Élamite linéaire

système d'écriture utilisé dans le royaume d'Élam

Élamite linéaire
Image illustrative de l’article Élamite linéaire
Cône portant une inscription en élamite linéaire (Musée du Louvre).
Caractéristiques
Type Phonogrammes (écriture syllabique)
Langue(s) Élamite
Direction Droite à gauche
Historique
Époque De 2300 à 1850 av. J-C.
Système(s) apparenté(s) Proto-élamite

L'élamite linéaire est un système d'écriture utilisé dans le royaume d'Élam, attesté essentiellement par des textes trouvés dans la ville de Suse (dans le sud-ouest de l'Iran) et utilisé à partir de 2150 av. J.-C. (durant le règne de Puzur-Inshushinak). Le corpus de textes comprend d'autres inscriptions, notamment sur des vases en argent de provenance généralement indéterminée. Les liens de cette écriture avec d'autres attestées en Iran au tout début de l'Antiquité (dont le proto-élamite) sont discutés.

Découvert en 1903[1], l'élamite reste incompris jusqu'en 2020 quand Desset et al. annoncent son déchiffrement[2],[3] ; l'article décrivant leurs résultats paraît en 2022[4].

Inscriptions et signes modifier

Cette écriture n'est d'abord attestée que par une vingtaine de textes, souvent très courts, pour la plupart des inscriptions de fondation commémorant une construction entreprise par le roi Puzur-Inshushinak. Plusieurs de ces inscriptions sont bilingues, l'autre écriture étant le cunéiforme akkadien, ce qui permet de connaître le contenu de ces textes, sans pour autant permettre le déchiffrement de la version en élamite linéaire. Puis à partir des années 1960 des vases en argent portant des inscriptions dans cette écriture sont découverts en Iran, avec des contextes d'origine non identifiés clairement, et aussi au Turkménistan (Gonur-depe). Ils relèvent d'une catégorie et sans doute aussi d'une période différentes des premiers textes découverts à Suse[5].

Certains signes de l'élamite linéaire présentent des affinités avec des signes de l'écriture proto-élamite, pratiquées dans la même région autour de 3200-3000 av. J.-C. et au plus tard autour de 2900 av. J.-C. Les relations entre les deux écritures sont discutées[6].

Des liens existent potentiellement avec des objets inscrits mis au jour ailleurs en Iran sur des sites de la même période (notamment Shahdad), mais cela n'est pas assuré. L'écriture découverte à Jiroft dans le Kerman semblerait présenter des affinités avec l'élamite linéaire, mais elle n'est pas encore bien étudiée[7].

Liste des symboles de l'élamite linéaire, selon Desset et al. (2022)[8].

Déchiffrement modifier

On dénombre 40 inscriptions classées comme relevant de l'élamite linéaire. On y relève entre 50 et 120 symboles (certains pouvant être considérés comme étant des variantes d'un autre), ce qui suggère un système d'écriture syllabique[9]. De fait, le déchiffrement de ce système d'écriture établit qu'il s'agit d'un alphasyllabaire, et le plus ancien système purement phonétique connu (les hiéroglyphes et le cunéiforme présentent des notations mixtes, phonogrammatiques et logogrammatiques)[1].

L'écriture élamite linéaire sert à transcrire la langue élamite[9], qui est un isolat linguistique (sans rattachement avec une autre langue connue). Une grande partie du vocabulaire de cette langue est déjà connue à partir de l'inscription trilingue de Behistun en Iran, et de nombreuses autres inscriptions bilingues ou trilingues datant de l'empire achéménide, dans lesquelles la langue élamite est écrite en utilisant l'élamite cunéiforme (vers 400 av. J.-C.), qui est entièrement déchiffré[9].

Faire revivre l'écriture élamite linéaire modifier

Au cours d'un programme de recherche de deux ans à l'ANRT (Atelier National de Recherche Typographique), Sina Fakour a conçu une police de caractères numérique pour l'écriture élamite linéaire en se basant sur l'analyse d'inscriptions sur divers matériaux. Ce caractère typographique, nommé Hatamti, comprend environ 300 glyphes et rend la transmission et la reproduction numériques de l'écriture élamite linéaire possibles. De plus, il a exploré le rôle de l'outil de gravure et du matériau dans la qualité des signes[10]. Ce projet a été réalisé dans le cadre du programme Missing Scripts[11] en collaboration avec François Desset.

Galerie modifier

Notes et références modifier

  1. a et b « Le déchiffrement de l'élamite linéaire, la plus ancienne écriture purement phonétique au monde », sur Maison de l'Orient et de la Méditerranée (consulté le ).
  2. Bernadette Arnaud, « Un Français "craque" une écriture non déchiffrée de plus de 4000 ans, remettant en cause la seule invention de l'écriture en Mésopotamie », sur Sciences et Avenir, (consulté le ).
  3. (es) Abel G.M., « Descifrada la escritura fonética más antigua del mundo » [« L'écriture phonétique la plus ancienne du monde est déchiffrée »], édition en espagnol de la section "histoire" du National Geographic, sur historia.nationalgeographic.com.es, (consulté le ).
  4. (de + en) François Desset, Kambiz Tabibzadeh, Matthieu Kervran, Gian Pietro Basello et Gianni Marchesi, « The Decipherment of Linear Elamite Writing », Zeitschrift fuer Assyriologie und Vorderasiatische Archaeologie, De Gruyter, vol. 112, no 1,‎ , p. 11-60 (ISSN 0084-5299 et 1613-1150, DOI 10.1515/ZA-2022-0003)Voir et modifier les données sur Wikidata
  5. Dahl 2013, p. 257-258.
  6. Dahl 2013, p. 258.
  7. Dahl 2013, p. 258-259.
  8. * (en) François Desset, Kambiz Tabibzadeh, Matthieu Kervran, Gian Pietro Basello et Gianni Marchesi, « The Decipherment of Linear Elamite Writing », Zeitschrift für Assyriologie und vorderasiatische Archäologie, vol. 112, no 1,‎ , p. 11–60 (ISSN 0084-5299, DOI 10.1515/za-2022-0003, S2CID 250118314, lire en ligne)
  9. a b et c (en) François Desset, « BREAKING THE CODE. THE DECIPHERMENT OF LINEAR ELAMITE, A FORGOTTEN WRITING SYSTEM OF ANCIENT IRAN (3RD MILLENIUM BC). », Canal U (consulté le ).
  10. « Anrt – The Missing Scripts 2021: Elamite Linéaire », sur anrt-nancy.fr (consulté le )
  11. « The World’s Writing Systems : The Project », sur www.worldswritingsystems.org (consulté le )

Bibliographie modifier

Avant la traduction modifier

  • (en) M. Salvini, « iv. Linear Elamite », dans « Elam », dans Encyclopædia Iranica Online 1998.
  • (en) Jacob Dahl, « Early Writing in Iran », dans Daniel T. Potts (dir.), The Oxford Handbook of Ancient Iran, Oxford, Oxford University Press, , p. 232-262

Après la traduction modifier

  • (en) François Desset, « Nine Linear Elamite Texts Inscribed on Silver “Gunagi” Vessels (X, Y, Z, F’, H’, I’, J’, K’ and L’): New Data on Linear Elamite Writing and the History of the Sukkalmaḫ Dynasty », Iran, vol. 56, no 2,‎ (ISSN 0578-6967, lire en ligne)
  • (en) François Desset, Kambiz Tabibzadeh, Matthieu Kervran, Gian Pietro Basello et Gianni Marchesi, « The Decipherment of Linear Elamite Writing », Zeitschrift für Assyriologie und vorderasiatische Archäologie, vol. 112, no 1,‎ , p. 11–60 (ISSN 0084-5299, DOI 10.1515/za-2022-0003, S2CID 250118314, lire en ligne)
  • Thomas Cavaillé-Fol, « Élamite linéaire : L'écriture enfin déchiffrée », Science et Vie, no 02578,‎ , p. 102-106 (ISSN 0036-8369).

Voir aussi modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier