Utilisateur:Sophie D CL/Brouillon


Childhood Links[1] modifier

Childhood Links est un projet Européen qui s'inscrit dans le programme pour l'éducation et la formation tout au long de la vie. La question du maintien des liens familiaux des enfants placés en établissements sociaux suite à des carences éducatives est au centre de ce projet. Ce projet fait parti des programmes Léonardo Da Vinci, il concerne l’ingénierie de transfert d'innovation.

Origines du projet modifier

Ce projet a été impulsé par la thèse universitaire de Jana Plessingerova sur le maintien des liens familiaux[Quand ?][réf. souhaitée]. Cette doctorante a mené une étude comparative au niveau européen qui a servi de point de départ au projet[réf. souhaitée]. En effet, tous les pays se positionnent en faveur de la réinsertion de l'enfant dans sa famille après un placement. Or, cette réinsertion est facilitée si le lien est maintenu pendant le placement[réf. souhaitée].

De plus, la déclaration de Stockholm de 2003 demande des approches alternatives au placement et a minima, le maintien du lien avec la famille.

Le Comité des Ministres aux Etats membres relative aux droits des enfants vivant en institution [2] place en 2005, le lien enfant placé-famille comme fondamental et l'évaluation de ce lien comme un élément fondateur du droit de l'enfant.

En France, le rapport thématique de 2010 de la défenseuse des enfants[3] recommande de "développer des réponses innovantes et coordonnées pour favoriser le maintien des liens de familles en situation de précarité et protéger l'équilibre des enfants". En Espagne des cours de médiation familiale sont déjà largement déployés[réf. souhaitée]. En Italie, le décret L. 149/01 de décembre 2006[réf. souhaitée] demande expressément le maintien du lien avec les familles, fermant les institutions de placement. En Tchéquie[précision nécessaire] des thèses universitaires[réf. nécessaire] soutiennent l’approche en accueil séquentiel et ouvrent sur un transfert sur les territoires de l’Est[réf. souhaitée].

Un projet d'innovation modifier

Ce projet se veut ambitieux car l'ingénierie de projet requiert un long travail rigoureux de recherche et d'expérimentation ainsi qu'une organisation minutieuse et sans failles.[non neutre] En effet, quatre pays sont investis sur ce projet : la France, l'Espagne, l'Italie et la République Tchèque.[réf. nécessaire]

Le consortium[précision nécessaire] se compose dans chaque pays de:

Neuf partenaires modifier

Structures d'accueil d'enfants modifier
  • MECS Clair Logis

Maison D’Enfants à Caractère Social. Elle travaille depuis une dizaine d’années sur la question du maintien du lien. Elle a mis en place une formation dénommée «l’accueil séquentiel » à destination des travailleurs sociaux.

Son rôle est de coordonner le projet. Elle est chargée du transfert des méthodes et des contenus de formation :

En assurant le soutien et l’accompagnement des équipes. Et en donnant les moyens techniques et éthiques.

Elle œuvre dans l’idée de l’intérêt du maintien du lien entre les enfants et leur famille.

Elle est volontaire pour proposer des éducateurs pour participer aux sessions de formations, suivant la nouvelle méthode élaborée par les partenaires du projet.

Organismes de formation de travailleurs sociaux modifier

Il offre des solutions de formation personnalisées aux professionnels et a mis en place un programme de formation sur « l’accueil séquentiel».

Il est le coordinateur transnational le projet[réf. souhaitée]. Et est chargé de coordonner l’ingénierie pédagogique de transfert et d’aider à la construction des contenus en ligne.[réf. souhaitée]

C'est une structure spécialisée dans la formation professionnelle.[réf. souhaitée]

Il est un partenaire clé[réf. souhaitée] dans toutes les activités du projet notamment partenaire de contact et coordinateur pour l’Espagne.

C'est une structure privée délivrant des formations qui apporte son expérience dans le développement et le management de projets européens.[réf. souhaitée]

Il est aussi un partenaire clé dans toutes les activités du projet notamment de contact et coordinateur pour l’Italie.[réf. souhaitée]

Universitaires modifier
  • Escoles Universitaries de Treball Social i Educacio Social Per Tarrés.

C'est une université privée de Barcelone. [réf. souhaitée] Elle a une grande expérience[non neutre] dans la gestion et la dynamisation de projets sur l’enfance en situation de risque social[réf. souhaitée]. Elle dispose également de modèles de travail pour gérer des centres pour enfants[réf. souhaitée].

  • Universita degli Studi di Urbino Carlo Bo

Au sein de l'Université d’Urbino, UNIURB est un centre de recherche et de formations, il contribue à la formation de travailleurs sociaux et a une large[réf. souhaitée] expérience dans le travail social et juridique.[réf. souhaitée]

  • Dipartimento di Ingegneria Informatica, Gestionale e dell' Automazione.

DIIGA est un groupe de travail E-Learning de l'Université polytechnique d’Ancona qui travaille dans le but d’aboutir à une transformation des supports éducatifs. [réf. souhaitée]

Son rôle sur le projet est de développer les contenus en-ligne.[réf. souhaitée]

Professionnels du travail social avec notamment modifier

C'est une association[réf. souhaitée]. Elle développe des activités dans le champ socio légal de la protection de l’enfance.[réf. souhaitée]

Il est partenaire de contact et coordinateur pour la République Tchèque. Il est chargé de reformuler le contexte en république Tchèque.[réf. souhaitée]

Ce projet se veut également novateur en transférant une méthode de travail par le biais d'une formation des travailleurs sociaux[réf. souhaitée]. Cette formation élaborée et mise en place en France est le fruit d'un travail de collaboration entre le CEFERH[9][source insuffisante] et la Maison d'Enfants Clair Logis[10][source insuffisante][réf. souhaitée], les premiers résultats montrent un bénéfice efficient tant sur les familles que pour les tutelles[réf. nécessaire].

Cette formation permet de sortir des positions dogmatiques, des a priori, ressentis et jugements[non neutre]. La méthode de formation permet de développer une analyse distanciée[réf. souhaitée] et un diagnostic des composantes des actes éducatifs des travailleurs sociaux[réf. souhaitée]. Elle sert également d’aide à la décision en s’appuyant sur la schématisation de situations d’accompagnement éducatif complexe et permet alors aux équipes de prendre des décisions ajustées sur cette question du maintien du lien, en tenant compte de chaque situation sociale, psychologique et familiale de l'enfant[réf. souhaitée]. Elle permet en outre, d’aider les organismes de tutelles à avoir une retranscription complète et objective des situations[réf. souhaitée].

