Actions du MRAP contre l'apartheid

Les Actions du MRAP contre l'apartheid en Afrique du Sud remontent aux années 1950, quand il condamnait l'arrivée au pouvoir, en 1948, du parti national en citant des extraits du livre L'Afrique du Sud cette inconnue d'Andrée Viollis. À partir des années 1970, le MRAP s'est davantage engagée en France contre la politique sud-africaine en matière raciale, notamment après la visite officielle du premier ministre sud-africain John Vorster en Israël en 1976, relançant la coopération militaire et nucléaire entre les deux pays[1]. Le MRAP a alors participé à l'édition de nombreux ouvrages opposés à l'apartheid[2].

Premiers engagements contre l'Afrique du Sud

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Le , le MRAP protestait contre le jumelage de la ville de Nice avec la ville du Cap en Afrique du Sud[3].

Le , au côté de syndicats et de partis politiques de gauche et d'extrême-gauche comme la CFDT, la CGT, le SNEP, le SNES, le FSGT, les Jeunesses socialistes, les Jeunesses communistes, les Jeunes Radicaux de gauche, l'UNEF, le PCF, le PS, le PSU et la CIMADE, il signait une pétition contre la venue en France de l'équipe sud-africaine de rugby en France[4].

Le , Albert Levy, alors secrétaire général du MRAP, signait une tribune dans Le Monde intitulée « Les armes de l'apartheid ».

1978 : année internationale contre l'apartheid (1978)

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En 1978, année internationale de lutte contre l'apartheid, le MRAP mit en œuvre en France toute une série d'actions contre l'apartheid[5] : il distribua aux membres de l'Assemblée nationale un document qui demandait une convocation spéciale des députés pour l'anniversaire des émeutes de Soweto; il organisa des projections de films anti-apartheid suivis de débats à Colombes, Malakoff, Nîmes, Carcassonne, Saint-Étienne, Orléans et une exposition de peinture à Nantes[6]; il lança une souscription pour du matériel scolaire et une participation financière pour les jeunes réfugiés d'Afrique du Sud[7]

À la mi-1978, le MRAP lance une première campagne auprès des maires des principales villes de France pour qu'ils donnent à une artère de leur ville un nom évoquant la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud. Sur les treize réponses reçues[8], cinq villes dirigés par trois maires communistes et deux socialistes acceptèrent immédiatement d'organiser des inaugurations : le square Soweto à Malakoff ; la rue Nelson Mandela, la rue Albert Luthuli, et l'allée de Soweto à Reims ; la rue des Martyrs de Soweto à Villeneuve-le-Roi ; le Pont Soweto à Yerres ; la rue Albert-Luthuli à Montpellier. Quatre autres villes donnèrent un accord de principe tandis que trois autres refusèrent.

1979-1985

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En 1979, Droit et Liberté, l'organe de production du MRAP, publiait La France et l'apartheid aux éditions L'Harmattan, un ouvrage tentant d'énumérer les organisations qui luttaient contre l'apartheid ainsi que les sources doctrinaires du régime politique sud-africain[9].

En septembre 1979, le MRAP soutenait l'action engagée par la CGT contre l'importation de charbon d'Afrique du Sud[10].

Le , le MRAP protestait contre les coproductions télévisées entre la France et l'Afrique du Sud, visant plus particulièrement la série Pour tout l'or du Transvaal, une coproduction européenne comprenant TELECIP-A2, KARAT FILMS (Allemagne), RTBF (Belgique) et SABC (Afrique du Sud). Ce feuilleton en 6 épisodes racontait les aventures d'un jeune médecin français venu prendre possession en Afrique du Sud d'une mine d'or reçu en héritage et qui se retrouvait mêlé à la seconde guerre des Boers, un sanglant conflit opposant les britanniques aux Afrikaners, des fermiers d'origine franco-néerlandaise[11].

En 1980, le MRAP et l'Association française d'amitié et de solidarité avec les peuples d'Afrique (AFASPA) demandèrent l'annulation de la tournée de l'équipe de rugby française en Afrique du Sud[12]. À la même époque, le MRAP demanda la libération de Nelson Mandela et a fait pression sur les organismes bancaires pour que les prêts à l'Afrique du Sud soient stoppés[13].

Le , à la suite de l'arrestation de 1270 noirs[14], le MRAP organisa une manifestation devant l'ambassade d'Afrique du Sud à Paris[15].

Le , le MRAP organisa, avec le Mouvement anti-apartheid, un meeting de soutien aux peuples d'Afrique du Sud et de Namibie. Albert Levy, Secrétaire général du MRAP, s'en prit alors aux gens qui ne protestaient contre les violations des droits de l'Homme que dans certains pays[16].

En , le MRAP a organisé, en collaboration avec plusieurs associations d'amitié franco-africaine, une semaine d'information sur l'Afrique australe[17].

Le , une seconde campagne est lancée et le secrétaire général du MRAP Albert Levy adresse aux principales villes de France une lettre dans laquelle le MRAP « suggère aux municipalités de donner le nom des Martyrs de Soweto à une artère ou une place de leur ville. Le soutien aux militants anti-apartheid pourrait également être signifié par des plaques portant le nom de Nelson Mandela, de Salomon Malhangu[18] ou de Neil Aggett[19],[8]. Jacques Chirac, maire de Paris, est le premier à répondre favorablement le [20]. Il inaugurera à la fin des années 1980 une place Dulcie September.

1986 : Sanctions internationales contre l'Afrique du Sud

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Lors de l'anniversaire de création de l'ANC, le MRAP participa à une manifestation devant l'ambassade d'Afrique du Sud à Paris[21].

Début , le congrès des États-Unis adopta des sanctions économiques accrues contre l'Afrique du Sud. En Europe, le ministre des affaires étrangères néerlandais proposa que la CEE adopte rapidement un plan de sanctions contre l'Afrique du Sud (sanctions qui comprennent l'arrêt des importations de charbon). Au Royaume-Uni et en Allemagne, des sanctions furent aussi proposées aussi demandées. « À Paris, le MRAP opina dans le même sens[22] et adressa aux présidents du Sénat et de la chambre des représentants des États-Unis un message « félicitant ces deux assemblées d'avoir voté des sanctions significatives à l'encontre du régime sud-africain »[23]. Le MRAP estima que les autres pays ne sauraient faire moins et appela le gouvernement français et la Communauté Européenne à prendre des mesures similaires[24].

Action contre le mémorial sud-africain de Longueval dédié aux soldats sud-africains

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Plaque commémorative en anglais, afrikaans et français concernant l'ouverture du musée national sud-africain à Longueval par le président Pieter Botha le

Le , Pieter Botha, président de la République sud-africaine, vint au cimetière militaire de Longueval (au sud de Bapaume) pour inaugurer le musée sud-africain. Ce musée commémoratif, bâti autour de la Croix de la Consécration, commémore les 25 000 volontaires sud-africains, hommes et femmes de toutes races et de toutes religions, tombés au cours de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée[25],[26].

Le mémorial pour les sud-africains morts aux côtés des alliés

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Le musée sud-africain fut construit à proximité du mémorial du bois Delville, inauguré le par la veuve du premier ministre Louis Botha (1862-1919). Dessiné par sir Herbert Baker, son arc de triomphe est surmonté d'une statue en bronze, œuvre d'Alfred Turner, représentant Castor et Pollux (symbolisant les Anglais et les Afrikaners) tenant un cheval (l'Union sud-africaine).

Le bois Delville représente, pour les Sud-Africains, le lieu où les soldats de l'Union sud-africaine furent engagés pour la première fois sur le front occidental. Le , la brigade sud-africaine, composée de 4 bataillons, environ 3 150 hommes, avait reçu l'ordre de tenir ses positions « coûte que coûte ». Sous le feu incessant de l'artillerie ennemie, ils avaient résisté et connus un véritable enfer (Delville wood sera rebaptisé Devil wood, le bois du diable). Quand ils furent relevés le , ils laissèrent 1080 des leurs, tués ou disparus et 1735 blessés[26].

Action du MRAP contre le mémorial aux soldats sud-africains

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Le MRAP organisa avec la Ligue des droits de l'homme et SOS Racisme, une manifestation sur place pour protester contre l'hommage rendu par le président Botha aux soldats sud-africains[27]. La CGT avait été la première organisation à avoir organisé le une journée d'action contre la visite du président sud-africain. Elle avait été concrétisée par une journée de manifestation à Paris et en provinces au cours de laquelle s'étaient joints de multiples personnalités engagées comme Bernard Lavilliers, Salif KeÏta, Rachid Bahri, Jean Ferrat, Bernadette Lafont, Isabelle Huppert, Didier Daeninckx, des dirigeants de la CGT, de l'OIM, de l'ANC, du PCF, de la SWAPO, de la FEN, du SNES, de la jeunesse communiste, de l'AFASPA - Association française de solidarité avec l'Afrique et l'Asie -, etc.)[28]. Le , ils furent rejoints par le Parti communiste français (section de Lille), la ligue communiste révolutionnaire, des associations regroupant des immigrés, le Comité Régional Anti-Fasciste et Anti-Raciste (CRAFAR), la CGT, l'Union locale de Lille CFDT, le Mouvement de la paix[29]. Selon ces organisations, le mémorial était organisé selon les principes de l'apartheid avec des tombes et des plaques pour les Blancs et la fosse commune sans aucun nom pour les Noirs[30] Par ailleurs, le MRAP y vit un mémorial de l'apartheid et affirma que le monument ne comportait pas de noms de Sud-Africains Noirs[31].

