Émeutes de 1991 à Mantes-la-Jolie
Les émeutes de Mantes-la-Jolie se sont déroulées au printemps 1991, principalement dans le quartier du Val Fourré. Ces émeutes s'inscrivent dans un contexte national de manifestations violentes et de débordements nombreux dans les banlieues des grandes villes[1] : en à Chanteloup-les-Vignes et Achères, en à Vaulx-en-Velin, en à Sartrouville et à Meaux, en à Garges-lès-Gonesse et en à Aulnay-sous-Bois[2]. Plusieurs de ces événements inspirent le cinéaste Mathieu Kassovitz, qui tournera le film La Haine en 1995[3].
Déroulement
modifierDébuts (25-26 mai 1991)
modifierLes 25 et , devant le refus qui leur est opposé d'entrer dans la patinoire municipale où a lieu un gala de danse, plusieurs dizaines de « jeunes » du Val Fourré brûlent des voitures de France Télécom et saccagent plusieurs magasins d'un centre commercial[4]. Des malfaiteurs plus âgés profitent des circonstances pour dévaliser une bijouterie. De nombreux jeunes affrontent les forces de l'ordre déployées en vue de les disperser. Plusieurs arrestations ont lieu.
Le tournant : la mort d'Aïssa Ihich (27 mai 1991)
modifierLe , Aïssa Ihich, un des six jeunes arrêtés pour avoir caillassé des véhicules de police, décède d'une crise d'asthme après 36 heures de garde à vue[5],[6]. Le lendemain, la Première ministre Édith Cresson, en poste depuis quelques jours, vient présenter personnellement ses condoléances à Amina et Amad, les parents du jeune homme décédé[7].
Recrudescence des émeutes (fin mai - début juin 1991)
modifierMalgré un appel au calme de la famille d'Aïssa Ihich, les émeutes se poursuivent avec un regain d'intensité, notamment lors des affrontements entre les jeunes en colère et les policiers[8]. Des centaines de CRS "campent" autour du Val-Fourré et assistent aux pillages et incendies des commerces, des véhicules et des bâtiments publics locaux[9]. Des bombes artisanales à base de bouteilles de butane sont découvertes et les forces de l'ordre sont la cible de tirs de mortier artisanaux réalisés avec des feux d'artifice. Des biens électroménagers sont jetés du haut de certaines tours d'immeubles sur les véhicules affichant un symbole de l'État. Les médecins et les pompiers font, eux aussi, face à de nombreuses agressions et caillassages. Certains sont appelés en urgence afin de les faire tomber dans des guet-apens[5],[10].
En marge des affrontements et des actes de vandalisme ou d'hostilité, des rodéos sont organisés certains soirs avec des véhicules volés dans le Mantois.
L'apogée (soirée du 8 au 9 juin 1991)
modifierMort de Marie-Christine Baillet
modifierLe , à 1 h 45, des policiers mettent en place un barrage à l'entrée du Val-Fourré. En tentant de le forcer avec une Renault 9 volée, Lhadj Saïdi, un Marocain de 18 ans, blesse mortellement Marie-Christine Baillet, une policière de 32 ans[11],[12],[13],[14]. Le , la Cour d'assises des Yvelines condamne Lhadj Saïdi à 10 ans de réclusion criminelle pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, sur personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions »[15].
Mort de Youssef Khaïf
modifierUne vingtaine de minutes après que sa collègue ait été percutée, Pascal Hiblot, un policier de 32 ans, abat d'une balle dans la nuque Youssef Khaïf, un Algérien de 23 ans, qui passait sur la scène de crime à bord d'une Jetta volée en rentrant d'une soirée dansante[16],[17],[18]. Le , les parents de Youssef, Kheïra et Bessafi, portent plainte contre X. Le 13 septembre 1991, Pascal Hiblot est inculpé pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Le 28 juillet 1998, Pascal Hiblot bénéficie d'un non-lieu[19], infirmé le par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Versailles[20]. Le , cette dernière ordonne le renvoi de Pascal Hiblot devant un jury d'assises[21] qui finit par l'acquitter le 28 septembre 2001 après trois jours de procès[22].
Suites
modifierDepuis, des mesures de rénovation urbaine ont été prises et l'on tente de ramener une mixité sociale[23].
Notes et références
modifier- « Les émeutes se suivent et se ressemblent. », sur Arret sur les mots, (consulté le )
- « B°) Naissance des « quartiers à risque » », sur www.xavier-raufer.com (consulté le )
- « Il y a vingt ans, “La Haine” sortait… Et Mathieu Kassovitz avait la rage », sur Télérama.fr (consulté le )
- Encyclopædia Universalis, « 25 mai - 1er juin 1991 - France. Mort d'un jeune beur placé en garde à vue après des incidents dans une banlieue de Mantes-la-Jolie - Événement », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
- « AISSA IHICH, 19 ans, qui faisait partie des six jeunes interpellés dans la nuit de samedi à dimanch », L'Humanité, (consulté le )
- « A Mantes-la-Jolie Le médecin-expert qui avait examiné Aïssa Ihich la veille de sa mort est inculpé d'homicide involontaire », Le Monde, (consulté le )
- Antoine Flandrin, « A peine nommée à Matignon, Edith Cresson face à la colère des banlieues », Le Monde, (consulté le )
- Olivier Talles, « Bavure », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne)
- citer-dangereuse, « 78 yvelines », sur Skyrock, (consulté le )
- « La tension monte au Val-Fourré », Le Parisien, (lire en ligne, consulté le )
- « Marie-Christine BAILLET », sur Mémorial des policiers français morts en service
- « Les obsèques de Marie-Christine Baillet », L'Humanité, (lire en ligne, consulté le )
- « Inculpation du conducteur de la voiture qui a tué la policière de Mantes-la-Jolie. », Le Monde, (consulté le )
- « Policiers tués : le lourd tribut du commissariat de Mantes-la-Jolie », Le Parisien, (lire en ligne, consulté le )
- Maurice Peyrot, « Lhadj Saidi est condamné à dix ans de prison après la mort d'une policière », Le Monde, (consulté le )
- Michel Henry, « Dix ans de réclusion pour Lhadj Saïdi. Une nuit de juin 1991, à Mantes-la-Jolie, il avait forcé un barrage, fauché et tué une femme policier. », Libération, (consulté le )
- « Il y a vingt ans, le Val-Fourré s'embrasait », Le Parisien, (consulté le )
- Mogniss H. Abdallah, « L'affaire Youssef Khaïf dans les médias », Vacarme, vol. 18, no 1, , p. 55 (ISSN 1253-2479 et 2107-092X, DOI 10.3917/vaca.018.0055, lire en ligne, consulté le )
- Alain Auffray, « Non-lieu pour un policier qui avait tué un jeune. », Libération, (consulté le )
- Jean-Claude Pierrette, « Non-lieu annulé pour un policier de Mantes-la-Jolie », Le Monde, (consulté le )
- Brigitte Vital-Durand, « Neuf ans après la mort de Youssef, un policier devant les jurés. Lors d'un rodéo à Mantes-la-Jolie, le jeune homme avait été tué par balle. », Libération, (consulté le )
- Olivier Cyran, « Violences policières impunies », Le Monde diplomatique, no 572, , p. 12 (lire en ligne)
- « Au Val-Fourré, le retour timide des classes moyennes », sur LExpress.fr, (consulté le )