Un projet sur deux ans modifier

Childhood Links s'étalonne sur deux années de travail. Il a commencé en 2011 et aboutira en 2013.[réf. souhaitée]

Organigramme de GANNT modifier
Méthodologie et programme de travail modifier

Fondements théoriques modifier

Le texte intitulé "L'Acte Éducatif" de Robert Michit, directeur du CEFERH de Grenoble est une des raisons d’être du projet, le voilà ci dessous:

1. L’acteur dans le quotidien prescrit et imprévu

Dans le quotidien de la situation d’éducation, comme dans le quotidien des rencontres humaines, des “rendez-vous” se nichent à la croisée ‘au moins’ de deux histoires. Une histoire anticipée et prévue, et une histoire de l’immédiateté des événements inopinés qui se présentent dans un surgissement inattendu.

 Dans l’histoire anticipée, les participants aux événements de la vie, organisent le temps selon un cadre à la fois protecteur, incitateur et contraignant, dont ils espèrent des effets spécifiques. Lorsque le projet d’établissement, comme le projet de vie familiale, établit des heures de coucher, avec leurs rituels, il en est attendu la mise en condition pour un repos réparateur. De même les temps de lever, de toilette, de repas, comme les temps d’activités ludiques et sociales visent chacun un objectif particulier : la détente, l’hygiène, la récupération d’énergie, la rencontre de l’altérité de l’autre. Ces temps et leurs objectifs présentent dans le présent des occasions offertes pour une expression de soi, qui peuvent rendre la vie “bonne à vivre” avec du sens si cette expression est valorisante. Si le présent conduit à des échecs, cette expression n’est plus valorisante. Elle conduit même à faire perdre le sens de la vie ; sens de vie aussi bien en tant que direction balisée par des objectifs intermédiaires, qu’en tant que sens donnant raison de vivre, et goût à vivre dans la sensibilité et les émotions éprouvées par la sensorialité. Cette histoire anticipée, prévue, nécessaire pour donner ces trois sens à la vie, peut, petit à petit, se transformer et s’installer en routine dans laquelle il ne reste de sens que la direction vers une fin inexorable où tout s’arrête. Fin, alors, qu’il est préférable de faire advenir avant qu’elle nous surprenne après avoir supporté une vie de misère.

 Cette histoire conçue et mise en place, par les institutions dans la dimension éducative pour les enfants, ou par les partenaires de vie pour les adultes, est marquée continuellement par des événements particuliers, uniques, dérangeant parfois les objectifs prévus, rompant ainsi inexorablement la routine. Une brouille dans un repas rompt l’espérance de dialogue et de partage attendus pour ce temps de retrouvailles voulues. Ces ruptures de la routine peuvent passer inaperçues. N’étant pas appréciées, elles ne sont pas valorisées. Les événements, dans ces conditions, n’acquièrent pas le statut de rencontre spécifique ou celui du rendez-vous ; la fadeur de la routine s’installe progressivement. On rentre de classe, un enfant raconte une partie de sa journée. Il sourit pendant le récit. Si les seuls entendus sont les faits racontés, l’adulte ne relève pas cette particularité signifiant d’une autre réalité encore laissée ou restée cachée. Si l’adulte reste centré sur l’attendu de l’exercice répété à chaque rentrée d’école, le sourire disparaît dans l’oubli de l’histoire immédiate. La spécificité n’a pas été relevée, elle est perdue à jamais, à moins qu’une troisième histoire, à un autre moment de la journée ou de la semaine, ne vienne le rechercher et mettre en lumière la particularité de ce jour. Ce temps de relecture différée des événements, nécessite une technique de dévoilement plus difficile.

L’acteur de et dans la déchirure

Tous les événements inopinés avec leurs unicités font partie de la deuxième histoire. Cette deuxième histoire, venant croiser la précédente, relève de l’immédiateté de l’action. Dans cette immédiateté, l’enfant (comme toute personne) prend des décisions ou réagit en fonction de la structure identitaire qu’il a construite de longue date, selon une “chimie”(Levy, 2003) unique (Stinner, 1844) Cette identité qui le structure, s’organise, en particulier , autour de forces psychiques (Erikson 1963, Guindon, 1976), ou de compétences de vie (Michit 1998). L’enfant, par exemple, met en œuvre des compétences d’acceptation des règles dans les jeux. Ces compétences à assumer les contraintes, ou à supporter le fait de perdre, développent la force de résistance à exprimer un désappointement par la colère. Ces compétences acquises, sont source de répétition des attitudes ajustées dans le cours des événements quotidiens. Toutefois, elles sont activées en fonction de leur disponibilité. Une perte de disponibilité rompt cette répétition de la compétence. Par exemple, la fatigue, une hypoglycémie, des préoccupations diminuant l’acuité de perception, font que dans cette histoire de compétences de vie s’ajustant à la spécificité des événements, des déchirures se produisent par inadvertance.

 Dans l’introduction de son article intitulé « le quotidien éducatif », Joseph Crouzel (2006), donne un exemple de cette “déchirure” : « Ce matin là, je me suis levé les yeux pas en face des trous . Comme il pleuvait, j’ai longé au plus près le mur de l’hôtel, de trop près. Crac : j’ai écorché mon beau pull à rayures mauves et bleues dans une espagnolette. J’étais en pétard. Mais à qui s’en prendre ? Au tôlier qui ferait mieux de tenir en laisse ses espagnolettes féroces, au bon dieu qui fait tomber la pluie et qui s’en contrefiche, à moi : j’avais qu’à faire gaffe etc. Je me suis vengé du sort. J’ai démarré ma conférence sur le quotidien….par cette anecdote… Le quotidien à la fois comme répétition qui constitue un fond de sécurité et les accrocs au quotidien, les effets de surprise, les imprévus etc. qui nous réveille. » L’incident de ce quotidien vient d’une absence de perception qui conduit le conférencier à ne pas faire attention et donc à déchirer son pull. Le sort n’a rien à voir dans l’affaire, nous en sommes bien d’accord. Alors que fait le conteur de cette séquence d’action lorsqu’il nous dit qu’il se venge du sort qui n’existe pas, tout comme « le bon dieu qui fait tomber la pluie»  ? Par contre, avec les éléments racontés, il est sûr qu’il utilise “le pull déchiré” pour sa conférence. Ainsi, il actualise là une compétence de vie qu’il vient de « réveiller ». En même temps, il résiste à se laisser déprimer par l’événement dont il est majoritairement responsable. Cet exemple nous donne comme leçon que dans l’événement de la rencontre inattendue, l’auteur prend des décisions en fonction de ses compétences de vie lui permettant de s’adapter. Il se donne ainsi l’occasion d’exprimer son identité avec assez de fierté pour s’apercevoir dans l’après coup (temps de la troisième histoire, celui du temps du récit raconté) qu’il a pu rendre sa vie belle au travers de la déchirure de son pull, parce qu’il a remis cette déchirure dans la chaîne de ses décisions d’acteur évitant de s’en prendre à dieu ou au sort.

 Un autre exemple, d’adaptation dans le temps de l’action, cette fois, nécessitant une aide pour dépasser l’échec éprouvé : « Cet après repas-là, un des enfants, voulant aider ceux du groupe responsables du service de nettoyage, prend un premier verre, puis un second qu’il empile sur le premier, …et oh, surprise ! Le premier se casse, l’enfant tout d’abord très étonné se tourne vers l’adulte qui le regarde lui aussi avec une surprise en esquissant un sourire de constat un peu amusé sans un quelconque reproche. Néanmoins, immédiatement après, l’enfant pose le tout sur la table et va dans sa chambre inconsolable…. ». Comme la suite de l’événement le montrera, c’est par un manque de perception des caractéristiques du premier verre qu’il répète par habitude une manière de faire qui n’est pas appropriée. Cette habitude le conduit à produire une fracture dans son quotidien alors qu’il venait faire une bonne action non demandée, et le plonge dans la culpabilité d’avoir cassé un objet important à ses yeux, et induit un sentiment d’injustice du sort. Comme on le verra, c’est dans une troisième histoire, par la réappropriation de son processus décisionnel dans l’instant de la superposition des verres, qu’un éducateur le libèrera de l’angoisse et le remettra dans son histoire d’acteur.

Cet exemple, nous enseigne que lorsque l’enfant n’a pas les compétences d’adaptation, il se crée une histoire de dépréciation, voire d’angoisse au cours de la deuxième histoire. Tout seul, alors, il ne peut sortir de l’engrenage du désespoir. Il faut impérativement que l’adulte vienne l’aider à se réapproprier les effets qu’il croit venant des coups du sort (car là, seule la malchance vient comme explication à l’enfant avec son lot de sentiment d’injustice), pour que dans la troisième histoire il se réapproprie son histoire d’acteur. Nous verront plus précisément comment et quel acte éducatif très spécifique peut faire accéder à cette réappropriation.

Ces déchirures, nécessairement plus ou moins bien raccommodées, vont laisser des cicatrices, soit sous la forme de renforcement des compétences de vie en confortant la fierté de dépassement des obstacles et des échecs, soit sous la forme de fabrication de mécanismes de défense pouvant définir certaines pathologies amoindrissant plus ou moins la mise en disponibilité active des compétences. Ces effets de renforcement des compétences comme de consolidation des mécanismes de défense, dépendent largement de l’acte éducatif qui accompagne la spécificité des événements du quotidien.

2. L’acte éducatif à la croisée de quatre histoires

L’acte éducatif s’inscrivant à la croisée de ces deux ensembles d’événements (les anticipés, prévus // les immédiats, impromptus) va construire d’une façon toute particulière, dans l’immédiateté de l’action, l’histoire de l’enfant. L’éducateur, dans l’acte éducatif, s’engage au cœur de cette histoire. Il entrecroise, dans l’événement quotidien, à l’aide de ses compétences éducatives, construites au cours de sa propre histoire, l’histoire de l’identité de l’enfant, en l’inscrivant dans l’histoire institutionnelle qui l’encadre, dans l’histoire individuelle de l’enfant déjà construite et dans celle qui advient. Son seul but, dans cette immédiateté événementielle, consiste à renforcer les compétences de vie de l’enfant en lui apprenant à prendre la routine des événements comme un ensemble de moments auxquels, de par sa responsabilité d’acteur, il reçoit le devoir de donner du sens pour lui, en les ajustant à la situation. Dans cette perspective de devoir assigné à l’enfant dès sa naissance, ce n’est pas la seule relation entre l’éducateur et l’enfant (inscrite dans l’histoire anticipée du projet éducatif), ce n’est pas la relation de transfert ( celle qui est inscrite dans la croisée des répétitions des mécanismes de défense et des habitudes inconscientes de l’éducateur et de l’enfant) qui vont faire éducation, mais bien cette histoire de compétences éducatives qui va relever explicitement l’impromptu significatif présent dans la rencontre de quatre histoires

 celle établie, organisée et définie par le projet de vie. Elle est la même pour l’enfant et l’éducateur,  celle de l’identification déjà construite,  celle de la compétence éducative de l’éducateur  celle de la toute nouvelle histoire qui fait irruption là pour poursuivre dans la continuité ou la rupture l’histoire de l’ensemble. La rupture apparaît lorsqu’un accident vient rompre l’intégrité physique, psychique et/ou sociale de l’enfant et de son environnement. L’acte éducatif aura ses effets d’humanisation, par le fait que l’enfant et l’adulte s’engagent explicitement dans les rets de l’histoire institutionnelle, selon la logique d’une quête systématique des signes permettant de sortir de la prégnance du non sens, inscrite dans sa routine. Avec les effets incontournables et efficaces de la répétition, qui construit la compétence par l’expérience répétée, l’enfant sans cesse sera éveillé par l’acte éducatif à la spécificité de tous les événements ordinaires, afin de les rendre inopinés par une construction de la réalité rencontrée, grâce à ses actions d’enfant décideur, et non par la seule irruption de l’inattendu incertain du sort.

3. Les formes décisionnelles de l’acte éducatif

Dans les temps d’analyse de pratique, il nous a été souvent donné l’occasion de mettre en évidence la structure des actes éducatifs en s’intéressant, après un temps de description précise des événements, aux actions des éducateurs (trices). Le travail de classification de ces actions selon des formes décisionnelles élémentaires et en nombre limités (moins de vingt), a permis de mettre en évidence, d’une part les probabilités de leurs effets selon seulement quatre classes d’effets (défensifs, coopératifs, appelant l’échange d’être, ou demandant une protection) . D’autre part, cette classification conduit, au cours de l’analyse de l’ensemble des actions éducatives d’une séquence de vie, à mettre en évidence les stratégies éducatives selon trois grandes familles : celles qui construit un cadre protecteur et incitateur, celles qui stimulent le dialogue en s’adressant au sujet intelligent, et celles qui stimulent le sujet acteur avec la disponibilité de son potentiel d’action (Michit, H et R 1998).

3.1. Evaluation, rappel de la règle et violence.

Ce matin là l’enfant arrive dans la cuisine. Je lui dis bonjour avec bienveillance. Il se met à table et commence à se balancer. Je lui demande d’arrêter de se balancer et de se tenir correctement. Je le fais à mes yeux, avec un ton bienveillant, le connaissant susceptible et parfois violent. Alors, il se met à se balancer encore plus fort en me regardant d’un air narquois. Un peu excédée, je lui dis plus fermement : « arrête de te balancer, tiens-toi correctement ! ». L’enfant se lève, va dans la cuisine, et met à terre les verres et les assiettes du placard.

