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Robert Auguste Moog, dit Robert Moog, surnommé Bobby ou Boby, puis Pierre, est un Français né à Paris le 28 février 1915 et présumé décédé en un lieu et à une date indéterminés. Robert Moog fut, en France, un redoutable agent de l'Abwehr, puis de la Gestapo pour laquelle il fut, à Lyon, un collaborateur de Klaus Barbie. Son action a conduit à la chute de plusieurs réseaux de la Résistance associée à l'arrestation de très nombreux résistants dont le général Charles Delestraint et Jean Moulin.

Origines familiales

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Robert Moog est né le 28 février 1915, à Paris, au 123, boulevard de Port-Royal. Sa mère, Alice Marie Schneider, blanchisseuse, était âgée de 17 ans à sa naissance. Il fut légitimé par son père, Auguste Moog, tailleur d'habits, le 24 juillet 1915.

Alice Schneider, sa mère, est née à Paris, 18e arrondissement, le 20 juillet 1897 et décédée à Montfermeil, Seine-Saint-Denis) le 12 mai 1971 Ses parents étaient Charles Schneider (1867-1906) et Léonie Joséphine Meige (1869-1962)[1].

Auguste Moog, son père, est né à Paris, 19e arrondissement, le 14 décembre 1889. Ses parents étaient Jean-Jacques Moog (journalier) né le 24 février 1853 à Wasselonne, (Bas-Rhin) et Marguerite Eckenfels[2].

Il ressort de ces informations généalogiques que Robert Moog, né à Paris, de parents de condition modeste, eux-mêmes nés à Paris, avait un ancrage parisien bien avéré même si ses grands parents paternels étaient Alsaciens. Or, selon les circonstances, Robert Moog s'est affiché tantôt comme Français et Alsacien, tantôt comme Allemand car il semble avoir eu une maîtrise parfaite de la langue allemande.

Robert Moog épousa Andrée Augustine Marie, Juhel, née à Dol-de-Bretagne le 04 avril 1913, par un acte de mariage passé le 11 janvier 1936 à Paris, dans la mairie du 18e arrondissement. Il y est mentionné « employé de commerce ».

Agent de l'Abwehr puis de la Gestapo

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Une recrue de Kramer : l'agent K 30

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Né le 09 décembre 1893, à Kandern, le capitaine Eugen Kramer, alias Gegauf, appartenait, en tant que membre de l'Abwehr, à l'AST (Abwehrstelle) du district de Stuttgart avant la guerre, puis à l'AST de Dijon pendant l'Occupation[3]. On lui confia une antenne à Paris où, tout en dépendant de l'AST de Dijon, il créa un réseau d’agents immatriculés par un numéro précédé de la lettre K (K comme Kramer). Sans être poursuivi pour ses activités, Kramer fut appelé à témoigner, après la Libération, sur les fonctions remplies par les agents français qu'il avait recrutés. Selon Kramer, « Moog était l'agent K30, qui a travaillé pour l'antenne Abwehr de Dijon depuis 1942. Il a été recruté par K 4 qui a été l'agent de liaison entre K 30 et moi-même ». K4 était René Saumande, membre du PPF (Parti populaire français). Moog prit rapidement une ascendance telle que Kramer lui confia des responsabilités importantes, il déclara[4] : « Dans l'affaire Jura, K 30 a rendu de grands services par son intervention personnelle (...) Le déroulement de l'affaire Jura était entièrement le travail de K 30 ».

L'affaire Jura

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Prolongements à Lyon

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Retour ausommaire de la 4ème partie b-Le Contre-agent du K.d.S-Marseille en sait long...

MULTON connait bien la boîte aux lettres de la rue Bouteille. Depuis le 11 Mai. Ce jour-là, Le COUSTER, sans savoir que Lunel est passé à l'ennemi, lui a révélé l'adresse de la boîte "Résistance-Fer".

Quoiqu'il en soit, Klaus BARBIE, est très informé, et il passe à l'action, dès qu'il reçoit le concours de MULTON; mais celui-ci est solidement étayé par MOOG. Cet ordre vient de plus haut, du Sturmbannführer S.S. Hans KIEFFER qui commande, pour la France,à Paris, la sous-section IV E, en se rappelant la hiérarchie verticale du Sipo-S.D..

Mais qui est MOOG ? Il semble indispensable de présenter cet homme que l'on voudrait être un pur Allemand, alors qu'il est né à Paris et se prétendait alsacien. Redoutable nazi et féroce agent allemand, il sut jusqu'au bout être d'une efficacité exceptionnelle pour la cause qu'il avait embrassée.

101 Rapport Flora in : A.N. Z6 244. n°2919: 1° procès Hardy.

102 Déposition de Georges Cotton: 2°Procès Hardy. 40-2/A.

Retour ausommaire de la 4ème partie 6° MOOG Robert. dit "Pierre".

Né le 28 Novembre 1915 à Paris-14°, mort en Allemagne.(103-a) Probablement d'origine alsacienne, et bien qu'ayant été mobilisé, il aurait appartenu, au cours de la guerre 39-40, à la 5° Colonne (103). Pour étayer cette affirmation, il est pratiquemment établi qu'il aurait suivi avant guerre, en Allemagne des stages dans ce but. Dans la région de Toulouse, dès fin 1940, il est chauffeur de la Commission d'armistice N°3. C'est en 1941 qu'il renoue avec un camarade de Régiment, SAUMANDE (104).

René SAUMANDE, tel est son nom réel, militant du P.P.F. de DORIOT, va jusqu'au fond de ses convictions pronazies: Il s'enrôle à l'Abwehr, devient l'agent K.4, (K. comme KRAMER), l'agent de KRAMER Eugène, alias GEGAUF, officier de l'Ast-Dijon, section I H, mais dont le territoire de chasse n'est pas limité (105). Nous aurons à en reparler.

Robert MOOG entre à son tour à l'Ast-Dijon; il est recruté par son camarade SAUMANDE et devient en 1942 l'agent K.30. En sa personne, c'est une "taupe" de l'Abwehr qui entre, le 25 Janvier 1943 à la Poudrerie nationale de Toulouse, en tant que chef d'équipe à l'essai. MOOG ne manque pas de parler autour de lui de son emploi dans cet établissement qui travaille, tout le monde le sait, pour les Allemands. Dès Mars, la Résistance entre en rapport avec lui, en la personne du lieutenant HITTER, du même réseau que DEVIGNY, réseau "Gilbert", un de ceux du Colonel GROUSSARD en liaison directe avec les Britanniques depuis la Suisse.

C'est d'ailleurs à Genève qu'avec les Anglais, GROUSSARD décide de mettre au courant le réseau Buckmaster; ses ramifications toulousaines sont fatalement concernées. HITTER, par excès de confiance, commet l'imprudence de parler à MOOG de l'ensemble du projet, en insistant sur la participation des réseaux du S.O.E. britannique, dont le réseau "Prunus" (106).

103-a Second procès Hardy. Enquête sur Robert Moog: 16. 9/B. 103-b Devigny, André. Je fus ce condamné. Paris. Presses de la Cité 1978. 329 pages. p.238. 104 Chauvy, Gérard. Op.Cit. p.98. Et surtout déposition 2°Procès Hardy: 109-1/A. 105 Déposition du Hauptmann Kramer de l'Abwehr: second procès Hardy. 134-4/A. et rapport du Commissaire Guyader: 134-2/A. 106 Devigny, André. Op.Cit. 173 à 176.

Les arrestations sont nombreuses, tant en ce qui concerne les réseaux français de GROUSSARD que ceux du S.O.E. Cette affaire sera appelée par les Allemands, Fall Jura. L'Ast-Dijon en tirera une grande fierté, et KRAMER rendra un hommage particulier à MOOG, son meilleur collaborateur, et ami, précisera-t'il.

