les œuvres produites par les instances du gouvernement, de l’enseignement et la recherche publique, du commerce et de l’industrie, sous un format papier ou numérique, et qui ne sont pas contrôlées par l’édition commerciale »[33]. L’Association française de normalisation (AFNOR) définit la littérature grise comme tout « document dactylographié ou imprimé, souvent à caractère provisoire, reproduit et diffusé à un nombre d’exemplaires inférieur au millier, en dehors des circuits commerciaux de l’édition et de la diffusion ». Ces œuvres sont à la frontière des œuvres publiées et non publiées, et regroupent traditionnellement les thèses, les mémoires, les conférences ou encore les rapports d’étude, provenant aussi bien du secteur public que privé. Leurs auteurs ne sont habituellement pas représentés par une société de gestion de droits. Le processus de recherche et d’identification des titulaires a été considéré comme trop lourd au regard de la valeur économique particulièrement faible de ces œuvres.

Les œuvres visuelles
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Les œuvres visuelles sont probablement les créations comptant le plus d’œuvres orphelines. En outre, elles sont souvent incorporées dans des films ou dans des œuvres littéraires (notamment les journaux, les publications scientifiques ou encore les livres pour enfants). Cependant, si un film ou un livre est identifié comme une œuvre orpheline, l’image qu’il contient ne l’est pas nécessairement.

Les photographies constituent l’essentiel des œuvres visuelles orphelines[34]. Les institutions culturelles détiennent un fonds important de photographies, provenant notamment de donations, mais l’immense partie ne peut être exploitée en l’absence de précisions de la part des légataires concernant les éventuelles utilisations. Selon une étude réalisée au Royaume-Uni, la proportion d’œuvres orphelines parmi les collections photographiques des musées et des archives britanniques (environ 19 millions d’éléments) est estimée à 90 %[35]. Les photographes non professionnels sont particulièrement difficiles à identifier. Pour les photographies non publiées, les titulaires de droits retrouvés ne représentent qu’un très faible pourcentage (1 %)[36].

Les œuvres visuelles peuvent circuler librement et à grande échelle grâce aux nouvelles technologies. Une observation de bon sens permet d’ailleurs d’illustrer la simplicité avec laquelle ces œuvres ont propension à sombrer dans l’orphelinage : il se trouve que des millions d'images protégées sont produites chaque jour et publiées sur Internet, où elles constituent effectivement le contenu le plus largement diffusé. Mais les droits d’auteur afférents à ces créations ne sont généralement pas indiqués de manière précise, si bien qu’un nombre croissant et considérable d’images sont potentiellement orphelines.

La problématique des images orphelines se pose depuis de nombreuses années. En France, une pratique très répandue dans le domaine de la presse consiste à apposer la mention « droits réservés » (ou DR) en lieu et place du nom de l'auteur, lorsque celui-ci est inconnu. Cependant, une telle pratique n’a aucune valeur légale et ne saurait en théorie exonérer l’éditeur de sa responsabilité : l'absence de mention du nom de l‘auteur constitue en effet un délit de contrefaçon[37]. L’auteur jouit, au titre de son droit moral, du droit au respect de son nom et de sa qualité, conformément aux dispositions de l’article L.121-1 du Code de la propriété intellectuelle. De même, toute publication d’une image faite sans le consentement de son auteur est illicite[38].

Pour autant, cette pratique est tolérée depuis longtemps pour les œuvres orphelines. Le Groupement des éditeurs de services en ligne (GESTE) appelle à « un usage responsable de la mention DR »[39] et émet des recommandations. L’éditeur doit ainsi réaliser des recherches sérieuses afin d’identifier l’auteur de l’image, et ce n’est que lorsqu’elles s’avèrent infructueuses que la mention peut éventuellement être utilisée, auquel cas l’éditeur doit normalement provisionner une somme d’argent destinée à dédommager l’auteur qui réapparaitrait. L’avocat Emmanuel Pierrat observe que « la mention DR n'est assimilée par la jurisprudence qu'à une sorte de maquillage candide d'une violation des règles élémentaires de propriété littéraire et artistique, faisant croire que de l’argent est réservé dans l’attente d’identifier l’auteur de l’image volée »[40]. Il est en effet apparu que les organes de presse ne pratiquaient pas nécessairement cette provision, dont la détermination manque par ailleurs profondément de transparence.

L’usage abusif de la mention « droits réservés » a été dénoncé par de nombreuses organisations professionnelles de photographes, notamment par le Syndicat national des auteurs et diffuseurs d'images (SNADI), qui la qualifie de « belle formule pour éviter de payer la création et réduire au maximum les coûts de production »[41]. Les œuvres orphelines ne représenteraient que 20 % des images publiées avec la mention « DR »[42].

Comme le souligne le directeur général de la Société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe (SAIF), « le DR est devenu une pratique éditoriale généralisée »[43], qui ne cesse de prendre de l’ampleur, notamment sur internet, à tel point qu’il est ironiquement rebaptisé « Droit à Rien ». Cette mention constitue en effet un moyen pratique pour les éditeurs de s’affranchir de leurs obligations légales : l’utilisation d’un simple sigle leur permet d’éviter non seulement d’avoir à rechercher l’auteur de l’image, mais aussi de le rémunérer pour l’exploitation qui en sera faite. La sénatrice Marie-Christine Blandin résumait avec justesse les dérives de ce système : « loin de s’évertuer à chercher la signature possible, nombre de services utilisent cette facilité, par économie de temps et parfois de moyens. La commodité se transmet d’iconographes mal formés en stagiaires mal avertis dans le dialogue raccourci d’une grande banalité : “C’est qui le photographe ? Ne perds pas de temps, écris DR !“ »[44]. Par ailleurs, il est peu probable que l’auteur s’aperçoive que son image a été utilisée, puisque son nom n’est pas mentionné. De plus, le nombre de procédures engagées est relativement faible (les frais de justice étant très élevés et le résultat aléatoire).

C’est dans ce contexte qu’a été proposée en 2010 une loi relative aux œuvres visuelles orphelines, afin de remédier à l’utilisation abusive de la mention « droits réservés »[45]. La proposition de loi introduisait une définition de l’œuvre orpheline et mettait en place un système de gestion collective obligatoire : une société de perception et de répartition des droits, agréée par le ministère de la Culture, délivrerait les autorisations d’exploitation des œuvres visuelles orphelines aux utilisateurs, qui devront donc préalablement réaliser des recherches effectives et sérieuses, et négocierait avec eux les barèmes des rémunérations dues pour l’exploitation de ces œuvres. Les sommes ainsi récoltées par la société de perception et de répartition des droits seraient reversées aux auteurs dès lors qu’ils se manifesteraient ou seraient identifiés. Enfin, il était prévu que les sommes non réclamées à l’issue d’un délai de dix ans seraient reversées à des « actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes ». Cependant, cette proposition de loi, qui a été largement vidée de sa substance lors des débats au Sénat, n’a pas abouti[46].

Les œuvres audiovisuelles
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Le phénomène des œuvres orphelines est limité dans le domaine audiovisuel. En Europe notamment, les législations des Etats membres instituent une présomption de cession des droits des auteurs et des artistes-interprètes au profit du producteur[47]. De plus, l’immatriculation des producteurs, rendue obligatoire, a permis d’atténuer considérablement les problèmes d’identification des œuvres[48].

Les œuvres orphelines sont essentiellement des films documentaires ou provenant des milieux associatifs. L’Association des Cinémathèques Européennes a estimé que 21 % des films conservés dans les archives cinématographiques et les cinémathèques européennes sont orphelins (soit 225 000), parmi lesquels 60 % ont été réalisés avant 1950, et 34 % sont des films non fictionnels[49]. Les téléfilms et les programmes de télévision sont également peu concernés par le problème des œuvres orphelines. À titre d’exemple, l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA) estime que 10 % des fictions et programmes télévisés contenus dans ses collections sont potentiellement orphelins[50]. Le volume d’œuvres orphelines est de manière générale plus élevé pour les œuvres dont la valeur marchande est très faible, comme les films amateurs, indépendants ou encore pédagogiques.

La problématique des œuvres orphelines est néanmoins complexe dans le secteur de l’audiovisuel en raison du nombre élevé de personnes généralement impliquées dans la création de l’œuvre. La réalisation d’un film implique en effet une multitude de contributeurs, que sont les producteurs, les scénaristes ou encore les réalisateurs. De plus, les contributions peuvent englober différentes nationalités. Par ailleurs, comme indiqué précédemment, les images protégées incorporées au sein des œuvres audiovisuelles génèrent souvent des situations d’« orphelinage partiel ».

En droit français, l’œuvre audiovisuelle constitue une œuvre de collaboration, c’est-à-dire une œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Le Code de la propriété intellectuelle énumère cinq coauteurs présumés de l’œuvre audiovisuelle : l'auteur du scénario, l'auteur de l'adaptation, l'auteur du texte parlé, l'auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l'œuvre, et le réalisateur. Le producteur n’a pas la qualité d’auteur. En revanche, dans les pays appliquant le copyright, le producteur est également coauteur de l’œuvre audiovisuelle. Aux États-Unis, les œuvres audiovisuelles relèvent du régime des « works made for hire » (œuvres créées dans le cadre d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service) : le producteur est, dès l’origine, investi de la qualité d’auteur.

La libération ou clarification des droits (rights clearance) peut donc être particulièrement difficile si ceux-ci n’ont pas été transmis au producteur. L’autorisation d’exploitation de l’œuvre est effectivement plus simple à obtenir si les droits sont concentrés entre les mains d’une seule personne, le producteur, par le mécanisme de présomption de cession des droits. Cependant, l’étendue des droits cédés au producteur varie selon les législations nationales. En France par exemple, les droits graphiques et théâtraux sur l’œuvre sont hors du champ de la cession[51].

Diverses situations peuvent donner naissance à une œuvre orpheline : lorsque la société de production disparait, sans répartir clairement les actifs ; lorsque les titulaires de droits déménagent sans indiquer leur nouvelle adresse, ou encore lorsqu’ils meurent sans porter à la connaissance des héritiers l’existence de leurs droits sur l’œuvre[52]. Dans tous les cas, il suffit qu’un seul des titulaires de droits ne soit pas retrouvé pour bloquer l’utilisation de l’ensemble de l’œuvre.

Les œuvres sonores
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Les œuvres orphelines sonores concernent principalement les enregistrements d’histoires ou de musiques traditionnelles, ou encore les interviews « micro-trottoir ». Le phénomène des œuvres orphelines dans l’industrie musicale est extrêmement limité. La gestion collective volontaire est en effet très répandue pour les auteurs d’œuvres musicales : les titulaires de droits, tels que les compositeurs et paroliers, pourront donc a priori être facilement identifiés ou localisés.

Comme le souligne le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), avec la généralisation de la gestion collective, et les accords de réciprocité ou contrats de représentation conclus entre les différentes sociétés d’auteurs du monde entier, les œuvres musicales enregistrées auprès des sociétés de gestion collective représentent la quasi-totalité du répertoire musical mondial[53]. Les problèmes d’orphelinage sont donc très rares. En France par exemple, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) n’a jamais été confrontée à un cas d’œuvre orpheline. En pratique, les œuvres musicales orphelines proviennent de compositeurs amateurs qui ne sont pas membres d’une société de gestion, et dont les œuvres ne sont plus disponibles dans le commerce. Par ailleurs, l’immense majorité des artistes-interprètes sont inscrits auprès d’une société de gestion collective[54], ce qui limite fortement les problèmes d’orphelinisme.

Les enjeux liés à l’exploitation des œuvres orphelines

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La complexité des recherches
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La recherche des titulaires est une tâche longue et délicate. Le Bureau européen des associations de bibliothèques, d'information et de documentation (EBLIDA) donne ainsi l’exemple d’un maître de conférences qui lui avait fait part des difficultés rencontrées. Afin de mieux saisir la complexité du processus de recherche des ayants droit, il apparait utile de retranscrire ici cet exemple :

« Un maitre de conférences avait contacté sa bibliothèque pour lui expliquer qu’il souhaitait inclure un extrait volumineux d’une œuvre protégée dans un document destiné aux étudiants et mis à disposition sur l’intranet de l’université. Il savait que l’autorisation de l’auteur était requise, et que celui-ci était en l’occurrence mort dans les années 80, sans laisser de testament : son patrimoine avait alors été divisé en parts égales entre ses deux neveux, eux-mêmes morts depuis. L’un avait un enfant, l’autre en avait trois. Dans ce contexte, le maître de conférences se demandait s’il était vraiment nécessaire d’obtenir l’autorisation des quatre petits-neveux afin de pouvoir mettre l’extrait en ligne. Légalement, l’autorisation de chacun était bel est bien requise, et le problème d’identification des ayants droit ne fera que s’aggraver au cours des cinquante prochaines années couvertes par le droit d’auteur »[55].

En l’espèce, si un seul des titulaires ne donnait pas suite à la demande, il en résultait que l’extrait ne pouvait tout simplement pas être proposé aux élèves ; et comme le souligne le Bureau, la situation aurait été autrement plus compliquée s’il s’était par exemple agi d’un livre écrit dans les 20 par un auteur dont les dates de naissance et de décès sont inconnues.

Avant d’entreprendre des recherches, l’institution culturelle doit en premier lieu déterminer si l’exploitation de l’œuvre en question doit faire l’objet d’une autorisation. S’il semble peu vraisemblable que l’œuvre soit tombée dans le domaine public, il convient de rechercher les éventuelles exceptions ou limitations légales qui pourraient trouver à s’appliquer à la situation. Si aucune ne peut être invoquée, l’institution doit alors procéder à la recherche de l’auteur ou des ayants droit, et vérifier également s’il n’existe pas de droits voisins sur l’œuvre. Après avoir localisé le ou les titulaires, l’institution doit les contacter afin d’obtenir une autorisation d’exploitation, et de négocier les modalités et l’étendue de celle-ci. Si le titulaire a transféré son droit à un éditeur ou à une société de gestion des droits, celle-ci pourra éventuellement attribuer une licence. Les registres des sociétés de gestion ne comportent généralement aucune information sur les droits en matière de littérature grise (englobant notamment les œuvres publiées par des éditeurs non professionnels, ou encore les œuvres non publiées, telles que les photographies amateurs)[56]. Dans ces cas-là, la recherche des auteurs ou de leurs héritiers s’avère particulièrement longue, et elle n’a que très peu de chances d’aboutir : le créateur peut ne même pas être « conscient » de sa qualité d’auteur (ou ne s’en préoccupe guère).

Les recherches représentent également un poste de dépenses important, et le résultat n’est souvent pas à la hauteur des investissements. Dans son mémoire en réponse à l’Avis d’enquête du Copyright Office, la bibliothèque de l’Université Cornell (New York) indiquait que la recherche des titulaires de droits relatifs à 343 monographies, identifiées comme protégées par le droit d’auteur mais commercialement indisponibles, lui a coûté plus de 50 000 $ (soit plus de 44 000 €), et elle n’est pas parvenue à identifier plus de la moitié des titulaires (58 %)[57]. Selon une étude réalisée par la bibliothèque de l’Université Carnegie-Mellon (Pennsylvanie), les coûts de transaction pour obtenir l’autorisation de numériser et de mettre à la disposition du public 278 livres rares étaient de 56 € par livre. Cette somme n’inclut pas les frais d’expertise. Ainsi, le coût total de recherche par livre était approximativement de 145 €[58]. Par ailleurs, pour les œuvres littéraires, la British Library a estimé que dans le cadre d’un programme de numérisation de masse, le coût de la numérisation était de 1,4 € par page de journal, 20 centimes par page de roman, et 5,5 € par page de manuscrit[59]. Les études montrent que plus l’œuvre est ancienne, et partant, moins elle présente de valeur économique, plus la recherche sera lourde et coûteuse.

Différentes raisons peuvent expliquer les problèmes de traçabilité des auteurs ou ayants droit. La plupart des œuvres ne comportent aucune mention sur l’auteur ou la propriété du droit sur l’œuvre. De plus, les informations concernant la titularité des droits ne sont parfois plus valables, notamment en cas de transfert de propriété. Enfin, l’élément qui est probablement le plus problématique est l’absence de registre de droits d’auteur. Il a ainsi été envisagé de mettre en place un système permettant de fournir au public des informations sur la gestion des droits, ce qui permettrait incidemment de réduire les frais de recherche. Cependant, l’instauration d’un dispositif obligeant les auteurs ou titulaires à communiquer des informations sur la propriété de leur œuvre serait contraire à l’article 5(2) de la Convention de Berne, qui consacre le principe selon lequel la jouissance et l’exercice des droits d’auteur ne sont subordonnés à aucune formalité. Il ne pourrait donc tout au plus s’agir que de mesures incitatives. Les auteurs offriraient volontairement des informations sur les droits attachés à leur création, par l’intermédiaire de registres ou bases de données gérés par des sociétés de gestion collective.

Afin de faciliter la gestion et la clarification des droits dans le cadre des programmes de numérisation, le projet ARROW (Accessible Registries of Rights Information and Orphan Works towards Europeana) a été lancé en Europe dès 2008. Créé à l’initiative de bibliothèques nationales, d’associations d’éditeurs et de sociétés de gestion collective, et financé par la Commission européenne, il permettra notamment de soutenir la création de la bibliothèque numérique européenne Europeana. L’objectif est de permettre à tout utilisateur « via une interface développée au niveau européen, de vérifier si une œuvre est disponible, épuisée ou orpheline, et d'obtenir des informations sur les détenteurs de droits »[60]. Les utilisateurs pourront donc établir le statut juridique des œuvres avec une grande rapidité, et ainsi alléger considérablement les coûts de recherche. Les auteurs pourront quant à eux contrôler plus aisément la diffusion de leurs œuvres.

Les titulaires de droits pourraient aussi recourir aux licences Creative Commons ou à des licences similaires afin d’établir les modalités d’utilisation de leurs œuvres. En effet, si les auteurs ou titulaires déterminent par avance les modalités d’utilisation, en précisant expressément les droits qu’ils se réservent, cette précaution faciliterait grandement l’exploitation éventuelle d’œuvres délaissées. Étant donné que les conditions d’utilisation seraient déjà indiquées, un utilisateur potentiel pourrait alors utiliser l’œuvre en toute sécurité sans avoir à rechercher le titulaire pour obtenir sa permission.

Cependant, même si ces solutions, qui pourraient être qualifiées de « préventives », semblent opportunes afin de réduire le nombre d’œuvres orphelines dans le futur, elles demeurent néanmoins inefficaces au regard du problème que posent actuellement les œuvres orphelines particulièrement anciennes. Les institutions culturelles, que sont notamment les bibliothèques et les musées, disposent de moyens financiers limités et ne peuvent donc se permettre de financer à fonds perdu des recherches[61], dont le coût est généralement bien plus élevé que celui de la numérisation. De nombreuses institutions sont ainsi contraintes à renoncer à leur projet d’exploitation faute de financement[62]. Les investisseurs sont en effet réticents en raison de l’incertitude juridique liée à l’utilisation des œuvres orphelines, et notamment quant à la possibilité de les utiliser pour les intégrer dans d’autres œuvres.

L’opposition des titulaires de droits
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Certains auteurs et ayants droit s’opposent fermement à tout projet de législation en faveur de l’utilisation des œuvres orphelines. En effet, ils considèrent qu’une telle législation aurait pour effet de les dépouiller de leurs créations, et reviendrait à instituer une forme de « vol légalisé ». Mark Simon, un artiste américain, dénonçait également l’illusion que représente le critère de la recherche diligente : il suffirait par exemple à un utilisateur potentiel d’effectuer une simple recherche sur un registre et de constater que l’œuvre qu’il recherche n’y est pas répertoriée pour s’empresser de la déclarer orpheline et ainsi se dispenser de toute recherche supplémentaire.

« Moi-même, j’ai été amené à rechercher des artistes afin d’obtenir le droit d’utiliser leurs œuvres dans mes livres. Je sais que les recherches sont longues. Parfois, elles s’avèrent infructueuses. Vous savez alors ce que je fais ? Je n’utilise pas leurs œuvres sans leur permission ! Mon incapacité à trouver un auteur ne me donne pas le droit de porter atteinte à sa création »[63].

De même, en France, la société des Auteurs Dans les Arts Graphiques et Plastiques (ADAGP) appelait à la plus grande prudence. Les solutions envisagées ne pourront que contrevenir aux principes de la propriété littéraire et artistique ; en somme, elles consisteront à « se passer » de l’autorisation des titulaires, qui ne peuvent par hypothèse être retrouvés. Or, comme le souligne l’ADAGP, « le renversement des principes peut bouleverser tout l’édifice de la propriété intellectuelle. Imagine-t-on le séisme que cela serait si l’on faisait la même chose pour la propriété matérielle ? Serait-on d’accord pour permettre à quiconque d’entrer et de s’installer dans tout pavillon ou appartement dont on ne connaît pas le propriétaire ? S’affranchir de la demande d’autorisation pour les œuvres orphelines, est, ne l’oublions pas, qu’une expropriation ! »[64].

La distinction qui serait faite entre les usages réalisés par les entités privées et ceux réalisés par les entités publiques ne semble pas pertinente dans la mesure où celles-ci sont fortement incitées à rentabiliser leur activité, si bien que la frontière entre ces deux types d’utilisateurs aux intérêts divergents tend à se réduire. L’ADAGP réclamait en tout état de cause un régime très strictement encadré, afin d’éviter les « orphelinisations » hâtives, et prenant également en considération le risque pour les autres œuvres protégées.

Si l’organisme institué ou agréé par la loi délivre trop généreusement les autorisations d’exploitation, les œuvres orphelines seraient choisies en priorité par rapport aux autres œuvres protégées, ce qui risquerait d’aboutir à une véritable situation de concurrence déloyale. Ce propos est néanmoins à nuancer. En effet, les œuvres orphelines n’auront probablement pas plus d’impact sur le marché que les œuvres du domaine public, qui sont infiniment plus nombreuses. D’un point de vue marketing, les œuvres de l’esprit ne sont pas a priori aux yeux des consommateurs des « produits substituables ». Qui plus est, comme le souligne l’Association francophone des utilisateurs de logiciels libres (AFUL) « les œuvres orphelines sont peu susceptibles de bénéficier des moyens médiatiques utilisés pour faire connaître les œuvres exploitées commercialement. Enfin, elles tombent dans l'orphelinat (sic) surtout parce qu'elles ont peu de succès et sont donc peu susceptibles de faire ombrage à d'autres œuvres »[65]. Pour autant, elles présentent un intérêt culturel indéniable, notamment pour le monde universitaire.

Si l’œuvre orpheline fait l’objet d’une diffusion trop massive, elle risque de perdre toute valeur commerciale, ce qui priverait le titulaire qui réapparaitrait de la possibilité d’envisager par la suite une exploitation commerciale normale de son œuvre. La contrepartie financière à l’utilisation des œuvres orphelines a dans tous les cas semblé un élément indispensable afin d’éviter une distorsion de concurrence entre les œuvres orphelines et les autres œuvres.

En principe, l’auteur a droit au paiement d’une rémunération pour l’exploitation qui est faite de son œuvre. De nombreux ayants droit considèrent ainsi que l’exploitation d’une œuvre orpheline devrait obligatoirement donner lieu à un tel paiement, par exemple auprès d’une société de gestion collective représentative. Toutefois, les établissements à caractère culturel ont objecté qu’au regard de leur mission d’intérêt général et de leurs fonds limités, aucune rémunération ne devrait être due en dehors du cas où le titulaire des droits réapparaîtrait. Au reste, ils estiment que cette rémunération ne serait pas légitime, car outre le fait que ces œuvres ne présentent bien souvent aucune valeur marchande, elle ne bénéficierait pas personnellement au titulaire des droits, lequel n’a pas été retrouvé, mais aux sociétés de gestion collective.

De plus, en imposant un paiement systématique, les utilisateurs pourraient être amenés à payer pour l’utilisation d’œuvres orphelines qui sont déjà tombées dans le domaine public, étant donné qu’il est dans la plupart des cas impossible de déterminer la date de décès de leurs créateurs. Par ailleurs, les auteurs d’œuvres authentiquement orphelines ont peu de chance d’être un jour retrouvés et donc de jouir des revenus liés à l’exploitation de leur œuvre[66]. À tout le moins, leur intérêt moral peut être satisfait et tient à la diffusion la plus large possible de leur création.

Un équilibre juridique difficile à atteindre
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La question de l’administration des droits des œuvres orphelines a longtemps été laissée de côté, car elle n’était au demeurant pas d’un grand intérêt : ces œuvres, pour la plupart anciennes et oubliées, n’avaient de toute façon aucune perspective d’exploitation, notamment en raison de leur infime valeur économique. Mais l’émergence de nouvelles technologies associées aux projets de numérisation de masse a permis d’envisager de nouvelles opportunités d’exploitation de ces œuvres, et ce, à moindre coût.

Dans ce contexte, Philippe Masseron, directeur général adjoint du Centre français d'exploitation du droit de copie (CFC), soulignait la nécessité d’un encadrement législatif : « la numérisation massive et sans autorisation préalable des œuvres orphelines, ainsi que leur mise à disposition sans mécanisme de régulation constitueraient un affaiblissement majeur du droit d’auteur, notamment des principes constitutifs du droit moral, et un danger fort pour l’économie des œuvres en cours d’exploitation »[67].

L’élaboration d’une législation sur les œuvres orphelines n’est cependant pas une tâche facile, car elle implique de contrarier en partie les fondements du droit d’auteur. Dans son rapport de 2008, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) relevait ainsi que le dispositif à mettre en place doit répondre à « la nécessité de concilier deux objectifs a priori antagonistes : la sécurité juridique liée aux autorisations d’exploitation d’œuvres orphelines alors que tout ayant droit n’a pu par définition donner de consentement à cette exploitation, et la cohérence du droit de propriété littéraire et artistique - qu’il s’agit de ne pas fragiliser - reposant sur l’autorisation des titulaires de droits »[68]. L’exploitation des œuvres orphelines n’intéressera les opérateurs que s’ils sont certains de la validité juridique des autorisations délivrées.

La Commission n’a pas été favorable à l’instauration d’un régime d’exception, qui permettrait une utilisation spécifique en contrepartie d’une rémunération, car elle considérait qu’il n’était pas judicieux d’agrandir encore la liste des exceptions au droit d’auteur ; un tel régime ne serait d’ailleurs pas compatible avec la liste limitative d’exceptions établie par la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information.

Afin d’éviter le recours à une solution générale et sévère pour les auteurs et leurs ayants droit, elle préconisait une approche sectorielle. De la sorte, les modifications à apporter à la législation, se cantonnant uniquement aux secteurs les plus touchés, se limiteraient au strict minimum.

Elle a considéré que les secteurs de l’audiovisuel et de la musique ne nécessitaient pas la mise en place d’un régime spécifique. En effet, ces secteurs sont relativement épargnés par le phénomène en raison d’une gestion collective volontaire quasi généralisée et des mécanismes de présomption de cession des droits au profit du producteur . Les dispositifs existants, notamment la possibilité de saisir le juge afin de pouvoir exploiter une œuvre sans propriétaire connu[69] ou encore le recours aux accords collectifs, semblent donc suffisants.

Au contraire, pour les secteurs de l’écrit et de l’image fixe, souffrant particulièrement du phénomène, la création d’un système de gestion collective obligatoire inspiré de la gestion d’affaires[70], qui permettrait de centraliser les informations et de bénéficier de l’appui des sociétés de gestion collective existantes, semble être la solution la plus pertinente[71]. Les sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) agréées délivreraient, contre le versement d’une rémunération, des licences d’utilisation non exclusive d’une durée limitée. Certes, l’exclusivité serait favorable aux investissements des utilisateurs, mais elle ne serait pas conforme à l’objectif d’intérêt général visant à faciliter l’accès aux œuvres. Les redevances perçues seraient reversées aux titulaires de droits qui réapparaitraient, et à l’issue d’un délai de cinq ans, elles pourront être affectées au financement du dispositif et à des actions culturelles.

Les solutions proposées afin de résoudre la problématique des œuvres orphelines sont donc nombreuses, et aucune ne semble parfaite. Elles devraient à tout le moins partager certaines qualités juridiques et poursuivre une finalité commune. Il importe que le régime retenu ne fasse pas naître un sentiment de dépossession du titulaire de droits, et comme indiqué précédemment, l’octroi d’une indemnité ou rémunération semble alors essentielle. De même, le statut de l’œuvre devrait être périodiquement vérifié : toute solution doit prévoir la réversibilité du caractère orphelin, qui ne saurait être définitif. La deuxième partie évoquera à ce titre les différentes stratégies de gestion qui ont été déployées afin de permettre l’exploitation des œuvres orphelines.

Le traitement des œuvres orphelines

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Les régimes permettant d’utiliser les œuvres orphelines peuvent être classés en deux catégories : d’une part, ceux qui reposent sur une autorisation (ou licence) accordée à l’utilisateur par une société de gestion ; et d’autre part, ceux qui ne soumettent l’utilisation à aucune autorisation préalable, et prévoient simplement une limitation de la responsabilité de l’utilisateur ou la création d’une exception au droit d’auteur. Après avoir examiné différents régimes, et à défaut de solution légale dans chaque État membre, la Commission européenne a finalement institué un régime spécifique en faveur de certains utilisateurs.

La diversité des mécanismes envisagés

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Les régimes impliquant une autorisation préalable

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La gestion collective obligatoire
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La gestion collective est l’exercice du droit d’auteur et des droits connexes par des organismes qui agissent dans l’intérêt et au nom des titulaires de droits[72]. Ce système est nécessaire lorsque l’exercice individuel des droits n’est pas adapté à certains types d’utilisation. En France, où elle est d’ailleurs née, la gestion collective est assurée par des sociétés de perception et de répartition de droits (SPRD), dont le fonctionnement est encadré par le Code de la propriété intellectuelle. Ces sociétés administrent les droits des titulaires : elles négocient les tarifs et modalités d’utilisation de leurs œuvres et perçoivent les redevances, qu’elles répartissent ensuite entre les divers ayants droit.

Deux formes de gestion collective sont possibles. Elle peut d’abord être volontaire, auquel cas l’auteur transfère volontairement ses droits à une société de gestion. Mais elle peut aussi être obligatoire en vertu de la loi. Ainsi, le droit de reprographie fait obligatoirement l’objet d’une gestion collective par l’intermédiaire d’une société unique, agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture[73] ; le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC). Ce droit ne peut donc être géré individuellement ni par les auteurs, ni par les éditeurs. La loi impose également une gestion collective du droit de prêt par l’intermédiaire de la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA).

La gestion collective est un modèle efficace permettant de favoriser l'exploitation des œuvres en centralisant leur gestion, et de faciliter les procédures de délivrance des autorisations. Cependant, un système de gestion collective volontaire, qui repose par nature sur la liberté d’adhésion, n’apporterait qu’une réponse incomplète à la problématique des œuvres orphelines : l’utilisateur potentiel sera toujours confronté au même problème lorsque le titulaire de droits n’est pas représenté. À ce titre, l’Institut national de l’audiovisuel (INA) exposait les difficultés rencontrées pour l’exploitation des programmes de son fonds qui, eu égard à son ancienneté, comprend une importante proportion d’œuvres totalement ou partiellement orphelines. Pour y remédier, l’Institut a ainsi conclu de nombreux accords généraux ou collectifs avec des sociétés de gestion collective l’autorisant à exploiter les œuvres de son fonds qui relèvent de leur répertoire[74]. Mais ces accords ne sauraient en aucun cas couvrir les œuvres dont les titulaires ne sont pas représentés par ces sociétés. L’INA devra donc toujours procéder à la recherche et à l’identification de ces titulaires afin d’obtenir leur autorisation.

Par conséquent, seule la gestion collective obligatoire règlerait le problème. La Roumanie a ainsi rendu obligatoire la gestion collective des œuvres orphelines[75]. Toutefois, il s’agit d’une solution quelque peu sévère pour les ayants droit. Le modèle de la gestion collective étendue, qui s’en inspire, semble préférable.

Les licences collectives étendues
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Le système des licences collectives étendues (LCE) est utilisé depuis longtemps par les pays scandinaves, que sont la Suède, la Finlande, le Danemark, la Norvège et l’Islande[76]. Ce système est notamment utilisé pour les œuvres musicales diffusées à la radio ou à la télévision.

Le système des licences collectives étendues permet à une société de gestion collective, représentative d’une catégorie d’ayants droit, d’octroyer une licence étendue par la loi à l’ensemble des ayants droit non membres relevant de la même catégorie : la licence étendue permet donc de couvrir, à travers l’extension juridique du répertoire de la société, y compris les œuvres dont les auteurs ne sont pas représentés. Il s’agit d’un système mélangeant licence obligatoire (incluant les auteurs non représentés) et licence collective traditionnelle (incluant les auteurs représentés).

La condition logiquement préalable à cette solution est que l’organisme doit représenter une part substantielle d’ayants droit dans le secteur considéré : la licence est automatiquement applicable à l’ensemble des ayants droit de ce secteur, aussi bien nationaux qu’étrangers ou décédés, notamment en cas de succession non encore réglée, ainsi qu’aux ayants droit inconnus ou introuvables[77]. Ceux qui ne sont pas membres d’une société de gestion collective et qui ne souhaitent pas être soumis au régime de la licence collective étendue peuvent demander une rémunération individuelle ou se retirer du système (opt-out). Afin de ne pas être considérée comme une formalité prohibée, la mise en œuvre de la faculté de retrait doit rester simple[78].

Le mécanisme est donc particulièrement approprié pour les utilisations massives d’œuvres protégées, puisque l’utilisateur peut obtenir une licence unique dont les effets sont étendus à l’ensemble des œuvres de la catégorie concernée, sans enfreindre les droits des titulaires qui ne seraient pas représentés, il permet donc de réduire considérablement les coûts d’utilisation. Ainsi, en Norvège par exemple, la Bibliothèque nationale (Nasjonalbiblioteket) a conclu un accord en 2012 avec Kopinor, une société de gestion collective, afin de numériser et mettre à la disposition du public 250 000 livres du XXe siècle[79]. En contrepartie, la Bibliothèque nationale devra verser une redevance annuelle de 0,06 € par page numérisée à Kopinor, qui se chargera de rémunérer les ayants droit. L’accord prévoit notamment deux restrictions : la consultation des livres en ligne n’est autorisée qu’aux seules adresses IP norvégiennes, et les œuvres ne pourront être téléchargées ou imprimées que lorsqu’elles seront tombées dans le domaine public.

Par ailleurs, le régime danois a été modifié en 2008 afin d’élargir le champ d’application des licences collectives étendues, qui ne concernaient auparavant que certaines catégories d’utilisateurs, et de prendre en considération la problématique des œuvres orphelines dans le contexte de la numérisation de masse[80]. Le nouveau système permet notamment à la société de gestion collective Copydan writing (ou CopyDan), représentant les auteurs d’œuvres littéraires, d’octroyer des licences couvrant l’ensemble des ayants droit pour les œuvres relevant de son répertoire.

Le régime est organisé par la section 50 du Copyright Act danois[81]. L’utilisateur peut négocier une licence collective étendue avec une société de gestion collective, agréée par le ministère de la Culture, et représentant un nombre substantiel d’auteurs de certains types d’œuvres. La section 50(3) précise que la licence collective étendue donne à l’utilisateur le droit d'exploiter les œuvres de même nature, y compris celles dont les auteurs ne sont pas représentés par l'organisation. Cependant, l’exploitation de ces œuvres doit respecter les modalités qui ont été convenues. Afin de protéger les intérêts des ayants droit qui ne sont pas membres d’une société de gestion et qui ne souhaitent pas participer au système de la licence collective étendue, la législation leur permet d’opter pour une rémunération individuelle ou tout simplement de se retirer du système[82].

L’un des éléments essentiels faisant la singularité du système des licences collectives étendues est que ce sont les sociétés de gestion collective qui effectuent elles-mêmes la recherche des titulaires. En effet, l’utilisateur n’est soumis à aucune condition de recherche raisonnable ou diligente préalable à la délivrance de l’autorisation. De fait, le caractère orphelin de l’œuvre émergera souvent après l’utilisation, lorsque la société de gestion cherchera à répartir les rémunérations et sera confrontée à des difficultés d’identification. Ce système offre une grande sécurité juridique à l’utilisateur, tout en préservant les intérêts des titulaires qui réapparaitraient. Cependant, il ne semble envisageable qu’à l’échelle nationale. De plus, pour être efficace, il suppose l’existence de sociétés de gestion collective représentant une part substantielle d’ayants droit dans les domaines les plus touchés par les problèmes d’orphelinage. Or, dans les secteurs de la photographie et de l’audiovisuel en particulier, les titulaires préfèrent généralement gérer leurs droits de manière individuelle, la condition de représentativité nécessaire au succès de ce système ferait donc défaut.

L’octroi d’une autorisation administrative
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Le modèle reposant sur une autorisation administrative est relativement simple : l’utilisateur souhaitant exploiter une œuvre précise est tenu d’adresser sa demande à une instance administrative, qui lui délivrera une licence non exclusive d’utilisation lorsque l’ayant droit n’a pu être retrouvé au terme d’une recherche raisonnable. Ce régime est notamment appliqué au Canada, qui a été le premier pays à l’instaurer.

Ainsi, la section 77 de la Loi canadienne sur le Droit d'auteur prévoit que « la Commission sur le droit d’auteur peut, à la demande de tout intéressé, délivrer une licence, non exclusive, autorisant l’exploitation d’une œuvre publiée si elle estime que le titulaire du droit d’auteur est introuvable et que l’intéressé a fait son possible, dans les circonstances, pour le retrouver »[83]. La Commission sur le droit d’auteur est « un organisme de réglementation à vocation économique investi du pouvoir d'établir, soit de façon obligatoire, soit à la demande d'un intéressé, les redevances qui doivent être versées pour l'utilisation d'œuvres protégées par un droit d'auteur, lorsque la gestion du droit d'auteur est confiée à une société de gestion collective »[84]. Les cas de refus de licence sont relativement rares, et souvent justifiés par le fait que l’utilisation envisagée par le demandeur ne requiert pas l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, notamment lorsqu’une exception peut-être invoquée. En 2007 par exemple, la Commission a rejeté une demande de licence quelque peu farfelue pour la reproduction d’une citation de deux phrases décrivant une autoroute, contenues dans un livre comptant 136 pages, alors que l’exception de courte citation pouvait être invoquée[85].

La Commission sur le droit d’auteur s’assure que le requérant a fait son possible (ou des « efforts raisonnables » selon la version anglaise) pour retrouver le détenteur des droits, et il doit être en mesure de prouver qu’il a mené des recherches approfondies. S’il est vraisemblable que le titulaire des droits se trouve à l’étranger, le requérant devra également avoir effectué des recherches au-delà des frontières canadiennes[86]. La licence est non exclusive et circonscrite au territoire canadien. La Commission précise notamment les usages autorisés, le nombre de copies permises, la date d’expiration, ainsi que le coût de la licence. Pour la fixation des redevances, divers facteurs sont pris en considération, parmi lesquels la nature du demandeur (entité commerciale ou organisme sans but lucratif), la finalité de l’utilisation (commerciale ou éducative), ou encore les retombées économiques attendues. En principe, les redevances sont directement versées à une société de gestion collective qui représenterait normalement l’ayant droit introuvable, mais l’exploitant peut aussi être tenu de placer les sommes dans un fonds de dépôt. À compter de l’expiration de la licence, le titulaire dispose d’un délai de cinq ans pour réclamer le versement des redevances. En l’absence de réapparition du titulaire à l’issue de ce délai, la société de gestion collective récoltante peut disposer de cette somme à son gré.

Le modèle canadien procure une certaine sécurité juridique aux utilisateurs. De même, les intérêts légitimes des titulaires sont préservés : une autorité administrative indépendante apprécie la bonne foi de l’utilisateur sur la base des recherches qu’il a réalisées, et s’assure que la violation des droits exclusifs n’est pas disproportionnée au regard de l’utilisation projetée. La licence délivrée ne couvre d’ailleurs qu’un type d’utilisation précise de l’œuvre. Cependant, ce régime implique une procédure longue et coûteuse pour l’utilisateur potentiel. Chaque demande est minutieusement examinée, et la décision est généralement rendue dans un délai de trente à quarante-cinq jours[84]. De plus, ce système peut dissuader les utilisateurs potentiels de s’engager dans des recherches longues et fastidieuses, puisqu’elles pourront finalement ne pas être considérées comme raisonnables et suffisantes par la Commission. Le modèle canadien ne semble pas très attractif étant donné le faible nombre de demandes. Depuis son introduction en 1988, moins de 300 licences ont été octroyées[87]. D’autres pays prévoient également un système similaire reposant sur la délivrance d’une autorisation d’utilisation des œuvres par une autorité publique, tels que le Japon, la Corée du Sud, le Royaume-Uni ou encore la Hongrie[88].

La Hongrie a d’ailleurs récemment introduit de nouveaux mécanismes de régulation des œuvres orphelines, relevant de l’Act CXII of 2008, entré en vigueur le 1er février 2009[89]. Chaque licence, non exclusive et valable uniquement sur le territoire national, est octroyée par l’Office hongrois de la propriété intellectuelle pour une durée maximale de cinq ans. La décision administrative de l’Office (d’accord ou de rejet) est soumise à l'examen de la Cour métropolitaine de Budapest[90]. Le prix de la licence est fixé par l’Office en fonction de la durée et de l'utilisation de l’œuvre. Les utilisations non commerciales font l’objet d’un traitement préférentiel ; ainsi, contrairement aux autres utilisateurs qui doivent verser une redevance à l’Office dès le début de l’exploitation, les utilisateurs ne poursuivant aucun but lucratif ne doivent quant à eux verser une rémunération que lorsque l’ayant droit vient à se manifester[91].

Le titulaire de droits qui réapparaîtrait dispose d’un délai de cinq ans à compter de l’expiration de la licence ou de son retrait pour réclamer le versement des redevances. Au-delà de ce délai, les revenus non réclamés sont versés à la société de gestion collective pertinente, ou s’il n’en existe pas, au Fonds Culturel National. Si le titulaire apparaît avant l'expiration de la licence, celle-ci doit prendre fin. Cependant, l’exploitation qui a été entreprise peut se poursuivre au maximum pendant un an après la réapparition du titulaire. Il en va a fortiori de même lorsque l’utilisateur a réalisé des investissements significatifs en vue d’exploiter l’œuvre orpheline[92]. L’utilisateur potentiel doit procéder à une recherche diligente du titulaire des droits, qui doit être étayée par des documents écrits (certificats) indiquant les sources qu’il a consultées, parmi lesquelles la loi mentionne notamment les registres volontaires de l’Office hongrois de la propriété intellectuelle, les bases de données des sociétés de gestion collective pertinentes, ainsi que celles des bibliothèques et archives publiques. La publication d’une annonce dans un journal d’envergure nationale peut également être nécessaire selon les circonstances[93]. Tout comme le régime canadien, le régime hongrois ne semble pas bénéficier d’un grand succès. Cinq ans après son instauration, seulement 39 licences ont été accordées à 8 utilisateurs différents[94].

Les régimes n’impliquant pas une autorisation préalable

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La limitation des voies de recours
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Le principe de limitation des voies de recours a été préconisé par l’Office américain du droit d’auteur (Copyright Office) dans son rapport volumineux consacré aux œuvres orphelines publié en 2006[95]. Ainsi, lorsqu’un utilisateur de bonne foi a vainement effectué une recherche raisonnablement diligente du titulaire des droits, il bénéficiera d’un régime de responsabilité limitée dans le cas où celui-ci réapparaitrait.

En premier lieu, la réparation monétaire sera limitée à l’octroi d’une indemnité raisonnable, correspondant au montant qui aurait été convenu entre l’utilisateur et le titulaire s’ils avaient conclu dans des conditions normales un accord préalable à l’utilisation. Ce critère de l’indemnité raisonnable a été critiqué par la plupart des institutions culturelles consultées par l’Office, en raison de l’effet dissuasif qu’aurait de manière générale toute solution impliquant une réparation pécuniaire, étant précisé que de nombreuses institutions envisagent une utilisation massive d’œuvres orphelines, ce qui alourdirait considérablement le montant total des sommes dues en cas de réapparition des titulaires, quand bien même l’indemnité à verser pour chaque œuvre utilisée serait relativement faible. Certaines institutions, plus conciliantes, proposaient de soumettre à une prescription quinquennale le recours de l’ayant droit qui réapparaitrait, ou encore de limiter à un montant forfaitaire la somme due pour chaque œuvre utilisée, ce qui offrirait plus de sécurité juridique aux utilisateurs, lesquels seront alors en mesure de connaître avec précision le montant global du paiement auquel ils s’exposeront.

L’Office a cependant considéré que cette solution était appropriée à la problématique des œuvres orphelines, en soutenant que dans la mesure où une recherche diligente aura été réalisée, il est très peu probable que l’auteur réapparaisse ou soit ultérieurement retrouvé. Au reste, l’indemnité raisonnable serait dans la plupart des cas d’un montant dérisoire. L’Office a tout de même tenu compte des préoccupations des institutions culturelles, en envisageant une exception pour les utilisations non lucratives : lorsque l’exploitation de l’œuvre orpheline ne poursuit aucun intérêt commercial et que l’utilisateur a promptement mis fin à cette exploitation après la notification pour atteinte aux droits, le titulaire ne pourra alors prétendre à aucune compensation financière.

En second lieu, les mesures d’interdiction par voie d’injonction seront également limitées. Ainsi, lorsque l’œuvre orpheline a été incorporée dans une autre œuvre, le titulaire ne pourra solliciter une pleine interdiction de l’exploitation de l’œuvre dérivée, sous réserve que l’utilisateur lui verse une indemnité raisonnable et respecte son droit à la paternité. Dans tous les autres cas, l’utilisateur peut obtenir l’interdiction totale de l’exploitation de l’œuvre orpheline, par exemple, lorsqu’elle a été simplement republiée sans aucune modification ou transformation.

Le modèle proposé par le Copyright Office a par la suite donné lieu à deux propositions de loi présentées au Congrès en 2006[96] et en 2008[97]. Ces projets de loi reprenaient la plupart des principes développés par l’Office, en approfondissant certains éléments. L’objectif est toujours de limiter les voies de recours contre les utilisateurs, en particulier lorsqu’il s’agit d’organismes publics. En cas d’action en contrefaçon, il appartiendra à l’utilisateur de prouver qu’il a, avant l’utilisation de l’œuvre, réalisé une recherche diligente afin d’identifier et de localiser le titulaire des droits. Contrairement aux régimes précédemment évoqués, l’appréciation des conditions permettant de bénéficier du régime de responsabilité limitée sera donc ici effectuée après l’utilisation de l’œuvre, à la suite d’une action en contrefaçon engagée par le titulaire réapparu.

Pour que la recherche soit considérée comme diligente, l’utilisateur devra au minimum consulter les registres du Copyright Office publiquement accessibles en ligne, utiliser les outils technologiques ainsi que les bases de données appropriées, ou encore recourir à l’assistance d’un expert[98]. Au-delà des sources énumérées, l’utilisateur est tenu de mettre en œuvre tout autre moyen raisonnablement susceptible d’être utile à l’identification et à la localisation du titulaire des droits. Le caractère diligent est apprécié différemment selon la nature de l’utilisateur et le type d’utilisation envisagée, et relève en toute hypothèse de l’appréciation souveraine des tribunaux. En outre, l’utilisateur est tenu, dans le cadre de l’utilisation de l’œuvre orpheline, d’indiquer de la manière la plus claire possible l’identité de l’auteur, s’il la connaît[99]. Le respect de cette condition sera également examiné dans le cadre de l’action en contrefaçon intentée par ce dernier. Par ailleurs, l’utilisateur doit, avant l’exploitation de l’œuvre, déposer une déclaration d’utilisation (Notice of Use) auprès du Copyright Office qui déterminera le symbole ou logo devant accompagner l’utilisation. Cette déclaration devrait comprendre notamment les informations disponibles sur l’auteur, les utilisations envisagées de l’œuvre, ainsi qu’une récapitulation des recherches effectuées.

Le principe de limitation des voies de recours présente l’avantage de n’exclure aucune catégorie d’œuvres, en prévoyant une solution générale à la problématique des œuvres orphelines. Ainsi, les œuvres étrangères ou non publiées sont également visées. De plus, contrairement aux solutions précédentes impliquant un paiement préalable à une société de gestion collective, l’utilisateur n’est en l’occurrence tenu de verser une rémunération qu’en cas de réapparition du titulaire des droits. Les propositions de loi ne prévoient d’ailleurs aucun rôle spécifique pour les sociétés de gestion ; l’indemnité est directement payée par l’utilisateur au titulaire des droits dans le cadre d’une action en contrefaçon. L’approche retenue semble juste au regard de la finalité de l’utilisation, qui poursuit le plus souvent des fins non commerciales. Seules les utilisations lucratives donneraient lieu à une réparation pécuniaire. Cependant, ce principe n’offre peut-être pas la sécurité juridique que recherchent les utilisateurs, qui devront le cas échéant convaincre le tribunal que les recherches qu’ils ont effectuées sont bel et bien diligentes. En effet, le régime américain ne propose une solution qu’au stade de la réapparition du titulaire, consistant à alléger les conséquences de l’utilisation. Même si les recherches sont conformes aux exigences prévues, l’exploitation de l’œuvre orpheline constitue dans l’approche américaine un acte de contrefaçon : l’utilisateur est par nature contrefacteur[100]. Par conséquent, le dispositif retenu par les propositions de loi ne consacre pas véritablement un « droit » d’utiliser une œuvre orpheline, ce qui le différencie des autres régimes, qui ne permettent effectivement pas au titulaire de droits réapparu d’agir en contrefaçon à l’encontre de l’utilisateur. Le fait de commettre un acte de contrefaçon, et donc de s’exposer à des poursuites, peut avoir un effet dissuasif sur les utilisations potentielles d’œuvres orphelines. Parallèlement, certains ayants droit considèrent que le principe de responsabilité limitée est favorable aux utilisateurs, puisqu’ils qui ne sont pour ainsi dire pas incités à effectuer des recherches approfondies afin de les identifier. De plus, ils s’estiment pénalisés par ce principe, car ils devront engager une action en justice afin d’obtenir une rémunération, et supporter les frais liés à une telle action.

Toutefois, aucune de ces propositions de loi n’a à ce jour abouti. Les institutions culturelles américaines demeurent donc dans l’incertitude juridique quant à leur possibilité d’exploiter les œuvres orphelines. Elles peuvent à tout le moins recourir aux exceptions traditionnelles au droit d’auteur, et en particulier au fair use, qui semble d’ailleurs leur offrir de nouvelles opportunités, comme en attestent certains arrêts récemment rendus en matière de numérisation, mais leur portée reste limitée[101].

L’instauration d’une exception ou limitation au droit d’auteur
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La création d’une nouvelle exception ou limitation au droit d’auteur est une autre solution envisageable, qui a notamment été défendue au Royaume-Uni en 2006 par le rapport Gowers sur le droit de la propriété intellectuelle britannique[102] : tout individu qui n’est pas parvenu à identifier ou localiser le titulaire des droits au terme d’une recherche raisonnable serait néanmoins autorisé à utiliser l’œuvre orpheline en vertu d’une exception légale. La British Library était plus stricte et proposait le critère de l’« effort maximal » (best endeavours) gouvernant la recherche. Dans tous les cas, il apparaît opportun d’établir des lignes directrices à l’attention des utilisateurs potentiels afin de préciser les efforts qui devraient être mis en œuvre dans le cadre de la recherche pour satisfaire à l’exigence prévue, celle-ci devant être appréciée au regard des circonstances propres à chaque situation. De plus, à la manière du régime précédent, l’utilisateur devra indiquer que l’œuvre est utilisée dans le cadre d’une exception.

Lorsque le titulaire réapparait, l’utilisateur sera tenu de le dédommager. Le montant de la compensation raisonnable devrait faire l’objet d’une négociation entre les intéressés. En cas d’impossibilité de parvenir à un accord, le montant serait alors fixé par la juridiction compétente en matière de droit d’auteur. De même, si l’utilisateur souhaite poursuivre l’exploitation de l’œuvre après la réapparition du titulaire, il lui appartiendra d’en négocier les modalités avec ce dernier. Lorsque l’œuvre orpheline a été incorporée au sein d’une autre œuvre, l’ayant droit réapparu ne pourra interdire l’exploitation de l’œuvre dérivée qui en résulte, à condition que l’utilisateur lui verse une indemnité raisonnable et qu’il respecte son droit moral.

L’intérêt d’une telle exception est qu’elle apporterait une solution générale au problème des œuvres orphelines, à l’exemple du principe de responsabilité limitée. Mais à la différence de celui-ci, le titulaire qui réapparaitrait n’aurait pas à agir en justice afin d’obtenir le versement de la rémunération, qui lui est légalement reconnue. Le tribunal ne serait donc saisi que si le titulaire venait à contester le caractère raisonnable des recherches effectuées, si l’utilisateur ne versait pas la somme due ou encore en cas de désaccord sur le montant de la compensation.

Pour autant, l’instauration d’une exception générale semble être une mesure sévère, qui ne saurait en tous les cas satisfaire les titulaires. De plus la condition de recherche raisonnable ne sera appréciée qu’a posteriori, lors de la réapparition de l’ayant droit, ce qui est source d’insécurité juridique pour l’utilisateur. De la même manière que pour la proposition américaine, l’exception n’offrirait ainsi une sécurité juridique suffisante aux utilisateurs potentiels que si les éléments constitutifs de la recherche raisonnable sont clairement définis, et il conviendrait en toute hypothèse que ces derniers consignent, pour un temps indéterminé, l’ensemble des recherches qu’ils ont effectuées. Par ailleurs, quand bien même le titulaire obtiendrait la condamnation de l’utilisateur qui n’aurait pas respecté les exigences prévues, il se trouverait démuni dans le cas où son œuvre a été mise en ligne : la diffusion numérique aura en effet causé des dommages irréversibles.

Bien qu’une exception en faveur de l’utilisation des œuvres orphelines semble être une solution simple et pratique, encore faut-il qu’elle soit conforme à la règle du triple test formulée à l’article 5(5) de la directive 2001/29/CE : l’exception ne pourrait s'appliquer que « dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ou d'un autre objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire de droits ». Cependant, le respect de ces critères est sujet à discussion. En effet, n’importe quelle œuvre peut potentiellement devenir orpheline, pourvu qu’un utilisateur éprouve des difficultés à joindre ou localiser un ayant droit. De même, le caractère diligent des recherches effectuées ne ferait l’objet d’aucun contrôle. Par ailleurs, les dispositions visant à autoriser l’exploitation de l’œuvre dérivée malgré la réapparition du titulaire reviendraient à imposer à ce dernier toutes sortes d’exploitations, ce qui porterait atteinte à ses intérêts économiques et moraux[103].

Garantie accordée par un organisme privé
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Une autre solution consiste à autoriser une société de gestion collective ou un organisme privé, qui revêtirait une fonction de garant, à accorder une protection juridique à l’utilisateur. Ainsi, lorsqu’un utilisateur n’est pas parvenu à identifier ou à localiser le titulaire des droits au terme d’une recherche raisonnable, il bénéficiera d’une garantie accordée par un organisme représentatif d’ayants droit. Aux Pays-Bas par exemple[104], toute personne souhaitant utiliser une œuvre photographique peut s’adresser à une fondation regroupant les photographes professionnels, Foto Anoniem, afin qu’elle lui procure une assistance dans la recherche du titulaire des droits, notamment grâce à son vaste annuaire de photographes. La fondation parvient souvent à retrouver le nom et l’adresse du photographe en question pour le mettre ensuite en relation avec l’utilisateur. Cependant, s’il n’est pas retrouvé, la fondation assurera une protection juridique à l’utilisateur au moyen d’une garantie par laquelle elle s’engagera à couvrir sa responsabilité en cas d’infraction au droit d’auteur. Pour bénéficier de cette garantie, l’utilisateur doit payer une compensation équitable, correspondant au montant qui aurait été normalement dû pour la publication d’une photographie comparable. La rémunération est conservée par la fondation pour la reverser au titulaire qui viendrait à se manifester.

Toutefois, la protection garantie par ces organismes ne couvre que la responsabilité financière au civil de l’utilisateur. Elle n’empêchera donc pas l’ayant droit de se prévaloir de ses droits exclusifs : l’exploitation de l’œuvre peut être prohibée et l’utilisateur peut voir sa responsabilité pénale engagée.

Le régime spécifique prévu par la directive européenne

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La genèse du régime

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L’absence de cadre juridique approprié
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Le projet ambitieux de Google n’a pas été bien accueilli en Europe et a conduit les institutions culturelles européennes à riposter , en s’engageant sur la voie de la promotion du patrimoine culturel européen à travers la multiplication des projets nationaux de numérisation massive, et par la création d’une bibliothèque numérique européenne. La numérisation et la mise en ligne d’un grand nombre d’œuvres est un processus complexe, qui nécessite en principe l’autorisation de l’auteur ou du titulaire des droits. Les institutions ont cependant rapidement été confrontées à des œuvres dont elles ne pouvaient identifier ou joindre le titulaire, et partant, à l’impossibilité d’obtenir l’autorisation nécessaire à leur mise en ligne. De nombreuses études ont montré que l’Europe abritait une remarquable quantité d’œuvres orphelines, l’écoulement du temps ne faisant qu’exacerber le phénomène. Les législations nationales prévoient différents cas de transfert des droits en faveur des éditeurs, des producteurs ou encore des héritiers, ce qui ne fait qu’augmenter les risques d’orphelinage. Les projets de numérisation peuvent également se heurter aux revendications des organismes de gestion collective prétendant représenter les ayants droit des œuvres orphelines numérisées, et qui réclament, sous peine d’agir en contrefaçon, une compensation financière pour leur utilisation ; de telles revendications, plus ou moins légitimes, peuvent alors dissuader les institutions culturelles d’inclure ces œuvres dans les bibliothèques et les archives numériques.

Le Parlement européen a adopté le 25 octobre 2012 la directive 2012/28/UE sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines.

L’utilisation d’œuvres orphelines ne pose évidemment pas de problème lorsque l’autorisation des titulaires de droits n’est pas requise, notamment lorsque la communication ou la reproduction fait l’objet d’une exception. L’article 5(2) de la directive du 22 mai 2001 précise que « les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction lorsqu'il s'agit d'actes de reproduction spécifiques effectués par des bibliothèques accessibles au public, des établissements d'enseignement, des musées ou par des archives, à condition qu’ils ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect ». Les États membres peuvent donc instaurer une exception afin que ces institutions puissent procéder à la numération des œuvres qu’elles détiennent à des fins de conservation ou de restauration.

De même, la plupart des pays européens ont inséré dans leur législation des exceptions ou limitations aux droits exclusifs de l’auteur lorsque l’œuvre est utilisée à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement ou de la recherche scientifique, et dans la mesure justifiée par le but non commercial poursuivi, ou encore dans le cadre de citations faites, par exemple, à des fins de critique ou de revue. De plus, les États membres peuvent instituer une exception au droit de communication au public « en faveur des bibliothèques, des établissements scolaires ou des musées, lorsque l’œuvre est utilisée, par communication ou mise à disposition, à des fins de recherches ou d'études privées, au moyen de terminaux spécialisés, à des particuliers dans les locaux des établissements ». Une telle exception ne couvre donc pas la mise à disposition des œuvres effectuée à distance. Par conséquent, les exceptions ne se limitent qu’à certains actes de reproduction à des fins non commerciales : aucune exception ne consacre la possibilité de numériser massivement les œuvres en vue de les rendre publiquement accessibles en ligne.

Les États Membres de l’Union européenne ont harmonisé leurs législations afin de faciliter la création et la diffusion des œuvres.

Dans ce contexte, les institutions culturelles sont quoi qu’il en soit tenues de rechercher les propriétaires des œuvres orphelines afin d’obtenir leur permission. Or, les recherches sont longues, coûteuses et rarement fructueuses . De nombreux organismes ont soulevé que pour certaines catégories d’œuvres, comme les archives audiovisuelles ou les journaux d’époque, le principe de l’autorisation préalable pouvait engendrer des coûts particulièrement élevés, en raison du temps et des efforts nécessaires pour identifier et localiser chacun des titulaires[105]. Les ayants droit ont quant à eux considéré que les projets de numérisation massive et de mise en ligne des œuvres, sans avoir été précédés de recherches diligentes, constituaient une atteinte inacceptable à leurs droits.

Par ailleurs, la bonne ou mauvaise foi du contrefacteur est indifférente. La jurisprudence française a ainsi condamné pour contrefaçon un utilisateur qui, après des recherches infructueuses de l’ayant droit, avait exploité l’œuvre sans l’autorisation de ce dernier[106]. Une œuvre abandonnée ne devient pas une « chose sans maître » et ne peut donc être appropriée par un mécanisme d’occupation. De même, aucune exception française ne peut permettre la diffusion massive d’une œuvre orpheline. L’exception de copie privée, qui implique par définition une utilisation strictement personnelle, ne peut trouver à s’appliquer. L’exception de presse aurait pu être envisagée, mais elle ne concerne que les œuvres d’art graphiques, plastiques ou architecturales, et utilisées dans un but exclusif d’information. L’exception pédagogique est également rigoureusement encadrée, si bien qu’elle ne serait pas d’un grand secours.

En définitive, la seule solution envisageable est celle prévue à l’article 122-9 du Code de la propriété intellectuelle qui permet de saisir le juge afin d’autoriser l’exploitation d’une œuvre lorsqu’il « n’y a pas d’ayant droit connu ou en cas de vacance ou de déshérence »[107]. Cependant, ce mécanisme concerne les utilisations ponctuelles d’œuvres et n’est donc pas adapté aux utilisations massives. En pratique, il est mis en œuvre une dizaine de fois par an, notamment pour les successions non régularisées[108].

Expertise européenne et préconisations
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La Commission européenne a pris conscience que le problème des œuvres orphelines constituait un obstacle majeur à l’accessibilité en ligne du patrimoine culturel européen contenu dans les collections des bibliothèques, des archives et des musées. Afin de soutenir les projets de numérisation, et en particulier la création de la bibliothèque numérique européenne, Europeana, la Commission a publié en septembre 2005 une communication intitulée « i2010 : bibliothèques numériques »[109] portant sur la numérisation, l'accessibilité en ligne et la préservation du patrimoine numérique, et dans laquelle elle soulignait la nécessité d’instaurer des mesures appropriées afin de régler le problème des œuvres orphelines. Une vaste consultation a alors été organisée auprès des établissements culturels afin d’estimer le nombre d’œuvres orphelines présentes dans leurs collections, mais il est apparu difficile de quantifier de manière fiable l’ampleur du phénomène, notamment en l’absence d’harmonisation de la notion.

La Commission européenne a par la suite adopté le 24 août 2006 une recommandation « sur la numérisation et l'accessibilité en ligne du matériel culturel et la conservation numérique »[110] invitant les États membres à instituer des mécanismes, notamment d’octroi de licences, pour faciliter l’exploitation des œuvres orphelines, ainsi que celle des éditions dites épuisées. Le 13 novembre 2006, le Conseil de l’Union européenne, tout en approuvant cette approche, appelait à une meilleure coordination des politiques et pratiques en matière d’accès et de diffusion, en veillant notamment à ce que les solutions nationales adoptées soient efficientes dans le cadre transfrontalier[111].

La même année, la Commission européenne a constitué, dans le cadre de l’initiative i2010, un Groupe d’experts de haut niveau (High Level Expert Group) chargé de la conseiller et d’examiner les moyens juridiques et techniques permettant d’assurer le développement des bibliothèques numériques. Le Groupe d’experts, composé de représentants d’établissements culturels, d’éditeurs et d’entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies, a ensuite formé un sous-groupe pour le droit d’auteur (Copyright Subgroup) chargé d’étudier en particulier la problématique des œuvres orphelines. Celui-ci a publié le 18 avril 2007 un rapport sur « la conservation numérique, les œuvres orphelines et les éditions épuisées »[112], dans lequel il préconise l'adoption par les États membres de critères communs afin d’assurer l’interopérabilité des solutions nationales et l’applicabilité du principe de reconnaissance mutuelle.

Ainsi, toute solution devrait couvrir l’ensemble des œuvres orphelines, sur la base d’une définition commune à l’ensemble des Etats membres (1), inclure des lignes directrices sur la recherche diligente (2), prévoir une faculté de retrait pour le titulaire qui réapparaitrait (3), offrir aux établissements culturels non commerciaux une solution appropriée à leurs projets de diffusion, en concertation avec les autres acteurs et partenaires intéressés par la question (4), offrir également aux entités commerciales la possibilité d’utiliser les œuvres orphelines (5), et inclure obligatoirement un mécanisme de rémunération en faveur du titulaire qui viendrait à se manifester (6)[113]. Le sous-groupe recommande par ailleurs certaines solutions non législatives afin d’améliorer la transparence et réduire l’ampleur du phénomène des œuvres orphelines, telles que la création de bases de données spécifiques regroupant les informations sur les œuvres orphelines et l’intensification des pratiques contractuelles, en particulier pour les œuvres audiovisuelles. La Commission européenne pourrait ainsi recommander aux Etats membres d’encourager les arrangements contractuels, en prenant en considération le rôle des établissements culturels.

Le 4 juin 2008, le Groupe d’experts de haut niveau a adopté un « rapport final sur la conservation numérique, les œuvres orphelines et les éditions épuisées »[114], qui a notamment abouti à un « protocole d’accord fixant des lignes directrices pour la recherche diligente des titulaires de droits d’œuvres orphelines », signé par les représentants d’archives, de bibliothèques et de titulaires de droits. Les lignes directrices établissent la méthodologie et les principes essentiels que devrait suivre l’utilisateur dans le cadre de la recherche du titulaire. La recherche devrait ainsi être réalisée titre par titre ou œuvre par œuvre, avant l’utilisation de l’œuvre, et les sources pertinentes devraient par principe être celles du pays d’origine de l’œuvre. Le Groupe d’experts soulignait qu’il était primordial d’établir des bases de données et des centres de clarification des droits (Rights Clearance Centres) afin de faciliter la recherche des titulaires et la clarification des droits d'exploitation numérique, ce qui a ainsi conduit au lancement du projet ARROW (Accessible Registries of Rights Information and Orphan Works towards Europeana), registre central regroupant les informations relatives aux œuvres orphelines et épuisées, par la mise en relation de différentes bases de données. Bien que les lignes directrices présentent un intérêt indéniable pour les utilisateurs, ces derniers sont quoi qu’il en soit bloqués lorsque l’ayant droit n’a pas été identifié ou retrouvé.

La même année, la Commission européenne publia un livre vert intitulé « Le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance », évoquant notamment la problématique des œuvres orphelines, ce qui a permis de mettre en évidence les points de vue divergents entre les éditeurs, pour lesquels la numérisation de l’œuvre orpheline doit nécessiter une autorisation préalable délivrée par une société de gestion collective qui représenterait normalement l’ayant droit introuvable, et les bibliothèques, qui se prononcent en faveur de la création d’une exception réglementaire autorisant la numérisation des œuvres orphelines sans contrepartie financière.

La Commission s’est rapidement aperçue que ses recommandations n’avaient pas eu les effets escomptés. À la suite de la recommandation du 24 août 2006 sur la numérisation et l'accessibilité en ligne du matériel culturel et la conservation numérique, seuls quelques États membres ont effectivement introduit une législation relative aux œuvres orphelines. De plus, la disparité des approches nationales ne permet pas de rendre ces œuvres accessibles dans l’ensemble des États membres. Ainsi, la Commission a estimé que la meilleure solution était de proposer une directive afin de définir un cadre juridique cohérent au niveau de l’Union européenne, destiné à faciliter l’accès aux œuvres orphelines. Dans son analyse d’impact sur l’utilisation transfrontière des œuvres orphelines , elle a examiné plusieurs options possibles, parmi lesquelles la création d’une nouvelle exception au droit d’auteur, l’attribution d’une licence spécifique pour ces œuvres, ou encore le modèle des licences collectives étendues, qui prévaut dans les pays nordiques[115].

L’option reposant sur la délivrance d’une licence spécifique a été rejetée, car elle impliquerait que l’utilisateur potentiel obtienne, pour chaque œuvre orpheline, une licence délivrée par la société de gestion collective provenant du pays de première publication de l’œuvre, ce qui aboutirait à une situation complexe pour les institutions culturelles détenant une grande partie d’œuvres étrangères[116]. La Commission a relevé que cette option serait coûteuse et lourde pour les utilisateurs, qui devront le cas échéant négocier les modalités d’utilisation avec différentes sociétés de gestion nationales.

De même, le modèle des licences collectives étendues n’a pas été retenu, puisqu’il n’impose aucune recherche diligente préalable à l’utilisation de l’œuvre : les effets de l’autorisation octroyée par une société de gestion sont juridiquement étendus à l’ensemble des œuvres de même nature, que leurs auteurs soient ou non membres de la société. Ainsi, dans un tel système, le statut d’œuvre orpheline n’a aucune incidence, et n’a même pas à être formellement reconnu étant donné que la licence couvre automatiquement toutes les œuvres. Par conséquent, le modèle des licences collectives étendues n’est pas adapté à une solution européenne : l’absence de recherche diligente est incompatible avec le principe de reconnaissance mutuelle. La licence collective étendue ne serait en tout état de cause valable que sur le territoire national. En outre, cette option se révélerait, elle aussi, onéreuse, car le prix des licences ne distingue pas selon que les œuvres sont orphelines ou non. L’utilisateur pourrait alors être contraint de verser une somme considérable au regard de la valeur commerciale spécialement faible de ces œuvres.

