Abbaye d'Ulmet
L'abbaye d'Ulmet était une abbaye cistercienne aujourd'hui disparue, fondée en 1173 en Camargue à environ 25 km d'Arles à proximité d'un étang, l'étang de Fournelet, toujours existant et d'un bras du Rhône, le Rhône d'Ulmet, aujourd'hui atterri.
Diocèse | Arles |
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Patronage | Sainte-Marie |
Fondation | 1173 |
Début construction | XIIe siècle |
Dissolution | 1437 |
Abbaye-mère | Valmagne |
Lignée de | Cîteaux |
Abbayes-filles | Aucune |
Congrégation | Cisterciennes (1240-1490) |
Coordonnées | 43° 28′ 01″ N, 4° 38′ 58″ E[1] |
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Pays | France |
Comté | Provence |
Région | Provence-Alpes-Côte-d'Azur |
Département | Bouches-du-Rhône |
Commune | Arles |
Histoire
modifierUne création tardive
modifierLe choix du site en Camargue, sur un tertre surélevé en bordure de l'étang d'Ulmet et du bras du Rhône de même nom, est arrêté par Amédée d'Auterives. Sous la direction de ce dernier, les premiers moines construisent en 1173 leur abbaye sur l'emplacement d'une ancienne chapelle donnée en fief, contre redevance annuelle, par l'abbesse Jourdane de l'abbaye Saint-Césaire d'Arles.
Cette création souligne l'implantation tardive des cisterciens en Provence occidentale, particulièrement dans la basse vallée du Rhône, où hors communautés féminines, ils ne fondent leurs quatre abbayes qu'entre 1137 et la fin du XIIe siècle[2]. Ils arrivent en Camargue bien après les communautés de clercs (archevêché et chapitre d'Arles, moniales de Saint-Jean, bénédictins de Montmajour et ordres militaires, ordre de Saint-Jean de Jérusalem et Templiers), les grandes familles (notamment les Baux et les Porcelet) et les communautés villageoises (Arles, Notre-Dame-de-la-Mer). Les moines d'Ulmet s'installent donc dans un contexte d'une concurrence économique déjà aiguë pour le contrôle des ressources et de la fiscalité du delta.
Un contexte difficile
modifierDes ressources limitées en dépit d'un soutien actif des Baux
modifierL’implantation de l’abbaye se fait toutefois avec le soutien actif de la famille des Baux qui possède d'immenses biens en Camargue. Bertran Ier de Baux exempte ainsi dès 1177 l’abbaye de tous les droits de mutation dus pour les fiefs donnés aux moines par les vassaux des Baux. Un acte de ses fils, daté de 1184, nous apprend d’autres donations du même personnage. Les fils de Bertran Ier, eux-mêmes, prolongent la dévotion paternelle par de nouvelles donations, notamment en 1184 et 1191[3].
À côté de ces dons et libéralités, les cisterciens d'Ulmet bénéficient également de legs lors de départs pour les croisades[4] et semblent même, d'après Clément III, ne pas hésiter pour accroître leurs ressources à usurper les dîmes épiscopales[5]. Mais dans l'ensemble leurs ressources paraissent avoir été limitées.
Un environnement défavorable
modifierL'abbaye est plus un lieu de présence chrétienne dans l'est de la Camargue qu'un monastère au sens classique avec d'importants bâtiments conventuels. Une charte de novembre 1198[6] y fait référence sous la dénomination de ecclésia S. Marie de Ulmeto :
- … in Rodanum de Capa qui intrat in mari subtus ecclesiam S. Marie de Ulmeto…
En réalité, l'environnement y est très défavorable notamment à cause du manque d'eau douce à la suite de l'atterrissement progressif du Rhône d'Ulmet. La communauté est donc forcée, malgré les nombreux dons, de déplacer l'abbaye. À la suite d'une donation du roi Alphonse d'Aragon, comte de Provence, les moines avaient reçu en 1194[3] la forêt d'Albaron et plus particulièrement, d'après eux, celle de Clamadour -des terres du côté de Sylvéréal, sur la rive gauche du Petit-Rhône de l'époque- dans la Silva pinencha, où après une sentence arbitrale d'Imbert d'Eyguières, l'archevêque d'Arles, dans un procès qui les opposait en 1201 aux Templiers qui en revendiquaient également la propriété en raison d'une charte plus ancienne délivrée en 1167[7], ils disposent d'un terrain pour bâtir une nouvelle abbaye.
Un déguerpissement progressif
modifierLe transfert à Sylvéréal, puis à Valmagne
modifierC'est sous l'administration de Pierre III, abbé autour de l'an 1200, que le monastère de Sylvéréal est construit. Les moines se partagent ensuite entre Ulmet et Sylvéréal. Un acte daté du , à propos d'un conflit entre l'abbé d'Ulmet Pierre V et le prieur des Saintes-Maries-de-la-Mer, Bertran de Noves[8], évoque toutefois encore l'abbaye d'Ulmet :
- Dei Gratia abbatem Ulmeti, ex una parte, et B(ertrandum) de Novis, priorem ecclesie de Mari, ex altera[9]…
En 1243, le douzième abbé d'Ulmet Jean obtient de l'archevêque d'Arles Jean Baussan l'autorisation de quitter Ulmet pour Sylvéréal, mais le transfert ne se fait pas. Ce transfert est finalement réalisé dans la seconde moitié du XIIIe siècle, probablement entre 1251 et 1270[10]. Quelques moines restent toutefois à Ulmet.
Pendant tout ce XIIIe siècle, l'objet majeur des disputes entre les cisterciens d'Ulmet-Sylvéréal, les Templiers et les habitants des Saintes-Maries-de-la-Mer concerne les droits et usages de la forêt dite Silva pinencha, notamment au sujet des pâturages et des réserves de pêche[11]. De nombreux accords précisent ainsi, en particulier vis-à-vis du Temple dont les activités d'élevage équin se heurtent à celles d'exploitation forestière des moines, les droits et les limites de chacun[12],[13].
En 1299, l'abbaye de Sylvéréal où se trouvent désormais les moines d'Ulmet, est rattachée à Psalmodie et à Valmagne. Après avoir quitté Ulmet à cause du manque d'eau douce, les moines de Sylvéréal demandent à être transférés au monastère de Valmagne[10] car incapables de subvenir à leur entretien. Malgré de nombreuses protestations, en particulier celles de l'archevêque d'Arles Gaillard de Saumate, un accord est trouvé le , stipulant que :
- « [...] l'abbé de Psalmody entretiendrait toujours quatre religieux-prêtres à Sylvéréal et deux à Ulmet pour satisfaire aux fondations et célébrer dignement les offices[14]. »
À la même époque (1323) un poste de guet est mentionné à Ulmet dont les édifices servent de tour visible depuis le clocher des Saintes-Maries-de-la-Mer et qui joue un rôle dans la surveillance du delta.
L'abandon définitif du site d'Ulmet
modifierC'est en 1437 que l'abbaye semble définitivement abandonnée. Les pierres de l'église d'Ulmet servent au XVIIe siècle à construire le mas d'Amphise et à renforcer la digue de l'étang du Fournelet pour protéger le salin de Badon contre les assauts marins.
Architecture et description
modifierEn 1875, Émile Fassin écrivait à propos des ruines de l'abbaye : « A deux kilomètres au sud de Badon, dans le territoire d'Amphise sur les bords de l'étang d'Ulmet, on aperçoit un monticule formé d'un amoncellement de décombres et de quelques pierres, sans caractère[15]». Aujourd’hui, le site de l’abbaye se trouve dans la Réserve naturelle nationale de Camargue, gérée par la SNPN. Environ une fois par an, la SNPN organise une visite guidée sur réservation afin de faire découvrir ce site d’Ulmet, interdit aux visites au quotidien.
Filiation et dépendances
modifierUlmet était l'une des huit filles de l'abbaye de Bonnevaux en Dauphiné, elle-même septième fille de Citeaux[16].
Les abbés
modifier- 1173 c. : Pierre
- 1175 c. : Joceran
- 1184 c. : Pons
- 1191 c. : Pierre II
- 1193 c. : Faucon
- 1194 c. : Étienne
- 1196 av. - 1209 : Pierre III
- 1209 - 1210 : Raymond Ier
- 1210 - 1214 ap. : Pierre IV
- 1216 av. - 1224 : Martin
- 1224 - 1233 : Pierre V
- 1240 av. - 1251 ap. : Jean (éventuellement un abbé inconnu entre Pierre V et Jean)
Notes et références
modifier- (it) Luigi Zanoni, « Ulmet », sur cistercensi.info, Certosa di Firenze (consulté le ).
- cf. Carraz 2005, p. 105 (note 122) : « Aiguebelle (1137), Silvacane (1147), Sénanque (1148) et Ulmet-Syvéréal (c.1177-c.1200) ».
- Florian Mazel - La noblesse et l'Église en Provence, fin Xe - début XIVe siècle - CTHS, 2002 – (ISBN 978-2-7355-0503-6), page 345
- Carraz 2005, p. 179 :
- « En juillet 1202 par exemple, Albe de Vallat désireux de partir ultra mare ad Dei servicium, réserve ses legs aux Cisterciens d'Ulmet ».
- Carraz 2005, p. 465 :
- « La question [des dîmes] resta sensible comme en témoigne par exemple Clément III, qui en 1188, ordonna aux évêques d'Avignon et de Cavaillon de veiller à ce que les ordres militaires et les moines d'Ulmet ne s'emparent des dîmes dues à l'archevêque d'Arles ».
- P.-A. Amargier (texte établi par) - Cartulaire de Trinquetaille - pièce no 71, page 63
- Carraz 2005, p. 381 :
- « Les Cisterciens [ndlr, les moines d'Ulmet] produisent une charte de donation d'Alphonse II d'Aragon de 1194. Les Templiers disposent d'une charte plus ancienne, délivrée en 1167. Mais ils doivent argumenter pour prouver son authenticité aux moines blancs qui s'étonnent de voir figurer le sceau de Raimon Berenger IV ».
- L'église des Saintes-Maries-de-la-Mer est le siège d'un prieuré de l'abbaye de Montmajour depuis la fin du XIe siècle.
- Martin Aurell - Actes de la famille Porcelet d'Arles (972-1320), acte no 322, page 226.
- Thierry Pécout (dir.) – L’enquête générale de Leonardo da Foligno dans la viguerie de Tarascon (janvier-février 1322) – Éditions du CTHS, Paris 2010 – (ISBN 978-2-7355-0716-0) – p.XIII, note 19
- cf.Carraz 2005, p. 238 qui cite l'ouvrage de Paul Amargier, La Silva Pinencha
- Carraz 2005, p. 217 :
- « En 1217, lors d'un accord à propos des pâturages de Clamadour, les Cisterciens d'Ulmet… font promettre aux Templiers de ne pas pratiquer l'écobuage pour accroître les friches »
- Carraz 2005, p. 222 :
- « En 1225, un accord avec le monastère d'Ulmet stipule que les familiers du Temple pourront construire des cabanes pour garder le bétail ».
- Emile Fassin
- Émile Fassin - Tablettes d'un curieux, l'abbaye d'Ulmet dans Le Musée 1875, 21e série , pages 153-157
- Nicole Bouter - Unanimité et diversité cisterciennes – pages 103-106 ici
Bibliographie
modifier- Jean-Paul Clébert, Guide de la Provence mystérieuse, Éd. Tchou, Paris, 1972.
- Pascal Tekeyan - La Camargue, des origines…. aux abbayes - Arles, 2002.
- Damien Carraz (préf. Alain Demurger), L'Ordre du Temple dans la basse vallée du Rhône (1124-1312) : Ordres militaires, croisades et sociétés méridionales, Lyon, Presses universitaires de Lyon, coll. « Collection d'histoire et d'archéologie médiévales / 17 », (ISBN 978-2-7297-0781-1, lire en ligne)