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La Révolution américaine est une période de changements politiques importants qui aboutit à la naissance des États-Unis à la fin du XVIIIe siècle.

Après la guerre de Sept Ans (1756-1763), l’Angleterre imposa des taxes à ses treize colonies d’Amérique du Nord sans les consulter. Les colons américains protestèrent auprès du roi George III et du Parlement de Londres. La métropole envoya des troupes pour mater la révolte. Les représentants des colonies réunis à Philadelphie adoptèrent la Déclaration d’Indépendance le . Après une série de revers de l’armée continentale commandée par George Washington, la guerre contre l’Angleterre tourna à l’avantage des Américains. Les insurgés reçurent l’aide de volontaires français puis de la France de Louis XVI, de l’Espagne et des Provinces-Unies. Londres dut reconnaître l’indépendance des États-Unis en 1783. Le nouveau pays se dota d’une Constitution (1787) et qui s’inspirait de la philosophie des Lumières. George Washington fut élu président en 1789 ; mais les premières années de la république américaine furent marquées par des oppositions politiques et des tensions sociales. La révolution américaine eut un retentissement important en Europe, notamment en France. Elle fit l’objet de nombreux débats historiographiques et marqua de façon durable la culture américaine.

Contexte modifier

Les colonies vers 1775 modifier

Carte des treize colonies britanniques d'Amérique du Nord vers 1775

Les treize colonies anglaises se sont formées entre le début du XVIIe siècle et le premier tiers du XVIIIe siècle, sur plusieurs centaines de kilomètres le long de la côte atlantique (voir la carte). Leur géographie, leur population, leur économie et leurs institutions étaient alors marquées par les différences.

Cadre géographique modifier

Les communications entre les colonies étaient lentes et souvent difficiles : les routes existantes étaient en mauvais état et il existait peu de ponts[1].

Population modifier

Vers 1770, la population totale des treize colonies s’élevait à environ 2,1 millions d’habitants[2]. Depuis leur fondation, les colonies ont connu une forte croissance démographique liée à l'immigration mais aussi à une importante natalité. La densité de population était relativement faible. La plupart des colons vivaient à la campagne et la population se concentrait sur le littoral, où se trouvaient les principales villes. La Pennsylvanie et le Massachusetts étaient alors les territoires les plus peuplés[3]. Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Philadelphie était devenue la cité la plus peuplée des Treize colonies (45 000 habitants en 1780[4]), dépassant Boston. Elle disputait même à Dublin la place de deuxième ville de l’empire britannique, en dehors de l'Angleterre[5].

Société modifier

Les colons américains dépendaient du commerce maritime avec l'Angleterre. Gravure représentant le port de Salem (Massachusetts) dans les années 1770
Diversité modifier

La société coloniale était plus diverse qu'on ne le pense couramment : à côté de la majorité britannique se trouvaient des Allemands, des Suisses, des Hollandais, des Irlandais, des Ecossais, des Scandinaves et des Français[6], surtout dans les colonies du nord et du centre. Pour l'historien Fernand Braudel, le mélange ethnique aurait favorisé la séparation d’avec l’Angleterre[7]. Les pratiques religieuses variaient également : si l'élite était de confession protestante, elle était divisée en plusieurs courants. Les Juifs et les catholiques, qui suscitaient de la méfiance de la part des élites, formaient les principales minorités religieuses.

Inégalités modifier

À la veille de la Révolution américaine, les colons d'origine européenne appartenaient à des groupes sociaux différents. Si le régime seigneurial et féodal était quasiment absent des Treize colonies, une autre hiérarchie, fondée sur la propriété foncière et la fortune, existait.

L'élite était formée des gouverneurs, des planteurs, des grands négociants et armateurs. Ensuite, on trouvait une catégorie d'artisans, de représentants du roi, de fermiers et de petits commerçants : ces classes moyennes représentaient 40 % de la population totale[8].

Les marins, les tenanciers et les domestiques occupaient le bas de l'échelle sociale. Les identured servants (appélé « engagés » en Nouvelle-France) constituaient un sous-prolétariat blanc dont la condition était proche de celles des esclaves[9] : il s'agissait de prisonniers, de femmes et d'enfants envoyés de gré ou de force afin de peupler le Nouveau Monde. On les retrouve dans l'agriculture de nombreuses régions jusqu'au XVIIIe siècle.

Dès l'époque coloniale, les écarts sociaux se creusèrent[8]. Les différents groupes de colons manifestaient des intérêts divergents qui suscitèrent des tensions, voire des révoltes dans les villes et les campagnes. Les élites éclairées étaient soucieuses de maintenir l'ordre social et de protéger de leurs propriétés. Les autres colons souffraient davantage des mesures fiscales anglaises et des inégalités foncières. Les tensions sociales étaient attisées par l’action de certains prédicateurs et relayées dans les lieux de sociabilité urbaine : les tavernes et les auberges étaient des lieux d'information, de débats et de réunion. La presse joua également un rôle actif dans la fermentation révolutionnaire.

L'importance numérique des Afro-américains était notable : entre 1750 et 1780, leur nombre est passé de 236 000 à 575 000[10]. La plupart des Noirs se concentraient dans les colonies du Sud et étaient esclaves. Cependant, une minorité de Noirs affranchis vivaient dans les villes. Dans les limites du territoire américain de 1790, le nombre d'Amérindiens est évalué entre 100 et 200 000 personnes[11]. La plupart étaient des Indiens des Forêts, parfois organisés en Confédérations. Pendant les guerres entre Européens, puis la guerre d'indépendance, les Amérindiens ont su jouer des rivalités.

Gouvernement modifier

Chaque colonie possèdait un statut politique propre qui dépendait de son histoire. On distingue habituellement trois catégories : les colonies à chartes étaient réglementées par des chartes octroyées par le souverain à des compagnies maritimes privées. Dans les années 1770, seules les colonies du Rhode Island et du Connecticut étaient encore soumises à ce statut. Les fondations des colonies de propriétaires reposent sur l'initiative d'un grand personnage le Lord Porprietor. L'exemple le plus connu est celui de la Pennsylvanie, quand, en 1681, Charles II céda à William Penn, les territoires qui correspondent aux provinces de Pennsylvanie et du Delaware. À la veille de l'Indépendance, les colonies à charte étaient au nombre de trois : la Pennsylvanie, le Maryland et le Delaware[réf. nécessaire]. Les citoyens y choisissaient leur gouverneur. Enfin, les colonies de la couronne (ou colonies royales) bénéficiaient d'une constitution rédigée par le pouvoir royal.


Les pouvoirs du gouverneur étaient larges : il devait apporter son approbation à chaque loi ; il nommait les juges, commandait la milice et pouvait dissoudre l'assemblée. Ils disposait des forces armées, de la marine anglaise et des forces régulières de la colonie. Ils étaient secondés dans leurs tâches par les agents des douanes ou encore les enquêteurs des revenus royaux[12]. Leur mode de désignation dépendait du statut de la colonie : ils étaient choisis par le conseil privé dans les colonies royales, par les propriétaires dans les colonies de propriétaires et par les citoyens dans les colonies à chartes. Le conseil du gouverneur possédait des attributions judiciaire, administrative et législative. Équivalent d'une chambre haute, il avait un rôle consultatif[12]. Son personnel était choisi par le gouverneur, comme il l’entendait, même si le choix était théoriquement soumis à l’accord de la métropole. En l’absence du gouverneur ou pendant les périodes d’intérim, c’est le conseil qui assurait le pouvoir exécutif ; il siégait en permanence. Les lois élaborées par l’assemblée étaient soumises à l’approbation du conseil. Chaque colonie avait une assemblée qui discutait et règlait les problèmes locaux, mais aussi le budget et l'équipement de la milice. Elle pouvait envoyer des agents afin de présenter des pétitions et des requêtes à Londres[12].

  • Comment la révolution américaine a-t-elle fait émerger une nation de cet ensemble hétéroclite ?

Nouvelle-Angleterre modifier

Old State House (1713) à Boston. Ce bâtiment accueillait les assemblées de la colonie du Massachusetts.


Les colonies du nord[13] forment la Nouvelle-Angleterre dont la capitale et la ville la plus peuplée est Boston. Les premiers colons européens de la Nouvelle-Angleterre étaient des puritains anglais en quête de liberté religieuse. Ils ont donné à l'organisation politique régionale son trait distinctif, les « town meetings », réunions des habitants de chaque ville, souvent annuelles, pour y discuter les sujets politiques locaux et voter les décisions. Le peuplement était relativement homogène, pour l'essentiel constitué d'habitants des îles britanniques. En l'absence de terre fertile pour l’agriculture, la région s'est tournée vers l'artisanat et le commerce, notamment maritime avec une importante flotte de commerce, et la pêche (notamment celle à la baleine) qui étaient devenues les industries dominantes.

Colonies du centre modifier

Les colonies du centre[14] ont connu un peuplement d'origines diverses : dès le XVIIe siècle se sont installées des communautés scandinaves, hollandaises, allemandes. L'agriculture y était diversifiée et l'élevage omniprésent.

Colonies du sud modifier

Marquées par un climat subtropical, les colonies du sud[15] avaient une économie tournée vers l'agriculture commerciale, destinée à l’exportation et dynamique (tabac, indigo, céréales). Elle utilisait une main d'œuvre servile qui travaillait sur de grandes exploitations aux mains des planteurs. L'aristocratie blanche vivaient sur ces grands domaines et se faisaient construire de belles demeures. Le Sud était majoritairement rural et les villes étaient rares et relativement peu peuplées (Charleston, Baltimore et Norfolk). La population d'origine africaine était plus nombreuse que dans les autres colonies.

Relations avec l'Angleterre modifier

Politique modifier

Les décisions qui s'appliquaient aux treize colonies émanaient de plusieurs institutions situées à Londres : le Secrétariat d'État aux colonies, qui dépendait du conseil privé ; le Board of Trade, créé en 1696 comme auxiliaire du conseil privé pour les affaires coloniales, comptait une quinzaine de membres[12]. Après 1752, il exerça une autorité grandissante sur la politique coloniale en envoyant ses instructions aux gouverneurs. Le Parlement britannique s’occupait de la politique commerciale, militaire et monétaire de même qu’une partie des affaires criminelles.

Cependant, l'éloignement et l'immensité du territoire colonial permettait aux Américains de disposer d'une relative autonomie locale[16].

Frederick North, Premier Ministre anglais tory (1770-1782)

En 1763, à la fin de la guerre de Sept Ans, s'engage une réflexion sur l’empire britannique à son apogée. L'entourage royal et le gouvernement sont alors dominés par les tories qui rêvent d'affermir la domination et la centralisation sur les colonies. Ils se heurtent à l'opposition des whigs favorables à la liberté de commerce. Quant aux Américains, ils ne sont pas prêts à renoncer à leur autonomie politique locale.

Les tories sont partisans du protectionnisme : taxes imposées aux produits étrangers, droits de douane, monopole et encouragement des compagnies maritimes. Il est également question de combattre le commerce de contrebande entre les 13 colonies et les Antilles françaises ou espagnoles. Cette politique mécontente certains négociants américains.

Économie modifier

À l'époque moderne, l'économie des puissances européennes est marquée par le mercantilisme : le but est de posséder le maximum de métal précieux, notamment grâce au commerce maritime[17]. Les colonies devaient fournir des matières premières qui étaient transformées en Grande-Bretagne pour être ensuite vendues à l'étranger. Elles devaient aussi n'acheter que des produits anglais, afin de protéger les artisans et les manufactures de la métropole de la concurrence[17].

Les Actes de Navigation figurent parmi les principales lois destinées à protéger le commerce maritime anglais : les armateurs coloniaux ne devaient utiliser que des vaisseaux britanniques ; certains produits devaient transiter obligatoirement par les ports britanniques ; les navires étrangers qui commerçaient avec les colonies devaient passer par un port britannique afin de payer des droits de douane ; les produits fabriqués dans les colonies ne devaient pas être exportés et certaines marchandises devaient même venir de la métropole[18].