L’analyse de la pratique dans un premier temps découvre que la première action relève de la forme décisionnelle de l’accueil ; la deuxième : « arrête de te balancer », quelle que soit l’intention de bienveillance, relève de la forme décisionnelle de l’appréciation sous la forme de l’évaluation d’un écart à la norme sociale ou à la norme de la résistance des matériaux associée à la catégorie de la suggestion : du conseil à l’ordre ; de même «  tiens-toi correctement » répète le même enchaînement : évaluation, référence à une norme (dans l’adverbe correctement) et ordre « tiens-toi ». Les seuls effets possibles à ces formes ne peuvent être que la soumission, l’acceptation avec expression d’une excuse, ou la justification ouvrant à la rébellion. Comme la logique d’action : évaluation/ rappel à la norme/conseil-ordre se répète quatre fois, sans que l’éducatrice ne se rendre compte de cet enchaînement, l’impact de cet enchaînement est facilement identifiable par les lois des effets induits à ces formes décisionnelles. Ainsi il est facile de constater que la structure de l’acte éducatif relève :  D’un temps d’accueil et d’une mise en confiance dans un cadre où le repas est servi et où une éducatrice est là bienveillante selon les recommandations de l’histoire institutionnelle prévue.  D’une invitation à arrêter une action.

o Cette invitation implique nécessairement un raisonnement implicite qui fait référence à la connaissance des règles établies dans le groupe: « si tu te balances et que c’est interdit alors il faut que tu arrêtes ». o Ce raisonnement est sans effet, car il parle à la raison. En effet, la règle il la connaît, mais ce jour-là une autre force le détermine, il ne peut pas se conformer à la règle et à sa raison. o Lui rappeler la norme qu’il connaît, en l’invitant à s’y soumettre, le met, inévitablement, en double contrainte : « fais ce que tu ne peux pas faire ». o De plus, dans le même temps, comme toute injonction, quelle que soit sa bienveillance relevant de l’ordre donné, invite inévitablement le sujet intelligent raisonneur à exprimer une réponse de justification défensive ou d’attaque agressive. En effet, toute injonction signifie, toujours, à celui qui la reçoit, que celui qui la commet ne comprend pas ce qui se passe et peut même procurer un sentiment d’injustice. Dans le cas présent, le jeune n’échappe pas à la règle. Il réagit en attaque. En effet, cet enchaînement de raisonnement et d’incompréhension engendre un sentiment d’injustice facilement associable à des réactions d’agressivité contre soi ou contre l’autre..

 Ainsi, lors de la troisième étape de la séquence, l’éducatrice ne percevant pas la logique de ses actes éducatifs stimulant la mise en défense, et donc ne percevant pas sa responsabilité dans cet engrenage, poursuit avec la même stratégie. Elle cherche à convaincre ou soumettre « l’enfant « raisonneur » qui agit en dehors de la logique ». Avec les mêmes formes décisionnelles, utilisant les mêmes formes verbales mais plus fortement performatives (Austin, 1962) , l’acte éducatif, ainsi de la accentué, devient une évaluation franche, un ordre ferme provoquant une perte raison, et une mise en œuvre du sujet acteur selon les réactivités de ses mécanismes de défense caractériels.

L’étonnant, dans de nombreuses situations éducatives, relève du fait que les acteurs reprennent les mêmes stratégies inefficaces en les répétant sans tirer la leçon de leur échec. « Je ne comprends pas ce qu’il a, cela fait “x” fois que je lui dis, et il fait toujours la même chose ! » Signifiant de ce fait l’inefficacité naturelle de tels discours pour initier et engager un changement dans ces situations, les acteurs en viennent à attribuer la responsabilité de leur échec à un autre : que ce soit l’enfant, le sort, dieu ou l’inconscient. Cette réaction n’est pas incompréhensive lorsque l’on sait qu’atteindre la logique procédurale (Eustache, Desgranges, 2003) est extrêmement difficile sans la connaissance et la mise en œuvre des techniques qui permettent son accès : à ce jour soit l’explicitation des événements (Vermersch, 1996), soit l’explicitation des processus décisionnel (Michit, 1998).

L’éducatrice ne se rendant pas compte de ce qu’elle fait, dans le temps réel de son action, au sens des formes décisionnelles, ne relève pas du fait qu’elle est prise dans le feu de l’action. Cela révèle d’une part d’une carence de connaissance de la classification de ses actes, d’autre part d’une capacité à se voir agir dans l’action. La découverte des formes décisionnelles des actions, grâce à l’explicitation, révèle un réel de la séquence d’actions présentée . Dans ce réel, les actions vécues dans l’implicite et donc restées cachées à la conscience de son auteur, jusqu’à leur dévoilement par l’explicitation, se révèlent accessibles. Ainsi, ces actions sortent de l’anonymat de « l’inconscient » ou de la répétition implicite. En conséquence, grâce à cette opération d’explicitation, en plus d’une réappropriation de la responsabilité de ses actes éducatifs, par la prise de conscience, s’effectue aussi un accroissement de sa compétence. En effet, une telle relecture induit, par effet rebond,

 d’une part, une représentation de soi immédiate dans le feu de l’action donnant la possibilité de percevoir et de prendre en compte beaucoup d’informations,  d’autre part, un accroissement des connaissances de la structuration de ses compétences éducatives du moment, permettant de mettre en œuvre des formes décisionnelles différentes et plus ajustées (et cela quels que soient les histoires personnelles, les transferts construits et les inconscients en présence). Ce jour, l’effet de la relecture, ne s’arrête pas à ces points de reconnaissance. Dans le même moment où l’éducatrice opère ce travail de représentation des actions, surgit à sa mémoire un savoir de l’enfant qu’elle n’avait pas pris en compte ce matin-là. Il était connu de tous que « le signe de balancement chez cet enfant révélait un envahissement par une angoisse ». Ce savoir, pourtant, était bien connu de tous. Il avait été observé maintes fois. Il avait été partagé en synthèse. Or, malgré cette connaissance bien vivante , l’éducatrice découvre qu’elle a, de fait, mis en priorité la chaise qui risquait de se rompre, et la norme sociale du bon comportement. Dans le moment de l’immédiateté de l’action, la hiérarchisation des importants avait mis en second plan l’enfant. Cette mise à l’écart, est demeurée dans l’obscurité de la mémoire jusqu’au moment de l’analyse de la pratique. L’angoisse de l’enfant devenue indisponible au traitement de l’information parce que mise en troisième dans la hiérarchie des importants des décisions centrées sur l’histoire institutionnelle, a disparu de la description de l’événement. C’est la reprise méticuleuse qui redécouvre ce qui avait été caché, ou oublié de l’enfant dans son histoire immédiate. Et cela n’est pas une reconstruction imaginaire ou symbolique, mais une description plus précise des éléments pris en compte et oubliés. Enfin, pour conclure ce moment d’analyse, l’étude des “univers de relations” (Comon, Michit 2005) que l’éducatrice et l’enfant habitent respectivement, manifeste que l’éducatrice veut créer un “univers de convivialité”, mais que l’enfant dès son arrivée dans la salle à manger, se trouve dans un autre univers, peut-être même, sans désir de relation avec elle. Lui adressant la parole, elle l’invite à changer d’univers, sans lui demander la permission. Elle croit qu’il est en relation parce que la règle sociale dit qu’il faut être en relation en se saluant quand on entre dans une salle. Ne connaissant pas la notion ou la réalité des “univers de relation” comme leurs lois, en lui adressant la parole, elle projette l’enfant dans celui de la “recherche de son maximum d’intérêt” refusant la relation. Parce qu’elle n’avait pas gardé en veille disponible, la possibilité des quatre univers de relations, elle n’a pas pu traiter le signe d’une demande de protection et elle est restée dans son univers d’éducation du respect des règles sociales ou des lois de la physique des matériaux, créant une tension suivi d’un conflit.

Ces multiples prises de conscience ont donné à l’équipe la capacité de modifier ses décisions-actions en temps réel, en prenant la mesure de l’importance de leurs micros-actes éducatifs inscrits dans la grande histoire du projet individualisé avec cet enfant. L’enfant n’a plus été un problème pour l’équipe. Il a pu entrer dans l’histoire institutionnelle avec l’enjeu à relever, par l’équipe, de l’inscrire dans sa manière à lui de gérer son histoire passée, et d’entamer une rupture en laissant de côté les comportements de retournement contre soi de ses angoisses.

Afin de ne pas croire qu’il s’agit d’accéder à un fantasme de toute puissance par une maîtrise du quotidien en s’ouvrant aux infinies possibilités des expressions des formes décisionnelles, il est important de retenir ici que l’ouverture à l’incertitude se résume à garder en éveil, à tout instant professionnel, les quatre catégories des objectifs de relations ainsi que la catégorisation des formes décisionnelles à mettre en relation avec leurs effets. Ainsi, par exemple : un enfant qui réagit en agressivité contre lui, contre les autres ou le matériel se trouve dans un univers défensif dans lequel il s’agit d’entrer sur la pointe des pieds en se projetant dans un univers de protection afin de donner à l’enfant les conditions lui permettant de redevenir acteur de sa vie.

3.2. Le questionnement de l’action

Exemple d’accompagnement avec le questionnement de l’action. Un jeune très violent est confié par une maison d’enfant à caractère social qui ne peut plus le garder à cause de ses comportements : non seulement, ils déstabilisent le groupe des enfants mais aussi ils épuisent et mettent en échec les éducateurs, les agents de service et la direction de l’établissement. Par exemple, il avait attendu que la femme de ménage soit au milieu des escaliers pour éteindre la lumière. Il éclate de rire quand elle se tord la cheville en dévalant le reste des marches. Lors de la reprise de cet événement avec les éducateurs puis avec le directeur, il avait particulièrement été agressif en narguant les uns et les autres « et alors maintenant vous allez me faire quoi ? ». La réponse a été : « on va te mettre dehors », et le jeune de répondre : «  c’est toujours ce qu’on m’a dit, mes parents ne me veulent, personne ne veut de moi, c’est comme ça, vous voyez bien que vous aussi vous ne me supportez pas ! ». La direction devant l’impasse décide de la confier à une autre structure. Il arrive dans le lieu de vie, les actes agressifs et la violence sont toujours présents, mais dans un petit groupe à la campagne, il arrive à se calmer un peu. Dans ce contexte, la reprise de sa scolarité est convenue avec le collège. Quinze jours passent, le premier événement significatif arrive lorsque dans une récréation une fille lui dit «  ta mère… ». L’insulte étant insupportable pour lui, il saute sur la jeune et la “fracasse” sérieusement. Il est arrêté par les surveillants. Une mise à pieds de trois jours est promulguée, comme il avait été convenu à son entrée dans un contrat qu’il avait accepté. Le soir l’éducateur le prend à part et lui demande - est-ce que tu peux me décrire ce qui s’est passé ? Silence et signe de refus de parler. - Tu sais je veux simplement entendre ta version des faits, c’est tout ? Silence. - Si tu ne me raconte pas comment je fais ? -silence, puis de toute façon ça ne sert à rien tu sais déjà. - Ce que je sais, c’est que qu’on m’a dit au collège, mais toi comment ça c’est passé ?.. Le jeune raconte en détail le déroulement de l’action jusqu’à l’arrêt par les adultes. Il finit son récit, : - Tu vois je suis une racaille. Tu verras tu ne pourras pas me supporter, toi aussi tu me jetteras. - Peut-être mais tu me dis cela à partir de quoi ? - De toute façon, même quand je veux faire des efforts, parce que j’en ai marre de me faire jeter, je n’y arrive pas, je déçois les adultes, et après je deviens insupportable. Je les comprends je ne suis qu’une merde, on me jette, c’est la loi de ma vie ! - Ah ! L’éducateur signifie, par une mimique, un étonnement certain, laisse planer un silence bref. Puis, il lui dit : - Tu me dis quoi quand tu me dis“ même quand je veux faire des efforts parce que j’en ai marre de me faire jeter” ? (questionnement de l’acte de parole) - Je te dis que j’ai ai marre. - Donc tu en as marre ! (écholalie signifiant une incompréhension étonnée de la réponse en écart à la question posée). - Oui, j’en ai marre ! - Tu me dis quoi en me disant ça ? (questionnement de l’acte de parole) - Tu es sourd, ou tu fais exprès ! - Non j’ai bien entendu mais tu me dis quoi ? (réponse à sa question et renouvellement du (questionnement de l’acte de parole) - Je ne sais pas. Je ne me supporte plus et j’aimerai bien m’en sortir de cette foutu merde, mais personne ne peut m’aider. - Personne ne peut t’aider, si tu veux on verra plus tard ce point. Mais dis moi est-ce que j’entends bien si j’entends dans ce que tu viens de me dire que tu veux vraiment t’en sortir. Oui je te dis j’en ai marre de cette foutu merde. (travail d’ accord sur l’objectif de relation et sur son objectif essentiel vital) - Bon, OK,OK…. L’éducateur laisse un silence avec un air penseur et lui demande : - Dis moi quand tu as sauté sur la jeune pour la fracassé, tu as fait quoi ? (questionnement de l’action) - J’ai fait quoi, je l’ai fracassée, elle insultait ma mère, ça ce fait pas tu comprends ça ! …Silence songeur, puis : - Et en faisant ça tu faisais quoi d’autre en même temps ? (questionnement de l’action) - Je faisais rien d’autre !!! - Tu fais quel que chose sur la fille : tu la fracasses ? (identification de l’action) - Oui. - Tu fais quelque chose sur ta mère : tu la défends ? (identification de l’action) - Si tu veux. On ne la touche pas. - Tu fais quoi par rapport à toi ? (aide pour faire découvrir une autre action lié à un des acteurs de la scène) - Je sais pas, tu veux dire que je fou en l’air ma vie ? - A ton avis ? (demande d’identification de l’action selon les propre catégories du jeune) - Je sais qu’avec ça j’ai aucun avenir, mais je ne peux pas faire autrement ! - Est-ce que je te demande de faire autrement ? (précision sur l’objectif de l’éducateur afin d’éviter la méprise d’un acte éducatif qui donnerait un conseil ou une norme de vie) - Je sais pas moi, avec toutes tes questions, je ne sais pas où tu veux en venir ! - Je fais quoi avec mes questions ? (demande cherchant à faire identifier par le jeune l’action de l’éducateur afin d’éviter une mise en justification et passage dans la rationalité) - Je sais pas ? - Je fais quoi ? (insistance pour faire identifier par le jeune l’action de l’éducateur et le faire sortir de ses évaluations afin d’éviter une mise en justification et passage dans la rationalité) - Tu me pose des questions. - Oui, et dans quel but ? (aider le jeune à identifier le lien entre moyen (poser des questions et l’objectif du moment) - Je sais pas, pour savoir ce qui s’est passé - C’est tout. (signification d’un accord) - Et maintenant ? Si tu veux on s’arrête là ce soir, on dort et on se retrouve demain pour voir comment on organise les trois jours où tu n’iras pas au collège. (renoncement à entrer dans une explication afin de laisser le travail sur l’action faire son effet. Donner à ce moment là un objectif pouvant donner un sens ou une justification par la signification détruirait l’intégration de ce qui vient de se passer dans l’action) Pendant les trois jours, l’éducateur fait avec le jeune, des activités manuelles de réparation de la maison et des activités de travail scolaire en demandant au collège les cours. Et chaque soir, ils s’adonnent tous les deux à une relecture précise des événements de la journée en s’arrêtant tout particulièrement sur l’un deux, pour une description plus précise des actions, des décisions anodines, prises en particulier par le jeune, en faisant simplement expliciter, pour l’une ou l’autre, les facteurs entrant dans leur mise en œuvre. Par exemple un jour ils avaient projeté de changer un robinet. A un moment le jeune tente de dévisser un écrou, qui résiste. Il ne peut pas dégager le robinet. Le jeune se voit s’énerver un peu puis il vient demander de l’aide. Ce soir-là l’éducateur lui demande: - Au moment où tu viens me demander de l’aide qu’est que tu perçois ? (Recherche des perceptions : 1° facteur du processus décisionnel) - Je m’énerve, sur ce robinet, je n’arrive pas à le dégager, tu es là, et je t’appelle. - Au moment où tu t’énerves qu’est ce qui est important ? (Recherche des importants discernés : 2° facteur du processus décisionnel) - Je sens que ça monte et je n’ai pas envie de te décevoir, je ne veux pas me mettre en colère et comme tu es là, l’important c’est que je ne casse pas tout ».

