Établissements Soulat

La famille Soulat — Jean Soulat 1852-1936, né à Saint-Pierre-les-Étieux, marié en 1878 à Gabrielle Rajneri, leurs fils Georges 1881-1965, André 1888-1977 et Fernand 1894-1917, mort pour la France — est une famille française, originaire du Cher, d'inventeurs, fondateurs, industriels français, pionniers de l'électromécanique.

Soulat Frères
logo de Établissements Soulat
Logotype des établissements Soulat Frères, Paris – La Guerche, 1930

Ancien nom Maison Soulat
Création
Dates clés 1881 : horlogerie à Sancoins (Cher) ; 1896 : association avec Albert Villon, Dieppe (Seine-Maritime) ; 1905 : Maison Soulat, Paris, 3e ; 1920  société Soulat Frères, Paris – La Guerche-sur-l'Aubois.
Fondateurs Jean Soulat
Personnages clés Jean Soulat, George Soulat, André Soulat
Siège social Paris
Drapeau de la France France
Activité Fabricants d'appareils électromécaniques et inventeurs de nombreux appareillages.

Débuts

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La fin du XIXe siècle voit les grands progrès de la distribution électrique et de ses applications. D'abord réservées à l'éclairage, celles-ci s'étendent aux moteurs domestiques, aux ascenseurs, à la petite industrie. L'électricité devient l'outil essentiel de la vie moderne.

« Dans ces conditions nouvelles, il a fallu créer une série d'appareils servant à la mesure de l'énergie électrique fournie aux consommateurs et dépensée par les appareils [...]. »

— Édouard Hospitalier, Les compteurs d'énergie électrique[1].

Du temps horloger au temps de l'électricité

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Horloge comtoise, cadran émaillé, inscription Soulat Sancoins, balancier référence chainette.
Coll. Jean-Pierre Guittonneau.

En 1881, Jean Soulat est horloger à Sancoins (Cher) ; il tient un magasin et un atelier d’horlogerie. Il vend entre autres des comtoises, des piles, des sonneries, des boutons d'appels...

Compteur de temps

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Il développe et fabrique dans son atelier des compteurs électriques : un mouvement d'horlogerie à échappement à cylindre déclenché par un levier qui sert d'interrupteur et de provoquer un appui sur l'échappement du système d'horlogerie, qui met en route le compteur de temps de consommation de l'éclairage, le propriétaire des lieux ayant des lampes fournies par le fabriquant d'énergie électrique, suivant son contrat[2]. Inventeurs et ingénieurs, les Soulat ne cesseront d'innover dans leur activité. En 1889, Jean Soulat dépose un brevet pour un compteur de temps du passage des courants électriques[3],[4].

Communauté de l'électricité

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Les premières revues spécialisées La Lumière électrique et L'Électricien fédèrent une communauté technicienne de l'électricité. Articles sur les inventions, les innovations, rapports des sociétés savantes, colloques, courrier des lecteurs, bibliographies, brevets fond la promotion de l’électrification. Les titres se multiplient à la suite de l’engouement suscité par l’Exposition internationale d'Électricité de Paris en 1881[5].

Jean Soulat correspondra avec la revue L’Électricien au sujet de son travail sur le compteur horaire d'électricité[6]. Son compteur est présenté par Édouard Hospitalier, créateur et rédacteur en chef de L'Électricien, à l'exposition annuelle de 1891 de la Société française de physique[7].

Appareillage électrique

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Les dépôt de brevets s'enchaînent : 1895, parafoudre pour appareils et lignes électriques[8] ; 1898, dispositif d'électro-aimant pour coupe-circuits[9] ; 1899, mécanisme de payement préalable pour compteurs[10]. À la pointe de la modernité, la maison Soulat se spécialise dans l'appareillage électrique.

Éclairage public

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Dans la concurrence pour gagner les marchés d'éclairage public aux compagnies d'éclairage au gaz, les compagnies d'électricité avancent les arguments de baisse du coût et de modernité[11]. En 1895, Jean Soulat collabore avec la municipalité d'Agen sur un projet d'éclairage électrique de la ville. La société d'Éclairage au gaz d'Agen, concessionnaire, conteste en justice le projet qui échoue[12].

Compteur horaire d'électricité Albert Villon & Jean Soulat, Dieppe, 1900. Coll. J.-P. Guittonneau.

En 1896, la famille s'installe à Dieppe (Seine-Maritime). La région, en particulier Saint-Nicolas-d'Aliermont, est un bassin industriel horloger ; Jean Soulat cherche à y développer son activité. Il collabore avec Albert Villon[13], fondateur de la future société Réveils Bayard, au perfectionnement du compteur horaire[14] et à un dispositif de contrôle des gaz et des liquides[15].

Compteur horaire d'électricité Albert Villon & Jean Soulat, mécanismes d'horlogerie par échappement, remontée manuelle. Déclenchement par interrupteur à bascule ou (boîtier noir) délenchement électrique avec un électro-aimant. Coll. J.-P. Guittonneau.

À partir de 1905, la Maison Soulat s'installe à la capitale, au 25 rue Michel-le-Comte dans le 3e arrondissement[16]. En 1928, le siège social est déplacé au 53 rue Planchat et un site de fabrication créé au 126 boulevard de Charonne dans le 20e arrondissement.

Pendant la Grande Guerre

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Société Chainat Soulat & Cie

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En 1917 Jean Soulat et André Chainat, aviateur, as de la Première Guerre mondiale éloigné des combats à la suite de ses blessures, s'associent pour créer la société Chainat Soulat et Cie spécialisée dans la fabrication de tachymètres[17] pour l'armée de l'air[18]. La fin de la guerre met un terme à l'activité de la société.

Pour l'effort industriel de guerre André, en 1917, et Georges, en 1918, quittent le front pour être détachés à la manufacture. Ils établissent une usine à La Guerche-sur-l'Aubois dont Georges Soulat prend la direction.

Industrialisation

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Établissements Soulat Frères

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Jean Soulat se retire des affaires et transmet la direction de l'entreprise à ses fils. En 1920, ils constituent la société Soulat Frères, fabrication et vente d'appareils électriques, mécaniques et d'horlogerie[19].

Contacteur au mercure

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Le logotype des établissements Soulat Frères dessine, derrière un « s » capitale, un contacteur inverseur au mercure stylisé. Ce système d'interrupteur qui permet d'ouvrir et de fermer un circuit en basculant une ampoule de mercure se retrouve dans les appareils de commande Soulat.

Minuterie

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Minuterie automatique Soulat Frères pour escalier, détail de la mécanique, ampoule de mercure (en bas à droite), estampé logo Soulat. Coll. J.-P. Guittonneau.

Appliqué à l'éclairage, le montage avec minuterie permet d'allumer une ampoule sans se préoccuper de l'extinction, automatique. Un électro-aimant, commandé par des boutons sur le circuit, remonte et déclanche un mouvement d'horlogerie qui par l'intermédiaire d'une came bascule un tube de verre contenant du mercure. La position du tube ouvre ou ferme le circuit[20].

Télérupteur

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Sur un réseau d'éclairage, le télérupteur, commandé par les impulsions électriques de boutons poussoir, ferme et ouvre le circuit. Son électro-aimant, à l'aide d'une came, bascule un tube à mercure[21],[22],[23].

« La mise au point du rupteur à mercure [...] a permis aux ingénieurs de la Maison Soulat d’établir un excellent télérupteur [pour des commandes sélectives] à distance, [...] d'allumer ou éteindre une lampe ou un groupement de lampes, de faire fonctionner des signaux sonores, lumineux, des signaux mécaniques [...] pour chemins de fer, de contrôler la marche d’un moteur, etc. »

— Maurice Méry, Perfectionnements aux minuteries et aux télérupteurs électriques[20].

Si La mise en place de plusieurs circuits électriques, avec des caractéristiques d'alimentation différentes, sur un même réseau de distribution existe déjà, les dispositifs de commande à distance sélectif à travers les réseaux de distribution n'apporte pas encore de résultat industriel satisfaisant.

Au début des années vingt, Edmond Allain-Launay ingénieur en chef des services électriques de la Compagnie générale du gaz pour la France et l'étranger et les ingénieurs des établissements Soulat apportent une solution fiable et économique au problème de commande sélective à distance d'un éclairage avec des télérupteurs-sélecteurs sans fil pilote commandés par courant à bas voltage[24],[25],[26].

Le réseau de distribution est utilisé comme un réseau téléphonique. Un réseau de sélection et un réseau de commande interconnectés par des relais permettent de piloter l'allumage et l'extinction des lampadaires d'un réseau d'éclairage public.

Illuminations Jacopozzi

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Tableau de commande équipé de combinateurs Soulat pour les éclairages de la Maison de France par les établissements Jacopozzi, 1931.

Création du magicien de la lumière, Fernand Jacopozzi, les jeux de lumières de la tour Eiffel de l’Exposition des arts décoratifs de 1925 et des scènes animées des grands magasins, sont équipées par des combinateurs à servo-moteurs étudiés et construits par les entreprises Soulat Frères.

Les établissements Soulat collaborent avec les sociétés de distribution de l'énergie électrique Nord-Lumière et Force et Lumière sur des travaux de réseaux d'éclairage public. Ceux de la route nationale no 185 de Paris à Versailles par Ville-d'Avray se terminent en 1934[27],[28].

Fin d'une époque

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Jean Soulat est inhumé en 1936 au caveau de famille du cimetière de Sancoins dans le département du Cher[29].

André et George Soulat cessent leur activité professionnelle et quittent l'entreprise dans les années cinquante. Ils n'ont pas de descendant, l'aventure entrepreneuriale familiale se termine.

George Soulat, installé à La Guerche-sur-l'Aubois de 1918 à 1964, conseiller municipal en juin 1940, est délégué pour remplacer le maire de La Guerche. Fonction qu'il occupera jusqu'en 1944. André Soulat est maire de la commune d'Aubergenville de 1947 à 1953, dans le département des Yvelines, où il réside.

Miniaturisation et électronique

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Les établissements Soulat Frères continuent une activité de mécanique de précision pour les compteurs d'eau, la fabrication de relais miniatures et de cartes électroniques jusqu'en 2001.

Liens externes

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Notes et références

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  1. Hospitalier Édouard, Les compteurs d'énergie électrique : Extrait du journal L'Électricien, Paris, G. Masson éditeur, (présentation en ligne, lire en ligne), p. 1.
  2. Hospitalier Édouard, Les compteurs d'énergie électrique : Extrait du journal L'Électricien, Paris, G. Masson éditeur, (présentation en ligne, lire en ligne), p. 10.
  3. Brevet no 197551 : compteur de temps du passage des courants électriques, 1889, Bulletin des lois de la République française, t. trente-neuvième, Paris, Imprimerie nationale, (présentation en ligne, lire en ligne), p. 1070.
  4. Brevet no 904537 : compteur horaire d'électricité, 1891, Bulletin des lois de la République française, vol. XIIe série, t. Quarante-deuxième, Paris, Imprimerie nationale, (présentation en ligne, lire en ligne), p. 1047.
  5. Yves Bouvier, « Les revues d'électricité et la construction d'une communauté internationale de pratique technologique à la fin du XIXe siècle », Le Temps des médias, Nouveau Monde éditions, vol. 2008/2, no 11,‎ , p. 72 à 81 (lire en ligne, consulté le ).
  6. « Correspondance : Lettre de M. Soulat sur les compteurs horaires », L’Électricien, Revue générale d’électricité, t. XIV, no 373,‎ , p. 557 (lire en ligne, consulté le ).
  7. Présentation du compteur d'électricité de M. Jean Soulat par M. Hospitalier A.M., « L'exposition annuelle de 1891 de la Société française de Physique », L'Électricien, revue internationale de l'électricité et de ses applications, vol. 2e série, t. I, no 15,‎ , p. 247 (lire en ligne, consulté le ).
  8. 1895, brevet no 248852 : système de parafoudre applicable à la protection des appareils et lignes électriques de tous genres, Bulletin des lois de la République française, vol. XIIe série, Paris, Imprimerie nationale, (présentation en ligne, lire en ligne), p. 384.
  9. 1898, brevet no 280392 : dispositif d'électro-aimant et son armature applicable à l'établissement de coupe-circuits et tous autres appareils, Bulletin des lois de la République française, vol. XIIe série, t. Soixante et unième, Paris, Imprimerie nationale des lois, (présentation en ligne, lire en ligne), p. 987.
  10. 1899, brevet no 285774 : mécanisme de payement préalable pour compteurs de tous genres, Bulletin des lois de la République française, vol. XIIe série, t. Soixante-deuxième, Paris, Imprimerie nationale, (présentation en ligne, lire en ligne), p. 224.
  11. René Sauban, Des ateliers de lumière : Histoire de la distribution du gaz et de l'électricité en Loire-Atlantique, Université de Nantes – Université inter-âges de Nantes, , 342 p. (ISBN 9782907490061, présentation en ligne, lire en ligne), p. 94.
  12. Garnier Léon et Dauvert Paul, Les Concessions de gaz et d'électricité devant la juridiction administrative : Recueil d'arrêtés des Conseils de préfecture et d'arrêts du Conseil d'État, vol. 2e série : 1882-1896, Paris, Bureaux du Journal des usines à gaz, (présentation en ligne, lire en ligne), p. 186.
  13. Jean-Pierre Guittonneau, « Albert Villon », sur Geneanet (consulté le ).
  14. « Perfectionnement de l'ancien compteur horaire de M. Soulat », Coustet Ernest, Les compteurs d'électricité : Avec 56 figures dans le texte, vol. no 74, Paris, Bernard Tignol éditeur, coll. « Bibliothèque des actualités industrielles », (présentation en ligne, lire en ligne), p. 18.
  15. Brevet no  L. 258.275. Villon et Soulat : nouveau dispositif de contrôle des liquides ou des gaz applicable aux compteurs tous systèmes, Revue industrielle : Journal hebdomadaire illustré, fondé 1870, vol. XXVIIIe année, Paris, H. Josse, (présentation en ligne, lire en ligne), p. 31.
  16. « Compteurs d'électricité », Annuaire du commerce Didot-Bottin, vol. 2, t. 1,‎ , p. 1518 (lire en ligne, consulté le ).
  17. Brevet no  FR484511 : « Perfectionnements apportés aux tachymètres mécaniques », sur https://data.inpi.fr/, (consulté le ).
  18. « Les marchés de guerre 14-18, industrie aéronautique » [PDF], sur https://www.economie.gouv.fr/saef-marches-publics-14-18, (consulté le ), Service des archives économiques et financières (SAEF), Savigny-le-Temple.
  19. « Sociétés Constitutions Modifications Dissolutions », Le Courrier feuille officielle d'annonces judiciaires et légales, no 79,‎ , p. 4 (lire en ligne, consulté le ).
  20. a et b Maurice Méry, « Perfectionnements aux minuteries et aux télérupteurs électriques », La science et la vie, vol. XXV, no 81,‎ , p. 26 (lire en ligne, consulté le ).
  21. Brevet no  FR528431 : « Dispositif de commande perfectionnée pour appareils électriques de commutation tels que télérupteurs », sur https://data.inpi.fr/, (consulté le ).
  22. Brevet no  FR24720 : « Disposition de commande perfectionnée pour appareils électriques de commutation tels que télérupteurs », sur https://data.inpi.fr/, (consulté le ).
  23. Brevet no  FR567898 : « Système de commande indépendante, à distance, d'appareils électriques au moyen de télérupteurs », sur https://data.inpi.fr/, (consulté le ).
  24. Brevet no  FR782726 : « Système de commande centralisée sans fil pilote pour réseaux de distribution d'électricité », sur https://data.inpi.fr/, (consulté le ).
  25. André Crober, « Commande et contrôle à distance des appareils électriques », La science et la vie, vol. XXV, no 79,‎ , p. 11 (lire en ligne, consulté le ).
  26. « Présentation d'expériences faites au laboratoire cental d'électricité devant la cinquième commission de l'union des syndicats », Bulletin de la Société françaises des électriciens, t. I 4e série, no 10,‎ , p. 445 (lire en ligne, consulté le )
  27. Villiers et Bourdon, « La télécommande et le télécontrôle à la mairie », La Technique sanitaire et municipale, vol. 30e année, no 11,‎ , p. 328, 331 (lire en ligne, consulté le ).
  28. Choix, ingénieur E.S.E., « L'éclairage de la route nationale no 185 », Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, vol. 54e année Tome CIV, no 2683,‎ , p. 39 (lire en ligne, consulté le ).
  29. Jean-Pierre Guittonneau, « Jean Soulat », sur Geneanet (consulté le ).