La Commission considère néanmoins que la gestion collective constitue une solution intéressante en vue de traiter de manière générale la problématique des œuvres orphelines dans le cadre des projets de numérisation massive. D’ailleurs, sous son impulsion, un Mémorandum d’entente (MoU) sur les principes-clés de la numérisation et de la mise à disposition des œuvres indisponibles[117] a été signé le 20 septembre 2011 par des représentants de bibliothèques, d’auteurs et de sociétés de gestion collective, afin d’encourager le recours à la gestion collective volontaire pour les œuvres indisponibles (out-of-commerce works). Une œuvre protégée est dite indisponible lorsqu’elle n’est plus, sous quelque forme que ce soit, disponible à l’achat dans le circuit traditionnel du commerce (il n’est donc pas tenu compte des exemplaires qui pourraient se trouver en possession du public ou dans les collections des bibliothèques). Le Mémorandum établit plusieurs principes que devront suivre les signataires afin de permettre aux institutions culturelles de numériser et mettre en ligne les œuvres indisponibles contenues dans leurs collections.

Finalement, la Commission retient un régime d’exception en faveur des institutions culturelles, qui se rapproche de celui déjà prévu à l’article 5(2)(c) de la directive du 22 mai 2001, autorisant les actes de reproduction spécifiques effectués à des fins non lucratives par des bibliothèques accessibles au public, des établissements d'enseignement, des musées ou par des archives. Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont ainsi adopté le 25 octobre 2012 la directive 2012/28/EU sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines , qui impose aux États membres de prévoir une exception ou une limitation au droit de reproduction et au droit de mise à disposition du public pour certaines utilisations de ces œuvres. L’objectif de la directive est donc de permettre aux institutions culturelles de procéder, sans autorisation préalable, à la numérisation et à la mise en ligne des œuvres orphelines présentes dans leurs collections, tout en garantissant un accès transfrontière à ces œuvres par l’instauration du principe de reconnaissance mutuelle du statut d’œuvre orpheline.

Cependant, ce texte, qui n’instaure qu’un socle minimal de règles communes en lien avec certaines utilisations, ne parvient pas à résoudre l’ensemble des problèmes soulevés par l’orphelinage. La directive impose aux États membres de mettre en place un régime spécifique aux œuvres orphelines, mais ils restent libres d’en déterminer les modalités.

Le champ d’application du régime

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La définition de l’œuvre orpheline
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L’article 2 définit la notion d’œuvre orpheline : « une œuvre ou un phonogramme sont considérés comme des œuvres orphelines si aucun des titulaires de droits sur cette œuvre ou ce phonogramme n'a été identifié ou, même si l'un ou plusieurs d'entre eux a été identifié, aucun d'entre eux n'a pu être localisé bien qu'une recherche diligente des titulaires de droits ait été effectuée et enregistrée ».

Les œuvres dites partiellement orphelines sont exclues de la définition retenue par la directive. En effet, dès lors qu’un titulaire de droits sur l’œuvre est identifié et retrouvé, celle-ci cesse d’être orpheline et ne peut donc en principe être utilisée conformément au régime spécifique. Or, une œuvre détenue par plusieurs individus a plus de chances de devenir en partie orpheline que lorsqu’elle est détenue par un seul, si bien que la propriété multiple est le plus souvent à l’origine d’une situation d’orphelinage .

En droit français, l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs qui ont concouru à sa création, de sorte que l’unanimité est requise pour tout acte d’exploitation ; si un seul est introuvable, il est impossible d’exploiter l’œuvre. Le cas de l’œuvre collective semble être moins problématique puisque l’instigateur est originellement investi des droits, mais de nombreuses situations peuvent faire naître des incertitudes quant aux possibilités d’utilisation. Par exemple, lorsque l’éditeur est titulaire des droits, la situation peut s’avérer délicate s’il venait à disparaitre : l’œuvre ne serait pas exploitable, quand bien même les auteurs de l’œuvre seraient retrouvés.

La Commission a pris conscience que cette exclusion ruinerait l’essentiel du champ de la directive. Ainsi, afin de lever les situations de blocage, l’article 2(2) précise qu’en cas de pluralité de titulaires de droits, l'œuvre peut être utilisée conformément aux dispositions de la directive à condition que les titulaires qui ont été identifiés et localisés aient, en ce qui concerne les droits qu'ils détiennent, accordé une autorisation aux organisations bénéficiaires. L’autorisation ne serait en tout état de cause valable que pour l’institution à qui elle a été accordée.

La directive s'entend sans préjudice des dispositions nationales relatives aux œuvres anonymes ou pseudonymes[118]. L’exercice des droits attachés à une œuvre anonyme est par principe confié à un représentant de l’auteur. La notion d’œuvre anonyme ne doit donc pas se confondre avec celle d’œuvre orpheline. Le fait que l’auteur ne souhaite pas être connu soulève cependant une problématique particulière, tenant à l’articulation de la directive, dont l’objectif est d’identifier les œuvres orphelines, avec le droit au respect du nom (comprenant pour l’auteur le droit à l’anonymat)[119]. La question est plus délicate pour les œuvres numériques : d’innombrables créations publiées en ligne ne précisent pas l’identité de leur créateur ou sont volontairement publiées sous une fausse identité afin de protéger la vie privée de leur auteur.

La directive pose le principe de la reconnaissance mutuelle du statut d’œuvre orpheline par tous les État membres, afin de faciliter la diffusion transfrontière des œuvres. Ainsi, lorsqu’une œuvre est considérée comme une œuvre orpheline dans un État membre, elle est considérée comme une œuvre orpheline dans tous les États membres[120]. Cette solution logique vise à assurer une sécurité juridique sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne. De plus, elle permet d’éviter la multiplication des recherches diligentes pour une même œuvre. Ce principe de reconnaissance mutuelle s’applique également lorsqu’il est mis fin au statut d’orphelin, auquel cas l’information est transmise à l’ensemble des organismes bénéficiaires concernés par la réapparition d’un titulaire.

L’article 5 prévoit que « tout titulaire de droits à l'égard d'une œuvre considérée comme orpheline a la possibilité, à tout moment, de mettre fin à son statut d'œuvre orpheline dans la mesure où ses droits sont concernés »[121]. Il appartient à chaque État membre de déterminer les modalités de mise en œuvre de cet article (par exemple, à travers un courriel ou une lettre recommandée avec accusé de réception envoyée par l’ayant droit à l’institution)[122]. S’agissant des éventuels contrats, notamment des partenariats public-privé en cours d’exécution sur l’utilisation des œuvres orphelines, il est conseillé aux organismes bénéficiaires de prévoir expressément cette éventualité de la fin du statut dans le contrat[123], et ce d’autant plus que la directive précise dans son considérant (22) que les bénéficiaires ne peuvent « octroyer au partenaire commercial des droits pour utiliser ou contrôler l'utilisation des œuvres orphelines ».

Une compensation équitable est due aux titulaires de droits qui mettent fin au statut d'œuvre orpheline de leur œuvre. Ce principe est posé par l’article 6(5), mais celui-ci ajoute de manière paradoxale que « les États membres sont libres de déterminer les circonstances dans lesquelles le paiement d'une telle compensation peut avoir lieu ». Autrement dit, ils pourraient également déterminer les circonstances dans lesquelles un tel paiement n’aurait pas lieu. Le texte semble donc bien nébuleux. Qui plus est, les éléments à prendre en considération afin de déterminer concrètement le montant de cette compensation équitable ne sont pas précisés[124].

L’absence de valeur économique de l’œuvre avant son utilisation (s’il s’agissait par exemple d’une œuvre épuisée ou encore d’une œuvre simplement éducative) est notamment un élément qui pourrait être pris en considération. Tout au plus, le considérant (18) invite à tenir compte « entre autres, des objectifs des États membres en matière de promotion culturelle, du caractère non commercial de l'utilisation faite par les organisations en question pour atteindre les objectifs liés à leurs missions d'intérêt public, comme la promotion de l'apprentissage et la diffusion de la culture, ainsi que de l'éventuel préjudice causé aux titulaires de droits ». Les ayants droit qui réapparaîtraient doivent ainsi comprendre qu’ils ne pourront pas prétendre à un montant de compensation très élevé.

Chaque organisme bénéficiaire qui a utilisé l’œuvre en question conformément au régime des œuvres orphelines doit verser cette compensation. L’ayant droit ne peut bien évidemment agir en justice pour les périodes d’exploitation passées : ce serait autrement aller à l’encontre de l’objectif de la directive qui est justement d’offrir une sécurité juridique aux utilisateurs. Il ne pourrait entamer une telle action que dans l’hypothèse où les recherches diligentes n’auraient pas été réalisées ou auraient été insuffisantes.

Auparavant, la proposition de directive ne prévoyait toutefois aucune compensation s’il était mis fin au statut d’œuvre orpheline, lorsque les organisations bénéficiaires avaient utilisé l’œuvre conformément à leur mission d’intérêt public. L’article 7 du projet de directive permettait aux États membres d’autoriser les organisations à utiliser une œuvre orpheline à des fins autres que celles liées à l’accomplissement d’une mission d’intérêt public, et c’était alors le seul cas dans lequel le titulaire des droits mettant fin au statut d'œuvre orpheline devait être rémunéré pour l'utilisation qui en a été faite, avec en plus cette réserve que la rémunération ne pouvait être réclamée que dans « un délai, fixé par les États membres, ne pouvant être inférieur à cinq ans à compter de la date de l'acte faisant naître le droit à la rémunération ».

Les États membres étaient libres de recueillir et d'utiliser les revenus non réclamés à l’issue de la période fixée. Cet article a depuis été supprimé et l’absence de toute compensation a semblé injuste et disproportionné. La mise en place d’une exception non rémunérée reviendrait en somme à étendre le domaine public aux œuvres orphelines (sous réserve de la réapparition des titulaires), ce qui équivaudrait à une véritable expropriation. Pour autant, la logique de la compensation continue à être critiquée par divers organismes, notamment en France, par le collectif SavoirsCom1, qui considère qu’elle « relève d’une conception maximaliste du droit d’auteur selon laquelle tout accès en ligne gratuit est un préjudice pour l’auteur et ou ses ayant-droits »[125].

Par ailleurs, certains organismes ont considéré que la directive ne prenait pas en compte le droit moral de l’auteur, qui est pourtant le droit fondamental et inaliénable en vertu duquel il ne peut être porté atteinte à l’intégrité de l’œuvre ou à son esprit. Seul le droit de paternité est évoqué à travers l’article 6(3) : ainsi, lorsque l’auteur ou les titulaires de droits ont été identifiés, mais n’ont pu être localisés, leur nom doit être indiqué lors de chaque utilisation de l’œuvre. L’absence de normes pour la numérisation des œuvres a également été déplorée. Afin de respecter le droit moral de l’auteur, la numérisation devrait à tout le moins porter sur l’intégralité de l’œuvre et être d’une qualité correcte.

Une énumération restrictive des bénéficiaires
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L’article premier présente l’objet et le champ d’application de la directive. Celle-ci ne concerne que « certaines utilisations des œuvres orphelines faites par les bibliothèques, les établissements d'enseignement et les musées accessibles au public, ainsi que par les archives, les institutions dépositaires du patrimoine cinématographique ou sonore et les organismes de radiodiffusion de service public, établis dans les États membres, en vue d'atteindre les objectifs liés à leurs missions d'intérêt public ».

La question est de savoir si le régime s’applique également aux organismes privés accessibles au public et qui ont une mission d’intérêt général. L’article premier n’opère aucune distinction à ce sujet et vise donc a priori aussi bien les organismes publics que privés. De fait, seul importe le caractère non lucratif de l’utilisation. En outre, la directive ne bénéficie qu’aux seules institutions poursuivant une mission d’intérêt public[126].

Le monopole réservé aux seules institutions ayant la charge d’une mission d’intérêt public a cependant été regardé comme trop restrictif et injustifié. La directive n’apporte pas de réponse générale à la problématique des œuvres orphelines et crée une rupture de traitement entre les différents acteurs. Il aurait semblé préférable d’adopter un régime commun à tous[127].

Les œuvres concernées
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L’article 1(2) énumère les quatre types d’œuvres relevant du champ de la directive : les œuvres littéraires, les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, les phonogrammes et les œuvres incorporées. Par conséquent, la directive ne se limite qu’à l’appréhension de certaines catégories d’œuvres orphelines. De plus, pour des raisons de courtoisie internationale, « elle ne s’applique qu’aux œuvres qui sont initialement publiées sur le territoire d'un État membre ou, en l'absence de publication, radiodiffusées pour la première fois sur le territoire d'un État membre »[128].

La première catégorie vise les œuvres littéraires qui ont été publiées, notamment sous forme de livres, revues, journaux, magazines ou autres écrits. S’est posée la question de savoir si les « autres écrits » englobaient également la musique graphique, les plans ou encore les cartes postales. À cet égard, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique considère que la musique graphique entre bien dans le champ du régime des œuvres orphelines, ce qui n’est cependant pas le cas des cartes, plans et cartes postales, qui sont assimilables à des images fixes[129].

Les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles comprennent tous les enregistrements d’images animées, y compris les jeux vidéo. Lorsque les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles ont été produites par des organismes de radiodiffusion de service public, des règles supplémentaires sont prévues. Ainsi, la directive ne s’applique que lorsque ces œuvres ont été produites avant le 31 décembre 2002 et initialement publiées dans un État membre ou, en l'absence de publication, initialement radiodiffusées dans un État membre. Une « date butoir » a en effet été fixée afin de « limiter dans l’avenir l’ampleur du phénomène des œuvres orphelines »[130] dans les collections des organismes de radiodiffusion de service public. Cependant, le choix de cette date qui semble « extrêmement arbitraire » suscite des interrogations et ne semble pas constituer un critère pertinent[131].

L’article 1(4) précise que la directive s'applique également aux œuvres et autres objets protégés qui sont incorporés ou inclus. Ainsi, un dessin qui a été réalisé afin d’être incorporé dans un livre identifié comme orphelin peut, lui aussi, relever de la directive si ses ayants droit sont inconnus[132]. Chaque œuvre incorporée doit également faire l’objet d’une recherche diligente afin d’établir son statut, indépendamment de l’œuvre qui la contient. Cela ne devrait cependant pas alourdir grandement les recherches, puisque les sources à consulter seront probablement les mêmes ; le point 3) de l’annexe énumérant les sources à consulter pour les œuvres visuelles, renvoie d’ailleurs, notamment, aux sources énumérées aux points 1) et 2) concernant respectivement les livres publiés, et les journaux, magazines, revues et périodiques imprimés.

La directive exclut de son champ d’application les œuvres d’art indépendantes, c’est-à-dire celles qui ne sont pas incorporées dans une œuvre publiée, ce qui est conforme au souhait exprimé par la plupart des institutions culturelles et des représentants d’auteurs et d’ayants droit. La Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP) relevait que « les images fixes isolées, c’est-à-dire autres que celles incorporées dans des publications (livres, revues, journaux…) doivent être laissées en dehors du champ de la directive », et devront par conséquent faire l’objet d’un traitement national[133].

Le volume considérable d’images isolées orphelines nécessiterait la création d’une base de données gigantesque, qui inciterait les utilisateurs à venir y piocher des images considérées comme « libres de droit », et à se détourner ainsi des autres œuvres protégées. L’exclusion des photographies est justifiée par la nécessité de ne pas affaiblir les droits, déjà fragiles, sur ces œuvres. Le problème des photographies réside en effet dans le manque quasi-systématique d’informations concernant la titularité des droits, en particulier sur internet, où elles peuvent être reprises par tout le monde et circuler à grande échelle, ce qui rend effectivement difficile l’identification du créateur originel . Comme le fait remarquer le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique « compte tenu de l’exclusion du champ de la directive des photographies et images fixes, qui constituent le gisement le plus important d’œuvres orphelines », il en résulte que « la volumétrie des œuvres concernées par le régime prévu par la directive apparaît a priori très faible »[134].

Un droit d’exploitation limité
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Les organismes bénéficiaires sont autorisés à reproduire l’œuvre orpheline, notamment à des fins de numérisation, et à la mettre à disposition du public, conformément aux dispositions de l’article 6 qui précise à cette fin que « les États membres prévoient une exception ou une limitation au droit de reproduction et au droit de mise à disposition du public visés respectivement aux articles 2 et 3 de la directive 2001/29/CE ». Cette limitation s’apparente à une répétition d’une exception déjà prévue à l’article 5(2)(c) de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, autorisant « les actes de reproduction spécifiques effectués par des bibliothèques accessibles au public, des établissements d'enseignement ou des musées ou par des archives, qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect ». Cependant, l’exception ici envisagée est obligatoire. De plus, elle s’applique aux institutions dépositaires du patrimoine cinématographique ou sonore et aux organismes de radiodiffusion de service public. Enfin, la directive étend cette fois-ci l’exception à la mise à disposition du public.

Le principe de l’utilisation non commerciale est posé à l’article 6(2) : les organisations ne peuvent utiliser une œuvre orpheline que dans « un but lié à l'accomplissement de leurs missions d'intérêt public, en particulier la préservation, la restauration des œuvres et phonogrammes présents dans leur collection et la fourniture d'un accès culturel et éducatif à ceux-ci », étant précisé qu’elles peuvent toutefois « percevoir des recettes dans le cadre de ces utilisations, mais dans le but exclusif de couvrir leurs frais liés à la numérisation et à la mise à disposition du public d'œuvres orphelines ». La directive ne couvre donc pas les utilisations à des fins commerciales réalisées par les organisations bénéficiaires.

Bien qu’il semble devoir s’imposer, ce principe de l’utilisation non commerciale n’a pour autant pas été retenu de suite. En effet, comme évoqué précédemment, l’article 7 du projet de directive permettait aux États membres d’autoriser les institutions publiques à utiliser une œuvre orpheline à des fins autres que celles visées à l'article 6. La formule était vivement critiquée car elle ouvrait ainsi la porte à tout type d’exploitation, quelle qu’en fût la finalité, ce qui aurait pu porter atteinte à l’exploitation commerciale normale de l’œuvre.

Dans son avis, l’Association Littéraire et Artistique Internationale (ALAI) tempérait cependant cette considération : « l’article 7 part peut-être également du principe que le statut d’œuvre orpheline traduit l’état de fait selon lequel il n’existe actuellement aucune exploitation commerciale de l’œuvre et qu’il ne peut donc pas y avoir de conflit avec cette exploitation commerciale (inexistante). Par conséquent, le système de rémunération prévu par le projet de directive ne se substituerait à aucune exploitation normale puisque, par définition, l’œuvre orpheline ne fait pas l’objet d’une exploitation "normale" »[135]. Toujours est-il qu’un tel monopole accordé aux institutions publiques, qui n’est aucunement lié à leur mission, a paru excessif et contraire aux règles de la concurrence ; cet article controversé a par conséquent été retiré.

L’harmonisation de l’exigence de recherche diligente

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Une exigence essentielle conditionnant le statut d’œuvre orpheline
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La « recherche diligente » constitue l’unique notion harmonisatrice de la directive, puisque celle-ci se contente de poser le principe de reconnaissance mutuelle. La nature orpheline de l’œuvre découle ainsi d’une recherche diligente infructueuse[136]. Le caractère diligent de la recherche semble être laissé à la libre appréciation des utilisateurs souhaitant utiliser l’œuvre. En outre, la directive introduit une exigence de bonne foi, qui n’apparaissait pas dans la proposition de directive.

Le Groupe de travail de haut niveau indiquait dans son rapport que le caractère diligent de la recherche peut être apprécié plus souplement pour les œuvres dont les titulaires ne sont généralement pas représentés par des organisations, les sources disponibles étant alors moins abondantes[137]. Cela concerne par exemple le cas de la littérature grise (rapports d'études ou de recherches) qui est hors des circuits commerciaux de l’édition (il s’agit d’éditeurs non professionnels, tels que des instituts de recherche). Lorsque l’œuvre est originaire d’un pays étranger, la recherche peut s’avérer délicate en raison des barrières linguistiques. Il est également difficile de rechercher des personnes qui ne se considèrent pas elles-mêmes comme de véritables « auteurs », et qui ne sont donc membre d’aucune association ou organisation. Dans ces hypothèses, une approche plus souple de la recherche diligente peut aussi être adoptée.

La consultation des sources appropriées
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L’article 3(2) dispose que « les sources appropriées pour chaque type d'œuvres ou de phonogrammes en question sont déterminées par chaque État membre, en concertation avec les titulaires de droits et les utilisateurs, et comprennent au moins les sources pertinentes énumérées en annexe ». Les dispositions adoptées par les législations nationales seront donc importantes pour déterminer les sources à partir desquelles la recherche diligente doit être réalisée. L’annexe propose une longue liste de sources, parmi lesquelles le dépôt légal, les catalogues de bibliothèques, les associations d'éditeurs et d'auteurs dans le pays concerné, les bases de données et registres existants, comme WATCH (Writers, Artists and their Copyright Holders) ou encore l'ISBN (International Standard Book Number) et les bases de données recensant les livres imprimés, les sources qui intègrent des bases de données et registres multiples, y compris VIAF (Virtual International Authority Files) et ARROW (Accessible Registries of Rights Information and Orphan Works).

La phrase introductive de l’annexe de la proposition de directive avait été critiquée car elle laissait suggérer une liste fermée de sources à consulter[138]. La directive adoptée précise ainsi que les sources à consulter sont « entre autres » celles qui sont énumérées en annexe.

La publication d’une annonce peut faire partie de la procédure de recherche, par exemple sur un site internet ou encore dans la presse locale ou nationale. Les lignes directrices sur la recherche diligente recommandaient de conserver une trace des recherches réalisées, comprenant notamment les dates précises auxquelles elles ont été menées, le nom des sources utilisées et des termes employés, et le cas échéant, la copie des annonces qui ont été faites[139].

Le principe posé par la directive est que les organismes bénéficiaires devront, pour chaque œuvre, réaliser une recherche diligente dans l’État membre où l’œuvre a été pour la première fois publiée ou radiodiffusée[140]. Pour les œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, « la recherche diligente est effectuée dans l’État membre où le producteur a son siège ou sa résidence habituelle ». S’agissant des œuvres qui n’ont été ni publiées, ni radiodiffusées, mais qui ont été rendues accessibles par une organisation avec l’accord des titulaires de droits, la recherche diligente est effectuée dans l'État membre où est établie cette organisation. Pour les œuvres incorporées, la recherche diligente doit en principe être réalisée dans l’État membre où est effectuée la recherche relative à l’œuvre principale qui les contient. Une exception est néanmoins prévue au principe de la recherche réalisée dans l’État membre de première publication ou radiodiffusion. En effet, dès lors qu’il apparait que des sources pertinentes sur les titulaires de droits peuvent se trouver dans un pays extérieur à l’Union européenne, la recherche diligente doit également tenir compte des informations éventuellement disponibles dans ce pays.

Par ailleurs, les recherches ne doivent pas nécessairement être réalisées par les organismes bénéficiaires. Le considérant (13) admet en effet qu’elles peuvent être menées par « d’autres organisations », qui pourront facturer leur service.

L’enregistrement des recherches effectuées
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L’utilisation d’une œuvre orpheline nécessite son enregistrement dans une base de données en ligne unique accessible au public[141] établie et gérée par l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)[142]. Les organismes bénéficiaires doivent ainsi tenir un registre de leur recherche diligente et fournir un certain nombre d’informations aux autorités nationales compétentes (notamment les résultats des recherches qui ont été effectuées, l’utilisation qu’elles font des œuvres orphelines ainsi que toute modification de leur statut), qui les transmettront ensuite à l’Office pour être enregistrées dans la base de données[143].

L’instauration d’une base de données répertoriant les œuvres identifiées comme orphelines permet ainsi d’éviter à chaque utilisateur potentiel d’avoir à réitérer une recherche déjà réalisée. Mais la mise en place d’une base de données peut aussi engendrer des effets pervers. En effet, elle peut encourager la paresse de certains opérateurs, qui pourraient être tentés de ne se tourner que vers les œuvres pour lesquelles les recherches ont déjà été menées (ils n’auraient alors rien à payer). De même, l’existence d’une telle base pourrait conduire les utilisateurs peu scrupuleux à privilégier les œuvres orphelines plutôt que celles dont les titulaires sont identifiés, lesquels seront attentifs aux utilisations qui seront faites de leur création.

La fonction de l’autorité nationale compétente, qui doit communiquer à l’Office les informations qui lui ont été transmises par les organismes bénéficiaires, a également fait l’objet d’une discussion. En effet, certains organismes ont considéré que l’autorité nationale ne devait avoir qu’un simple rôle de transmission des informations, sans aucune possibilité d’exercer un contrôle ou une validation des recherches diligentes effectuées ; cette approche semble d’ailleurs conforme à la lettre de l’article 3(6), qui n’évoque absolument pas une telle mission (l’autorité doit transmettre « sans délai » ces informations). A contrario, certains représentants d’ayants droit ont estimé qu’il serait opportun de permettre à l’autorité nationale compétente de réaliser un contrôle a posteriori des recherches diligentes, en lui donnant accès aux pièces justificatives des recherches réalisées par les organismes. Cette approche est néanmoins contraire à l’esprit de la directive.

Quoi qu’il en soit, l’absence de contrôle ne signifie pas que les organismes pourraient se contenter de recherches plus ou moins superficielles. Une épée de Damoclès menace en effet de s’abattre sur les utilisateurs paresseux : le caractère insuffisant des recherches augmente le risque de réapparition du titulaire et donc de versement d’une compensation, et de plus, ainsi que le précise le considérant (19), les organismes bénéficiaires qui n’ont pas réalisé des recherches diligentes s’exposent à une condamnation pour contrefaçon (aucun recours spécifique n’est prévu contre les utilisations non autorisées des œuvres orphelines, les dispositions nationales existantes en matière de violation du droit d'auteur demeurent donc applicables).

Un « remède » inefficace

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Une approche prohibitive
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L’objectif principal de la directive était d’élaborer un cadre juridique afin de faciliter la numérisation de masse et la diffusion des œuvres orphelines dans le marché européen. Cependant, le dispositif adopté semble à cet égard inopérant. En effet, les utilisateurs potentiels sont tenus de réaliser une recherche diligente pour chaque œuvre qu’ils souhaitent utiliser. Or, une telle exigence n’apparait pas compatible avec les projets de numérisation massive ; les institutions culturelles avaient justement souligné la lourdeur de telles recherches, et les coûts particulièrement élevés qu’elles engendreraient. Ainsi, la directive n’améliore guère la situation des institutions culturelles ; elle semble même, dans une certaine mesure, l’aggraver, car elle ajoute une condition de bonne foi. La validité des recherches effectuées pourrait donc être remise en cause sur la base de deux critères. L’Interassociation Archives bibliothèques Documentation (IABD) relevait que la directive, qui accorde une protection excessive aux ayants droit perdus, ne permettra pas de favoriser la diffusion du patrimoine culturel européen. Le dispositif adopté risque d’engendrer des coûts disproportionnés. Selon l’IADB, la recherche diligente ne devrait pas nécessairement porter sur chacune des œuvres, mais être proportionnée à la nature des documents utilisés[144].

Les conclusions de l’étude réalisée par le projet EnDOW (Enhancing access to 20th Century cultural heritage through Distributed Orphan Works clearance) sur « les exigences de la recherche diligente au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Italie »[145] confirment les craintes qui ont pu être émises quant à la lourdeur du dispositif. En effet, l’étude révèle que la réalisation d’une recherche diligente, conformément au régime de la directive, nécessite de consulter une énorme quantité de sources différentes (357 en Italie, 210 au Royaume-Uni et 87 aux Pays-Bas), parmi lesquelles une part importante n’est pas librement disponible (seulement 56 % des sources de ces pays sont gratuitement accessibles en ligne)[146]. Sur les trois pays étudiés, seul le Royaume-Uni a pris certaines mesures afin de faciliter la tâche des institutions culturelles : l’Office de la propriété intellectuelle britannique a ainsi publié un « guide sur la recherche diligente des titulaires de droits »[147], accompagné d’une liste de vérification (checklist) indiquant avec précision, pour chaque catégorie d’œuvres, les sources à consulter. L’Italie et les Pays-Bas n’ont quant à eux prévu aucune ligne directrice afin d’orienter la recherche diligente. La loi néerlandaise sur le droit d’auteur reproduit fidèlement l’annexe de la directive, sans apporter d’information supplémentaire sur les sources à consulter[148]. Les institutions culturelles néerlandaises devront donc rechercher, pour chaque catégorie d’œuvres, les bases de données appropriées, et apprécier elles-mêmes le caractère pertinent des sources à consulter, ce qui est source d’insécurité. L’Italie a la même approche.

Lucie Guibault, professeur à l’Institute for Information Law (IViR) de l’Université d’Amsterdam, souligne ainsi que dans les pays où la législation ne détaille pas les sources et bases de données à consulter, les institutions culturelles seront confrontées à deux incertitudes, tenant d’une part à la détermination de ce qui constitue une recherche diligente réalisée de bonne foi, étant donné qu’aucune indication précise n’est fournie par la loi, et d’autre part, aux conséquences juridiques liées à l’absence de consultation des autres sources[149]. Afin de résoudre le problème, le rapport préconise une intervention législative ou l’édiction de lignes directrices officielles, qui opéreraient une hiérarchie entre les sources obligatoires et les sources facultatives, en fonction de leur pertinence et de leur accessibilité. De même, la recherche diligente devrait être considérée comme réalisée de bonne foi lorsque toutes les sources pertinentes librement et facilement accessibles ont été consultées[150].

En outre, l’obligation d’indemnisation en cas de réapparition du titulaire est source d’insécurité juridique : même lorsque l’organisation bénéficiaire a réalisé des recherches diligentes, elle s’expose malgré tout à un risque financier, potentiellement considérable suivant le nombre d’œuvres utilisées. Cette obligation latente n’incitera pas davantage les institutions culturelles à numériser leurs collections. Michèle Battisti, ancienne vice-présidente de l'Interassociation Archives bibliothèques Documentation (IABD), s’interroge ainsi sur l’utilité de la directive : « La recherche et l’indemnisation des ayants droit risquent fort de représenter un poste de coût écrasant. Est-ce justifié ? Est-ce même envisageable au regard de la mission d’intérêt public poursuivie par les établissements mentionnés dans la directive ? Le souci d’équilibre entre les intérêts des ayants droits et ceux de la société semble bien compromis »[151].

La liste des bénéficiaires du régime est bien trop restrictive, puisqu’elle ne vise en définitive que les institutions « traditionnelles ». C’est omettre que de nombreux autres acteurs contribuent activement à la diffusion du patrimoine culturel, parmi lesquels la célèbre et incontournable encyclopédie en ligne Wikipédia. Il est regrettable que la directive ne tienne pas compte de la diversité des modes d’accès à la culture. En effet, les habitudes ont évolué et les citoyens européens, en particulier les plus jeunes, recourent de moins en moins aux institutions traditionnelles, que sont notamment les bibliothèques et les musées, pour accéder aux œuvres culturelles ; et cette désaffection ne fera certainement que s’intensifier avec le temps. Par conséquent, puisque la finalité de la directive est de permettre la plus large diffusion possible du matériel culturel, il aurait été opportun de faire bénéficier du régime de manière générale tout organisme à but non lucratif. Par ailleurs, l’interdiction de toute utilisation à des fins lucratives n’est pas propice à la conclusion de partenariats publics-privés en vue de numériser les œuvres orphelines. Or, le processus de numérisation est coûteux, et les institutions culturelles disposent de fonds limités. Dès lors, en interdisant les utilisations commerciales, la directive les prive plus ou moins de la possibilité de bénéficier de subventions ou financements privés, qui poursuivent effectivement le plus souvent un but lucratif.

Le nombre relativement faible d’œuvres orphelines disponibles sur la base de données de l’Office est révélateur du peu de succès dont semble bénéficier le régime. En effet, moins de 6 000 œuvres orphelines ont été enregistrées dans l’Orphan Works Database depuis sa création[152]. Les nombreuses études réalisées en Europe faisaient pourtant état d’une remarquable quantité d’œuvres orphelines présentes dans les collections des institutions culturelles. En consacrant l’exigence d’un processus de recherche complexe et minutieux pour chacune des œuvres utilisées, même pour celles incorporées, la directive ne parvient donc pas à résoudre le problème de manière adéquate.

La question de l’articulation avec les dispositifs nationaux existants
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L’approche de la Commission européenne semble bien consensuelle. En effet, le considérant (4) retient que « la présente directive est sans préjudice de solutions spécifiques développées dans les États membres pour traiter de questions de numérisation de masse, comme dans le cas d'œuvres dites indisponibles dans le commerce. Ces solutions tiennent compte des spécificités des différents types de contenu et des différents utilisateurs et s'appuient sur le consensus trouvé entre les parties prenantes concernées ». De même, le considérant (24) affirme que « la présente directive ne porte pas atteinte aux dispositions des États membres en matière de gestion des droits, tels que les licences collectives étendues, les présomptions légales de représentation ou de transfert, la gestion collective ou des dispositifs similaires ou une combinaison de ces éléments, y compris pour la numérisation de masse ».

Pour autant, l’articulation entre le dispositif communautaire et les systèmes nationaux ayant un objet similaire n’est pas très claire. Les régimes nationaux peuvent permettre, dans certaines situations, l’utilisation d’œuvres orphelines, ce qui signifie que le même objectif que celui visé par la directive peut être obtenu par des voies différentes. Le régime prévu par la directive ne semble alors proportionné au but poursuivi que s’il n’existe pas de solution alternative afin de permettre l’exploitation des œuvres orphelines et leur mise à disposition du public.

En France, un régime spécifique relatif à l’exploitation des livres indisponibles a été adopté antérieurement à la directive, ce qui règlerait donc le sort des livres orphelins publiés avant le 1er janvier 2001 et ne faisant plus l’objet d’une publication sous forme numérique ou imprimée. Le régime des livres indisponibles et celui des œuvres orphelines sont ainsi amenés à se chevaucher : un livre indisponible peut en effet également être une œuvre orpheline. Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique soulignait dans son rapport sur la transposition de la directive que « dans la mesure où le champ des livres indisponibles dans le commerce et celui des livres orphelins se recoupent partiellement, se pose la question de savoir quel est le régime applicable aux livres qui présentent la double caractéristique d’être à la fois indisponibles et orphelins »[153].

La loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle instaure un système de gestion collective obligatoire pour permettre l’exploitation numérique des livres épuisés[154]. Selon l’article L134-1 du Code de la propriété intellectuelle, « on entend par livre indisponible au sens du présent chapitre un livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l'objet d'une diffusion commerciale par un éditeur et qui ne fait pas actuellement l'objet d'une publication sous une forme imprimée ou numérique ». Curieusement, la loi introduit également une définition de l’œuvre orpheline à l’article L.113-10[155], mais ne la rattache à aucun régime particulier[156].

Les livres indisponibles sont répertoriés dans une base de données publique dénommée « ReLIRE » (Registre des Livres Indisponibles en Réédition Électronique), gérée par la Bibliothèque nationale de France. Quelque 500 000 livres publiés au XXe siècle sont considérés comme indisponibles[157].

Dès lors qu’un livre indisponible est inscrit dans cette base, sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique peuvent être autorisées, contre rémunération, par la Société Française des Intérêts des Auteurs de l'écrit (SOFIA), société de perception et de répartition des droits agréée à cet effet par le ministre de la Culture. L’auteur ou l’éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée de ce livre a alors un délai de six mois pour s’opposer à cette inscription (art. L.134-4 I). La loi institue donc un mécanisme d’opt-out[158]. L’auteur peut notamment être amené à exercer cette faculté s’il n’a pas cédé ses droits d’exploitation numérique à son éditeur (cette situation concerne essentiellement les contrats d’édition conclus avant l’ère numérique). Si l’éditeur manifeste son opposition, il a l’obligation d’exploiter le livre dans les deux ans, et doit apporter la preuve de cette exploitation, sous peine de réinscription (art. L.134-4 II). En revanche, l’auteur n’est pas soumis à cette obligation. En outre, il peut même s’opposer à l’inscription du livre après l’expiration du délai de six mois s’il estime que « la reproduction ou la représentation de ce livre est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation » (art. L134-4 I) », ce qu’il lui appartiendra de démontrer.

À l’expiration du délai de six mois à compter de l’inscription, en l’absence de toute d’opposition, la société de gestion collective agréée propose par priorité une autorisation exclusive d’exploitation numérique du livre indisponible à l’éditeur d’origine, c’est-à-dire celui qui dispose du droit de reproduction de ce livre sous une forme imprimée. En cas d’accord, l’autorisation est délivrée pour une durée de dix ans tacitement renouvelable, l’éditeur ayant l’obligation d’exploiter l’œuvre dans les trois ans suivant l’acceptation de la proposition (art. L.134-5). Si l’éditeur d’origine refuse ou ne remplit pas son obligation d’exploitation, la société de gestion peut alors délivrer à tout autre éditeur une licence non exclusive pour une durée de cinq ans renouvelable (art L.134-3 I).

Afin de régler spécifiquement le sort des livres orphelins et indisponibles, le législateur, anticipant sur le projet européen, a prévu que la société de gestion agréée pourrait autoriser « gratuitement les bibliothèques accessibles au public à reproduire et à diffuser sous forme numérique à leurs abonnés les livres indisponibles conservés dans leurs fonds dont aucun titulaire du droit de reproduction sous une forme imprimée n'a pu être trouvé dans un délai de dix ans à compter de la première autorisation d'exploitation », conformément aux dispositions de l’article L.134-8 du Code de la propriété intellectuelle. Ce dispositif a cependant un champ d’application plus étroit que celui prévu par la directive. En effet, les bibliothèques, qui sont les seuls établissements culturels bénéficiaires de ce régime, doivent attendre une période de dix ans avant de pouvoir demander une autorisation de diffusion à la SOFIA, qui peut d’ailleurs refuser de la délivrer sur avis motivé. En outre, la diffusion numérique bénéficie uniquement aux abonnés des bibliothèques concernées.

La mise en cohérence des deux régimes est donc cruciale. À cet égard, deux options sont envisageables afin de résoudre les problèmes d’articulation.

La première consisterait à enrayer le régime communautaire en faisant prévaloir le régime des livres indisponibles. En somme, le mécanisme envisagé par la directive ne serait que supplétif : il ne s’appliquerait qu’en dernier recours, lorsqu’aucune solution nationale n’est prévue. Cette approche est notamment défendue par les titulaires de droits et leurs représentants, qui soutiennent qu’elle permettrait de préserver l’intérêt économique du dispositif français, puisqu’un livre non disponible deviendrait, sous le régime de la directive, gratuitement accessible en ligne. Ainsi, selon cette approche, l’inscription d’un livre sur le registre national aurait pour effet d’interdire son utilisation dans le cadre du régime communautaire.

Le Conseil supérieur considère qu’une telle option serait en tout état de cause contraire à la lettre et à l’esprit du texte européen. En effet, il relève que les dispositions du considérant (4) « n’ont pas pour objet de permettre de faire obstacle à l’application du régime prévu par la directive en faisant prévaloir des régimes spécifiques nationaux […], elles visent seulement à permettre de préserver l’existence éventuelle de ces régimes »[159]. Alexandra Bensamoun observe avec pragmatisme que « si l’Union impose un régime des œuvres orphelines, la fusion partielle des catégories sera inopérante, l’œuvre orpheline échappant alors à ce statut défavorable »[160]. Par ailleurs, l’Inter-Association Archives Bibliothèques Documentation (IADB), estimant que le régime français est excessivement complexe et limité, souligne que « la logique veut que l’ensemble des œuvres orphelines soit géré par le même dispositif »[161].

Par conséquent, le Conseil supérieur concluait que la coexistence parallèle des deux régimes est la seule option qui semble compatible avec les dispositions de la directive. En pratique, un livre identifié comme orphelin et indisponible sera cumulativement soumis aux deux régimes : les institutions culturelles pourront l’utiliser, sans autorisation, dans un but lié à l’accomplissement de leurs missions d’intérêt public, à condition qu’une recherche diligente du titulaire des droits ait été préalablement réalisée ; et, parallèlement, ce livre pourra être exploité commercialement, avec la permission de la SOFIA.

Ainsi, la loi n° 2015-195 du 20 février 2015 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel crée les articles L.135-1 à L.135-7 du Code de la propriété intellectuelle, en procédant à l'abrogation de l’article L.134-8[162].

Puisque la loi consacre la coexistence des deux régimes, le dispositif français risque de se trouver dépourvu d’utilité. En effet, les éditeurs ne seront pas très incités à envisager une exploitation commerciale d’un livre épuisé, qui serait par ailleurs gratuitement accessible en ligne dans le cadre du régime des œuvres orphelines. Hervé Féron, rapporteur du projet de loi de transposition, tempérait cependant cette inquiétude, en soulignant que « les très lourdes contraintes qui pèseront sur les organismes qui souhaiteront faire usage du régime d’exploitation des œuvres orphelines pourraient se révéler assez dissuasives »[163].

Toujours est-il que ce projet, critiqué dès ses origines, a pris fin à la suite d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne[164] en novembre 2016 ; la BNF n’assure plus désormais que la maintenance du registre ReLIRE.

En effet, en juillet 2016, la Cour de justice européenne a conclu à l'illégalité de la « réglementation 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle » pour son incompatibilité avec la directive 2001/29 sur le droit d’auteur[165].

Le 16 novembre, la Cour de justice européenne a publié ses conclusions et détaillé les raisons qui rendent caduques l'essentiel des articles de la loi française sur les livres indisponibles pour son incompatibilité avec la directive 2001/29 sur le droit d’auteur[166].

La transposition de la directive par les Etats membres
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Les États membres devaient transposer les dispositions de la directive au plus tard le 29 octobre 2014[167]. À ce jour, seule la Croatie ne s’est toujours pas mise en conformité avec la législation européenne (le pays est confronté à une situation particulière en raison des nombreuses œuvres conjointement détenues avec les pays de l’ex-Yougoslavie[168]). La plupart des États membres ont scrupuleusement repris la liste des sources à consulter figurant dans l’annexe de la directive. Dans certains États membres, comme la Suède et le Danemark, les organismes bénéficiaires doivent directement enregistrer les œuvres orphelines dans la base de données de l’Office, sans devoir passer par l’intermédiaire de l’autorité nationale compétente.

Le régime britannique reposant sur l'octroi d'une licence non exclusive
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Parallèlement à la transposition de la directive, le Royaume-Uni a eu une approche plus générale et ambitieuse en instituant également, sur le modèle du régime canadien, un système de licence domestique afin de permettre les utilisations commerciales d’œuvres orphelines[169]. L’Intellectual Property Office (IPO) est ainsi habilité à délivrer une licence non exclusive, uniquement valable sur le territoire britannique, à tout utilisateur qui a réalisé une recherche diligente infructueuse. Les modalités de la licence, délivrée pour une durée maximale de sept ans renouvelable, sont établies par l’IPO, qui vérifie le caractère diligent des recherches effectuées et détermine notamment le montant des redevances, calculé sur la base des tarifs en vigueur lorsqu’une œuvre non orpheline similaire est utilisée de la même façon. Le prix de la licence est particulièrement faible pour les utilisations non commerciales[170].

En cas de réapparition du titulaire, l’IPO lui versera les redevances qu’il a perçues en son nom, mais la licence qui a été entreprise se poursuivra jusqu’à son terme. Si le titulaire ne réapparait pas dans un délai de huit ans, l’IPO sera libre d’utiliser ces sommes à des fins culturelles et éducatives. Lorsque l’utilisation des œuvres orphelines est réalisée dans le cadre du régime prévu par la directive, les organismes bénéficiaires n’ont évidemment pas à payer de redevances : ils ne devront dédommager l’auteur que s’il réapparait. De plus, contrairement au régime précédent, la licence est valable sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, et les recherches qu’ils ont réalisées ne font l’objet d’aucune vérification. Les organismes bénéficiaires devront a priori, comme tout autre utilisateur, obtenir une autorisation de l’IPO pour toute utilisation non visée par la directive ou pour utiliser les œuvres orphelines ne faisant pas partie de leurs collections.

L’intérêt essentiel du système anglais est qu’il permet l’utilisation de tout type d’œuvre orpheline, y compris les photographies et autres images fixes (qui sont exclues de la directive), ainsi que les œuvres non publiées[171]. La majorité des demandes de licences ont d’ailleurs porté sur des œuvres visuelles. Ainsi, sur les 367 œuvres orphelines actuellement enregistrées sur la base de données nationale, l’Orphan Works Register, 275 (soit 75 %) sont des images fixes[172]. Cette donnée montre bien que le phénomène des œuvres orphelines est particulièrement prégnant dans le domaine de l’image. L’exclusion des photographies et images fixes (en tant qu’œuvres indépendantes) du champ de la directive constitue donc une réelle lacune.

Le régime hongrois comportant deux systèmes d'attribution
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L’Office hongrois de la propriété intellectuelle est l'autorité administrative chargée d'octroyer les licences d'utilisation des œuvres orphelines.

La Hongrie, qui s’était déjà dotée d’une législation sur les œuvres orphelines avant l’adoption de directive, a modifié sa loi sur le droit d’auteur en 2013 afin d’introduire une exception en faveur des institutions culturelles. Le nouveau régime hongrois des œuvres orphelines comporte désormais deux systèmes[173]. Les utilisateurs qui ne sont pas expressément désignés par la directive doivent obtenir une autorisation administrative auprès de l’Office hongrois de la propriété intellectuelle, suivant le système classique . En revanche, les organismes bénéficiaires pourront utiliser, sans autorisation préalable et dans les conditions prévues par la directive, les œuvres orphelines contenues dans leurs fonds. Contrairement au système classique, qui permet aux utilisateurs de poursuivre l’exploitation de l’œuvre jusqu’à un an après la réapparition du titulaire, ces organismes ne pourront continuer à exploiter l’œuvre qu’avec le consentement du titulaire réapparu. Par ailleurs, un décret de 2014 a établi le montant exact de la rémunération due au titulaire pour chaque type d’œuvre et calculé en fonction de l’étendue et de la durée de l’utilisation.


Notes et références

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  1. L’ayant droit (ou ayant-cause) est celui qui détient un droit en raison du lien qui l’unit à l’auteur. Il peut s’agir d’un héritier, d’un éditeur ou encore d’une société de gestion des droits d’auteur.
  2. LANG, Bernard, L'exploitation des œuvres orphelines dans les secteurs de l'écrit et de l'image fixe, INRIA, 17 mars 2008, p. 3.
  3. Selon l’Interassociation Archives-Bibliothèque-Documentation (IABD), Oeuvres orphelines. Lettre ouverte à Mme Gallo, eurodéputée, 15 février 2012 [1]
  4. GAYMARD, Hervé, LEFAIT, Michel, La numérisation du patrimoine écrit européen : quels enjeux ?, rapport déposé par la commission des affaires européennes sur les enjeux européens de la numérisation de l’écrit, 6 mars 2012.
  5. Selon la définition de l’association des professionnels de l'information et de la documentation.
  6. MARTIN, Michel, Assembler, upgrader et dépanner son PC, juin 2010, p. 278.
  7. « Techniques et formats de conversion en mode texte »
  8. Le numériseur le plus rapide du monde, utilisant une technologie similaire, peut numériser 250 pages par minute [2].
  9. Kouroupetroglou, Christos, Enhancing the Human Experience through Assistive Technologies and E-Accessibility, 30 juin 2014, p. 228.
  10. a et b MAUREL, Lionel. Bibliothèques numériques : le défi du droit d'auteur, Villeurbanne, Presses de l’enssib, 2008. p. 26.
  11. Michael Hart avait à sa disposition un ordinateur central utilisant le réseau ARPANET, ancêtre du réseau internet. Seuls les étudiants de l’université avaient accès à la bibliothèque numérique. Ce n’est qu’avec l’apparition et la généralisation du Web dans les années 90 que le projet Gutenberg connaîtra une impulsion nouvelle et un éclat international [3]
  12. TESSIER, Marc, Rapport sur la numérisation du patrimoine écrit, 12 janvier 2010, p. 6.
  13. JEANNENEY, Jean-Noel, Quand Google défie l'Europe : Plaidoyer pour un sursaut, 3e édition, mars 2010, extrait du résumé.
  14. Portail Europeana [4]
  15. Site de la Bibliothèque Numérique Mondiale [5]
  16. Estimations de 2010 de Leonid Taycher, ingénieur logiciel participant au projet Google Books [6]
  17. Google Books History [7]
  18. Indian Copyright Act, 1957, article 31A. [8]
  19. Register of Copyrights, Report on Orphan Works, Washington, United States Copyright Office, janvier 2006, p. 98.
  20. Article 77 de la Loi canadienne sur le droit d’auteur.
  21. LANG, Bernard, L'exploitation des œuvres orphelines dans les secteurs de l'écrit et de l'image fixe, 17 mars 2008, p. 5. [9]
  22. De nombreux auteurs utilisent le terme d’« orphelinat » de l’œuvre pour évoquer son caractère orphelin. Cet emploi apparaît cependant fautif (« orphelinat » n’a qu’une seule acception possible : établissement recueillant les orphelins) : il conviendrait donc de parler simplement du « caractère orphelin », de la « condition orpheline » de l’œuvre. Autrement, les mots vieillis « orphelinisme » ou « orphelinage » (état d’orphelin) peuvent être envisagés, ou dans un registre désuet, les mots « orphanité » (moyen français) ou encore « orphenté » (ancien français).
  23. Syndicat national des auteurs et diffuseurs d'images, Commentaires du Snadi, Juillet 2011, p. 9. [10]
  24. Article L.113-6 du Code de la propriété intellectuelle.
  25. Stef van Gompel, Les archives audiovisuelles et l’incapacité à libérer les droits des œuvres orphelines, 2007, p. 3. [11]
  26. Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Commission sur les œuvres orphelines, Rapport, 19 mars 2008, p. 16.
  27. La directive 93/98/CEE du 29 octobre 1993, relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins a porté à soixante-dix ans après la mort de l'auteur la durée de protection du droit d'auteur.
  28. Joint Information Systems Committee, In From The Cold: An Assessment Of The Scope Of ‘’Orphan Works’‘ And Its Impact On Delivery To The Public, (2009), p. 18.
  29. Ibid, p. 12.
  30. a et b VUOPALA, Anna, Assessment of the Orphan works issue and Costs for Rights Clearance, European Commission DG Information Society and Media, mai 2010, p. 38.
  31. Pamela Samuelson, Jennifer M. Urban, David R. Hansen, Kathryn Hashimoto, and Gwen Hinze, Solving the Orphan Works Problem for the United States, 37 Colum. J.L. & Arts 1 (2013), p. 8.
  32. Comme le disait si justement Umberto Eco, « la langue de l'Europe, c’est la traduction ».
  33. Définition dite « de Luxembourg » donnée à l’occasion de la 3e conférence internationale sur la littérature grise en 1997.
  34. Les œuvres d’art sont globalement peu concernées par le phénomène : leurs auteurs sont souvent bien connus et peuvent être retrouvés sans grande difficulté.
  35. Gowers Review of Intellectual Property, décembre 2006, p. 73.
  36. Commission européenne, Impact assessment on the cross-border online access to orphan works, Commission staff working paper, 2011, p. 11.
  37. Art. L.335-3 du CPI : « Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une œuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi ».
  38. Art. L.122-4 du CPI : « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ».
  39. Groupement des éditeurs de services en ligne, Photos de presse : N’abusez pas de la mention « droits réservés » !, 26 mars 2014 [12]
  40. PIERRAT, Emmanuel, D.R., comme Doisneau Robert, 2009 [13]
  41. Syndicat national des auteurs et diffuseurs d’images, Livre Blanc sur l'usage abusif de la mention « droits réservés », 2009, p. 5.
  42. Rapport du sénateur Jean-François Humbert, publié le 20 octobre 2010, p. 10. [14]
  43. Olivier Brillanceau, Directeur général de la SAIF, dans une interview, « Pas de crédit photo, pas de droit moral », 27 octobre 2010. [15]
  44. Marie-Christine Blandin, auteur de la proposition de loi, Séance du 28 octobre 2010 (compte rendu intégral des débats).
  45. Proposition de loi (n° 441) relative aux œuvres visuelles orphelines et modifiant le Code de la propriété intellectuelle, déposée le 12 mai 2010.
  46. Seule subsistait la définition de l’œuvre orpheline, avec une légère modification afin de la rendre conforme à celle donnée par le CSPLA : cette définition sera d’ailleurs reprise par la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle (voir infra).
  47. En France, le mécanisme est organisé par les articles L.132-23 à L.132-25 (pour les auteurs) et L.212-4 et L.212-7 (pour les artistes-interprètes) du Code de la propriété intellectuelle.
  48. Expérience de l’Ina relativement à l’utilisation d’œuvres audiovisuelles orphelines, octobre 2009, p. 5.; cette note a été demandée par la Commission des affaires juridiques du Parlement européen (JURI), octobre 2009, p. 5. [16]
  49. Association des Cinémathèques Européennes, Results of the Survey on Orphan Works 2009/10, mars 2010, p. 1.
  50. UCLA Film and Television Archive, Orphan Works Notice of Inquiry: Submission of the UCLA Film and Television Archive, 2005, p. 2.
  51. Article L132-24 du CPI, alinéa 2 : « Le contrat de production audiovisuelle n'emporte pas cession au producteur des droits graphiques et théâtraux sur l'œuvre ».
  52. Stef van Gompel & P. Bernt Hugenholtz, The Orphan Works Problem: The Copyright Conundrum of Digitizing Large-Scale Audiovisual Archives, and How to Solve It, Institute for Information Law (IViR), University of Amsterdam, 2010, p. 4.
  53. Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Commission sur les œuvres orphelines, Rapport, 19 mars 2008, p. 13. [17]
  54. Deux sociétés civiles gèrent leurs droits : la Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI) et la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (SPEDIDAM).
  55. European Bureau of Library, Information and Documentation Associations “Lobbying for libraries” Verbal statement at the European Commission Public Hearing on Orphan Works, 26th October, 2009, Brussels. Panel 1: Orphan Works – challenges and opportunities, p. 2. [18]
  56. VUOPALA, Anna, Assessment of the Orphan works issue and Costs for Rights Clearance, European Commission DG Information Society and Media, mai 2010, p. 14.
  57. Response by the Cornell University Library to the Notice of Inquiry Concerning Orphan Works, 70 FR 3739 January 26, 2005.
  58. Carole A. George, Exploring the Feasibility of Seeking Copyright Permissions, Carnegie Mellon University Libraries, décembre 2002, p. 3.
  59. VUOPALA, Anna, Assessment of the Orphan works issue and Costs for Rights Clearance, European Commission DG Information Society and Media, mai 2010, p. 42.
  60. Bibliothèque nationale de France, dans sa fiche de présentation du projet. [19]
  61. Pour les œuvres créées pendant les trente premières années du XXe siècle, moins de 5 % des héritiers des titulaires de droits sont retrouvés.
  62. VUOPALA, Anna, Assessment of the Orphan works issue and Costs for Rights Clearance, European Commission DG Information Society and Media, mai 2010, p. 14.
  63. Mark Simon, Mind Your Business: Does Congress Care About Your Creations?, 2008. [20]
  64. Audition publique sur les œuvres orphelines Commission Européenne – DG Marché Intérieur 26 octobre 2009, Intervention de Marie-Anne Ferry-Fall ADAGP - EVA, p. 2.
  65. Contribution de L’Association francophone des utilisateurs de logiciels libres, Commission relative à la proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines, Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, 2011, p. 87.
  66. À l’heure actuelle, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis, aucun cas de jurisprudence ne semble impliquer la réapparition d’un titulaire de droits ou l’utilisation illicite d’une œuvre orpheline.
  67. Philippe MASSERON, Pour la gestion des droits des œuvres orphelines, Centre Français d’exploitation du droit de Copie (CFC) Commission Européenne Audition sur les œuvres orphelines 26 octobre 2009, p. 2.
  68. Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Commission sur les œuvres orphelines, Rapport, 19 mars 2008, p. 5.
  69. Articles L.122-9 et L. 211-2 du Code de la propriété intellectuelle.
  70. Article 1372 du Code civil : « Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même ; il doit se charger également de toutes les dépendances de cette même affaire. Il se soumet à toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire ».
  71. L’utilisation d’images orphelines peut causer d’importants préjudices aux personnes qui sont représentées sur ces images. Ainsi, outre les sommes versées aux ayants droit, il a été envisagé de créer un fonds de garantie afin de prendre en charge les frais liés à d’éventuelles actions en justice pour atteinte au droit à l’image sur le fondement de l’article 9 du Code civil.
  72. Définition de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).
  73. Article L.122-10 du CPI.
  74. Expérience de l’Ina relativement à l’utilisation d’œuvres audiovisuelles orphelines, octobre 2009, p. 7.
  75. ARROW, Report on legal framework, p. 24.
  76. European Affairs, The Collective Management of Rights in Europe : The Quest for Efficiency, juillet 2006, p. 65.
  77. GERVAIS, Daniel, Collective Management of Copyright and Related Rights, Kluwer Law International, 2010, p. 21.
  78. Ibid, p. 22.
  79. BATTISTI, Michèle, Les licences collectives étendues, une solution venue du froid ?, mai 2012. [21]
  80. Intellectual Property Office, Copyright, and the Regulation of Orphan Works: A comparative review of seven jurisdictions and a rights clearance simulation, 2013, p. 20.
  81. Danemark, Consolidated Act on Copyright 2010. [22]
  82. Copydan, Orphan works in a Danish perspective, 2010, p. 6. [23]
  83. Loi sur le droit d’auteur (L.R.C. (1985), ch. C-42) [24]
  84. a et b Commission du droit d’auteur du Canada, Titulaires de droits introuvables, brochure, 2001. [25]
  85. Commission du droit d’auteur Canada, Titulaires de droits d’auteur introuvables, Loi sur le droit d’auteur, article 77, Demande de licence pour la reproduction d’une citation tirée d’un livre, 11 juin 2007. [26]
  86. Jeremy de Beer et Mario Bouchard, Le régime canadien des « œuvres orphelines » : les titulaires de droits d’auteur introuvables et la Commission du droit d’auteur, 1er décembre 2009, p. 26.
  87. Ibid note 86, p. 38.
  88. Australian Law Reform Commission, Orphan Works, Copyright and the Digital Economy, mai 2013, p. 255.
  89. Mihály FICSOR, How to deal with orphan works in the digital world? An introduction to the new Hungarian legislation on orphan works, Directorate general for internal policies, 2009 p. 7. [27]
  90. Article 57/B(d) du Copyright Act hongrois. [28]
  91. Article 57/A(2)
  92. Article 57/A(4)
  93. FICSOR, Mihály, HUNGARY Regulation of use of “orphan works”, 2009, p. 2. [29]
  94. MEZEI, Peter The New Orphan Works Regulation of Hungary, Institute of Comparative Law, 27 mai 2014, p. 5.
  95. U. S. Copyright Office, Report on Orphan Works, January 2006. [30]
  96. H.R. 5439, the Orphan Works Act of 2006. [31]
  97. H.R. 5889, the Orphan Works Act of 2008. [32]
  98. Shawn Bentley Orphan Works Bill 2008, 2)(A)Requirements for qualifying searches, (ii)Diligent effort. [33]
  99. Ibid, (b)Conditions for eligibility
  100. Ginsburg, Jane C., "Recent Developments in US Copyright Law: Part I - "Orphan" Works" (2008). Columbia Public Law & Legal Theory Working Papers, p. 6.
  101. Voir notamment l’article de Lionel MAUREL, Numérisation en bibliothèque : quelles marges de manœuvre aux États-Unis et en France ?, 18 février 2015. [34]
  102. Gowers Review of Intellectual Property, HM Treasury, novembre 2006, p. 69-72. [35]
  103. GINSBURG, Jane C., "Recent Developments in US Copyright Law: Part I - "Orphan" Works" (2008). Columbia Public Law & Legal Theory Working Papers, p. 9.
  104. Stef van Gompel, Les archives audiovisuelles et l’incapacité à libérer les droits des œuvres orphelines, 2007, p. 5.
  105. Johan Axhamn et Lucie Guibault, Cross-border extended collective licensing: a solution to online dissemination of Europe’s cultural heritage?, Final report prepared for EuropeanaConnect, University of Amsterdam, août 2011, p. 8.
  106. Cour d’appel de Paris, 31 octobre 2000, cité par Christophe CARON, Droit d’auteur et droits voisins, LexisNexis, 4e édition, 2015, p. 483.
  107. L’article L.211-2 prévoit la même solution pour les droits voisins : « Outre toute personne justifiant d'un intérêt pour agir, le ministre chargé de la culture peut saisir l'autorité judiciaire, notamment s'il n'y a pas d'ayant droit connu, ou en cas de vacance ou déshérence ».
  108. Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Commission sur les œuvres orphelines, Rapport, 19 mars 2008, p. 21.
  109. Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions, « i2010 : Bibliothèques numériques », COM (2005) 465 final, Bruxelles, 30 septembre 2005.
  110. Recommandation de la Commission 2006/585/CE, du 24 août 2006, sur la numérisation et l'accessibilité en ligne du matériel culturel et la conservation numérique [Journal officiel L 236 du 31 août 2006].
  111. Conclusions du Conseil du 13 novembre 2006, JO C297 du 7.12.2006.
  112. i2010: Digital Libraries High Level Expert Group – Copyright Subgroup, Report on Digital Preservation, Orphan Works, and Out-of-Print Works. Selected Implementation Issues, 18 avril 2007.
  113. Ibid, p. 5.
  114. i2010: Digital Libraries High Level Expert Group – Copyright Subgroup, Final Report on Digital Preservation, Orphan Works, and Out-of-Print Works, 3 juin 2008.
  115. Commission Staff Working Paper, Impact Assessment on the cross-border online access to orphan works, accompanying the document Proposal for a Directive of the European Parliament and of the Council on certain permitted uses of orphan works, 24 mai 2011.
  116. Ibid, p. 29.
  117. Memorandum of Understanding, Key Principles on the Digitisation and Making Available of Out-of Commerce Works. [36]
  118. Article 2(5)
  119. Contribution du Syndicat de la presse magazine, Commission relative à la proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines, Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, 19 octobre 2011, p. 59.
  120. Article 4.
  121. Contrairement aux exceptions « classiques », l’application de l’exception prévue par la directive a donc une durée potentiellement limitée : elle disparaît avec la réapparition du titulaire.
  122. En France, l’article R135-4 du Code de la propriété intellectuelle, issu du décret n°2015-506 du 6 mai 2015 pris pour l'application des articles transposant les dispositions de la directive, précise que : « La justification des droits prévue à l'article L. 135-6 est présentée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie électronique avec demande d'accusé de réception. A l'appui de sa demande, l'auteur produit la copie d'une pièce d'identité et une déclaration sur l'honneur attestant sa qualité. Ses éventuels ayants droit adressent en outre un acte de notoriété attestant leur qualité. Les autres titulaires de droits produisent, outre la copie d'une pièce d'identité, tout document de nature à justifier de leurs droits ».
  123. Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Rapport de la mission sur la transposition de la directive 2012/28/UE sur les œuvres orphelines, 17 juillet 2014, p. 32.
  124. En France, l’article L.135-6 du Code de la propriété intellectuelle, issu de la transposition de la directive, précise que : « Cette compensation est fixée par accord entre l'organisme et le titulaire de droits. Elle peut tenir compte, lorsqu'ils existent, des accords ou tarifs en vigueur dans les secteurs professionnels concernés ».
  125. SavoirsCom1, Amendements pour l’avant-projet de texte législatif sur les œuvres orphelines, 20 juin 2014.
  126. Les éléments à prendre en considération afin de déterminer ce qui constitue une telle mission ne sont cependant pas précisés. Tout au plus, le considérant (20) de l’exposé des motifs évoque : « l’accomplissement par les institutions culturelles de leurs missions d'intérêt public, en particulier la préservation, la restauration de leurs collections et la fourniture d'un accès culturel et éducatif à celles-ci, y compris à leurs collections numériques ».
  127. Contribution du Centre français d’exploitation du droit de copie, Commission relative à la proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines, Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, 19 octobre 2011, p. 55.
  128. Considérant (12).
  129. Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Rapport de la mission sur la transposition de la directive 2012/28/UE sur les œuvres orphelines, 17 juillet 2014, p. 13.
  130. Considérant (10) de la directive 2012/28/UE : « Compte tenu de la position particulière des radiodiffuseurs en tant que producteurs de phonogrammes et de contenus audiovisuels, et de la nécessité de prendre des mesures pour limiter dans l'avenir l'ampleur du phénomène des œuvres orphelines, il est opportun de fixer une date butoir pour l'application de la présente directive aux œuvres et aux phonogrammes présents dans les archives des organismes de radiodiffusion ».
  131. Contribution de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, Commission relative à la proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines, Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, 19 octobre 2011, p. 31.
  132. L’exposé des motifs de la proposition de 2011 précisait que « dans le domaine de l'imprimé, la directive s'applique aussi aux œuvres visuelles, telles que les photographies et illustrations, figurant dans de tels ouvrages publiés ».
  133. Contribution de la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques, Commission relative à la proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines, Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, 19 octobre 2011, p. 81.
  134. Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Rapport de la mission sur la transposition de la directive 2012/28/UE sur les œuvres orphelines, 17 juillet 2014, p. 14.
  135. Association Littéraire et Artistique Internationale, Œuvres orphelines – Compatibilité du projet de directive avec les normes internationales, 2011, p. 3.
  136. Article 2 : « Une œuvre ou un phonogramme sont considérés comme des œuvres orphelines si aucun des titulaires de droits sur cette œuvre ou ce phonogramme n'a été identifié ou, même si l'un ou plusieurs d'entre eux a été identifié, aucun d'entre eux n'a pu être localisé bien qu'une recherche diligente des titulaires de droits ait été effectuée et enregistrée conformément à l'article 3 ».
  137. High Level Expert Group on Digital Libraries, Digital Libraries: Recommendations and Challenges for the Future, Final Report, décembre 2009, p. 4.
  138. La phrase précédant l’énumération était ainsi formulée : « Les sources visées par l’article 3, paragraphe 2, sont les suivantes ».
  139. Memorandum of Understanding on Diligent Search Guidelines for Orphan Works, 2008, p. 29.
  140. Article 3(3).
  141. « La base de données des œuvres orphelines [Orphan Works Database] fournit des informations relatives aux œuvres orphelines qui font partie des collections de bibliothèques, d’établissements d’enseignement et de musées accessibles au public, ainsi que des collections d’archives, d’institutions dépositaires du patrimoine cinématographique ou sonore et d’organismes de radiodiffusion de service public, établis dans les États membres ». [37]
  142. À partir du 23 mars 2016, l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) devient l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).
  143. Articles 3(5) et 3(6).
  144. Interassociation Archives-Bibliothèque-Documentation (IABD), Oeuvres orphelines. Lettre ouverte à Mme Gallo, eurodéputée, 15 février 2012.
  145. Marcella Favale, Simone Schroff, Aura Bertoni, Report : Requirements for Diligent Search in the United Kingdom, the Netherlands, and Italy, 5 février 2016. [38]
  146. Ibid, p. 38.
  147. Orphan works diligent search guidance for applicants. [39]
  148. Lucie Guibault, Where to Look? Diligent search requirements too vague!, Institute for Information Law (IViR), 25 avril 2016. [40]
  149. Ibid.
  150. Requirements for Diligent Search in the United Kingdom, the Netherlands, and Italy, 5 février 2016, p. 38.
  151. Michèle Battisti, Oeuvres orphelines, une directive européenne pour rien ?, 16 septembre 2012. [41]
  152. Consulté le 21/04/2018 [42]
  153. Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Rapport de la mission sur la transposition de la directive 2012/28/UE sur les œuvres orphelines, 17 juillet 2014, p. 15.
  154. Pour une présentation détaillée de ce régime, voir l’article de MACREZ, Franck, L’exploitation numérique des livres indisponibles : que reste-t-il du droit d’auteur ?, Recueil Dalloz, n°12, 22 mars 2012, chron. p.749. [43]
  155. Article L.113-10 : « l’œuvre orpheline est une œuvre protégée et divulguée, dont le titulaire des droits ne peut pas être identifié ou retrouvé, malgré des recherches diligentes, avérées et sérieuses ».
  156. Cette définition, conforme à celle retenue par la directive, sera d’ailleurs conservée par la loi de transposition.
  157. Présentation du cadre légal [44]
  158. La mise en œuvre de ce mécanisme par Google Books avait pourtant été particulièrement critiquée. La société américaine avait d’ailleurs été condamnée pour contrefaçon par le tribunal de grande instance de Paris (TGI Paris, 18 décembre 2009). [45]
  159. Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Rapport de la mission sur la transposition de la directive 2012/28/UE sur les œuvres orphelines, 17 juillet 2014, p. 17.
  160. Bensamoun, Alexandra « Approche française des œuvres orphelines », in Les Cahiers de propriété intellectuelle, Éditions Yvon Blais, mai 2012, p. 275.
  161. Inter-Association Archives Bibliothèques Documentation, L’IABD auditionnée par le CSPLA concernant les œuvres orphelines, 31 mai 2014. [46]
  162. Article 3, LOI n° 2015-195 du 20 février 2015 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.
  163. Hervé Féron, Commission des affaires culturelles, et de l’éducation, Compte rendu n° 15, Assemblée nationale, 12 novembre 2014. [47]
  164. Voir sur actuallite.com [48]
  165. « ReLIRE : la numérisation des livres indisponibles considérée illégale par l'Europe » sur le site Actualitte.com au 7 juillet 2016.
  166. « ReLIRE : l'Europe abat la loi Œuvres indisponibles, pour avoir méprisé les auteurs » sur le site Actualitte.com du 16 novembre 2016.
  167. Article 9 de la directive du 25 octobre 2012.
  168. Commission européenne, Implementation of Commission Recommendation on the digitisation and online accessibility of cultural material and digital preservation, Progress report 2013-2015, Working document, p. 37. [49]
  169. Intellectual Property Office, Orphan Works Licensing Scheme Overview for Applicants, 2015, p. 11. [50]
  170. Ibid, p. 11.
  171. Intellectual Property Office, Government response to the technical consultation on orphan works, 2013, p. 34.
  172. En 2016 [51]
  173. MEZEI, Peter, The New Orphan Works Regulation of Hungary, Institute of Comparative Law, 27 mai 2014, p. 6.