KRAMER peut d'autant plus s'enorgueillir d'avoir un tel agent que MOOG ne s'est pas contenté de sévir à Toulouse (ou à Paris où il a fait arrêter HITTER). A Lyon, déjà en Avril, il est responsable de l'arrestation de Mr NOLLET, chez qui il a été présenté à DEVIGNY; et la fameuse blanchisserie de la rue Béchevelin, lieu de rencontre, boîte-aux-lettres du réseau "Gilbert", connue de lui, devient la trappe où tombent le Capitaine Claude BULARD, immédiatement abattu par MOOG. Ses papiers d'identité seront alors utilisés par son assassin. Madame Edmée DELETRAZ sera, elle aussi, arrêtée à la blanchisserie de la rue Béchevelin, avec du courrier. Mais ses arguments seront assez convaincants pour qu'elle puisse repartir avec la promesse de servir la Gestapo à qui l'agent K.30 a laissé cette souricière (107). MOOG jouit dorénavant d'une flatteuse réputation tant auprès des services de l'Abwehr que de ceux du Sipo-S.D et en sera un agent estimé, sans cesser d'être l'agent K.3O. de l'Ast-Dijon. Lors de l'instruction du 2° procès Hardy, des recherches ont été effectuées sur la personne de Robert Moog: On a ainsi découvert qu'après avoir fait partie de la 5°colonne, sa double appartenance à l'Abwehr (agent K.30) et au S.D. (Sonderfuhrer) a bien été réelle; il a travaillé pour le S.D. à Paris, Lyon, Toulouse, Reims. Il est responsable de très nombreuses arrestations. Replié en Allemagne à la Libération,, il a été tué à Francfort/Main dans un accident d'aviation, en Septembre 1944, alors qu'il devait être parachuté dans les lignes françaises, en tant qu'agent secret allemand. En effet lorsque le Sturmbannführer KIEFFER, de la section IV.E du B.D.S. de Paris, supervisant toutes les sections IV E de France, avec lequel KRAMER -pourtant de l'Abwehr- entretient toujours d'excellentes relations, lui demande de lui prêter pour quelque temps K.30 (MOOG), en raison d'une affaire à Lyon, il accepte seulement à titre provisoire (109). Cependant, en ce qui concerne K4 (SAUMANDE), il lui donne l'ordre de faire le lien entre K.30 et lui-même, et lui rappelant qu'il appartient toujours à l'Ast. Il désire rester informé et garder les commandes. Enfin MOOG lui adressera des rapports sur ses activités au S.D. de Lyon (110).

107 Devigny, André. Ibidem .p.180. 108 Note de renseignements relatifs à Moog Robert. Tr.Mil. 16-6/B 109 Déposition du Capitaine Kramer de l'Abwehr. 2°pr.Hardy. Trib. Mil. 134-4/A. 110 Déposition de Saumande. Tribunal Militaire. 109-1/A.

Ainsi, fin Mai 1943 MOOG arrive à Lyon et se présente à nouveau à Klaus BARBIE. Il doit accompagner et surveiller MULTON, trop peu fiable encore aux yeux du S.D., au cours de deux missions.

La première de celles-ci va se dérouler à Mâcon. BARBIE apprend à MOOG que MULTON a retrouvé la trace de l'adjointe d'Henri FRENAY et peut-être celle de ce dernier (111). Bien que le drame de l'arrestation de Berthie ALBRECHT ne concerne pas notre propos, il convient de préciser que ce guet-apens est monté par MOOG, avec la participation active de MULTON qui en apporte les éléments indispensables, mais malheureusement aussi avec le concours de Madame DELETRAZ. Celle-ci, contrainte de jouer le double jeu, en obéissant à BARBIE, depuis que le chef de son réseau lui a ordonné de garder un pied à la Gestapo, en arrive à exposer des Résistants et non des moindres. Berthie ALBRECHT n'en sera pas la seule victime...

Retour ausommaire de la 4ème partie 7° Le Drame de la Rue Bouteille.

La seconde mission confiée à MOOG, qui utilisera le contre-agent MULTON: surveiller la boîte aux lettres de Madame DUMOULIN, 14 rue Bouteille, petite rue du 1° arrondissement blottie au pied de la Croix- Rousse.

Madame DUMOULIN y est couturière. Sans faire du marché noir, elle arrive à se procurer quelques denrées qu'elle revend. Mais par conviction, elle a mis sa boîte à la disposition de "Résistance-Fer" Les plis y sont déposés. Au début elle les prend avec son propre courrier. Qui vient les chercher chez elle ? Cinq personnes sont qualifiées pour cela : les agents de liaison de HARDY, Charles THEVENON, ou Roger BOSSé, ou la secrétaire de HARDY, Marie RAYNOUARD alias "Claire", ou René HARDY lui-même, ou son adjoint René LACOMBE, alias BOTTIN (112). Mais aller sonner chaque fois chez Madame DUMOULIN entraine un va et vient qui peut alerter les voisins, faire perdre du temps en cas d'absence de celle-ci. Aussi "Claire" s'est-elle arrangée avec Madame DUMOULIN pour faire confectionner d'autres clefs de la boîte. "Claire" en garde une, une autre est sans doute remise à un des deux agents de liaison de Didot.

Toujours est-il que dès que l'équipe de MOOG est au complet, le 24 Mai, elle se rend chez Madame DUMOULIN qui est arrêtée, la boîte aux lettres est surveillée, l'appartement transformé en souricière.

111 A.N.: Z6. 244 n°2919. 1°procès Hardy.Interrogatoire de Multon et rapport Flora. 112 Plusieurs sources d'information sur Madame Dumoulin et le fonctionnement de la boîte: surtout la déposition de M.Lacombe (2° pr. Hardy:79-6/A.)et celles de Lydie Bastien: 14-4/A, 7/A.

Par recoupements, quelques détails peuvent être apportés dans le déroulement de ces évènements que nous avons évoqués plus haut. C'est donc Edmée DELETRAZ qui est chargée d'ouvrir la porte, et d'introduire les visiteurs. MOOG l'y a emmenée, avec MULTON. Ils la laissent avec trois allemands dans l'appartement: deux hommes et une femme, qui parlent mal le français. Edmée DELETRAZ affirme que des trois hommes et de la femme qui ont sonné et à qui elle a ouvert, personne n'a été arrêté; elle les avertissait à faible voix que les allemands étaient là (113). Cependant, le 25 Mai "Claire" se rend chez Madame DUMOULIN, non pas pour une question de courrier mais pour la confection d'une robe. Et elle se fait arrêter.

Il apparaît qu'aucune des quatre personnes qui ont sonné au 14 rue Bouteille n'ait donné l'alerte, au moins ce même jour. Peut-être Roger THEVENON a-t'il précisé ses inquiétudes, sinon ses certitudes. Par contre René LACOMBE a rendez-vous le lendemain, le 26, avec "Claire", et elle n'y vient pas, ce qui est tout à fait inhabituel, d'autant plus qu'elle sait bien qu'elle doit lui remettre les clefs de la rue d'Enghien, P.C. de Résistance-Fer. L'arrestation de Claire et la souricière de la rue Bouteille sont confirmées , deux ou trois jours après celles-ci, soit le 27 ou le 28 Mai, par les agents de liaison, et particulièrement THEVENON fils, alias Béruyer. Très rapidement alors, l'information est diffusée dans le milieu "Combat". L'appartement et la boîte-aux-lettres sont "brulés" (112).

Madame RAISIN, dite "La petite Mad", secrétaire de Thomas (Henri AUBRY), rédige le billet du rendez-vous, en clair comme d'habitude entre Aubry et Didot, et dicté par AUBRY; et lorsqu'elle porte le message sans doute le 27 Mai en fin d'après-midi, elle ne se doute pas du risque pris. Elle ne monte pas à l'étage, mais se contente de le glisser dans la boîte. Lorsqu'elle retrouve AUBRY, le lendemain matin, Vendredi 28 Mai, celui-ci lui demande si elle a rempli sa mission; sur sa réponse affirmative, il se récrie: "Vous avez de la veine, car il y a la Gestapo à l'étage". Entre temps, il en a été informé, par les services de "Combat" (114).

Ce même Vendredi 28 Mai, Henri AUBRY, prend en hâte le train pour Marseille. Alerté par "la petite Mad", il apprend que son épouse y est hospitalisée; elle souffre d'affections secondaires au récent accouchement ( un garçon), une fièvre puerpuérale et une phlébite (115).

113 Devigny, André. Op.Cit. p.239. 114 Dépositions de Mme Raisin à l'instruction du 2°procès Hardy: 100-1/A, 3/A, 9/A, Formelle quant au message en clair, Madame Raisin dans sa déposition précise bien les faits, moins bien les dates. Se reporter à l'Annexe 4/20. 115 Dépositions de Madame Raisin et interwiew du 25 Mai 1990.

Il ne reviendra que le 2 Juin à Lyon. "La petite Mad" fait d'ailleurs un voyage à Marseille, aller et retour dans la journée du 31 Mai, pour lui apporter le courrier (116).

Mais, dès le Jeudi 27 Mai au soir, MOOG a connaissance du message trouvé dans la boîte Dumoulin, dont le texte non codé est limpide (117). Le papier est remis dans la boîte. BARBIE et MOOG se concertent.

BARBIE sait bien que le pseudonyme "Vidal" désigne le chef de l'Armée Secrète. Il en a eu connaissance depuis que les documents, saisis par la police française en Mars, lui ont été remis, avant qu'il ne les expédie par voie hiérarchique à Paris, pour aboutir à Berlin. BARBIE informe son supérieur KIEFFER, alors que MOOG prévient KRAMER, auquel il est toujours rattaché officiellement. La scène de l'arrestation du métro La Muette se monte. Il est bien entendu que KRAMER et ses services de l'Abwehr prendront l'affaire en mains en ce qui concerne l'arrestation, avec l'aide du B.d.S. de Paris. Ensuite,le ou les prisonniers seront remis au S.D. du 84 Avenue Foch (118).

Pour la section IV E de Lyon, il s'agit d'ouvrir l'oeil avant le départ pour Paris, car HARDY va prendre le train d'un jour à l'autre pour se rendre à Paris. Mais même si HARDY-Didot n'est pas intercepté avant son départ de Lyon, il sera arrêté à "La Muette". La présence de MULTON qui l'a déjà rencontré, aux cotés de MOOG, est donc indispensable, à La Muette, le Mercredi 9 Juin.

Ils partiront tous deux, le lundi 7 Juin au train de 22 h,2O. Ils seront accompagnés de deux agents allemands de Lyon, qui leur preteront main forte en cas de besoin. Ils ne voyageront cependant pas avec eux, mais dans de la Wagon suivant. Un seul compartiment de deux couchettes a été retenu à l'usage de MOOG et de MULTON. D'ailleurs, ne serait-il pas imprudent de voyager ensemble, pour ces quatre agents allemands, qui désirent, au départ de Lyon, passer le plus possible inaperçus ?

Le Mardi sera consacré à Paris à mettre au point l'arrestation du Général sous la direction de KRAMER, et de l'Abwehr.

116 Dépositions de Henri Aubry à l'instruction du 2°procès Hardy: 23.03 et 4.05.1948. (11-4/A et 5/A). Voir Annexe 4/21. 117 Le texte approximatif du billet: "Vidal te donne rendez-vous à Paris, le Mercredi 9 Juin à 9 heures, métro de la Muette". Aucune mention sur ce billet du journal "Le Pilori", lors du témoignage de Madame RAISIN. 118 Prise de Position de Gegauf (Kramer). Document découvert en Allemagne après guerre et joint au dossier 2°procès Hardy 116-125-8/A.bis.

Retour ausommaire de la 4ème partie 8° Entre Lyon et Bourg-en-Bresse. Derniers contacts.

Il est vrai qu'une certaine prémonition a existé chez ces deux hommes qui vont être arrêtés dans quelques semaines, dans quelques jours. Jean MOULIN a exprimé lucidement auprès de ses secrétaires et surtout dans son rapport du 7 Mai, sinon une inquiétude, tout au moins la sensation du danger imminent qui le menace :" Je suis recherché maintenant tout à la fois par Vichy et la Gestapo qui, en partie grâce aux méthodes de certains éléments des Mouvements, n'ignore rien de mon identité ni de mes activités. Je suis bien décidé à tenir le plus longtemps possible, mais si je venais à disparaître, je n'aurais pas eu le temps matériel de mettre au courant les successeurs" (119). De son coté, Charles DELESTRAINT, depuis fin Mai, a eu un comportement qui, a posteriori, révèle le pressentiment de son arrestation imminente. Il l'a manifesté particulièrement sur le plan familial. Si depuis longtemps déjà, il a envisagé les risques que son engagement pouvait entrainer, depuis plus d'un mois, il prend de plus en plus de précautions lorsqu'il vient dans sa famille à Bourg-en-Bresse. Il y vient de moins en moins souvent, dans le souci d'éviter de faire partager aux siens les dangers de sa vie clandestine (120). Mais par contre, il tient à vivre avec son épouse encore ce week-end des 29 et 30 Mai.. Se doute-t'il qu'il s'agit du dernier ? Ne voulant donc pas retourner chez lui à Bourg, la réunion de ce couple très uni aura lieu à Saint-Amour dans le Jura. Une photo conservée précieusement par la famille, en constitue un document.

De retour à Lyon, le Général DELESTRAINT, dès le matin du lundi 31 Mai, reprend les préparatifs de son séjour parisien; il faut prévoir les réunions des chefs militaires de la Zone Nord, il apprend par un mot d'Yves FARGE que Pierre DALLOZ de passage à Lyon, veut le rencontrer, le Mardi 1° Juin à 15 heures (121). Il faut aussi et surtout envisager l'implantation de l'Etat-Major à Paris. Pour ces divers projets, en ces dernières journées lyonnaises, il rencontre Jean MOULIN, revenu de Paris après la création du C.N.R..Max lui demande de prendre contact avec son représentant parisien, qui, pendant son absence, préside le Comité de Coordination des Mouvements Z.N., Pierre MEUNIER (Morlay). Ce dernier doit donner au Général des informations sur l'activité de la Résistance dans cette Zone et le mettre en relation avec ceux des chefs des mouvements qu'il ne connait pas encore. Le rendez-vous est fixé au Jeudi 10 Juin à midi, place Saint-Michel (122).

119 Fin du rapport de Jean Moulin au Général de Gaulle, en date du 7 Mai 43. Moulin, Laure. Jean Moulin. Paris Presses de la Cité 1982. 391 pages. p.352. 120 Témoignage de Madame Bibiane Tourtel-Delestraint. 121 Dalloz, Pierre. Vérités sur le drame du Vercors. Paris Ferand Lanore. 1979. 343 pages. p.85. 122 Lettre personnelle de Mr Pierre Meunier, du 2.Avril 1990.

Le fidèle Commandant GASTALDO doit s'occuper activement des rencontres avec les chefs militaires à Paris. Encore à Lyon, il était présent le Jeudi 27 Mai, lorsque le Général a chargé AUBRY d'avertir HARDY de se trouver le mercredi 9 Juin à 9 heures à "La Muette". En ces derniers jours de Mai, en ces tout premiers jours de Juin tous deux se rencontrent encore. Le 2 Juin, après la réunion de la rue Tête d'Or, il est décidé entre eux deux qu'une fois Didot contacté à La Muette, le Général, avec lui, se rendra à pied au Métro "La Pompe"où GASTALDO se joindra à eux. D'ailleurs, tous ces détails seront confirmés, à Paris, lors des rencontres préliminaires les 7 et 8 Juin (123). Comme Vidal, Galibier va quitter Lyon le Samedi 5 Juin, mais au lieu de prendre le même train de Paris, il passe par Moulins, tant par sécurité que pour passer quelques heures avec sa famille. Le dimanche 6 Juin, vers minuit, il prend le train Moulins-Paris qui y arrive le lundi 7 à 6 heures.(123)

L'entrevue entre Max et Vidal se fait le Mardi 1° Juin, à Lyon, au cours de la matinée; est-ce la dernière ? L'après-midi, à 15 heures, le Général ne peut être présent au rendez-vous prévu avec Pierre DALLOZ, mais celui-ci lui dépéche "Claudius" PETIT, responsable de "Franc-Tireur" en l'absence de Jean-Pierre LEVY. DALLOZ est convié à rencontrer le Général au cours du repas du soir, et surtout à participer à la réunion du lendemain, 2 Juin, 40 rue Tête d'Or, à laquelle assistent, outre Vidal, Galibier, Thomas et "Cavalier", c'est-à-dire le Commandant DESCOUR (124). Il est question, au cours de cette rencontre de différents maquis, dont celui du Vercors. Les officiers provenant de l'O.R.A. doivent dorénavant, insiste le Général, s'unir à l'A.S. de GAULLE, et en accepter l'obédience, sans jeter le moindre regard nostalgique vers Vichy. Certains noms sont écartés, d'autres acceptés, "pourvu qu'ils soient gaullistes". Avant de se quitter, DALLOZ le prend à part, un rendez-vous, à Paris, est fixé. Encore quelques mots à Gastaldo, et la réunion se termine assez rapidement puisque Vidal doit prendre le train. AUBRY-Thomas l'accompagne "jusqu'aux environs de la gare de Perrache" (125).

Le Général DELESTRAINT en effet, ce même Mercredi 2 Juin, m'a fait part de son désir de revoir encore son épouse, ce jeudi 3 Juin, jour de l'Ascension. Mais il ne doit pas passer la nuit au 41 du Boulevard Voltaire, la sombre prémonition est bien toujours là, menace non précise, virtuelle, mais véritable. Il me demande si, encore une fois, une chambre dans l'appartement de ma mère à Bourg pourrait lui être réservée, comme ce fut le cas à plusieurs reprises au cours du mois de Mai. Bien sûr il sera le bienvenu... Nous faisons le trajet ensemble, le mercredi, par un train du soir. Il a fait connaître sa présence à Madame DELESTRAINT. Il la rejoint dans un restaurant (126).

123 Déposition du Colonel Gastaldo du 3.06.48 à l'instruction du 2°Pr.Hardy: 2/A, p.2 à 6. 124 Dalloz, Pierre. Op.Cit. p. 86 à 89. 125 Déposition de H.Aubry du 23.03.48. Op.Cit. 4/A. p.2. 126 Témoignage personnel.

Et le Général arrive, avant le couvre-feu, à l'appartement maternel où une chambre l'attend. Assez tard, coup de sonnette convenu entre quelques amis résistants. C'est Bob FORNIER, Virgile, alors chef de l'A.S. de l'Ain; il amène un aviateur anglais abattu en quête de refuge. Le Général apparait. Il connait bien Bob depuis longtemps, et il est navré de devoir refuser que ce combattant allié partage ce gîte. Le chef de l'A.S. ne doit pas multiplier les risques (127-a).

Le Jeudi de l'Ascension, 3 Juin, il retrouve son épouse et passe la journée avec elle en dehors de leur appartement. Il ne la reverra plus qu'entre les barreaux de Fresnes..(128) Avec moi, dans la soirée, il reprend le train de Lyon.

Le lendemain Vendredi 4 Juin, le Général a encore quelques contacts et notamment avec Thomas. Il m'emmène avec lui au début de l'après-midi; nous retrouvons Henri AUBRY cours de Verdun, devant Perrache, là même où je l'avais rencontré la première fois (127-c). Dans la conversation, il est question à nouveau du responsable de Résistance-Fer, avec qui il a rendez-vous à Paris, Didot. La conversation n'a pas abordé la question d'une quelconque boîte-aux-lettres. Je suis revenu avec le Général au 4 Avenue Leclerc. C'est au cours de ce trajet qu'il m'a fait ses recommandations de prudence et m'a confirmé son intention de me faire venir à Paris probablement, à partir du Samedi 12, c'est-à-dire à partir du moment où j'aurai terminé mes principaux examens.

Le lendemain, Samedi 5 Juin, le Général devait prendre le train de Paris de l'après-midi, celui de 13h30. En fin de matinée, je vois arriver ma mère en compagnie d'un grand ami de ma famille, le docteur RENEVEY d'Orléans. Il doit prendre le même train de Paris que le Général. Présentés l'un à l'autre, le Général et le docteur RENEVEY décident de faire le voyage ensemble. Ma mère et moi les accompagnons à Perrache, jusqu'à leur wagon. Par une nouvelle prémonition, juste avant le départ du train, le Général redescend pour embrasser ma mère, amie intime de son épouse. Le train part. Je ne devais plus revoir le Général DELESTRAINT (127-b).

127-a et b. Témoignages personnels. 127-c Témoignage personnel et celui d'Aubry (2° procès Hardy: 11. 5/A) Se reporter en Annexe 4/22. 128 Témoignage de Madame Tourtel-Delestraint.

Retour ausommaire de la 4ème partie 9° Paris...

Le train arrive à Paris Samedi soir à 21h30 (129). Le Général se rend rapidement au 35 Boulevard Murat où un appartement du 5° étage l'attend. Le dimanche 6 Juin, le général se rend à la messe de 7 heures à Notre-Dame d'Auteuil, une paroisse qu'il connait pour y être allé souvent avant guerre.

A 18 heures, ce dimanche 6 Juin, Vidal se rend au rendez-vous de DALLOZ, place de l'Alma à la terrasse de Francis. Il a pris du retard. Mais les contacts qu'il va avoir à partir de Mercredi le préoccupent Il faudra rencontrer tous les responsables militaires des mouvements. Heureusement pourra-t'il être aidé efficacement par Gastaldo qui n'arrive à Paris que le lendemain. Beaucoup de monde, ce dimanche soir de fin de printemps, des Allemands en uniforme qui se croient décidemment chez eux et croient pouvoir adopter Paris, des Français qui ne craignent pas de les cotoyer. Cette table de "Francis" est occupée par deux Résistants, DELESTRAINT et DALLOZ; ils passent inaperçus. Pourtant DALLOZ n'est pas tranquille, il préfère discuter en marchant, et surtout l'emmener dans la chambre qui lui est réservé chez le Docteur DESCOMPS, 1 rue Lenôtre, pour pouvoir lui parler des incidents qui ont concerné les maquis du Vercors. Le Général lui avoue combien il est inquiet; l'opération "Les Montagnards" ne doit pas attirer l'attention des Allemands. Plus ce projet restera inconnu, surtout des ennemis, plus sa réalisation complète atteindra une efficacité valable. Le Général s'y intéresse particulièrement et ne désire pas qu'il soit gâché par des indiscrétions, des imprudences. Le Général le quitte après lui avoir conseillé de retourner en Vercors, sauf s'il y est "brûlé", auquel cas qu'il rejoigne donc Londres où il sera utile (130).

Le Lundi 7 Juin, le Général DELESTRAINT retrouve son Chef d'Etat-Major, le Commandant GASTALDO, arrivé à Paris le matin même. Il est vraisemblable qu'au cours de cet échange, sans doute Boulevard Murat, ils décident de se retrouver le surlendemain matin au métro "Rue de la Pompe", après la rencontre de Vidal et Didot à la station "La Muette" . Ils l'auront alors rejoint à pied, discutant déjà du "bloc-fer" pour la zone Nord. Tous ces détails sont importants, puisqu'il faut surtout préparer la réunion qui suivra immédiatement ces rencontres au cours de laquelle Didot sera présenté aux responsables militaires de l'"O.C.M." et de "Ceux de la Libération". Avec eux, on envisagera le sabotage des voies de communication et principalement des voies férrées de la Zone Nord.

129 Les horaires de ce train, comme ceux du train pris le 7 Juin par René Hardy ont été confirmés par "La Vie du Rail". 130 Dalloz, Pierre. Op.Cit. p.89-90. et A.N. 72 AJ/89.

Ainsi ce même lundi 7 Juin, à un rendez-vous organisé par Galibier, celui-ci et Vidal rencontrent déjà le chef militaire de l'"Organisation Civile et Militaire", le Colonel SAUVEBOEUF, et le Chef de "Ceux de La Libération". L'ordre du Jour de la grande réunion du 9 Juin est mise sur pied. Il doit encore insister sur l'importance qu'il y a pour tous les mouvements d'accepter la fusion totale de leurs groupes paramilitaires, en une Armée Secrète nationale relevant du Général de GAULLE. On se donne rendez-vous pour le lendemain matin, 8 Juin, afin de parachever ce travail préparatoire.(131) Le Général retrouve son aide de camp, le lieutenant THEOBALD. Il est convenu que celui-ci les retrouvera au métro de la Pompe, vers 9h3O (132).

Le mardi matin 8 Juin, Vidal et Galibier retrouvent les chefs Zone Nord vus la veille; Galibier les informe de l'heure et du lieu de la rencontre du 9 Juin. Ce sera à 10 heures dans un bureau du 2° étage de la Mairie du 16° arrondissement, 71 Avenue Henri Martin, mais en y accédant par une porte plus discrète de la rue de la Pompe (133). Didot y sera donc amené par le Général et son Chef d'Etat-Major. Dans l'après-midi de ce Mardi, DELESTRAINT reste dans l'appartement du 35 Boulevard Murat, après avoir conversé avec une vieille connaissance de la famille, la gardienne de l'immeuble Flore SICARD (134). Il travaille à la préparation de la réunion du lendemain. Et puis il attend la visite de son fidèle compagnon, le Commandant PERRETTE. Il l'avait chargé d'une mission: l'informer des exigences du gauleiter SAUCKEL sur le projet allemand de déportation des Chantiers de Jeunesse vers l'Allemagne dans le cadre du S.T.O.. L'échec de Vichy dans son opposition à cette menace avait été total. PERRETTE arrive à 16 heures. Le Général lui parait détendu, gai, "avac sa lucidité habituelle d'analyse, et son affabilité coutumière". Son projet est d'inciter les "Jeunes des Chantiers" à déserter pour rejoindre les maquis. La conversation porte ensuite sur l'Armée Secrète, de son rôle lors du débarquement, qui n'aura pas lieu cette année; il l'a appris à Londres. Il lui parle de son séjour en Angleterre, du Cdt Malagutti qu'il y a rencontré. Il dit au Commandant PERRETTE toute l'estime qu'il a pour Raymond AUBRAC de "Libération". Il compte bien lui confier un poste plus important à l'A.S. PERRETTE prend congé, d'autant plus que GASTALDO doit venir d'un moment à l'autre (135a.et 135b.).

131 Commissions rogatoires en date des 3 et 21 Juin concernant le Colonel Gastaldo en vue de l'instruction du procès Hardy près le Tribunal Militaire de Paris. 68-2/A et 3/A. 132 J.L.Théobald: instruction 2°procès Hardy. 114. 6/A 133 Gastaldo, Joseph: Instruction 2°procès Hardy. 134 Interwiew de Mme Dupont-Delestraint du 8 Février 1990. 135a Perrette, Jean-François. Le Général Delestraint. Paris Presses de la Cité. 1972. 180 pages. p.127 à 129. 135b Se reporter au témoignage du Cdt Perrette: Annexe 2/3.

Auparavant le Général va descendre acheter "de quoi écrire". Par cette carte, achetée dans quelque bureau de tabac du quartier, il tient, en un langage convenu, sous le nom de "Cousine Georgette" à donner des nouvelles, rassurantes, à son épouse restée, avec sa fille Bibiane, à Bourg-en-Bresse. Il l'a quittée le Jeudi précédent. Elle sait qu'il est bien parti à Paris le Samedi 5. Elle le sait par ma mère, Germaine GUILLIN, qu'il appelle dans sa lettre "notre cousine Germaine". Il parle de son gendre Pierre DUPONT, magistrat à Dreux,qui doit venir le voir dans cet appartement du 35 Boulevard Murat dans l'après-midi du Mercredi. Il espère que sa fille Odette l'accompagnera. Cette lettre, il va l'écrire dans la soirée dès le départ de GASTALDO (136). Il aura le temps de la poster tôt le lendemain, avant 9 heures.

En cette soirée du Mardi 8, le Général est entouré de quelques fidèles qui viennent le voir tour à tour. Il peut parler amicalement et librement. D'ailleurs il révèle que le Chef de la France Libre vient de lui confirmer sa promotion au grade de Général de Corps d'Armée de la France Libre (137).

Il vient de voir PERRETTE, il voit arriver maintenant GASTALDO. Dernière mise au point avant la réunion du lendemain. Il s'agira de bien mettre les choses au point, de convaincre les chefs des groupes paramilitaires qui y seront que la fusion en une seule et unique Armée Secrète aboutira à l'Armée Secrète de la France Combattante, celle de de GAULLE.

Le Commandant GASTALDO, dans ses fonctions de Chef d'Etat-Major, vient préparer encore avec le Général cette réunion du lendemain. Elle sera capitale puisqu'il faut abattre les dernières réticences de certains. Ultérieurement, en une rencontre terminale à préparer aussi, les responsables militaires de tous les mouvements des deux zones accepteront la fusion, mais aussi la tutelle du haut commandement. Celui-ci n'est-il pas directement rattaché à de GAULLE, que tous les mouvements reconnaissent comme le symbole et le chef des Résistances françaises.

Le Mercredi 9 Juin 1943 arrive; la journée est superbe. Auteuil resplendit en ce matin de fin de printemps. Comme chaque jour depuis Dimanche, il va entendre la messe à Notre Dame d'Auteuil, puis il revient prendre son petit déjeuner dans la loge de Flore, il se rend ensuite à pied, par l'Avenue Mozart vers le métro "La Muette". Il trouve, au passage, une boîte aux lettres, dépendant de la poste de la rue Singer; il y glisse la lettre adressée à Madame DELESTRAINT, 41 Boulevard Voltaire à Bourg-en-Bresse. Il continue son chemin vers son destin...

136 Le texte de la dernière lettre du Général Delestraint, en annexe N°4/23. 137 A.N.: 72.AJ/36. A.II.

Retour ausommaire de la 4ème partie 10° Le Piège.

Que savent les Allemands le Lundi 7 Juin lorsque MOOG et MULTON vont prendre le train à Perrache ? A la lumière du message trouvé dans la boîte DUMOULIN, ils ont appris que Vidal donne un rendez-vous à Didot le Mercredi 9 Juin à 9 heures au métro de La Muette à Paris. Mais l'Obersturmführer BARBIE, chef de la Section IV E du Sipo-SD de Lyon sait bien quelles fonctions remplissent ces personnages désignés par leurs pseudonymes. Il le sait grâce aux documents remis en Mars par la police française; et puis l'organigramme de KALTENBRUNNER n'a-t'il pas résumé l'ensemble des déductions allemandes? Ainsi sait-il que le Général Vidal correspond au "Commandement supérieur", que Didot, chef du 3°Bureau, s'occupe des "sabotages des voies ferrées". Cependant il ne peut pas deviner que les pseudonymes de Carbon et de Didot désignent le même personnage: HARDY (138).

Cependant MULTON connait bien HARDY pour l'avoir rencontré à Marseille en Mars et en Avril. C'est pouquoi il doit accompagner MOOG à Paris, où les Allemands et leurs agents pensent l'y arrêter en même temps que Vidal. Ils vont organiser sous les ordres du Capitaine de l'Abwehr III F. de Paris, KRAMER délégué à l'Ast-Dijon, mais avec l'aide du B.d.S. de Paris l'arrestation du Général Vidal et de ceux qui l'accompagnent. La section IV E de Lyon, en l'occurence, n'aura eu qu'un rôle d'informateur. Par contre, KRAMER de l'Abwehr n'est pas seulement informé. Il tient à jouer le premier rôle. MOOG, son agent, a bien été "prêté" au S.D. de Lyon; il doit prendre contact avec l'antenne parisienne de l'Ast- Dijon dès son arrivée (139).

Ce lundi 7 Juin, l'amie de HARDY, Lydie BASTIEN, qui n' a pas pu obtenir de lui la faveur de l'accompagner, doit retenir pour lui une couchette de Wagons-lits. Mission remplie seulement à 17 heures à l'agence de la Place Bellecour (140). Le billet avait été pris la veille ou l'avant-veille, par son agent de liaison BOSSE, alias Leblond.

138 Se reporter aux annexes 4/18 et 4/19. 139 Hauptmann Kramer:Instruction et Prise de Position de Kramer. 140 Lydie Bastien: déposition du 28.03.48: 2°procès Hardy. N°14.

Vers 21h45 arrivent à la gare de Perrache MOOG et MULTON (141). Ils croisent HARDY sur le quai de la gare avant le départ du train de Paris de 22 heures pour arriver à 8h05 (130). Il s'agit d'un hasard. HARDY sait que celui qu'il connait sous le nom de Lunel est désormais un agent allemand. Il est accompagné d'un individu inconnu de lui. HARDY croise aussi un ami de de BENOUVILLE, rencontré il y a quelques jours dans un restaurant avec lui. Il s'appelle Lazare RACHELINE, pseudo Rachet. Au lieu de l'ignorer, il s'approche de lui, lui offre une cigarette, du feu, et en se penchant vers lui murmure: "Si je suis arrêté dans le train, prevenez notre ami (c'est-à-dire de BENOUVILLE) que Lunel s'y trouvait" (142).

HARDY, après cette imprudence, ne renonce pas à son voyage, mais entre dans son Wagon-lit, pour gagner son compartiment et sa couchette N°8. Dans le couloir où ils sont accoudés, HARDY retrouve MOOG et MULTON..Ce dernier a un mouvement de surprise. HARDY le regarde avec quelqu'insistance, ce qui n'échappe pas à MOOG, et sur la question de celui-ci, MULTON lui confirme qu'il s'agit bien de Didot.

René HARDY, placé par le "conducteur" des Wagons-Lits MORICE, entre dans son compartiment où l'autre couchette N°7 est occupée par Monsieur Roger CRESSOL, haut fonctionnaire d'une administration centrale de Vichy, déjà installé. MOOG et MULTON occupent dans le compartiment voisin les couchettes 9 et 10. Lors de l'arrêt en gare de Mâcon, MOOG alerte les deux policiers allemands, appartenant sans doute au S.D. de Lyon. En effet l'arrestation est décidée. Elle se déroulera lors de l'arrêt en gare de Chalon-sur-Saône. MOOG fait garder les deux sorties du Wagon-lit par les deux policiers pour éviter toute évasion (143). Il téléphone au commissariat allemand de la gare de Chalon/Saône pour que des Feldgendarmes se présentent à ce Wagon-lit. A-t il aussi téléphoné à Barbie de Mâcon, de Chalon, ou de Paris ce qui est plus probable ?

Dans le compartiment des couchettes 7 et 8, CRESSOL et HARDY se sont endormis et ne se doutent pas de ce qui s'est passé à Mâcon. Ce n'est qu'à Châlon/Saône, vers une heure du matin, qu'ils sont réveillés par des Feld-Gendarmes, qui procèdent à un simple contôle d'identité. Pour eux deux, aucun incident ne semble marquer cette formalité (144).

141 Deux autres agents allemands les accompagnent.Ils ont pris place dans la voiture suivante: Témoignage du "conducteur" W.L Alphonse Morice. Déposition du 15.06.48.N°90. 142 Lazare Racheline: déposition du 22.05.48: Procès Hardy. N°99. 143 Multon à l'instruction de son procès: A.N.: Z6. 244. N°2919. 144 Roger Cressol: déposition du 8.04.48: Procès Hardy N°43.

Cependant 2 à 3 minutes plus tard MOOG et MULTON ouvrent la porte du compartiment, font lever et habiller HARDY et l'emmènent. Au moment de partir MOOG arrête aussi Roger CRESSOL, sans explication et malgrè ses protestations véhémentes (144). Entourés des trois Feld-Gendarmes, de MULTON et surtout de MOOG qui conduit les opérations, emmenés avec leurs bagages au bureau du Commissaire de la gare, HARDY et CRESSOL entendent MOOG discuter en allemand avec le Commissaire. Première étape avant l'incarcération à la prison de Chalon, après être passés par le Greffe. C'est là que CRESSOL apprend l'identité de son compagnon. Les deux agents allemands continuent leur voyage et reprennent le train de Paris, qui attendait leur bon vouloir pour repartir.

Depuis que le projet de rendez-vous de"La Muette" lui a été révélé, MOOG est venu en informer son chef KRAMER (dit Gegauf) à l'antenne de l'Ast-Dijon à Paris. Celui-ci en informe son supérieur parisien, le Commandant GLEICHAUF. Si l'affaire est désormais entre les mains de l'Astleit-Paris, Gegauf en garde l'initiative, et après s'en être entretenu avec son homologue parisien, le capitaine SCHMITT, il est décidé de contacter le Sipo-S.D. de la rue des Saussaies pour obtenir des renforts lors de l'arrestation et leur remettre le ou les prisonniers éventuels.

Ainsi lorsque le train arrive à 8h, 05 le Mardi 8 à Paris, et que MOOG va rapidement contacter son chef Gegauf, tout est paré. En plus de ses propres agents, c'est-à-dire K.30 et K.4 auxquels s'ajoute MULTON, KRAMER sait qu'il pourra disposer, le lendemain, du concours du capitaine SCHMITT de l'Ast-Paris et de quelques hommes de son service, ainsi que les agents du S.D.-Einsatz-Kommando von Gross-Paris. Mais c'est lui, Gegauf, qui va diriger l'opération (145).

Quant au traître MULTON, désigné par MOOG sous le nom d'André, dont le rôle initial n'a plus de raison d'être depuis que HARDY est arrêté, il aura une mission secondaire, il devra surveiller la porte du métro depuis l'intérieur. Il sera d'ailleurs oublié par les uns et les autres après l'arrestation, et ne retrouvera MOOG que le soir à la gare de Lyon au moment du retour.(146)

145 Traduction de la "Prise de Position" de Kramer, découverte après guerre et transmise au dossier du Tribunal Militaire de Paris, en vue du 2°procès Hardy.Rédigée le 10.09.43.(cote 125) Se reporter à l'Annexe 4/24. 146 Interrogatoire de Multon, le 19 Mai 1945: Cour de justice du département de la Seine. Document versé à l'instruction du 2° procès Hardy. (cote 91)

Retour ausommaire de la 4ème partie 11° Les Arrestations.

Le Mercredi 9 Juin, bien avant l'heure, tout ce monde, en civil, se met en place autour de la station "La Muette". Du coté de la Résistance, aucune précaution n'a été prévue, aucune protection, à la quelle les Allemands s'attendaient manifestemment. Le Général Vidal arrive seul à La Muette sans le moindre garde, sans le moindre témoin.

C'est juste après 9 heures qu'il apparait, homme d'un certain âge, à l'allure militaire. KRAMER l'identifie. Sur un signe de lui, un taxi s'arrête à sa hauteur; MOOG et SAUMANDE en descendent et vont vers lui. MOOG l'aborde en lui disant: "Mon général, vous attendez Didot.Il n'a pas voulu venir; il a jugé que l'endroit est trop dangereux. Nous devons vous conduire auprès de lui au métro Passy" (147).

Le Général ne se méfie pas mais est contrarié. On le conçoit puisque Gastaldo l'attend à la station de métro suivante. Se rendre maintenant à Passy c'est compromettre la réunion prévue ultérieurement. Aussi, ne convient-il pas d'avertir celui que HARDY lui délègue que quelqu'un l'attend "Rue de la Pompe" ? Rassuré par MOOG, le Général est conduit à une voiture en stationnement à proximité-le taxi affrété-. Gegauf est à coté du chauffeur. Le Général est à l'arrière entre K.3O et K.4. La voiture démarre, mais Gegauf remarque que l'opération s'est faite si discrètement que ni les agents de l'Abwehr, ni ceux du S.D. n'ont rien remarqué, et qu'ils restent sur place. Il fait donc faire demi-tour à la voiture et arrive au niveau de celle du Capitaine SCHMITT. Lorsqu'il demande à celui-ci s'il faut se rendre au Lutétia ou rue des Saussaies, en Allemand, le Général pâlit et demande à être conduit chez le Préfet de Police. La voiture de KRAMER, suivie de celles de l'Abwehr et du S.D., prend la direction de la rue des Saussaies, où le Général est remis au poste de garde du S.D (148).

Dans quelle angoisse se trouve le Général pendant cette attente, entouré d'Allemands. Non seulement il est tombé dans le piège, mais mis en confiance, il a parlé du rendez-vous de la"rue de la Pompe" où l'attendent GASTALDO et THEOBALD...

147 Rapport du Cdt Gonnot, juge d'instruction près le Tribunal Militaire de Paris. 2° procès Hardy. page 7. 148 Traduction de la"Prise de Position" de Kramer.2°procès Hardy. Annexe 4/24.

Le Commandant GASTALDO qui a sur lui de faux papiers au nom de GARIN, professeur, vient au rendez-vous prévu. Il descend du métro à la station "Trocadéro" et suit à pied, vers "la Pompe", la portion de l' Avenue Henri Martin devenue actuellement l'Avenue Georges Mandel. A mi-chemin il rencontre Jean-Louis THEOBALD, qui muni de faux papiers au nom de Jean-Jacques TERRIER doit rester à la disposition du Général en tant qu'aide de camp. Ils cheminent donc ensemble, et presqu'arrivés à la station "Rue de la Pompe", vers 9h, 45, ils voient venir vers eux le Colonel Sauveboeuf, facilement reconnaissable par sa forte taille, qui l'aborde et lui demande si le Général sera présent à la réunion. Le Colonel s'éloigne en direction de la Mairie du 16°. Quelques mètres plus loin, GASTALDO et THEOBALD aperçoivent cinq ou six hommes accoudés à la rampe de la station de métro qui surveillent la sortie. Ils traversent alors et vont s'asseoir sur un banc de pierre au niveau du 65 de l'Avenue Henri Martin. Voulant quitter ce quartier jugé dangereux, c'est en traversant la rue de La Pompe, qu'ils sont arrêtés quelques instants plus tard (149).

KRAMER, en effet, après avoir laissé le Général au poste de garde de la rue des Saussaies, repart accompagné de son collègue le Capitaine SCHMITT, chacun muni de ses agents, et de deux hommes du S.D. Toutes les issues du carrefour sont surveillées ainsi que la bouche de métro. Ce sont MOOG et SAUMANDE qui arrêtent GASTALDO et THEOBALD, lesquels emmenés vers une voiture sont pris en charge par les agents du S.D. et conduits rue des Saussaies (150).

Une dernière arrestation parisienne eut lieu le Vendredi 11. Suzanne OLIVIER est secrétaire de Max depuis longtemps. Elle fait partie de ceux que, tel THEOBALD, Max a envoyés à Paris afin d'y implanter la délégation dans un avenir qu'il espère proche. Suzanne OLIVIER apprend le 11 au matin, par Hughes LIMONTI, l' arrestation du Général, de GASTALDO, de THEOBALD. Sachant que ce dernier a laissé documents et objets compromettants dans son appartement de la rue Tocqueville, elle veut s'y rendre avant l'arrivée des Allemands. Mais quand, à 14 heures, elle sort du métro Villiers, elle est arrêtée par des agents du S.D., qui possédent sa photo prise sur Terrier. Parmi ces membres de la Gestapo se trouve un certain ORLOF, norvégien (151). Par contre MOOG et MULTON n'y sont pas. Ils sont retournés à Lyon. Elle est immédiatement emmenée 84 Avenue Foch.

149 Dépositions du Colonel Gastaldo des 3 et 21 Juin 48: 2°procès Hardy.(Cote 68) 150 Déposition de J.L.Théobald du 18.03.48: Second Procès Hardy. et celle du Colonel Gastaldo:(note 149) 151 Déposition de Madame LEBON-OLIVIER du 7.07.48 à l'instruction du second procès Hardy.

Retour ausommaire de la 4ème partie Les SOURCES. (4/III)

a- Généralités. Ces évènements qui jouxtent ceux intéressant l'affaire Hardy, et souvent interfèrent avec elle, ont laissé en général leurs traces dans les mêmes sources. Les ouvrages les publications concernant cette période et précisemment cette affaire ont proliféré depuis l'après-guerre. Les prises de position concordent en ce qui concerne Multon, Moog, tous les auteurs initialement s'étant référés aux mêmes sources: les deux rapports de Kaltenbrunner, le "Rapport Flora", les deux procès Hardy, et plus récemment celui de Barbie et ses suites.

Disparition et procès

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En 1977, André Devigny, dans son livre Je fus ce condamné, le donnait pour mort dans un accident d'avion en Allemagne. D'autres publications font état du décès de Robert Moog dans un accident d'avion sur l'aéroport de Fulda (Allemagne), en septembre 1944[5]. Il semble qu'il n'en soit rien car son acte de mariage consultable à la Mairie du 18ème arrondissement, à Paris, porte la mention d'un jugement de divorce rendu postérieurement, le 21 décembre 1948, par le Tribunal Civil de la Seine, 1ère Chambre, et transcrit le 05 avril 1950. Qu'il ait pu se présenter pour un jugement de divorce sans être arrêté ni même inquiété pose question. Pourtant, en 1948, son rôle à l’Abwehr et dans la Gestapo étaient bien établis et un mandat d'arrêt aurait même été décerné le 22 octobre 1948 ![n 1].

Lors d'un procès devant un tribunal militaire, à Paris, en juillet 1951, ses deux complices de l'Abwehr, René Saumande et André Morin, furent condamnés à mort puis fusillés[7]. Robert Moog y est mentionné comme absent au procès, il fut condamné à mort par contumace. Selon Jacques Tcharny la justice française lança un mandat d’arrêt international contre lui, sans résultat[8].