En réalité, la distance avec la métropole entraînait un certain laxisme dans la perception des taxes et la corruption des agents des douanes en Amérique[19]. Dès le XVIIe siècle, les bateaux bostoniens faisaient du commerce avec les Antilles  : ils exportaient du bois, de la farine, du poisson, de l'huile de baleine et importaient du sucre, des mélasses, du tafia[20]. Ce commerce stimula la production métallurgique et textile, de même qu'elle permit le développement des chantiers navals et des distilleries[21]. Les navires américains traversaient même l'Atlantique nord pour les besoins du commerce. Cette entorse au mercantilisme et cette concurrence américaine inquiétèrent rapidement les marchands anglais.

Les colons américains, en particulier les marchands des ports de la Nouvelle-Angleterre, reprochaient à la Grande-Bretagne sa politique commerciale : le trafic de certaines marchandises comme le thé était réservé aux navires anglais, en vertu du monopole en vigueur. D'autre part, dans le but d'atrophier l'économie américaine, les Britanniques vont interdire à leurs colonies de vendre leurs produits à un autre pays que l'Angleterre, car l'on estime que si les colons avaient le droit de vendre leurs produits comme bon leur semble et à qui bon leur semble, les treize colonies américaines regorgeraient d’argent, argent qui ne profiterait pas à la couronne.

Parmi les griefs de colons figuraient aussi le manque chronique de monnaie[22] ; ils regrettaient leur dépendance vis-à-vis du crédit anglais[23]. Le développement économique des Treize colonies suscita une certaine animosité entre les marchands coloniaux et les capitalistes de la métropole[24].

Dans les années 1760-1770, le Parlement britannique imposa de nouvelles taxes qui provoquèrent le mécontentement des colons américains (Sugar Act en 1764, Stamp act en 1765, Townshend Acts en 1767, Tea Act en 1773). Ces derniers refusaient de payer parce qu'ils n'étaient pas représentés politiquement à la Chambre des communes à Londres.

Culture modifier

L'élite des marchands, des armateurs et des planteurs se sentait souvent proche de la métropole. Elle cherchait à imiter les classes supérieures qui vivaient en Angleterre. Ces grandes familles conservaient un sentiment d’appartenance à la culture européenne. Elles envoyaient leurs fils en Angleterre afin qu'ils finissent leurs études[25]. Elles avaient intérêt à rester dans le giron de la métropole, à cause du système mercantiliste et de l'ordre qu'elle garantissait. Les classes moyennes étaient quant à elles moins attachées à l'Angleterre. Les colons nés en Amérique se sentaient de moins en moins anglais et l'identité américaine se construisait progressivement contre la domination de Londres.

La Pennsylvania Gazette


À la fin du XVIIIe siècle, Philadelphie était le « véritable centre des Lumières révolutionnaires[26] », notamment sous l’impulsion du savant Benjamin Franklin (1706-1790). La cité était, avec Boston, le principal centre d’édition des Treize colonies et la Pennsylvania Gazette (1723) joua un grand rôle pendant la Révolution américaine.

Les élites, lisent les philosophes européens : Thomas Jefferson consignait ses notes de lecture dans un cahier (le Commonplace Book), ce qui permet aux historiens de reconstituer ses influences philosophiques : John Locke, Henry Home, Charles de Montesquieu, Thomas Hobbes[27].

La Société philosophique américaine était un cercle de discussions fondé par Benjamin Franklin.

Les théories du philosophe anglais John Locke influencèrent la Révolution américaine : l'idée du contrat social impliquait le droit naturel du peuple de déposer ses dirigeants. En revanche, les historiens trouvèrent peu de traces de la pensée rousseauiste en Amérique[28]. Les Américains utilisèrent l'analyse de la constitution britannique de Montesquieu pour rédiger les constitutions des états et du pays.

Le républicanisme fut l'un des principes idéologiques dominant dans les colonies à la veille de la Révolution. Les colons critiquaient le luxe ostentatoire de la cour et proposaient une vertu républicaine. L'idée que les hommes avaient le devoir civique de lutter pour leur pays se développa.

Montée des oppositions modifier

Les années 1763-1774 voient la montée des tensions entre les colons et leur métropole, dues aux divergences d'intérêt et à la politique impérialiste britannique. Les années 1763-1774 voient la montée des oppositions coloniales face aux prétentions britanniques, marquées par une série de lois, rapidement abrogées par le pouvoir central. Les résistances américaines au mercantilisme et à la politique fiscale de Londres dégénèrent parfois en émeutes et révoltes épisodiques encore peu menaçantes.

Conséquences de la Guerre de Sept Ans modifier

George III du Royaume-Uni


La Guerre de Sept Ans (1756-1763) qui opposa les puissances européennes, a vidé les caisses de la Couronne britannique. Alors que les Treize colonies étaient prospères sur le plan économique, l'Angleterre subissait une crise économique[29]. Londres décida qu'une partie des frais de guerre serait supportée par les colons américains.

Après le traité de Paris, la Grande-Bretagne a acquis les colonies françaises d'Amérique du Nord. La Proclamation royale de 1763 avait pour objectif d'établir et d'organiser l’empire colonial britannique dans cette région du monde. Il était également question pour la Couronne de pacifier les relations avec les Amérindiens. La Proclamation avait pour but d'apaiser les craintes indiennes d’une arrivée massive de paysans blancs sur leurs terres. En effet, les Treize colonies étaient bien plus peuplées que la Nouvelle-France ; les migrants européens, arrivés en nombre important, réclamaient de nouvelles terres pour vivre. La « Frontière » attirait les migrants comme les Écossais suivis par les Allemands[30]. L'épuisement des sols à l'est des Appalaches et la pression démographique accentuèrent la faim de terre des colons.

La Proclamation interdisait aux habitants des Treize colonies de s’installer et d’acheter des terres à l’ouest des Appalaches[31]. La Couronne se réservait par ailleurs le monopole dans l’acquisition des terres indiennes et le roi garantissait la protection des peuples indiens[31],[32]. Londres avait prévu la construction de forts britanniques le long de la limite de colonisation ; ce dispositif devait permettre le respect de la Proclamation mais aussi favoriser le commerce des fourrures avec les Indiens[31]. Le gouvernement britannique estimait que ces avant-postes assuraient la défense des Treize colonies et que leur financement revenait donc aux colons[31].

La Proclamation royale de 1763 souleva le mécontentement des colons américains qui s’étaient déjà implantés dans ces territoires indiens. Ils devaient rendre la terre et revenir dans les Treize colonies. Certains étaient persuadés que le roi souhaitait cantonner les colons américains sur la bande littorale afin de mieux les contrôler[31]. Les colons refusaient de financer la construction et l’entretien des avant-postes royaux sur la ligne définie par la Proclamation. L'éviction des Français du Canada en 1763 assurait la sécurité des Treize colonies qui estimaient ne plus avoir besoin de la protection militaire anglaise[33].

Les lois modifier

Le 5 avril 1764, le Parlement anglais vote le Sugar Act qui maintient les taxes sur le sucre et les étend à d'autres produits (sucre, certains vins, café, piments, batiste, indiennes). Il était également question d'imposer une réglementation stricte sur les exportations de bois et de fer[34], ainsi que de renforcer le contrôle anglais sur le commerce colonial. Il provoqua une crise dans la production de rhum et dans le commerce des colonies. Il est très impopulaire auprès des colons[35]. Quelques jours après, le Parlement instaura le Currency Act qui permettait à la métropole de mettre la main sur le système monétaire colonial[36].

Le Stamp Act, voté en 1765, instituait un timbre fiscal obligatoire pour tous les documents officiels, permis, contrats commerciaux, journaux, testaments, livres et cartes à jouer. Elle affectait tous les colons et non plus seulement les marchands et ne fut guère appliquée en raison des pressions et des résistances des Américains : menaces et intimidation sur les collecteurs de taxe, destruction des timbres. À Boston, on pendit et brûla une effigie d’Andrew Oliver, un agent du timbre. Sa maison fut pillée et son bureau incendié. La demeure du gouverneur du Massachusetts, Thomas Hutchinson fut également vandalisée.

De nombreuses associations virent le jour afin d’organiser la protestation : elles seront bientôt connues comme les Fils de la Liberté. Des comités de correspondance (Committees of Correspondence) se constituèrent pour unir les opposants et relayer les appels au boycott des marchandises anglaises. La chambre des bourgeois de Virginie adopta les résolutions de Patrick Henry sur le Stamp Act (Stamp Act Resolves). Elles déclaraient que les Américains possédaient les mêmes droits que les sujets britanniques, en particulier celui de ne pas être taxé sans le consentement de leurs représentants. Ceux qui soutenaient la prétention anglaise de taxer les Virginiens seraient considérés comme ennemis de la colonie[37]. Le gouverneur Fauquier préféra dissoudre la chambre des bourgeois de Virginie en réaction à ces propositions radicales.

Caricature anglaise sur l'abrogation du Stamp Act

À l'instigation de James Otis, le Massachusetts réclama la tenue d’une assemblée générale intercoloniale : le Stamp Act Congress qui se tint au Federal Hall de New York du 7 au 25 octobre 1765. Les 27 délégués des colonies adoptèrent une Déclaration des Droits et des Griefs (Declaration of Rights and Grievances) et envoyèrent des lettres ainsi que des pétitions à Londres. L’accent était mis sur le Stamp Act mais aussi sur le fait que les colons n’avaient pas le droit de participer à l’élection des députés qui siègent à Londres. Seules les assemblées coloniales avaient le droit de lever de nouvelles taxes en Amérique. Sous l'effet du boycott, la loi fut finalement abrogée le 18 mars 1766. Mais la question de la représentation politique des Américains n’était pas réglée. Et la détermination du Parlement de faire payer des taxes aux colons restait intacte.

Le 24 mars 1765, le Parlement édicta un premier Quartering Act[38] qui exigeait des assemblées coloniales de pourvoir aux besoins des troupes armées anglaises. La résistance fut la plus forte à New York : l’assemblée refusa de financer les troupes et fut suspendue en représailles.

Les Townshend Acts, votés par le Parlement en 1767, instituaient une taxe sur les matières premières importées dans les colonies américaines. L'objectif était de gagner 40 000 livres chaque année pour financer l'administration coloniale[39]. Les troupes anglaises reçurent des renforts pour maintenir le calme à Boston. Londres dut faire marche arrière devant le boycott des marchandises et les lois furent abrogées, même si la taxe sur le thé fut maintenue.

Paul Walker (1735–1818), une représentation du Massacre de Boston

Le 5 mars 1770, au cours d'une violente manifestation dans le centre de Boston, les soldats anglais tirent sur la foule. Sept personnes trouvent la mort dans le « massacre[40] ». Les journaux de la ville mettent en valeur cet événement et en font le symbole de la tyrannie anglaise.

Le Tea Act est voté en mai 1773 afin de permettre à la Compagnie anglaise des Indes orientales de vendre son thé aux colonies de l'Amérique du Nord sans acquitter de taxes. Elle avait pour but de rétablir les finances de la compagnie en renforçant son monopole.

Une représentation de la Boston Tea Party (1773)

Le 16 décembre 1773, des colons déguisés en Indiens jettent plus de 300 caisses de thé par dessus les quais : c'est la Boston Tea Party. En représailles, l'Angleterre décide de fermer le port de Boston en mars 1774, d'étendre le Quartering Act, d'imposer une lourde indemnité aux Bostoniens et de réformer la procédure judiciaire. Ces quatre mesures sont appelées Intolerable Acts par les Américains et Coercive Acts ou Punitive Acts par les Anglais.

