Vol Tuninter 1153
Le , le vol Tuninter 1153, un vol charter international assuré par un ATR 72 de la compagnie aérienne tunisienne Tuninter, effectue un amerrissage d'urgence, à la suite d'une panne de carburant, à environ 29 kilomètres de la ville de Palerme, en Sicile, causant la mort de 16 des 39 passagers et membres d'équipage à bord.
Vol Tuninter 1153 | ||
TS-LBB, l'ATR 72 de Tuninter impliqué dans l'accident, ici photographié en août 2004. | ||
Caractéristiques de l'accident | ||
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Date | ||
Type | Amerrissage d'urgence, panne de carburant en vol | |
Causes | Erreur de maintenance (insertion d'un indicateur de quantité de kérosène erroné) et erreur de pilotage en conséquence | |
Site | Mer Méditerranée, au nord-est du cap Gallo, en Sicile | |
Coordonnées | 38° 24′ 16″ nord, 13° 27′ 30″ est | |
Caractéristiques de l'appareil | ||
Type d'appareil | ATR 72-202 | |
Compagnie | Tuninter | |
No d'identification | TS-LBB | |
Lieu d'origine | Aéroport de Bari, Italie | |
Lieu de destination | Aéroport international de Djerba-Zarzis, Tunisie | |
Phase | Croisière | |
Passagers | 35 (33 adultes et 2 enfants) | |
Équipage | 4 | |
Morts | 16 | |
Blessés | 11 | |
Survivants | 23 | |
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Il s'agit du premier et seul accident grave pour la compagnie aérienne Tuninter au cours de ses quatorze ans d'existence.
Avion et équipage
modifierL'appareil mis en cause est un bi-turbopropulseur, de type ATR 72-202, immatriculé TS-LBB, qui avait effectué son premier vol le et fut livré à Tuninter le .
Il avait subi quatre inspections dont la dernière le à Catane selon les autorités de la sécurité aérienne italienne[1]. Ces inspections n'ont révélé aucun problème particulier.
Le vol 1153 est supervisé par le commandant Chafik Al Gharbi (45 ans), un pilote qualifié et expérimenté — 25 ans d'expérience, dont dix avec Tuninter[2] — avec un total de 7 182 heures de vol à son actif. Le copilote, Ali Kebaier Al-Aswad (28 ans), totalise 2 431 heures de vol. Le commandant de bord et le copilote connaissaient bien l'ATR 72, ayant accumulé respectivement 5 582 heures et 2 130 heures à bord de ce type d'avion.
Vol
modifierLe vol 1153 décolle de Bari, en Italie, à destination de Djerba, en Tunisie, avec à son bord quatre membres d'équipage tunisiens et 35 passagers de nationalité italienne[2] à l'exception d'un mécanicien de la compagnie qui voyage comme passager et n'est pas en service durant le vol[3].
Les deux moteurs s'éteignent à 15 h 24. « Les moteurs ont perdu leur puissance et j'ai été obligé d'amerrir » explique le commandant Chafik Gharbi, qui figure parmi les rescapés[4].
L'équipage contacte, à 15 h 30, la tour de contrôle de l'aéroport de Palerme et demande à effectuer un atterrissage d'urgence[1].
L'autorisation est accordée. L'appareil n'a pas le temps d'arriver au terrain et le commandant amerrit selon un angle de 9°, ce qui favorise le nombre de survivants.
L'avion se disloque en trois parties en frappant la surface de la mer à 15 h 40, à une vingtaine de kilomètres au nord-est des côtes du cap Gallo.
Bilan
modifierL'appareil est détruit au moment de l'impact alors que le nez, la queue de l'appareil ainsi que les deux boîtes noires coulent à environ 1 500 mètres de profondeur[4]. Les deux moteurs de l'avion, demeurés en surface, sont récupérés et transportés dans le port de Palerme[3].
Parmi les 39 personnes à bord, seize sont mortes dont deux enfants de deux et huit ans et deux membres d'équipage[3]. Trois victimes — le mécanicien à bord et deux passagers[3] — ne sont pas retrouvées[1].
Les autopsies ont révélé que beaucoup de passagers sont morts lors de l'impact[5]. Huit d'entre eux ont survécu à leurs blessures et se sont noyés car ils ne pouvaient pas s'extraire de l'appareil[6]. Parmi les survivants, six sont dans un état grave. Les trois corps manquants sont remontés lors des opérations de récupération de l'épave, entre le et le [6].
Les secours arrivent rapidement après avoir été prévenus par l'équipage : des vedettes et des hélicoptères sont dépêchés sur les lieux pour porter secours aux passagers, dont plusieurs réussissent à s'extraire du fuselage et à grimper sur les ailes de l'avion restées à la surface plusieurs heures après l'accident[4] car vides de carburant.
