Écologie libertaire

forme d'anarchisme insistant sur les problèmatiques environnementales
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L'écologie libertaire, ou dans une moindre mesure l'éco-anarchisme[1], est un courant politique né, sous sa forme actuelle, dans les années 1970. Il se situe au croisement de l'anarchisme et de l'écologisme. Un des éléments constitutifs de ce croisement est « le développement de la question nucléaire, qui a joué un grand rôle en amalgamant dans le même combat milieux libertaires post-soixante-huitards, scientifiques et défenseurs de la nature[2]. »

Le drapeau vert et noir de l'écologie libertaire.

L'écologie libertaire s'appuie sur les travaux théoriques des géographes Élisée Reclus et Pierre Kropotkine. Elle critique l'autorité, la hiérarchie et la domination de l'humain sur la nature. Elle propose l'auto-organisation, l'autogestion des collectivités et le mutualisme[3]. Ce courant est proche de l'écologie sociale élaborée par l'Américain Murray Bookchin, mais aussi du mouvement biorégionaliste fondé par des écoanarchistes des États-Unis.

Très critique envers la technologie, elle défend l'idée que le mouvement libertaire doit, s'il veut évoluer, rejeter l'anthropocentrisme : pour les écologistes libertaires, l'être humain doit renoncer à dominer la nature.

Histoire modifier

Précurseurs modifier

Le taoïsme constitue, pour certains, le plus vieil ancêtre connu à la fois de la critique de la civilisation et de l’apologie de l’anarchisme[4].

Dans les années 1890, les libertaires naturiens sont les précurseurs du mouvement radical de la désertion industrielle et du retour à la nature. Au début du XXe siècle, les militants libertaires associaient souvent leur combat à un mode de vie plus sain, loin des méfaits de la civilisation industrielle.

Élisée Reclus et sa géographie anarchiste, a joué un grand rôle pour « prendre définitivement conscience de notre humanité solidaire, faisant corps avec la planète elle-même, embraser du regard nos origines, notre présent, notre but rapproché, notre idéal lointain  »[5].

Des auteurs radicaux comme Henry David Thoreau, Pierre Kropotkine, Lewis Mumford, Jacques Ellul, Ivan Illich, Cornelius Castoriadis, Alexandre Grothendieck, Françoise d'Eaubonne, André Gorz ou Murray Bookchin ont contribué à cette pensée politique. Ils et elles ont compris très tôt, les limites de la planète et du monde vivant ainsi que la nécessité de sortir de la domination sur la nature[6].

Pensée modifier

Les écologistes libertaires rejettent le principe anthropocentrique selon lequel l'humanité doit être considérée comme supérieure au reste de la nature. Ils affirment au contraire que l'organisation sociale doit se faire en harmonie avec les forces naturelles et non contre elles. La coopération avec le monde naturel, la pédagogie et l'entraide sont les moteurs sociaux de l'écologie libertaire.

Celle-ci considère que les communautés à taille humaine proche localement sont un environnement plus propice à l'autogestion que les grands centres urbains centralisés de la société industrielle. La forme d'organisation politique associée est principalement la fédération de communes libres, d'éco-communautés[7] ou de fédérations de biorégion dans lesquelles communautés humaines et non-humaines chercheraient l'équilibre.

L'écologie libertaire se situe au croisement des courants suivants : l'éducation libertaire, l'anarcho-primitivisme, la décroissance, l'« écologie radicale[8] », le féminisme libertaire (et plus particulièrement l'écoféminisme), la liberté sexuelle, la démocratie directe, le biorégionalisme, le communalisme, la non-violence libertaire, le vegananarchisme, la technocritique et la communauté libertaire.

Le mouvement français des ZAD (zone à défendre) a contribué à expérimenter d'autres rapports non-autoritaires entre les humains mais aussi avec les animaux, végétaux, minéraux, paysages... Dans la lignée de « l'homme est la nature prenant conscience d'elle-même » de Reclus, l'idée que l'humanité et la nature ne soient pas séparés a inspiré le slogan zadiste :

« Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend[9]. »

Murray Bookchin conçoit cela comme une première nature dans laquelle naîtrait une seconde nature[10] « consciente » selon un processus d'évolution naturelle.

Notes et références modifier

  1. « Anarchisme et Écologie : le vert et le noir », L'En Dehors, 21 décembre 2004.
  2. Voir sur revue-lebanquet.com.
  3. Noël Nel, Pour un nouveau socialisme, L'Harmattan, 2010 (ISBN 978-2-296-13282-5), page 277.
  4. SeventhQueen, « Le taoïsme anarchiste contre la civilisation (par Nicolas Casaux) », sur Le Partage, (consulté le )
  5. John P. CLARK, Comment un anarchiste a découvert la Terre : Élisée Reclus, Atelier de création libertaire, (ISBN 9782351041222)
  6. « La liberté dans un monde fragile | Les Éditions L'échappée », sur www.lechappee.org (consulté le )
  7. Murray Bookchin, « Les éco-communautés », u.
  8. « Atelier de création libertaire - Quelle écologie radicale ? », sur atelierdecreationlibertaire.com (consulté le ).
  9. « Nous ne défendons pas la nature ».
  10. « Écologie sociale », sur wildproject.org (consulté le ).

Voir aussi modifier

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Écologiste libertaire.

Bibliographie modifier

  • Patrick Chastenet, Les racines libertaires de l'écologie politique, Paris, L'Échappée, coll. « Pas de côté », , 240 p. (ISBN 9782373091182, présentation en ligne)
  • José Ardillo, La Liberté dans un monde fragile, écologie et pensée libertaire, L'échappée, 2018, présentation
  • Murray Bookchin, Pouvoir de détruire, pouvoir de créer, vers une écologie sociale et libertaire, L'échappée, 2019, présentation
  • Philippe Buton, « L'extrême gauche française et l'écologie », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, Presses de Sciences Po, vol. n° 113, no 1,‎ , p. 191-203 (ISBN 9782724632477, ISSN 0294-1759, DOI 10.3917/vin.113.0191, résumé, lire en ligne)
  • Herbert Kitschelt, « La gauche libertaire et les écologistes français », Revue française de science politique,‎ , p. 339-365 (lire en ligne)
  • Danièle Léger, « Les utopies du "retour" », Actes de la recherche en sciences sociales, nos 29-1,‎ (lire en ligne)
  • Benjamin Fernandez, « Murray Bookchin, écologie ou barbarie », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne).
  • Federico Ferretti, « Élisée Reclus : une philosophie de la nature », Encyclopédie pour une histoire nouvelle de l'Europe lire en ligne (ISSN 2677-6588), 2016, mis en ligne le
  • Christophe Brun, « Élisée Reclus ou l’émouvance du monde », La Vie des idées lire en ligne (ISSN 2105-3030), mis en ligne le
  • Céline Pessis, Survivre et vivre, critique de la science, naissance de l'écologie, L’échappée (Sciences sociales, Histoire des sciences, technologies et sociétés), 2014, 480 p. (ISBN 978-29158307-1-2)
  • André Gorz (Michel Bosquet), Écologie et liberté, éditions Galilée, 1977, lire en ligne

Roman modifier

Radio modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier