Utilisateur:Yfournier/Brouillon2

Histoire du développement urbain du Creusot

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Née d'une bourgade aux alentours de Montcenis, la ville se développe autour de l'usine en pleine expansion, nécessitée par l’afflux d'ouvriers tout au long du XIXème siècle.

Les Schneider, par nécessité au départ puis par réalisme ensuite, seront les aménageurs de ce qui deviendra la ville du Creusot. Il fallait en effet fidéliser une population sans passé industriel, afin d'assurer la continuité de l'activité de leur société. Cet aménagement, comme patrons, puis édiles de la Ville, sera progressivement utilisé comme un outil du contrôle de la population[1].

La ville

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Au Creusot, l’usine préexiste à la ville. Quand les Schneider sont arrivés, la fonderie était installée dans la plaine des Riaux ; dans ce même périmètre, on trouvait la maison du directeur et les logements ouvriers, sous forme de " casernes "[2].

Les Schneider interviennent ensuite très étroitement dans l’organisation et le contrôle de l’espace.

Située au centre de la ville, l’usine s’étale tout le long de la vallée nord-ouest/sud-ouest qui structure l’espace physique et qu’emprunte la voie de chemin de fer Nevers-Chagny. Confinée au départ dans la plaine des Riaux, elle a gagné peu à peu en direction du sud-est sur plusieurs kilomètres, de façon continue, jusqu’aux installations du Breuil. Au cœur de la ville et au centre du système, sur la colline, se dresse le Château de la Verrerie prolongé par son vaste parc. Là étaient accueillis avec pompe et parfois publiquement tous les hôtes étrangers, visiteurs et clients.

Peu à peu, l’organisation de l’espace évolue et est perpétuellement remaniée, restructurée au gré des nécessités de la production.

Ainsi, l’espace s’organise avec au centre le Château et l’usine le long de la voie ferrée. Vient ensuite le quartier du Guide à vocation commerçante. Puis on trouve la couronne des cités.

On assiste à une véritable planification de l’espace, qui accueille une population croissante : 6 000 habitants en 1846, 25 000 en 1875, 32 000 à la fin du XIXe siècle, 38 000 en 1920 et 30 000 à la veille de la Seconde Guerre mondiale. La très grande majorité des habitants est employée par la Société Schneider.

Equipements collectifs

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Des équipements collectifs ont été installés dans la ville par les Schneider qui en ont imposé l’idée et financé la construction. D'abord, à la jonction de la ville et du Château, on trouve les bâtiments de la Direction (1872). Dans ce même quartier est installée la Mairie, reconstruite en 1896. Puis, disséminés dans les quartiers, des orphelinats, des hôpitaux (l’Hôtel-Dieu a été inauguré en 1895) et systématiquement des écoles et des églises. A la périphérie de la ville, deux grands parcs sont réservés aux loisirs : Montporcher, pour les ouvriers, et Mouillelongue pour les employés, chacun disposant d’équipements différents.

La marque de la famille

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Les Schneider ont mis en place une politique d’embellissement de l’espace laissant une marque encore plus personnelle sur la ville. Les emblèmes en sont de vastes avenues, des places publiques, des églises et tout un programme de statuaire à la fois monumentale et personnelle. La toponymie reflète ce culte de la famille qui met systématiquement en avant les prénoms des patrons : l’église Saint-Laurent se dresse sur la place Eugène Schneider dès 1848. Les églises Saint-Eugène et Saint-Henri ont été érigées en même temps que les quartiers du même nom. L’église Saint-Charles abrite le caveau de famille depuis 1863.

L’approvisionnement en eau

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A l’arrivée des Schneider, l’eau manque au Creusot. Pour une ville naissante qui se développe rapidement, ce précieux liquide est nécessaire, non seulement pour la ville elle-même, mais aussi pour son usine métallurgique dont les besoins sont considérables.

Cette eau, on la cherche partout. En été, les quelques sources du pays, à part celle des Riaux, sont vite taries, les puits se vident et il faut faire de grands trajets pour se la procurer.

Ainsi, en 1861, la population, alors de plus de 16 000 habitants, dépense chaque jour plus de 100 m3 d’eau, et de son côté, l’Usine en utilise journellement près de 3 000 m3. Pour satisfaire à tous ces besoins journaliers, on ne possède rien, ou presque rien, en réserve ; si bien que, pendant l’été, certains ateliers doivent s’arrêter. Les réservoirs des Riaux et de la Forge, de 200 000 m3 environ, alimentés en partie par les eaux pluviales et par celles de la mine sont bien vite épuisés.

Et alors qu’il faudrait, pour la bonne marche de l’Usine, une quantité d’eau journalière de plus de 6 000 m3, c’est à peine si l’on arrive à la moitié de ce chiffre.

1ère étape du développement

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En 1861, la situation est donc tout à fait critique et il devient absolument nécessaire d’y porter remède.

