Anne Brochard

photographe française

Anne Brochard, née à Périgueux le et morte à Neuilly-sur-Seine le , est une photographe française, brièvement active dans les années 1860 à Paris sous le nom de Mme Molina.

Anne Brochard
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Anne Brochard
Autres noms
Mme Molina, Anna Brochard, Anne Mélina Brochard, Mme Gigault, Mme de Brochard, Mme Marsy
Nationalité
Activité
Famille
Enfant

Devenue couturière sous le nom d'Anna Brochard, elle est également connue pour diverses frasques sous celui de Mme Gigault dans le dernier quart du XIXe siècle. Elle est la mère de l'actrice Anne Marie Louise Joséphine Mars Brochard, dite Mademoiselle Marsy.

Biographie

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Jeunesse

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Anne Brochard naît à Périgueux en 1844, fille d'Henri Brochard, menuisier, et Marguerite Laborde, son épouse[1]. À l'âge de dix-sept ans, dans la même ville, elle épouse Eugène Gigault, employé à l'inspection du matériel de la voie[2], et donne naissance deux ans plus tard à une fille, Anne Marie Eugénie Gigault[3]. Mais le ménage bat rapidement de l'aile et Anne Brochard se débarrasse de son mari en l’envoyant à New York pour s'occuper d'une prétendue affaire de pierres lithographiques[4],[5]. Après avoir séjourné en Espagne, Anne Brochard s'établit à Paris avec son père[6].

En 1866 et 1867 naissent, chez une sage-femme de la rue de l'Arbre-Sec, deux enfants de parents inconnus, sous les noms d'Anne Marie Louise Joséphine Mars[7],[Note 1] et Charles Marie Mars[8]. Peu après qu'Eugène Gigault a réussi à rentrer en France, la séparation de corps et de biens est prononcée contre lui : il est accusé de vivre aux crochets de sa femme, qui conserve la garde de leur fille[4],[9]. En 1880, les enfants Mars seront reconnus par Anne Brochard comme ses enfants naturels[10]. Elle leur donnera son patronyme, Mars devenant leur dernier prénom. À partir de 1883, sa fille deviendra actrice de théâtre sous le pseudonyme de Mademoiselle Marsy.

Mme Molina, photographe

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En 1867, Anne Brochard — qui apparaît désormais sous l'identité de « Mme Gigault (Anne Mélina[Note 2] Brochard) » — reprend, sous l'enseigne « Mme Molina », les rênes d'un atelier de photographie situé 2, rue de la Bourse[11],[12]. Cet établissement, créé par Susse frères, Estienne et Cie en 1861, a périclité et été mis en vente en pour la somme de 5 000 francs[13],[14],[15]. Finalement relancé sous la dénomination « Maison Susse frères », il a un temps été tenu par un photographe du nom de H. Pallu, avant une nouvelle faillite en [16],[17]. Anne Brochard le loue pour un montant annuel de 6 000 francs[6].

Sans expérience dans le commerce, Anne Brochard devient une des rares femmes de l'époque à diriger un atelier en son nom. Comme ses nombreux homologues masculins, elle y propose des portraits, en particulier les portraits-cartes de visite popularisés par le procédé d'Eugène Disdéri depuis 1854. Dans un article exagérément flatteur paru en juin 1867, elle est décrite comme « une de ces femmes exceptionnelles, qui par une prodigalité extrême de la nature, se trouvent être propres tout aussi bien aux œuvres les plus élevées de l'homme qu'au rôle charmant et doux de leur sexe ». Elle est présentée comme une des rares femmes photographes de l'époque, inventrice d'un « appareil très ingénieux qui rend la netteté du portrait infaillible et l'opération d'un rapidité fabuleuse », mais aussi d'un procédé permettant de réaliser rapidement des portraits sculptés[18].

Mais Anne Brochard s'endette rapidement en achetant des meubles en chêne et en acajou[6], et après quelques mois d'activité seulement, en , elle fait à son tour faillite[19],[20]. Un certain Monsieur Sibut, qui lui louait un appartement, la jette à la rue, tout en conservant ses affaires personnelles. Après plusieurs procédures juridiques, le remboursement partiel des créances de l'atelier est acté en [21].

Anna Brochard, couturière

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Vers 1872, sous le nom d'Anna Brochard, elle monte une maison de couture au 16, rue du Quatre-Septembre[22]. Elle fait à nouveau faillite en 1874, mais, peut-être après l'homologation d'un concordat, elle peut continuer son activité jusqu'en 1877 environ[23],[24],[25]. Bien que la maison Brochard n'ait été en activité que quelques années, Anna Brochard sera présentée dans la presse comme « une grande couturière de la rue du Quatre-Septembre » au moment de la publication des bans du mariage de sa fille cadette, en 1886, avec le marquis Jules-Albert de Dion[Note 3],[27].