À l'arrivée des vedettes, les plongeurs extraient les passagers restés du fuselage blanc et transfèrent les survivants à bord des vedettes[1]. L'agence de presse Tunis Afrique Presse a indiqué que des unités de l'armée et de l'aviation tunisiennes sont dépêchées sur le lieu de l'accident pour participer aux opérations de sauvetage[2].
Causes
modifierL'enquête, menée par l'Agenzia Nazionale per la Sicurezza del Volo (ANSV) et mobilisant des experts italiens, tunisiens et français, montre que lors du vol précédent reliant Tunis à Bari, l'avion s'est posé à Bari avec 305 kilos de kérosène[7]. Ce niveau aurait dû activer une alarme indiquant une quantité trop faible de carburant. Or, la jauge indiquait erronément que les réservoirs de l'ATR 72 contenaient encore 2 300 kilos de kérosène[7].
L'équipage ajoute donc seulement 265 kilos de carburant supplémentaires pour se rendre à Djerba. Cela représente en réalité 570 kilos de kérosène — ce qui est loin d'être suffisant pour effectuer le trajet — alors que la jauge indique 2 700 kilos. De plus, aucune alarme indiquant que le niveau de carburant est trop bas ne retentit pendant le vol[7].
La cause de cette défaillance est l'installation sur l'ATR 72 d'une jauge prévue pour un avion plus petit : l'ATR 42[7]. Cette jauge inadaptée indique donc une quantité de carburant erronée. Les deux moteurs s'éteignirent lorsqu'il n'y eut plus de kérosène et l'avion plongea au large des côtes siciliennes.
L'enquête a aussi démontré que si l'équipage avait mis immédiatement les hélices « en drapeau » (orientation des pales dans le sens du vent, permettant de minimiser la traînée) et réduit la vitesse, l'avion aurait pu gagner Palerme en long vol plané ; l'équipage a perdu du temps en essayant plusieurs fois de faire redémarrer les moteurs.
Procès
modifierLe , au terme d'un procès tenu devant un tribunal de Palerme, où tous les accusés sont jugés par contumace, le commandant de bord et le copilote[8] sont condamnés à dix ans de prison ; le directeur général de Tuninter, Moncef Zouari, et le directeur technique Zouhair Chétouane sont condamnés à neuf ans de prison ; deux responsables de la manutention et un mécanicien à huit ans de prison[9].
Il est notamment reproché à l'équipage de ne pas avoir tenté de rejoindre Palerme[10]. Accueilli avec satisfaction par les familles des victimes et par les rescapés, ce verdict provoque des réactions indignées en Tunisie[9]. La Fédération internationale des associations de pilotes de ligne déplore également les sentences prononcées le [11].
Ce procès constitue une première dans l'histoire de l'aviation car il condamne des dirigeants d'une compagnie à de la prison ferme[9]. Dans le même temps, le constructeur franco-italien de l'appareil est acquitté, malgré le fait que des pièces calibrées pour un type d'appareil pouvaient être montées sur un autre, ce qui est généralement impossible[9].
Tuninter — rebaptisée entre-temps Sevenair — avait indemnisé les victimes avant le procès à hauteur de 22 millions de dinars[9].
Médias
modifierL'accident fait l'objet d'un épisode de la série documentaire télévisée Air Crash (sixième épisode de la saison 7 : « Amerrissage en catastrophe »). Cet accident est également reconstitué avec détail sur YouTube[12].
Références
modifier- « Tragédie au large de Palerme », La Libre Belgique, (ISSN 1379-6992, lire en ligne, consulté le ).
- « 23 survivants dans l'amerrissage de l'avion ATR-72 de la compagnie Tuninter », sur infotunisie.com, (consulté le ).
- « Accident d'avion en Sicile : le bilan s'alourdit », LCI, 7 août 2005.
- « Un ATR-72 tunisien amerrit au large de Palerme », Le Courrier du Vietnam, (lire en ligne, consulté le ).
- (en) « Sicily air crash team check fuel », sur bbc.com, (consulté le ).
- (en) « Final Report »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) [PDF], sur ansv.it.
- « Accident d'un avion ATR 72-202 de Tuninter. Large de Palerme, Italie - 6 août 2005 », sur 1001crash.com (consulté le ).
- « Le commandant de bord de l'avion ATR de Tuninter : "Nous sommes condamnés comme des criminels !" », sur webmanagercenter.com, (consulté le ).
- Samy Ghorbal, « Tuninter fera appel », Jeune Afrique, (ISSN 1950-1285).
- (en) John Hooper (en), « Tunisian pilot who prayed as his plane went down jailed in Italy », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
- « Accident de l'ATR tunisien : la Fédération internationale des pilotes de ligne déplore le verdict italien », Le Nouvel Observateur, (ISSN 0029-4713, lire en ligne).
- (en) [vidéo] « All Engines Shut Down in Mid-Flight - Falling Fast into the Mediterranean Sea (With Real Audio) », sur YouTube.