En fait, le mémorial ne porte aucun nom[26] et aucun soldat noir sud-africain n'est enterré à Longueval. En effet, seuls les hommes blancs avaient le droit de s'enrôler en tant que combattants au sein des Forces de Défense de l'Union Sud-Africaine. Au cours des deux guerres mondiales, les noirs, les métis et les Indiens d'Afrique du Sud avaient le droit de s'engager volontairement pour servir militairement en tant que non-combattant. Toutefois, deux bataillons du Cape Corps servirent en tant qu'unités combattantes en Afrique orientale et en Palestine durant la Première Guerre mondiale[32].

Lors de sa manifestation, le MRAP planta, devant l'église de Longueval, deux arbres, l'un à feuilles blanches et l'autre à feuilles rouges, pour dénoncer un régime qui classe les hommes selon la couleur de leur peau. »[33],[34],[35],[36]. Des membres du Front national et de l'Union nationale des parachutistes étaient également présents dans l'assistance[37].

Références

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  1. Article du Guardian
  2. 75 photographes contre l'apartheid, MRAP et les éditions Différences, Paris, 1988 (ISBN 978-2-9503169-0-5) ; L'apartheid : le dos au mur, Droit et Liberté-L'Harmattan, recueil d'affiches ; L'apartheid, les dossiers du MRAP, Paris, recueil de textes avec des illustrations de Sechaba, organe de l'ANC
  3. Protest, Paris, The Standard, Nairobi, 2 juillet 1974 ; Le Monde, 22 juin 1975 ; Twinning of French city with Cape Town attacked, Daily news international, 3 juillet 1974.
  4. Tract. Archives du MRAP, 43 boulevard Magenta, 75010 Paris.
  5. Cf. 1978 - Année internationale pour la lutte contre l'apartheid, Bulletin no 1/78 du Centre des Nations Unies contre l'apartheid, avril 1978.
  6. Voir À la Mairie : une expo du MRAP contre le racisme, Ouest-France, rennes, 4 novembre 1977.
  7. Tracts. Archives du MRAP, 43 boulevard Magenta, 75010 Paris.
  8. a et b Archives du MRAP, 43 boulevard Magenta, 75010 Paris.
  9. L'Apartheid à la loupe, Afrique - Asie, Paris, 25 juin 1979.
  10. Cf. Le salut du syndicat d'Afrique du Sud, L'Humanité, Paris, 21 septembre 1979. Dans cet article, la centrale syndicale d'Afrique du Sud (Sactu) remercie la CGT pour son geste.
  11. Le MRAP condamne les liens noués avec l'Afrique du Sud, Le Monde, Paris, 19 octobre 1979 ; La TV et l'Afrique du Sud, La Marseillaise, 23 octobre 1979.
  12. Cf. Rugby et anti-apartheid, L'Indépendant, Perpignan, 19 octobre 1980.
  13. Cf. Réunion du comité national anti-apartheid, Dépêche Agence France-Presse, 5 octobre 1980.
  14. Afrique du Sud : nouvelle flambée de luttes, Roge, Montreuil, 14 juin 1980.
  15. Cf. Manifestation contre l'apartheid devant l'ambassade d'Afrique du Sud à Paris, La Liberté, Lille, 20 juin 1980 ; Le Monde, Paris, 21 juin 1980.
  16. À propos du meeting contre l'Afrique du Sud organisé à Paris le 22 mai, L'Humanité rouge, Paris, 5 juin 1981. Voir aussi Afrique du Sud, Le Continent, Paris, 19 mais 1981, et Le Monde, Paris, 22 mai 1981. L'article Jane Fonda indésirable en Afrique du Sud, Combat socialiste, Paris, 25 juin 1981 fait également état de la campagne du MRAP, tout comme l'article Un tournant s'impose, Révolution, Paris, 29 mai 1981. Cf. également Afrique du Sud : appel du MRAP, dépêche Agence France-Presse, 18 juin 1981. Le nouveau président français fraichement élu François Mitterrand adressera un message au MRAP, à l'AFASPA, et au Mouvement anti-apartheid pour réaffirmer le soutien de la France dans les sanctions contre l'Afrique du Sud : cf. La conférence internationale sur des sanctions contre l'Afrique du Sud, dépêche Agence France-Presse, 19 mai 1981.
  17. Moscou et Washington veulent introduire le conflit Est-Ouest en Afrique australe, Le Matin, Paris, 27 février 1982.
  18. Médecin et militant syndicaliste sud-africain. Condamné pour meurtre et pendu en prison le 5 février 1982.
  19. syndicaliste blanc « disparu » puis retrouvé « suicidé » en 1982.
  20. Cf. duplicata des lettres qu'Albert Levy a envoyé le 1er juillet 1982 à Henri Meillat, président du groupe communiste au Conseil de Paris, à Georges Sarre, président du groupe socialiste au Conseil de Paris, à Pierre Bas, président du Groupe RPR au Conseil de Paris, à Paul Pernin, président du groupe Libertés de Paris au conseil de Paris, à Raymond Long, président du Groupe Paris-Renouveau au Conseil de Paris. Archives du MRAP, 43 boulevard Magenta, 75010 Paris
  21. L'ANC a 74 ans, L'Humanité, Paris, 10 janvier 1986.
  22. Sanctions contre Prétoria : bon exemple américain, L'Humanité, Paris, 6 octobre 1986.
  23. Les courriers sont signés par Albert Lévy, Secrétaire général, et George Pau-Langevin, Présidente. Duplicata des courriers, archives du MRAP, 43 boulevard Magenta, 75010 Paris.
  24. Dépêche Agence France-Presse du 7 octobre 1986 référencée « FRA0270 4 I 0243 FRA /AFP-KZ59 »
  25. Le musée national sud-africain inauguré en 1986 par Pieter Botha
  26. a b et c Le mémorial sud-africain
  27. Cf. Interdit de séjour, La Liberté, Lille, 30 octobre 1986 ; Levée de boucliers contre la venue de Pieter Botha, Le Courrier Picard, Amiens, 5 novembre 1986 ; Botha en France : une présence contestée, L'Indépendant, Perpignan, 10 novembre 1986 ; La manif des antiracistes, Midi Libre, Montpellier, 12 novembre 1986 ; La visite de M. Botha à Longeval, La Voix du Nord, Lille, 12 novembre 1986 ; Botha à Longeval : le chef de l'apartheid sous haute protection, La Marseillaise du Berry, Châteauroux et L'Écho Dordogne, Périgueux, 12 novembre 1986
  28. Cf. Persona Non Grata, La Liberté, Lille, 6 novembre 1986 et Révoltés, La Liberté, Lille, 7 novembre 1986.
  29. Cf. Nord Matin, Lille, 8 novembre 1986.
  30. Cf. Nord Matin, Lille, 8 novembre 1986. Voir également Visa pour la Honte, dans je journal Révolution, Paris, du 14 novembre 1986, qui contient une photo de A. Senna des pierres tombales.
  31. Cf. Lyon Matin, Lyon, Saint-Étienne, 11 novembre 1986 ; Le Dauphiné Libéré, 11 novembre 1986 ; Vaucluse matin, Avignon, 11 novembre 1986.
  32. La lutte pour la liberté et la démocratie en Afrique du Sud
  33. Le visiteur de la honte, Témoignage chrétien, du 17 au 23 novembre 1986, p. 3. Botha, le FN et les paras font la Somme, Libération, Paris, 12 novembre 1986.
  34. Racistes sous protection, La Liberté, Lille, 12 novembre 1986.
  35. Longeval sur apartheid, Courrier de l'Oise, Chalons-sur-Saône, 12 novembre 1986. L'article contient par ailleurs une photo de ce militant du MRAP en train de crier sur un dignitaire (photo de G. Grignier). Voir également Le Courrier Picard d'Amiens du 12 novembre 1986.
  36. Longeval (Somme) : l'Afrique du Sud s'offre une belle contre publicité, Nord Matin, Lille, 12 novembre 1986 ; Le Président Sud-Africain dans la Somme : représentant le gouvernement français, le sous-préfet de Péronne est hué par la foule en déposant une gerbe ; la manifestation anti-apartheid tourne à la bataille d'éclairs au chocolat, Nord Éclair, Roubaix, 12 novembre 1986.
  37. Botha, le FN et les paras font la Somme, Libération, Paris, 12 novembre 1986.

Sources

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