Yaya Dillo Djérou

homme politique tchadien
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Yaya Dillo Djerou Betchi, né le et assassiné le par la junte militaire au pouvoir à N'Djaména, est un homme politique tchadien[1].

Yaya Dillo Djerou Betchi
Illustration.
Fonctions
Président du Parti socialiste sans frontière

(3 ans et 8 mois)
Ministre des Mines et de l'Énergie du Tchad

(6 mois)
Président Idriss Déby
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Kaoura (en) (Tchad)
Date de décès (à 49 ans)
Lieu de décès N'Djaména (Tchad)
Nationalité Tchadienne
Parti politique Mouvement patriotique du salut
Socle pour le changement, l'unité et la démocratie
Parti socialiste sans frontière (en)
Père Djerou Betchi
Mère Sobory Goussoub Barka
Diplômé de Université d'Ottawa
Religion Islam

Biographie modifier

Yaya Dillo Djerou est le fils d'une cousine d'Idriss Déby Itno. Il est Zaghawa du clan Bideyate.

Il est ministre des Mines et de l'Énergie entre 2008 et 2009 et conseiller à la présidence de la république du Tchad.

Yaya Dillo Djerou est le représentant-résident de la commission de la CEMAC du Tchad et député de juin 2018 au 11 mai 2020. Il est candidat à l'élection présidentielle de 2021 sous la bannière du Parti socialiste sans frontière (en) du Tchad (PSF), dont il devient le président plus tard dans l'année.

Opposant à Idriss Déby modifier

Yaya Dillo Djérou a servi dans le mouvement rebelle, MPS en 1989-1990. Après la conquête du pouvoir par celui-ci, il part faire des études au Canada à la fin des années 90. En 2005 il fonde le mouvement rebelle Socle pour le changement, l'unité et la démocratie avec l'aide discrète de ses oncles Tom et Timan Erdimi qui restent encore un temps au cœur du pouvoir. Ce mouvement rejoint le Front uni pour le changement démocratique. Progressivement écarté des alliances rebelles à partir de 2007, Yaya Dillo rallie le pouvoir en 2008.

En pleine période de pandémie de Covid-19, il parle d'un « conflit d'intérêt »[2]. En 2020, selon lui, la fondation Grand cœur de la première dame Hinda Déby Itno s'attribue de façon abusive les prérogatives de certains ministères, notamment dans les secteurs de la Santé et de l'Éducation. Il dénonce publiquement un conflit d’intérêts entre la fondation Grand Cœur de la première dame et le gouvernement.

Il est ensuite poursuivi pour diffamation et injures par Hinda Déby Itno et la fondation Grand Cœur[3].

La nuit du 27 février 2021, des soldats d’élite, à bord de camionnettes, de véhicules blindés et même de chars, tentent de l'arrêter à son domicile, où il est retranché. Deux personnes trouvent la mort, sa mère Sobory Goussoub et son enfant, et cinq autres personnes sont blessées grièvement, dont sa grande sœur[4].

Il écrit sur son compte Facebook : « Ils viennent de tuer ma mère et plusieurs de mes parents.» et quelques minutes plus tard, il ajoute : « Un blindé a enfoncé ma porte principale. La lutte pour la justice doit continuer pour sauver notre pays. (...) Mes chers compatriotes, levons-nous ! ». Ces phrases choquent l'opinion nationale et internationale au lever du jour[5]. Les parents de l'opposant envahissent alors la place Mortier, dans le 5e arrondissement de N'Djaména, établissant ainsi un bouclier qui empêche son arrestation.

Les autorités tchadiennes ont annoncé l'ouverture d'une enquête judiciaire pour meurtre, coups et blessures volontaires, et complicité de meurtre contre tous les auteurs, co-auteurs et complices d’infractions lors de la tentative d’interpellation.[réf. nécessaire]

À partir du 28 février 2021, Yaya Dillo est resté introuvable, mais non moins localisable par les autorités tchadiennes. Selon les informations officielles, il est exfiltré par des proches le même soir du dimanche 28 février, lorsque les forces de l’ordre ont déclenché leur attaque sur son domicile. Des dizaines de ses partisans et familles se sont lancés à l’assaut d’un char, cailloux à la main, et les forces de l’ordre ont tiré de nombreuses bombes lacrymogènes pour tenter de les disperser. Yaya Dillo a profité de la confusion qui régnait pour s’éclipser[6].

Jusqu'au 9 mars 2021, ses partisans et sa famille ont de ses nouvelles, car il intervient régulièrement dans le débat politique via son compte Facebook. Il donne même des interviews aux chaînes de télévision et radios internationales, dont TV5 Monde, Radio France internationale ou encore Al Jazeera[7].

À un mois de l’élection présidentielle, à laquelle sa candidature est invalidée, l'affaire Dillo tend le climat politique au Tchad. La tentative d’arrestation de Yaya Dillo, ayant occasionné deux morts et cinq blessés, a en effet marqué le peuple tchadien et particulièrement la classe politique. Ces faits ont soulevé une vive émotion de l'opposition[réf. nécessaire]. Au lendemain de cette opération meurtrière, trois candidats à l’élection présidentielle se sont retirés de la course présidentielle. Le premier d’entre eux, Saleh Kebzabo, leader de l’opposition, a dénoncé une « militarisation évidente du climat politique ». Suivi de Mahamat Yosko Brahim qui exprime ses sentiments de doute via les réseaux sociaux quant au contexte « qui n’est pas favorable à une élection présidentielle libre et transparente » et se retire. Et Ngarlejy Yorongar, le doyen des candidats, ancien compagnon d'armes d'Idriss Déby en 1990, s’est retiré en raison de « l'injustice sociale et de l'insécurité que vivent les partis politiques de l'opposition ». De sorte qu’ils ne sont plus que six candidats à se présenter[8].

Cette émotion est exprimée aussi au delà des frontières du Tchad : l’Union africaine notamment exprime sa « consternation » après « la perte de vies humaines civiles et parmi les forces de l'ordre ». Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, déplore « le recours à la force dans le cadre du processus électoral au Tchad ». La France, ancien colon et partenaire stratégique dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, par son chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, appelle les autorités tchadiennes à mener « au plus vite » une enquête « impartiale » sur les morts dans la tentative d'arrestation de Yaya Dillo[9].

Assassinat modifier

Dans la nuit du 27 au 28 février 2024, une attaque vise les bureaux de l'Agence nationale de sécurité à N'Djaména, faisant plusieurs morts d'après le gouvernement[10],[11],[12]. La dite « attaque» intervient la nuit de l'arrestation du secrétaire national adjoint chargé des finances, Abakar Torabi du Parti socialiste sans frontière (PSF) — l'un des principaux partis d'opposition — que le gouvernement de transition tchadien accuse de tentative d'assassinat contre le président de la Cour suprême[13]. Le gouvernement accuse alors le président du PSF, Yaya Dillo Djérou, d'avoir commandité la tentative de meurtre. Ancien ministre et enfant soldat lors de la prise du pouvoir en 1990, neveux d'Idriss Déby et candidat à la présidentielle, celui-ci avait récemment bénéficié du ralliement de l'oncle du président, Saleh Deby Itno. Dillo qualifie l'accusation de « mensonge » et de « mise-en-scène » destinée à écarter sa candidature[13],[10].

Le 28 février, l'Armée tchadienne prend d'assaut le siège du PSF où se trouve Yaya Diallo, qui est assassiné dans l'attaque[10]. Le lendemain, le Ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement Abderaman Koulamallah annonce la mort de Dillo, affirmant dans la foulée qu'il serait également derrière l'attaque de la nuit précédente, qu'il aurait mené en représailles de l'arrestation du militant du PSF. Le gouvernement affirme qu'il se serait retranché dans les locaux de son parti en refusant de se rendre, et qu'il aurait tiré sur la police, avant d'être abattu. La mort de Yaya Diallo, considéré comme le principal opposant à la junte tchadienne, est qualifié d'« assassinat » par les responsables de son parti et de l'opposition[10],[14].

Le ministre de la Communication, Abdraman Koulamallah, annonce le 1er mars l'arrestation de Saleh Deby Itno en soulignant que celui-ci se serait rendu. Le ministre affirme ainsi que l'action des forces de l'ordre ne visait pas à éliminer Yaya Diallo et qu'elles n'en serait « pas arrivés à cette extrémité » s'il s'était lui aussi rendu[15],[16]. Cette version est vivement rejetée par le PSF, qui affirme qu'il n'était pas armé et accuse la garde présidentielle d'avoir elle même menée l'assaut, une version corroborée par le témoignage de journalistes de l’AFP ayant observées des mouvements des troupes des « bérets rouges » en direction du siège, ainsi que des tirs nourris d'armes automatiques. Les autorités procèdent rapidement à la démolition du siège du PSF, qui est rasé le 1er mars en l'absence de témoins, tenus à distance par un détachement de véhicules blindés de l'armée[17]. Le 4 mars 2024, le Premier ministre Succès Masra annonce une « enquête de type international » pour « situer les responsabilités »[18].

Notes et références modifier

  1. « Confusion. Questionnement après l’attaque contre l’opposant Yaya Dillo au Tchad », sur Courrier international, (consulté le )
  2. « Au Tchad, la campagne présidentielle se durcit », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  3. « Tchad : ce que les autorités reprochent à l’opposant Yaya Dillo Djerou », sur JeuneAfrique.com, (consulté le )
  4. « Au Tchad, au moins deux morts au cours de la tentative d’arrestation d’un opposant », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. « Tchad: violences au domicile de l’opposant Yaya Dillo », sur fr.news.yahoo.com (consulté le )
  6. « Tchad: l’opposant Yaya Dillo exfiltré de son domicile par des proches », sur RFI, (consulté le )
  7. (en) « Chad opposition leader says several relatives killed in home raid », sur www.aljazeera.com (consulté le )
  8. « Tchad : trois candidats se retirent de l'élection présidentielle », sur Africanews, (consulté le )
  9. « Au Tchad, la campagne présidentielle se durcit », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  10. a b c et d « Tchad : le principal opposant à la junte Yaya Dillo Djerou tué par l'armée au siège de son parti » Accès libre, sur france24.com, (consulté le )
  11. « Tchad : plusieurs morts dans une attaque contre une agence des services de renseignement », sur France Info, (consulté le )
  12. « Tchad: l’opposant Yaya Dillo est mort, a annoncé le procureur près le tribunal de grande instance de Ndjamena », sur rfi.fr, (consulté le )
  13. a et b « Attaque meurtrière au Tchad contre une agence des services de renseignement » Accès libre, sur france24.com, (consulté le )
  14. « Au Tchad, Yaya Dillo Djerou, principal opposant à la junte, a été tué par l’armée, annonce le gouvernement », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  15. « Tchad : Le siège du parti de l’opposant Yaya Dillo démoli », sur Alwihda Info - Actualités TCHAD, Afrique, International (consulté le ).
  16. « Tchad : la vie de Saleh Deby n'est « absolument pas en danger », assure le gouvernement », sur Alwihda Info - Actualités TCHAD, Afrique, International (consulté le ).
  17. « Au Tchad, le principal rival du général Déby a-t-il été « exécuté » ? », sur www.20minutes.fr, (consulté le ).
  18. RFI, « Afrique Tchad: Succès Masra annonce une «enquête de type international» sur la mort de l'opposant Yaya Dillo », sur rfi.fr, (consulté le ).

Liens externes modifier