Organisation de l'opposition américaine modifier

Tout au long des années 1760-1770, les colons américains organisèrent la résistance et la protestation à la politique britannique. Des réseaux de solidarité se mirent en place, malgré la diversité et l'étendue des colonies. Les principaux foyers de rébellion furent Boston, New York, Philadelphie et la Virginie. Les Fils de la Liberté, une organisation secrète d'opposants américains formée en 1765, mena différentes actions allant de la rédaction de pamphlets, à la plantation d'arbres de la liberté, de réunions politiques à la violence urbaine. Le profil sociologique des Fils de la Liberté n'était pas uniforme : on trouvait aussi bien des avocats que des ouvriers. Les représentants les plus importants de ce mouvement étaient Paul Revere, Thomas Young, Joseph Warren, Patrick Henry, John Hancock, James Otis, Thomas Crafts Jr., John Adams et son cousin, Samuel Adams, qui fut le meneur de la rébellion en Nouvelle-Angleterre. Les actions entreprises contre le pouvoir britannique prennent des formes de plus en plus radicales et organisées. Le recours au boycott dès 1764 à Boston, est l'une des solutions les plus efficaces. Les manifestations se succèdent pour réclamer l'abrogation des actes. Les violences, au départ sporadiques et limitées, se multiplient contre les représentants de l'autorité anglaise. Les émeutes urbaines s'en prennent le plus souvent aux gouverneurs, mais aussi aux agents de douanes et des impôts. Progressivement, les acteurs de la contestation politique cherchent à se fédérer et à coordonner leurs actions. A la fin de l’année 1772, après l’affaire de la Gaspée, Samuel Adams réfléchit à la mise en place des comités de correspondance (Committees of Correspondence). Ils permettraient d'établir un réseau entre les associations des patriotes dans les 13 colonies. Au début de l’année suivante, la Virginie se dota du premier comité, auquel participèrent Patrick Henry et Thomas Jefferson[41]. Des comités de sécurité (Committee of Safety) furent créés par la suite afin d’assurer l’exécution des résolutions prises par les comités de correspondance et le Congrès continental.

Les Treize colonies envoient des députés pour former des assemblées illégales : d'abord le Stamp Act Congress, puis les Congrès provinciaux (Provincial Congress). En 1774, la Continental Association cherche à renforcer la campagne des boycotts des produits anglais. L'ultime étape, qui fait définitivement passer la contestation en Révolution, est celle du Premier Congrès continental, acte éminemment illégal du point de vue de la métropole, car il crée une assemblée politique indépendante.

Après la Révolution modifier

Coût de la guerre modifier

  • France : Les dépenses directes de guerre sont évaluées à 1,8 / 2 millions de livres[42]. La France prêta 12 millions de livres aux Américains, et en donna 12 autres millions[42]. Elle consentit à une avance de 6 millions de livres pour la reconstruction du pays[42].

La Révolution américaine : un modèle ? modifier

La Révolution américaine a influencé les autres pays et fait partie des Révolutions atlantiques de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. L'organisation du pouvoir américain a instauré la stabilité et l'équité des pouvoirs éxécutif, législatif et juridique, lesquels étaient assignés de tâches particulières mais qui restaient régies par le chef d'État et son Premier Ministre. La révolte des « Patriotes du Cap » (Afrique du Sud actuelle) contre l'administration coloniale s'inspira de la Révolution américaine[43]. Les généraux français qui appuyaient les indépendantistes, et qui avaient vu le succès de cette révolution, ramenèrent eux aussi des idées qui ont pu avoir un impact sur la Révolution française.

Historiographie modifier

La Révolution américaine fut d'abord vue par les contemporains comme la confrontation entre les colons et la couronne britannique. Pendant la guerre froide, les historiens français exceptionnalistes considéraient que la Révolution américaine était imparfaite parce qu'elle n'était pas sociale[44]. De leur côté, les exceptionnalistes américains soulignaient l'échec final de la Révolution française (établissement du Premier Empire, Restauration monarchique) et mettaient en avant l'antériorité du soulèvement américain. Dans les années 1970, l'historiographie de la Révolution américaine se renouvelle grâce aux études d'Edward Countryman, Alfred Young ou Gary Nash. Elle s'attache à élargir le sujet en s'intéressant à l'histoire sociale et non plus seulement aux événements. Elle met en valeur, au travers de nombreuses monographies, le rôle des Noirs, des femmes ou encore de la foule[45] ; on peut comparer la démarche à celle de l'école des Annales en France. Dans les années 1980, les discussions historiographiques opposaient les historiens libéraux ou républicanistes. Depuis quelques années, les historiens et le grand public reviennent à l'étude des grands personnages de la Révolution américaine, en particulier des plus conservateurs[45].

Voir aussi modifier

Notes modifier

  1. F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3, 1993, p.484
  2. (en) Jack P. Greene et J. R. Pole, A Companion to the American Revolution, 2003, Paperback, p.41-42 (Source : Historical Statistics of the United States, Washington, 1960)
  3. C. Fohlen, Les Pères de la Révolution américaine, 1989
  4. Jacques Binoche, Histoire des États-Unis, Paris, Ellipses, 2003, p.35
  5. Jacques Binoche, Histoire des États-Unis, Paris, Ellipses, 2003, p.27
  6. Élise Marienstras, Naomi Wulf, Révoltes et révolutions en Amérique, Atlande, 2005, p.37
  7. F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3, 1993, p.505
  8. a et b Élise Marienstras, Naomi Wulf, Révoltes et révolutions en Amérique, Atlande, 2005, p.39
  9. F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3, 1993, p.492
  10. Élise Marienstras, Naomi Wulf, Révoltes et révolutions en Amérique, Atlande, 2005, p.36
  11. Élise Marienstras, Naomi Wulf, Révoltes et révolutions en Amérique, Atlande, 2005, p.33
  12. a b c et d (en) « Overview of Imperial Structures », Brooklyn College (consulté le )
  13. New England : Province du New-Hampshire, Province ou Colonie de la Baie-du-Massachusetts, Colonies de plantations ou Plantations du Rhode-Island et de Providence, Colonie du Connecticut
  14. Middle Colonies : Province de New-York, Province du New Jersey, Province de Pennsylvanie
  15. Southern Colonies : Province du Delaware, Colonie et Dominion de Virginie, provinces du Maryland, Caroline du Nord, Caroline du Sud et Géorgie
  16. É. Marienstras, N. Wulf, Révoltes et révolutions en Amérique, 2005, p.30
  17. a et b (en) « Student Exhibition: Road to the American Revolution », American Revolution Digital Learning Project (consulté le )
  18. (en) « The First British Empire & Mercantilism », Brooklyn College (consulté le )
  19. F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3, 1993, p.499-500
  20. F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3, 1993, p.502 et p.511
  21. F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3, 1993, p.511
  22. F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3, 1993, p.499
  23. F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3, 1993, p.509
  24. F. Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3, 1993, p.501
  25. Élise Marienstras, Naomi Wulf, Révoltes et révolutions en Amérique, Atlande, 2005, p.44
  26. Élise Marienstras, Naomi Wulf, Révoltes et révolutions en Amérique, Atlande, 2005, p.45
  27. C. Fohlen, Thomas Jefferson, 1992, p.26-27
  28. Charles W. Toth, Liberté, Egalité, Fraternité: The American Revolution & the European Response, 1989, p. 26.
  29. Élise Marienstras, Naomi Wulf, Révoltes et révolutions en Amérique, Atlande, 2005, p.26
  30. Maurice Crouzet, Histoire générale des civilisations, tome V, 1953, p.320
  31. a b c d et e (en) Thomas Kindig, « Proclamation of 1763 », Independence Hall Association, 1999-2007 (consulté le )
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  45. a et b (fr) Naomi Wulf, Marie-Jeanne Rossignol, « La Révolution américaine : sujet brûlant ou vieille querelle ? », Transatlantica, (consulté le )

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Sources modifier

Cet article a été rédigé à l'aide des ouvrages suivants :

  • Élise Marienstras, Naomi Wulf, Révoltes et révolutions en Amérique, Atlande, 2005, (ISBN 2350300153)
  • Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3 : Le temps du monde, Paris, Armand Colin, LGF-Le Livre de Poche, (ISBN 2253064572), 1993

Bibliographie modifier

Photos et cartes modifier