L’éducateur ne va pas plus loin. Il a atteint son objectif : le jeune a pu se voir en train d’agir ; il a distingué les éléments de sa décision, dans un temps d’obstacle et de gestion de sa colère. La vie est paisible durant ces jours-là. Les trois jours se passent. Le jeune retourne au collège, tout se passe à peu près normalement, en se réappropriant le contrat de non agression. Tous les soirs, la même démarche de relecture des événements significatifs se réalise dans un moment paisible. Jusqu’au jour où juste avant midi, une autre insulte est projetée à son encontre. Du même type que la première, aussi insupportable à entendre, le nouveau « ta mère » produit les mêmes effets. Il “fracasse” son auteur. Même scénario, il est mis à pied. Le soir l’éducateur s’approche, le jeune est prostré. Il lui dit : - Est-ce que tu peux me raconter ce qui s’est passé ? (demande de description) - Non, tu vois bien que je n’y arriverai pas ! - Ça, ce n’est pas une réponse à ma question ? Ma question c’est quoi ? (évaluation de l’écart de la réponse à la question. Cette évaluation est possible, ce jour-là, car l’histoire de ces moments est maintenant établie dans la confiance par toutes les relectures précédentes) - Euh… tu me demandes de raconter ce qui s’est passé ! - Donc, racontes moi, s’il te plaît car sinon je ne peux pas t’aider et je risque de faire des interprétations complètement fausses (demande de description) En grommelant, le jeune commence le récit et à un moment, il s’arrête. Il dit d’un air étonné : - Tu sais, ça ne s’est pas passé comme la dernière fois. - C’est-à-dire ? (soutien pour aller plus loin) - Ce ne sont pas les surveillants qui m’ont arrêté, c’est moi. - Et comment ça s’est passé ? - C’est clair, au moment où je tabassais, m’est revenue en flash la discussion de la dernière fois, et là, je me suis rappelé « le “on verra plus tard” que tu m’as dis » et je me suis immédiatement arrêté ». L’éducateur laisse un silence avec une mimique d’étonnement pour laisser l’appropriation qui vient d’être faite de prendre de l’importance. Il arrête la relecture sur ce point d’orgue. Personne n’avait vu dans le comportement un changement, seul l’éducateur et l’enfant avaient pu percevoir ce micro changement qui a été le début d’une nouvelle histoire ayant pour finalité la maîtrise de la compulsivité émotive réactionnelle et agressive. Après quelques années au sein du lieu de vie il est entré à l’université. Il a terminé ses études et trouvé un emploi sans difficulté.

On peut retenir de cet exemple tout d’abord que les questions éducatives avec cette stratégie centrée uniquement sur le sujet acteur à tout instant de la rencontre, relève de trois formes décisionnelles ordonnées chronologiquement : en premier la forme décisionnelle de la description des événements. Quand tout le récit est décrit, suivent les formes décisionnelles du questionnement des actions sous l’angle de la décision. Lorsque c’est possible, alors apparaît l’aide à la découverte des facteurs du processus de ces décisions

3.3. La loi du plus fort

Une animatrice est responsable d’une activité de tennis de table avec les 8-12ans. Pendant le temps réservé à cette période d’âge un jeune de 15 ans arrive, prend la raquette des mains d’un enfant et veut jouer. L’animatrice s’approche lui : « tu fais quoi là ? Tu sais pas que ce moment ne t’es pas réservé ! (forme décisionnelle : demande de description de l’acte qui n’est qu’une façon de parler, car elle introduit immédiatement une évaluation au regard d’un règle rappelée avec fermeté par l’autorité qui rappelle le cadre. (stratégie du sujet intelligent associée à la stratégie de remise en place du cadre). Le jeune répond : « le centre social c’est chez moi, aussi, donc je veux jouer, je joue. », « Ce n’est pas le moment pour toi, viens plus tard ! » (mêmes formes décisionnelles : évaluation, énoncé de la règles, ordre, et mêmes logiques stratégiques : sujet intelligent couplé à cadre posé.) Selon la logique incontournable de ces stratégies, la relation ne peut pas sortir de l’engrenage agressif. « Non je veux jouer, je joue ! » L’animatrice n’obtenant pas satisfaction, le prend en force et le met dehors.

Lors de la reprise des formes d’action, l’animatrice s’aperçoit qu’en utilisant le rappel des règles et l’explication raisonnable, le jeune a réussi à l’obliger à utiliser la loi du plus fort. L’impuissance de ses stratégies provoque sa mise en difficulté : le jeune la pousse à la faute et réussit. C’est seulement dans le moment de l’analyse de pratique qu’elle prend conscience qu’elle a été piégé par ses actions et qu’elle s’est retrouver à utiliser les méthodes propre à l’univers où la loi du plus fort règne. Le jeune a réussi à l’entraîner sur son terrain alors que tout le projet du centre social tente de réduire cet espace au profit de l’espace républicain, en vue de réduire la violence. Un peu désespérée de mettre en acte la loi contre laquelle elle lutte, elle pose alors la question suivante : « Mais, comment j’aurais pu faire autrement ? » L’étude de l’enchaînement logique des formes décisionnelles “demande de description/évaluation/rappel de la règle/ explication, justification/ agressivité”, met en évidence qu’elle n’a pas laissé répondre à la première question qu’elle pose. Le seul changement consiste à travailler plus ce maillon existant, et à prendre en compte la réponse de description des événements et des actions pour ensuite éviter l’évaluation et entrer dans le questionnement sur l’action instaurant la quête des importants de l’action, sous la rubrique ‘à quoi ça te sert, à toi ?’


4. Les deux familles d’actes éducatifs dans l’immédiateté de l’action

4.1. Le verre cassé suite

Pour finir l’histoire du verre cassé, lorsque dans le quotidien de l’enfant l’acte éducatif vient faire irruption, il peut prendre là encore deux formes. Si on se souvient à l’occasion du service de débarrassage de la table, l’enfant se propose d’enlever les verres. Il prend le premier, puis le second, le pose sur le premier qui casse. Il se retrouve éberlué avec un verre cassé entre ses mains, un morceau de verre par terre. Le quotidien vient de faire irruption. L’adulte qui sourit de la situation avec bienveillance, pour le calmer de ses pleurs vient vers lui et lui dit : « c’est pas grave, (évaluation associé à une contradiction de l’évaluation qu’en fait l’enfant, non prise en compte de l’enfant au regard de l’importance de la situation), ce n’est qu’un verre (évaluation associée à une contradiction de l’évaluation de l’enfant), tu ne l’as pas fait exprès (attribution et évaluation de l’intention de l’enfant), ça arrive (constat), allez ne pleure plus (suggestion, conseil), on le remplacera (énoncer de la réparation par le cadre et l’institution) c’était bien, tu as voulu rendre service (évaluation de l’acte et attribution d’une intention), allez viens (suggestion, conseil). Rien n’y fait, l’enfant ne sort pas de son très gros chagrin. Dans ce moment de surprise, ce premier éducateur utilise spontanément les formes décisionnelles de la stratégie s’adressant au sujet intelligent et raisonnant. Ne questionnant pas l’enfant, donc ne sachant rien de lui, il attribue des évaluations contraires à ce que manifeste l’attitude de l’enfant. Ce premier acte éducatif est à la limite de l’oubli de l’enfant pour se center sur l’objet et le peu d’importance qu’il a à ses yeux dans l’instant. Logiquement, cet éducateur avec ses actes spontanés ne peut avoir aucun effet sur ce qui se passe pour l’enfant.

Voyant la scène, un deuxième éducateur présent, s’approche et prend délicatement le relai. Selon sa spontanéité personnelle, il demande à l’enfant : « qu’est-ce qui se passe ? » (recherche de ce que vit l’enfant, demande de description) pas de réponse. « Tu ne veux pas me dire un tout petit peu ce qui se passe, là maintenant ? (acceptation du refus par la diminution de la précision de la demande de description, sans lâcher la demande de description) Non ! « Vraiment non…silence »( acceptation du refus et attente en silence correspondant à la mise d’un cadre d’attente) « j’ai cassé le verre ! », « et alors, ça te fait quoi, à toi ? » (demande de description) « j’ai cassé le plus beau ! », « Oui, et il se passe quoi là ? (demande de description) (il le touche avec le doigt sur la poitrine) (mise d’un cadre d’attente) , « c’est pas juste, je voulais rendre service et ça tombe sur moi ! », «  c’est quoi qui n’est pas juste ? » (demande de précision) « que ça tombe sur moi ! », « c’est quoi qui est tombé sur toi ? (demande de précision) « euh… rien, mais j’ai cassé le verre ! », « et comment ça s’est passé ? (demande de description), suit la description précise de l’action avec les intentions. L’éducateur s’arrête alors sur le moment où l’enfant choisit d’empiler les deux verres. « A ce moment là, tu as vu quoi ? »(demande de perception, facteur premier du processus décisionnel), « je voulais faire un seul voyage. », «  Ça c’est ce que tu voulais faire, mais tu as pris en compte quoi ? ( identification de l’objectif et reprise de la question sur la description), « euh… je ne sais pas … je n’ai pas vu que le verre pouvait ce casser ?... « et il pouvait se casser à cause de quoi ?»(poursuite de l’accès à la perception en évitant le passage au sujet raisonneur prenant une parole politiquement correcte et rationnelle maintenir l’enfant en tant qu’acteur), «  je vois maintenant, il était plus fin que les autres, je l’avais vu pourtant mais je pensais qu’il était solide et je voulais faire qu’un voyage. », « Alors c’est quoi qui est tombé sur toi ? » (récupération de la responsabilité dans l’acte) « Arrête !.... » L’enfant sourit et l’adulte l’invite alors « Allez, tu veux bien venir » (demande d’objectif et de décision). L’enfant redémarre. Dans ce moment on voit se juxtaposer les deux formes de l’action éducative selon l’histoire institutionnelle centré sur le verre et le cadre, et selon l’histoire personnelle du sujet acteur. Il est à noter que les deux sont dans la même spontanéité. Toutefois cette spontanéité dépend de deux compétences intégrées au regard de l’utilisation des stratégies d’intervention.