Affaires de mœurs et escroqueries

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À partir de 1873, Anne Brochard (dite Mme Gigault) est impliquée dans diverses affaires judiciaires. Cette année-là, elle est condamnée à 100 francs d'amende pour coups et blessures[28]. En 1876, à la suite de la plainte de son mari, elle comparaît pour adultère. Même si le flagrant délit n'a pas été établi, le commissaire chargé de l'enquête est convaincu qu'elle est la maîtresse de Laurent Tristan de Bruëys de Saint-André — présenté comme « un jeune homme[Note 4] appartenant à une excellente famille périgourdine » — et « qu'elle reçoit beaucoup d'hommes appartenant à la haute société », dans l'appartement du 19, rue de Berri où elle vit avec sa fille aînée[9],[4]. Comme d'autres journaux, Le Figaro raconte ainsi son passé de demi-mondaine : « La rue de Berry se souvient peut-être encore des toilettes tapageuses et des cascades d'une jolie femme maintenant un peu fanée, parce que les années de jeunesse ont compté double pour elle, comme des années de campagne. Elle s'appelait Madame Gigault. Elle habitait le numéro 19 de la rue de Berry, et la chronique scandaleuse du quartier avait compté les profils divers, profils d'hommes politiques, profils de financiers, profils de journalistes peut-être, qui se seraient montrés tour à tour à la fenêtre de son boudoir. »[29] À l'issue de son procès, elle est condamnée à 100 francs d'amende, mais la presse, qui a fait ses choux gras de l'affaire, tourne Eugène Gigault en ridicule[5],[30].

En 1881, Mme Gigault est condamnée à six mois de prison, puis acquittée en appel, pour abus de confiance et escroquerie dans une affaire de faux tableaux d'Antoine Watteau, impliquant le marquis René de la Tour du Pin, ancien écuyer de Napoléon III[31],[32]. En 1883, elle commence à s'occuper de la carrière de sa fille, premier prix du Conservatoire de Paris et qui débute à la Comédie-Française dans le rôle de Célimène du Misanthrope. En 1884, l'écrivain Paul Mahalin la décrit ainsi : « Elle a tenu — je parle de la maman — l'emploi des grandes coquettes et des femmes d'esprit dans cette zone étroite et assez difficile à définir de la société parisienne qui n'est déjà plus le vrai monde et qui n'est pas encore le demi. »[33],[Note 5]. Mère et fille vivent alors dans un petit hôtel particulier de l'avenue Bugeaud, où elles mènent grand train[34],[35].

En 1894, Mme Gigault est impliquée dans une affaire d'abus de faiblesse sur fond de spiritisme, concernant cette fois la marquise de la Tour du Pin, affaire durant laquelle le propre gendre de Mme Gigault[Note 6] témoigne à charge contre elle, qu'il appelle « la Gigault »[36].

Dernières années

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En 1896, Anne Brochard, veuve depuis 1885[37] et désormais âgée de 52 ans, épouse à Paris Tristan de Bruëys de Saint-André[38]. Le couple s'établit au château de la Crête à Granville[39],[40], puis à Boulogne-sur-Mer après que Bruëys de Saint-André est devenu administrateur du casino[41].

En , toujours domiciliée à Boulogne, Anne Brochard meurt à Neuilly-sur-Seine[42], treize ans après son mari[Note 7]. En 1937, par un jugement paru au Journal officiel, la succession d'« Anne Mélaine [sic] Brochard, veuve Laurent Tristan Brueys, de Saint-André » est déclarée en déshérence.

Notes et références

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  1. Sans doute parce qu'elle est née au mois de mars.
  2. Ce second prénom ne figure pas sur son acte de naissance. Selon les sources, c'est parfois Méline ou Mélaine qui est ajouté.
  3. Annoncé dans la presse, ce mariage n'a en réalité jamais eu lieu, « sur l'opposition formelle et judiciaire de la famille » du fiancé[26].
  4. Il n'est pourtant son cadet que de deux ans.
  5. Elle apparaît alors dans la presse sous les noms de Mme de Brochard ou Mme Marsy (mère).
  6. Paul Émile Mallart-Cressin, capitaine d'infanterie de marine, a épousé Anne Marie Eugénie Gigault en 1882 à Paris.
  7. Il est enterré le au Père-Lachaise, après que son corps a été rapatrié de Boulogne-sur-Mer[43].

Références

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  1. Acte de naissance Brochard, no 522, , Périgueux, Archives départementales de la Dordogne (vue 136) [lire en ligne]
  2. Acte de mariage Gigault-Brochard no 29, , Périgueux, Archives départementales de la Dordogne
  3. Acte de décès Gigault, no 1535, , Paris 16e, Archives de Paris
  4. a b et c « Tribunal correctionnel de Paris. Adultère. Un mari qui se plaint un peu tard », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Soleil, (consulté le ), p. 2-3
  5. a et b Maître Guérin, « Courrier du palais », sur Gallica, L'Univers illustré, (consulté le ), p. 822-823
  6. a b et c Anne McCauley, « Of Entrepreneurs, Oppportunists, and Fallen Women: Commercial Photography in Paris, 1848-1870 », in Perspectives on Photography: Essays in Honor of Beaumont Newhall, University of New Mexico Press, 1986, p. 74 (ISBN 978-0-8263-0862-7)
  7. Acte de naissance Mars, no 474, (avec mentions marginales), Paris 1er, Archives de Paris
  8. Acte de naissance Mars, no 143, (avec mentions marginales), Paris 1er, Archives de Paris
  9. a et b Fernand de Rodays, « Gazette des tribunaux », sur Gallica, Le Figaro, (consulté le ), p. 2
  10. Actes de reconnaissance Brochard, no 815 bis et 815 ter, , Paris 16e, Archives de Paris
  11. « Le portrait du général Primm… », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Droit, (consulté le ), p. 3
  12. « Chronique (En raison de l'affluence…) », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, La Patrie, (consulté le ), p. 3
  13. « Création d'une société en nom collectif (Minutes et répertoires du notaire Jean Germain DEFRESNE, 7 novembre 1861, cote MC/ET/LXXIII/1483) », sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr, Archives nationales (consulté le )
  14. Aubry Foucault, « Nouvelles diverses (Il existe à Paris un grand nombre…) », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, La Gazette, (consulté le ), p. 2
  15. « Cahier des charges pour la vente d'un fonds de photographie désigné sous la raison sociale, Susse frères, Estienne et Cie (Minutes et répertoires du notaire Antoine Gustave Mas, , cote MC/ET/LXXII/911) », sur www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr, Archives nationales (consulté le )
  16. « Maison Susse frères [encart publicitaire] », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, L’Opinion nationale, (consulté le ), p. 4
  17. « Tribunal de commerce. Déclarations de faillites », sur Gallica, Le Temps, (consulté le ), [3/4]
  18. Gaston de Chevrigny, « Une femme inventeur », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Mémorial de Gaillac, (consulté le )
  19. « Tribunal de commerce de la Seine. Déclarations de faillites du  », sur Gallica, La Liberté, (consulté le ), [vue 2/4]
  20. Thomas Galifot, « La parentèle au risque de la photographie ? Amateures et professionnelles au XIXe siècle et au début du XXe siècle (France, Grande-Bretagne, États-Unis) », sur AWARE Women artists / Femmes artistes, (consulté le )
  21. « Répartitions », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Droit, (consulté le ), p. 3
  22. « Brochard (maison) », sur Gallica, Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, Firmin Didot et Bottin réunis, (consulté le ), p. 164
  23. « Faillites. Déclarations de faillites du 28 avril », sur Retronews, Le Droit, (consulté le ), p. 3
  24. « Concordats », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Droit, (consulté le ), p. 4
  25. « Brochard (maison) », sur Gallica, Annuaire-almanach du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration : ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers, Firmin Didot et Bottin réunis, (consulté le ), p. 177
  26. René Kerviler, Répertoire général de bio-bibliographie bretonne. Livre premier, Les Bretons. 8, CARN-CHAST, Rennes, J. Plihon et L. Hervé, 1886-1908 (lire en ligne), vue 527/535
  27. « Courrier des théâtres », sur Gallica, Le Figaro, (consulté le ), p. 4
  28. « Journal du palais. Quelques escrocs du grand monde », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, La Justice, (consulté le ), p. 3
  29. « Gazette des tribunaux », sur Gallica, Le Figaro, (consulté le ), p. 3
  30. « Chronique des tribunaux », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, L’Événement, (consulté le ), p. 3
  31. « Gazette des tribunaux », sur Gallica, Le Figaro, (consulté le ), p. 3
  32. « Tribunaux », sur Gallica, Le Rappel, (consulté le ), [vue 3/4]
  33. Paul Mahalin, Les Jolies Actrices de Paris. Quatrième série, Paris, Tresse, (lire en ligne), p. 35-36
  34. Arnold Mortier, « Les Soirées parisiennes de 1883, par un monsieur de l'orchestre », sur Gallica, Paris, Dentu, (consulté le ), p. 530
  35. Henry Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français, ceux d'hier : biographie, bibliographie, iconographie.... T. 2. E-Z, Genève, 19?? (lire en ligne), p. 399
  36. « Le roman de la marquise de la Tour du Pin », sur Gallica, Le XIXe siècle, (consulté le ), [vues 1/4 et 2/4)
  37. Acte de décès Gigault, no 1141, , Paris 10e, Archives de Paris
  38. Acte de mariage Brueys de Saint-André - Brochard, no 809, , Paris 8e, Archives de Paris
  39. « De Saint-André c. L'Union et Gastebois », sur Gallica, Journal des assurances terrestres, maritimes, sur la vie, etc. : législation, doctrine, jurisprudence, (consulté le ), p. 204-208
  40. « Le monde et la ville », sur Gallica, La Liberté, (consulté le ), [vue 2/4]
  41. « La réception au casino de Boulogne », sur Gallica, Bulletin officiel du Nord-touriste et de l'Automobile-club du Nord, (consulté le ), p. 384
  42. « Successions en déshérence », sur Gallica, Journal officiel de la République française. Lois et décrets, (consulté le ), p. 11324
  43. Registre journalier d'inhumations, , cimetière du Père-Lachaise, Archives de Paris (vue 23/31)

Liens externes

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