Virus transmis par des chauves-souris

Les virus transmis par des chauves-souris comptent parmi les principaux virus émergents[1],[2],[3]. Ils sont définis par le fait que des chauves-souris constituent leur réservoir naturel. Ce sont notamment des coronavirus, des Orthohantavirus, des lyssavirus, le virus de Lassa, le virus Nipah, le virus Ebola et le virus Marburg. Parmi ces virus, ceux qui provoquent des maladies chez l'humain sont des virus à ARN[4].

Ces virus sont transmis aux humains par des morsures de chauves-souris à partir de la salive de ces animaux, ainsi que par des aérosols de salive, de fèces ou d'urine. À l'instar du virus de la rage, c'est par exemple le cas du virus Ebola, du coronavirus du SRAS (SARS-CoV) ainsi que du MERS-CoV[5],[6]. L'une des difficultés posées par les chauves-souris est que les personnes ignorent généralement avoir été exposées à leurs sécrétions et être potentiellement infectées par des virus transmis par ces chiroptères[7].

Les chauves-souris présentent une susceptibilité élevée aux infections par les virus. On pense que leur mode de vie, leurs habitudes de repos, leur cycle de reproduction, leurs migrations et leurs hibernations favorisent la contamination des chauves-souris par des virus. On sait par ailleurs que les chauves-souris présentent un taux de viroses persistantes plus élevé que les autres mammifères. On pense que cela provient de la demi-vie plus brève des anticorps chez les chauves-souris. Une étude a révélé en 2018 que les chauves-souris ont une réponse STING atténuée par rapport aux autres mammifères, ce qui éviterait à leur système immunitaire de surréagir aux viroses[8]. Certains inflammasomes de mammifères sont également absents chez les chauves-souris, ce qui pourrait limiter certaines réactions inflammatoires délétères pour leur organisme. On a par ailleurs montré que les chauves-souris sont davantage susceptibles d'être réinfectées par les mêmes virus que les autres mammifères, ces derniers — dont l'humain — ayant développé un système immunitaire plus robuste[9],[10].

Les chauves-souris hébergent davantage de virus que les rongeurs et peuvent propager des maladies sur des zones géographiques plus étendues en raison de leur aptitude à voler et de leurs habitudes migratoires. Certaines espèces, comme la petite chauve-souris brune, ont ainsi tendance à s'établir dans les greniers, les granges et les étables, où elles entrent en contact avec les humains[11],[12],[13].

Exemples de virus transmis par des chauves-souris modifier

Coronavirus modifier

Les chauves-souris hébergent une grande variété de coronavirus. Une étude réalisée en Thaïlande en a dénombré 47[14], tandis qu'on en a identifié plusieurs centaines en Chine, avec de nombreuses variantes. Plusieurs d'entre eux sont susceptibles de provoquer des zoonoses[15]. On a pu montrer que l'épidémie de SRAS de 2003 en Chine et celle de MERS de 2013 au Moyen-Orient proviennent de chauves-souris[16],[17] ; il est probable que ce soit également le cas du SARS-CoV-2[18]. Les coronavirus sont des virus à ARN monocaténaire de polarité positive comprenant quatre genres, dont deux sont transmis par des chauves-souris[19],[20].

Lyssavirus modifier

Les chauves-souris comptent parmi les vecteurs de la rage[21], les chiens étant de loin les vecteurs principaux de cette maladie car ils sont à l'origine de 99 % des contaminations[22]. Le virus de la rage arctique (en), quant à lui, est transmis par le renard polaire[23].

Hantavirus modifier

Les Hantavirus sont retrouvés le plus souvent chez les rongeurs et les musaraignes, mais certains d'entre eux ont été observés chez des chauves-souris[3],[24].

Henipavirus modifier

Les Henipavirus est un genre de virus à ARN de la famille des paramyxovirus comprenant cinq espèces de virus, dont le virus Nipah à l'origine d'épidémies sporadiques mais graves en Asie du Sud et su Sud-Est. Ils sont transmis notamment par des chauves-souris du genre Pteropus (roussettes) ainsi que les microchiroptères[25],[26].

Filovirus modifier

Les Filoviridae sont des virus à ARN monocaténaires de polarité négative responsables de fièvres hémorragiques souvent mortelles chez l'humain. Ce sont notamment le virus Marburg et le virus Ebola, ce dernier provoquant la maladie à virus Ebola. Les chauves-souris frugivores de la famille des ptéropodidés constituent le réservoir naturel du virus Ebola[5],[27].

Notes et références modifier

  1. (en) Charles H. Calisher, James E. Childs, Hume E. Field, Kathryn V. Holmes et Tony Schountz, « Bats: Important Reservoir Hosts of Emerging Viruses », Clinical Microbiology Reviews, vol. 19, no 3,‎ , p. 531-545 (PMID 16847084, PMCID 1539106, DOI 10.1128/CMR.00017-06, lire en ligne)
  2. (en) Laarni Sumibcay, Blaise Kadjo, Se Hun Gu, Hae Ji Kang, Burton K Lim, Joseph A Cook, Jin-Won Song et Richard Yanagihara, « Divergent lineage of a novel hantavirus in the banana pipistrelle (Neoromicia nanus) in Côte d'Ivoire », Virology Journal, vol. 9,‎ , article no 34 (PMID 22281072, PMCID 3331809, DOI 10.1186/1743-422X-9-34, lire en ligne)
  3. a et b (en) Sabrina Weiss,1 Peter T. Witkowski,1 Brita Auste, Kathrin Nowak, Natalie Weber, Jakob Fahr, Jean-Vivien Mombouli, Nathan D. Wolfe, Jan Felix Drexler, Christian Drosten, Boris Klempa, Fabian H. Leendertz et Detlev H. Kruger, « Hantavirus in Bat, Sierra Leone », Emerging Infectious Diseases, vol. 18, no 1,‎ , p. 159-161 (PMID 22261176, DOI 10.3201/eid1801.111026, Bibcode 3310113, lire en ligne)
  4. (en) Ken Maeda, Tetsuya Mizutani et Fumihiro Taguchi, « Viruses Isolated from Bats and Their Importance as Emerging Infectious Diseases », Journal of Veterinary Epidemiology, vol. 15, no 2,‎ , p. 88-93 (DOI 10.2743/jve.15.88, lire en ligne)
  5. a et b (en) Eric M. Leroy, Brice Kumulungui, Xavier Pourrut, Pierre Rouquet, Alexandre Hassanin, Philippe Yaba, André Délicat, Janusz T. Paweska, Jean-Paul Gonzalez et Robert Swanepoel, « Fruit bats as reservoirs of Ebola virus », Nature, vol. 438, no 7068,‎ , p. 575-576 (PMID 16319873, DOI 10.1038/438575a, lire en ligne)
  6. (en) Wendong Li, Zhengli Shi, Meng Yu, Wuze Ren, Craig Smith, Jonathan H. Epstein, Hanzhong Wang, Gary Crameri, Zhihong Hu, Huajun Zhang, Jianhong Zhang, Jennifer McEachern, Hume Field, Peter Daszak, Bryan T. Eaton, Shuyi Zhang et Lin-Fa Wang, « Bats Are Natural Reservoirs of SARS-Like Coronaviruses », Science, vol. 310, no 5748,‎ , p. 676-679 (PMID 16195424, DOI 10.1126/science.1118391, JSTOR 3842715, Bibcode 2005Sci...310..676L, lire en ligne)
  7. (en) Charles E. Rupprecht, et Robert V. Gibbons, « Prophylaxis against Rabies », The New England Journal of Medicine, vol. 351, no 25,‎ , p. 2626-2635 (PMID 15602023, DOI 10.1056/NEJMcp042140, lire en ligne)
  8. (en) Jiazheng Xie, Yang Li, Xurui Shen, Geraldine Goh, Yan Zhu, Jie Cui, Lin-Fa Wang, Zheng-Li Shi et Peng Zhou, « Dampened STING-Dependent Interferon Activation in Bats », Cell Host & Microbe, vol. 23, no 3,‎ , p. 297-301.e4 (PMID 29478775, PMCID 7104992, DOI 10.1016/j.chom.2018.01.006, lire en ligne)
  9. (en) Goro Kuno, « Persistence of arboviruses and antiviral antibodies in vertebrate hosts: its occurrence and impacts », Reviews in Medical Virology, vol. 11, no 3,‎ , p. 165-190 (PMID 11376480, DOI 10.1002/rmv.314, lire en ligne)
  10. (en) Saurav K. Sarkar et Ashim K. Chakravarty, « Analysis of immunocompetent cells in the bat, Pteropus giganteus: Isolation and scanning electron microscopic characterization », Developmental & Comparative Immunology, vol. 15, no 4,‎ , p. 423-430 (PMID 1773865, DOI 10.1016/0145-305X(91)90034-V, lire en ligne)
  11. (en) Angela D. Luis, David T. S. Hayman, Thomas J. O'Shea, Paul M. Cryan, Amy T. Gilbert, Juliet R. C. Pulliam, James N. Mills, Mary E. Timonin, Craig K. R. Willis, Andrew A. Cunningham, Anthony R. Fooks, Charles E. Rupprecht, James L. N. Wood et Colleen T. Webb, « A comparison of bats and rodents as reservoirs of zoonotic viruses: are bats special? », Proceedings of the Royal Society B, vol. 280, no 1756,‎ , article no 20122753 (PMID 23378666, PMCID 3574368, DOI 10.1098/rspb.2012.2753)
  12. (en) Emma C. Teeling, Mark S. Springer, Ole Madsen, Paul Bates, Stephen J. O'Brien et William J. Murphy, « A Molecular Phylogeny for Bats Illuminates Biogeography and the Fossil Record », Science, vol. 307, no 5709,‎ , p. 580-584 (PMID 15681385, DOI 10.1126/science.1105113, JSTOR 3840006, Bibcode 2005Sci...307..580T, lire en ligne)
  13. (en) Lin-Fa Wang, Peter J. Walker et Leo L. M. Poon, « Mass extinctions, biodiversity and mitochondrial function: are bats ‘special’ as reservoirs for emerging viruses? », Current Opinion in Virology, vol. 1, no 6,‎ , p. 649-657 (PMID 22440923, DOI 10.1016/j.coviro.2011.10.013, lire en ligne)
  14. (en) Supaporn Wacharapluesadee, Prateep Duengkae, Apaporn Rodpan, Thongchai Kaewpom, Patarapol Maneeorn, Budsabong Kanchanasaka, Sangchai Yingsakmongkon, Nuntaporn Sittidetboripat, Chaiyaporn Chareesaen, Nathawat Khlangsap, Apisit Pidthong, Kumron Leadprathom, Siriporn Ghai, Jonathan H. Epstein, Peter Daszak, Kevin J. Olival, Patrick J. Blair, Michael V. Callahan et Thiravat Hemachudha, « Diversity of coronavirus in bats from Eastern Thailand », Virology Journal, vol. 12,‎ , p. 57 (PMID 25884446, PMCID 4416284, DOI 10.1186/s12985-015-0289-1, lire en ligne)
  15. (en) Xing‐Yi Ge, Ben Hu et Zheng‐Li Shi, « Bat Coronaviruses », Bats and Viruses: A New Frontier of Emerging Infectious Diseases,‎ (DOI 10.1002/9781118818824.ch5, lire en ligne)
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