4.2. Les composantes décisionnelles des deux familles

Les stratégies éducatives stimulant les sujets raisonneurs

Des exemples précédents, nous pouvons caractériser les formes décisionnelles s’adressant au sujet raisonneur intelligent

 dans le temps des projets de l’histoire anticipée les décisions éducatives consistent à : Donner un objectif, énoncer les consignes, préparer une activité, donner un cadre, expliquer, conseiller et définir des sanctions.  dans l’immédiateté de l’action, les décisions les plus communément actualisées par les éducateurs commencent par une évaluation (présente dans toute valorisation ou critique), se poursuivent, aléatoirement, par une explication, un rappel de la règle (loi), un conseil/ordre, une justification, avec interprétation et attribution d’intention, l’expression d’une menace de sanction.  Dans l’après coup de l’action, le silence souvent est choisi afin de laisser au temps le temps, et donc la responsabilité d’agir. Mais il arrive que la recherche d’éléments de la situation vécue soit réalisée dans le but de comprendre et d’expliquer la cause, ou d’expliquer les raisons des consignes ou des objectifs. L’évaluation des effets ou des moyens utilisés, vient souvent argumenter les interprétations des intentions. Le conseil ou l’ordre en lien avec le rappel de la loi ou de la règle en annonçant un objectif pour le futur ou une menace, conclu la reprise des événements.

Les stratégies éducatives stimulant les sujets acteurs Pour les stratégies éducatives stimulant les sujets acteurs, quel que soit le moment (en amont, dans le temps de l’action comme dans l’après coup), la toute première forme décisionnelle consiste à décider d’aider à la représentation de soi à l’aide des formes décisionnelles suivantes :

 demande de description des événements vécus selon le déroulement chronologique dans le but d’accroître la représentation de soi différenciée des autres et de l’environnement.  demande des actions et de leur forme décisionnelle, associée à la demande de cohérence entre les objectifs poursuivis et les moyens mis en œuvre en terminant avec la quête de la stratégie de l’acteur et de son efficacité au regard des intentions et des effets espérés.  Enfin recherche de la structure du processus décisionnel, dans le but de renforcer la mémoire procédurale, de renforcer l’adaptation de l’émergence émotionnelle, et la découverte de la cause immédiate de l’action afin, soit de modifier la prise d’informations quelles qu’en soient les causes historiques ou de renforcer l’image positive de soi.

En conclusion modifier

Au regard de cette étude, l’acte éducatif non seulement ne peut plus être du « bricolage », mais en plus sa logique procédurale peut être mise en évidence. Grâce à l’explicitation toute séquence d’actions peut être clairement décrite, les processus et leurs effets (de développement des capacités d’acteur ou des défenses) peuvent être évalués au regard du renforcement des compétences de vie de l’enfant. Ces compétences sont identifiables au-delà des comportements apparents selon les composantes très précises des facteurs de l’activation du processus décisionnel de l’enfant dans l’irruption du quotidien. On peut à ce stade de la réflexion élaborer au moins un principe constitutif de l’action éducative qui s’énoncerait de la façon suivante : Toutes les formes décisionnelles en appelant à la raison du sujet sont inefficaces dans la construction première des forces décisionnelles. En effets, « redire plusieurs fois, voire “rabâcher” les mêmes consignes, les mêmes explications à des enfants (ou adultes) qui n’ont pas les compétences pour les mettre en œuvre, (soit par incapacité à retenir les informations soit par incapacité à les utiliser dans l’immédiateté de l’action) constitue une double contrainte selon la forme générique suivante : “fais ce que tu ne peux pas faire”. Ces formes d’action n’ont d’efficacité sur le renforcement des capacités d’adaptation, uniquement, dans le cas où les forces décisionnelles de l’enfant sont déjà présentes ayant été construite au cours de l’histoire grâce aux deux grandes catégories de stimulations du sujet acteur : les mises dans des activités et les explicitations des actions vécues. Plaçant la force du langage explicatif et du dialogue, en seconde place au regard de la représentation de soi acteur et de sa conscience, cette observation peut aider à rendre compte de découragement et d’épuisement parfois constatés chez certain(e)s éducateurs (trices) ne comprenant pas le peu d’effets de leurs actions. Or, présentant aux enfants sans se rendre compte une double contrainte dans leur quotidien, par le dialogue qu’ils instaurent, ils activent les effets dépressifs ou auto agressifs suscités par la loi, mise en évidence par Paul de Tarse : “il existe en moi une loi que je ne comprends pas, je fais le mal que je ne veux pas et je ne fais pas le bien que je veux. Qui me libèrera de ce corps qui me voue à la mort ?”[non neutre]

Bibliographie modifier

Autin, J.L. (1962) Quand dire c’est faire, Paris, Seuil. Blondel, (M), (1893), L'action, Paris, Presse universitaire de France.Gilly,(M), 1984, Comon, T. Michit R. (2005) Conflit, comprendre pour agir, Lyon, Chroniques sociales. Erikson, (E.) (1963), Enfance et société, Neuchatel, Delachaux et Niestlé. Eustache F.et Desgranges B., (2003), Concepts et modèles en neurospychologie de la mémoire : entre théorie et pratique clinique, in Evaluation et prise en charge des troubles mnésiques, Marseille, Solal. Guindon, (J.) ( 1976), Les étapes de la rééducation, Paris, Fleurus. Levy B.H (2003) Qui a tué Daniel Pearl, Paris, Grasset. Michit R et H (1998) Identité psychosociale, diagnostic et renforcement, Grenoble, MC2R, réédition 2007. Michit R. (1998) Une méthode d’explicitation des processus décisionnel des individus et des groupes : l’entretien psycho-cognitif, Communication et organisation, n°14 p.233-253 Vermersch P. (1996) L’entretien d’explicitation, Paris, ESF Stirner M. (1844) l'unique et sa propriété, Paris, Stock.


Notes et références modifier

  1. Liens d'enfance.
  2. https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=835913&Site=COE
  3. http://defenseurdesdroits.fr/connaitre-son-action/la-defense-des-droits-des-enfants
  4. Première Maison d’Enfants privée en République Tchèque.
  5. Centre de recherche et de formation en ressources humaines.
  6. Foro Tecnico de Formacion.
  7. COO.S.S Marche Onslus Soc. Coop. p.a.
  8. Association. Poradenske centrum, o.s.
  9. [1]
  10. [2]