Wikipédia:Lumière sur/La Petite Dorrit

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Couverture du numéro III, février 1856
Couverture du numéro III, février 1856

La Petite Dorrit (Little Dorrit), onzième roman de Charles Dickens (1812-1870), est le deuxième d'une série de trois romans politiques et sociaux, publié en vingt feuilletons mensuels comptant pour dix-neuf, de décembre 1855 à juin 1857 par Bradbury and Evans. C'est le plus politique des romans de Dickens et aussi celui dont la structure est la plus symbolique : il est en effet divisé en deux livres, le premier intitulé « Pauvreté » et le second « Richesse », chacun comptant dix numéros parus au prix de 1 shilling, la dernière livraison en ayant réuni deux.

Œuvre satirique, il dénonce les institutions du royaume, en particulier celle de la prison pour dettes où sont enfermés les débiteurs sans qu'ils puissent travailler, en l'occurrence, la prison de Marshalsea, que Dickens connaît bien car son père y a été retenu.

Les autres dénonciations de Dickens portent sur l'insécurité des travailleurs de l'industrie, les conditions de leur emploi, la bureaucratie du ministère des Finances (H M Treasury), le jargon technocrate, que Dickens recense au livre I, chapitre 10, dans la célèbre liste du Circumlocution Office, le « ministère des Circonlocutions », de même que la séparation et le manque de communication entre les classes sociales.

D'après Paul Davis, la passivité du héros et de l'héroïne, la complication et l'obscurité de l'intrigue relative à l'héritage perdu, la noirceur du tableau social rendent cette histoire à la fois sombre et ambiguë. Elle se présente, en effet, comme une sorte d'anatomie de la société victorienne qu'obsèdent la richesse et le pouvoir, qu'enserre un corset de traditions profitant aux classes dites privilégiées et que plombe une religion oppressive et stérile. La lutte que mènent Amy Dorrit et Arthur Clennam pour se libérer de ces chaînes sociales, la rédemption finale et l'espérance nouvelle ne suffisent pas, selon lui, à lever le voile de ténèbres dont l'œuvre semble enveloppée.

De fait, le roman a fait l'objet de nombreuses critiques à sa parution, pour son humeur sombre et son intrigue compliquée justement, ce qui n'a nullement nui aux ventes qui ont dépassé toutes celles des parutions précédentes. Cependant certains auteurs l'ont plus tard réhabilité, en particulier G. B. Shaw (1856-1950) qui le juge « plus séditieux que Le Capital de Karl Marx » et l'appelle « le chef-d'œuvre des chefs-d'œuvre » (« the masterpiece of masterpieces »), Lionel Trilling qui le range parmi les plus profonds ouvrages du XIXe siècle, et Angus Wilson, sensible surtout à « la grisaille du mal qui recouvre le monde » (« the all-pervading grey evil of the world »). Paul Schilcke résume l'opinion actuelle en écrivant que La Petite Dorrit en est venu à être admiré comme l'une des plus grandes œuvres de Dickens.