Les Schneider, justement préoccupés du problème qui les touche directement, font appel à des ingénieurs compétents, spécialisés en la matière, et les chargent d’en trouver la solution.

Divers projets sont élaborés et en partie réalisés : agrandissement de l’étang de la forge, installation de puissantes pompes élévatoires qui vont puiser l’eau à plus de 400 m de profondeur, création d’un grand aqueduc collecteur pour les eaux pluviales, récupération des eaux de l’usine non consommées …

Mais toutes ces installations, si elles augmentent la quantité d’eau en réserve, ne donnent que peu d’eaux nouvelles. De plus, des eaux sont impropres à la consommation.

D’autres projets consistent à capter les eaux des ruisseaux des environs et à les amener au Creusot. C’est un de ces projets qui est définitivement accepté et exécuté sous l’égide et le financement des Schneider.

Le ruisseau dérivé et capté est celui de Saint-Sernin-du-Bois qui prend sa source sur le plateau d’Antully.

La prise d’eau est faite à l’altitude de 414.7 m, et les travaux nécessitent en particulier une conduite de dérivation qui suit la route de Saint-Sernin au Creusot, un tunnel souterrain d’une longueur de 425 m pour franchir le sommet de la Marolle, et le franchissement de la voie ferrée de Chagny à Nevers.

La conduite aboutit à un réservoir placé dans l’une des deux tours coniques du Château de la Verrerie, à une altitude de 397 m, soit 10 m au-dessus du niveau de la Place Schneider.

C’est de ce réservoir que partent les différentes canalisations alimentant la ville et les usines.

Le Creusot se trouve alors doté d’un système de distribution d’eau sous pression, propre à satisfaire ses besoins.

2ème étape du développement

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Malheureusement, quelques années plus tard en 1873, l’usine et la ville manquent d’eau à nouveau.

Alors que la dérivation de Saint-Sernin a été prévue pour un débit de 6 000 m3 par jour, elle ne fournit qu’une moyenne de 4 500 m3. D’autre part, les besoins de l’usine et ceux de la ville – qui a encore augmenté de 8 000 âmes – se sont accrus dans de notables proportions et il faut maintenant près de 10 000 m3.

A nouveau, divers projets sont étudiés pour fournir l’eau manquante (réservoirs de stockage, pompes élévatoires, dérivation de ruisseaux …).

De tous ces projets, c’est celui de la dérivation du Rançon qui est adopté, quoique demandant la dépense la plus élevée, mais qui, par contre, demandait le moins de frais d’entretien.

Le Rançon prend sa source sur le plateau d’Antully, et la dérivation est faite à l’altitude de 431 m, par un barrage formant réservoir.

Les travaux nécessitent une conduite de dérivation, un tunnel souterrain d’une longueur de 500 m pour franchir le sommet du Moulin-à-Vent, à Montcenis.

La conduite aboutit à la tour du Château de la Verrerie, où les eaux du Rançon se mélangent à celles de Saint-Sernin.

Lors de l’inauguration de ces eaux, le 11 Juin 1875, il y eut une grande fête au Creusot. C’était en effet un évènement pour le pays d’avoir de l’eau en abondance, alors que la population en avait manqué souvent jusqu’à ce jour.

3ème étape du développement

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Enfin, en 1914, sont achevés les travaux de percement d’un long tunnel d’une longueur de 1 400 m et de pose de tuyaux d’une nouvelle conduite qui amène également les eaux du plateau d’Antully recueillies aux étangs du Martinet et de la Noue.

A l’origine de ces captations, on a encore créé ou agrandi de nouveaux réservoirs. Celui de Saint-Sernin-du-Bois, achevé en 1921, contient 880 000 m3 d’eau auxquels il faut ajouter les 74 000 m3 du petit étang de la Velle, qui prolonge, vers l’amont, le nouveau réservoir.

Sur le plateau, deux autres grands réservoirs : l’étang du Martinet, aux Baumes, de 480 000 m3, et l’étang de la Noue, de 465 000 m3.

A ces 2 étangs, il faut encore y ajouter celui du Haut Rançon : 100 000 m3, mis en charge en 1931.

Grâce à tous ces travaux d’adduction faits par l’Usine, l’eau, autrefois si rare au Creusot, ne manque plus désormais, aux besoins à la fois de l’usine et de la ville.

Le transport des produits

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L’extension géographique des usines rend nécessaire la création d’un réseau de voies ferrées entre les différents ateliers. Il se déploie dans la vallée entre le nord –ouest (mine et hauts fourneaux) et le sud –est (mécanique et artillerie). Ce réseau est raccordé au port du Bois Bretoux pour rejoindre le Canal du Centre qui permet de rejoindre Chalon, puis l’ensemble des destinations par la Saône et le Rhône. Ce réseau coupe littéralement la ville en deux et empêche la constitution d’un véritable cœur de ville.

Il est étendu jusqu’au Breuil au début du XXème siècle pour desservir la nouvelle aciérie et des halls de grosse construction mécanique, ainsi que vers Montchanin vers la fonderie Henri-Paul. Il sera raccordé à la ligne Chalon Nevers dès sa constitution puis au réseau PLM.

Un dialogue permanent est établi entre Paulin Talabot fondateur du PLM et Eugène 1er Schneider.

Le commerce

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Le développement très rapide de la ville impose une organisation de l’approvisionnement alimentaire. C’est l’usine qui se charge d’en assurer la coordination. On suscite un réseau de petits commerces indépendants, approvisionné par les campagnes environnantes, jusqu’à Chalon, et de marchés dans deux quartiers différents où les paysans des villages voisins viennent vendre leurs produits.

Des achats groupés sont effectués sous la surveillance de l’usine, les prix affichés dans les boutiques, ce qui évite l’envolée des prix en cas de tensions d’approvisionnement. On privilégie le repas à domicile avec la femme au foyer. Les célibataires sont incités à loger chez l’habitant et seules des « maisons alimentaires » avec inscription préalable ouvrent à partir de 1880.

Les cantines ouvrières ne se développeront que pendant les deux guerres pour faire face à l’afflux d’ouvriers « importés ».

Le logement

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Les Schneider s’intéressent dès leur arrivée au logement de leur personnel. Selon les époques, on peut identifier plusieurs types de logements.

Il s’agit d’abord de logements dont l’Usine reste propriétaire et pour lesquels les locataires payent un loyer modique :

  • Les " casernes ", logement collectif très entassé et très étroitement surveillé, dont les dernières sont construites en 1847,
  • Les cités ouvrières, sur le modèle anglais introduit par Manby et Wilson, et qui apparaissent comme des cités modèles, avec comme exemples la Cité de la Villedieu et ses 85 logements construits en 1865, la Cité Saint Eugène et ses 159 logements qui datent de 1875.

Mais seulement 10 % environ du personnel est directement logé ainsi par la firme.

Les Schneider préfèrent organiser l’espace en lotissant les terrains qui leur appartiennent où qu’ils achètent, et qui sont revendus par parcelles aux ouvriers et employés qui sont invités, grâce à des prêts, à construire leur propre maison. Une réglementation très stricte concernant la hauteur et l’alignement des maisons, les trottoirs, les règles d’hygiène et de salubrité est imposée par l’entreprise à laquelle les plans doivent être préalablement soumis. De cette politique interventionniste naît l’extrême uniformité du paysage urbain encore visible aujourd’hui.

Les systèmes sociaux

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Adolphe et Eugène 1er ont été influencés par les idées de Saint Simon qui prône une aristocratie de talents, plutôt que de naissance, qui mène la société tout en étant attentive aux sorts des ouvriers devant recevoir un juste retour de leur participation à la révolution industrielle naissante. Eugène sera proche de Frederic Le Play, conseiller écouté de l’empereur, et père de « La réforme sociale (1864) », basée sur ses enquêtes sociologiques de terrain sur le milieu ouvrier, qu’il côtoiera dans la commission d’organisation de l’exposition universelle de 1867.

Dès la prise de contrôle des Schneider, une caisse de prévoyance est créée en 1838. Elle verse des indemnités journalières pour blessures, puis pour maladie en 1861. Elle est alimentée par une retenue sur salaire et les amendes aux ouvriers.

Une caisse de retraite est instituée en 1877, ainsi qu’une maison de retraite pour les ouvriers et leur famille.

Après quatre agrandissements successifs de 1845 à 1889, l’hôpital de 271 lits, l’Hôtel-Dieu, fait la fierté d’Henri Schneider dont la statue trône dans l’axe du bâtiment. Le réseau des médecins, la fourniture de médicaments sont également organisés par l’usine.

Un accompagnement des femmes enceintes est fourni par l’usine : congé maternité, accouchement à l’hôpital, aise sociale pendant l’interruption de la période de travail.

Une maison de famille sert d’orphelinat.

Ces institutions et mesures sociales sont décrite dans un ouvrage édité par la compagnie en 1914 Économie sociale / Les établissements Schneider

Bibliographie

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  • Dominique Schneider, Les Schneider, Le Creusot : une famille, une entreprise, une ville (1836 -1960) : Paris, Catalogue de l'exposition au Musée d'Orsay, Paris, A. Fayard Réunion des musées nationaux, 1995, 366 p. (ISBN 978-2-213-59407-1 et 978-2-711-83183-8, OCLC 807170222)
  • Tristan de la Broise et Felix Torrès, Schneider, l'histoire en force, Paris, Editions Jean-Pierre de Monza, , 492 p. (ISBN 2-908071-31-2)

Notes et références

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  1. Les Schneider, Le Creusot : une famille, une entreprise, une ville p.342-359.
  2. Les Schneider, Le Creusot : une famille, une entreprise, une ville p.346