Personnalité

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Des divers témoignages concernant Moog, le plus fourni est celui que donne André Devigny dans son livre Je fus ce condamné[5]puisqu'il le rencontra pour la première fois en mars 1943 alors que Moog, contremaître à la Poudrerie de Toulouse, se faisait passer pour un sympathisant de la Résistance et que, selon Devigny, il était entré dans l'intimité du lieutenant François Hitter, autre membre du réseau Gilbert et camarade d'André Devigny. André Devigny décrit alors :

« Un homme d'une trentaine d'années, moyen de taille, carré d'allure, aux cheveux ondulés drus et blonds plantés bas sur le front, et des yeux très bleus » ...« toujours là, prêt à aider, à conseiller, montrant en permanence le visage d'un patriote compétent et empressé »

. De son côté Jean-Paul Picaper donne de Robert Moog la description suivante[9] :

« Très grand, très blond, les yeux très bleus, les oreilles décollées et le nez retroussé, Moog était impressionnant et, surtout, bien plus intelligent que Barbie. C’est à lui, probablement, que Barbie dut son titre de gloire : l’arrestation de Jean Moulin »

Robert Moog arrêta André Devigny à Annemasse le 17 avril 1943, il participa aux violents sévices qui lui furent infligés pour le faire parler, puis à la chasse poursuite qui fut engagée lorsque Devigny parvint à s'évader. Avec le constat d'une grande intelligence de l'action, hélas, dévoyée, Devigny poursuit[5] :

« Sûr de lui, ambitieux, dur à en être sauvage, parlant couramment les deux langues, Moog détenait de plus une longue et solide expérience dans l'exercice du double jeu. Formé en Allemagne dans une école spécialisée, alors membre de la 5ème colonne, il servit dans notre armée, au cours de la campagne 1939-40, comme agent de liaison motocycliste entre le P.C. d'un régiment et celui d'une division. La débâcle consommée, sous le couvert de réfugié alsacien, il s'installa tout d'abord sur la frontière franco-espagnole pour y surveiller et dénoncer les passages clandestins, puis à Toulouse où il fut engagé, je ne sais comment, comme contremaître à la poudrerie nationale, établissement en pleine activité, pôle d'attraction des services de renseignements et d'action alliés dans lesquels il espérait bien s'introduire. Le contact avec Hitter, origine de la catastrophe qui s'abattit sur nous au début du printemps (1943) lui fournit l’occasion espérée.

Moog dépendait alors du capitaine Eugen Kramer, chef du bureau de l'Abwehr ou service de renseignements de la Wehrmacht, de Dijon. Ce dernier, sur la demande du haut-état major de la police, du renseignement et du contre-espionnage de paris, plus précisément de Bömelburg, dut le mettre à la disposition du Kommando de Lyon. Barbie le connaissant pour avoir participé au démantèlement de notre réseau, l'avait sans doute réclamé. Passant ainsi de l'Abwehr au Sicherheitsdienst et parallèlement à la Geheime Staatspolizei (Gestapo), c'est à dire du service de l'armée régulière à celui de la police nazie d'Himmler, et changeant de secteur, l'agent K30 quitta le pseudonyme de Bobby pour prendre, avec en poche les papiers du capitaine Bulard qu'il avait tué rue Béchevelin, celui de capitaine Pierre. Lyon accueillait un loup madré, avide, agressif, dangereux, le plus dangereux de l'abominable troupeau sévissant sur notre pays ; ses ravages allaient confirmer sa redoutable réputation »

Dans l'évocation qu'il fait de son arrestation et de son interrogatoire, le 15 avril 1943, au château d'Esquiré, à Fonsorbes, dans la région toulousaine, par Robert Moog, Jean d'Aligny qui fut ensuite sévèrement interrogé et torturé au siège toulousain de la Gestapo, relate l'échange suivant[10] :

« Je lui dit : j’aime mieux être encore à ma place qu’à la vôtre parce que vous êtes Français et que vous jouez un bien vilain jeu ». Lui : « je ne suis pas Français ». Moi : « Oh, ne me racontez pas d’histoire, les Allemands ont toujours un peu d’accent qui permet de les déceler. Vous, vous n’avez pas ce fonds d’accent. Vous êtes un Français et le rôle que vous jouez là est ignoble. J’aime mieux encore être dans ma position que dans la vôtre. » Ce type ne m’a pas plu. Je l’ai vu une ou deux fois pendant mon interrogatoire et c’est tout. Jamais il ne m’a battu. »

.Jacques Baynac le décrit comme « un individu séduisant, rusé, entreprenant, sans scrupules. Grand manipulateur, il a du se sentir très à l’aise dans son rôle d’espion » [11].

Après la guerre, Kramer le décrira comme un bel homme aimant les femmes. Selon Gérard Chauvy, Moog avait une maîtresse, Mauricette Eychenne. Vendeuse, à la succursale du Bon Marché, elle se lia avec une collègue, l'épouse de Moog, qui lui fit connaître son mari. Robert Moog logea chez elle, rue du Général Taupin, après s'être séparé de sa femme. Elle fut appelée à témoigner au procès militaire où elle se montra « fort peu prolixe »[12],[13].

Voir aussi

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Bibliographie

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Liens externes

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Notes et références

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  1. La conclusion de l'acte d'accusation du tribunal militaire de Paris en date du 31 mai 1951 mentionne[6] : « Il a été infructueusement recherché à la suite du mandat d'arrêt décerné le 22 octobre 1948 par le juge d'instruction. Selon l'enquête à laquelle il a été procédé, il aurait été tué dans un accident d'aviation alors qu'il se préparait à être parachuté sur les arrières français. Il serait inhumé au cimetière de Fulda. La preuve effective de son décès n'a pu être apportée »

Références

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  1. « Arbre de Robert Auguste MOOG », sur Geneanet (consulté le )
  2. « Arbre de Auguste MOOG », sur Geneatique.net (consulté le )
  3. « Le général Delestraint, premier chef de l'Armée secrète », thèse présentée le à l'Université Lumière-Lyon-II [archive], sur charles.delestraint.free.fr, édition électronique de 1998 (consulté le ).
  4. Gérard Chauvy : Histoire secrète de l'Occupation, chapitre Qui êtes-vous Monsieur Moog ?, 350 pages, Éditions Payot, 1991, (ISBN 2-228-88329-8)
  5. a b et c André Devigny, Je fus ce condamné, Le piège, Presses de la Cité, 330 pages, février 1978, (ISBN 2-258-00366-0)
  6. Gérard Chauvy : communication personnelle par email, 09/01/2020
  7. « DEUX AGENTS DE L'ABWEHR sont jugés pour leur participation à l'affaire de Calluire et à l'arrestation du général Delestraint », sur Le Monde.fr, 04/07/1951 (consulté le )
  8. Jacques Tcharny, « Robert Moog, collabo abject et traître absolu. Une enquête de Wukali dont les conclusions nous ont interloqués », (consulté le )
  9. Jean-Paul Picaper : Ces nazis qui ont échappé à la corde, page 582, MONPOCHE, 685 pages, octobre 2018, (ISBN 978-2-3791-3006-9)
  10. Transcription par Jean de Laportalière des enregistrements verbaux des échanges entre Jean d'Aligny et Daniel Latapie, Archives départementales de la Haute-Garonne)
  11. Jacques Baynac : Présumé Jean Moulin (juin 40-juin 43), esquisse d’une nouvelle histoire de la Résistance, Grasset, 2003
  12. La Cliothèque, « Entretien avec Jacques Gelin pour son livre « L’Affaire Jean Moulin. Trahison ou complot ? », (consulté le )
  13. Gérard Chauvy : L'homme qui piégea la Résistance, Historia n° 533, mai1991