Armée de libération oromo

L'Armée de libération oromo (en abrégé ALO ; en oromo Waraana Bilisummaa Oromoo, WBO) est un groupe armé d'opposition, actif dans la région d'Oromia, en Éthiopie. L'ALO se compose principalement d'anciens membres armés du Front de libération oromo qui avaient refusé de se désarmer par scepticisme à l'égard de l'accord de paix signé avec le gouvernement éthiopien en 2018, ainsi que d'anciens jeunes manifestants qui ont été déçus par la résistance non violente[1].

Armée de Libération Oromo
Image illustrative de l’article Armée de libération oromo

Idéologie Nationalisme oromo
Positionnement politique Gauche
Statut Actif
Fondation
Fondé par Jaal Marroo
Scission de Front de libération oromo
Actions
Mode opératoire Guerilla, enlèvement, attentat
Période d'activité 2018-aujourd'hui
Organisation
Chefs principaux Jaal Marroo, Sanyi Nagassa, Gammachis Aboye, Liban Guracha, Sabaif Galgalo, Rabira Bilisumma, Qeeranso Wayu
Fait partie de Front uni des forces fédéralistes et confédéralistes éthiopiennes
Répression
Considéré comme terroriste par Éthiopie
Guerre du Tigré, Insurrection oromo de 2021, Offensive conjointe du Front de libération du peuple du Tigré et de l'Armée de libération oromo

Depuis l'accord de paix de 2018, le gouvernement éthiopien considère le FLO comme un parti politique légal mais pas l'ALO (qui a refusé cet accord de paix). Le groupe est d'ailleurs considéré comme un terroriste[2] par l'Ethiopie depuis 2021. Cependant, certains journalistes ou hommes politiques éthiopiens accusent l'ALO de n'être que la branche armée du FLO[3].

En 2021, le groupe adopte comme nom officiel « Front de libération oromo-Armée de libération oromo » (FLO-ALO)[4]. Cependant, le gouvernement éthiopien refuse d'appeler le groupe par son nom choisi et préfère l'appeler « OLF-Shene »[5].

L'ALO définit elle-même son principal objectif comme étant de « protéger le futur, la liberté, la démocratie et l'auto-détermination du peuple oromo et de ses voisins »[6].

Dans son manifeste politique, le groupe ne se définit jamais comme « séparatiste » ou « indépendantiste » mais comme défenseur du « droit à l'autodétermination du peuple oromo » et de l'« indépendance institutionnelle » des Oromos[7].

Origines modifier

L'Armée de libération d'Oromo, alors l'aile militaire du Front de libération d'Oromo (FLO), est formée en 1974 à la suite de la révolte de Bale. Cette révolte a eu lieu lieu dans les années 1960 dans une partie de l'actuelle Oromia en réaction à ce qui fut considéré par une grande partie des oromos comme une oppression systémique du gouvernement de Haïlé Sélassié à l'égard de leur peuple[8].

En août 2018, un accord de paix est signé entre le gouvernement éthiopien et le Front de Libération Oromo, déclarant un cessez-le-feu ainsi que le désarmement du groupe au profit de la poursuite des activités du FLO par des « moyens pacifiques »[9]. Cependant, certaines factions de l'ALO, la branche armée du groupe, ont refusé de se désarmer par scepticisme quant à la réelle volonté du gouvernement de respecter l'accord. Elles ce sont donc dissociés du FLO et ont créé la forme actuelle de l'Armée de Libération Oromo. Par la suitede nombreux membres de du FLO qui avaient accepté de se désarmer ont fini par rejoindre l'ALO après avoir considéré que l'accord de paix n'était pas respecté par le gouvernement[10].

Structure de commandement modifier

Depuis la création du groupe en 2018, le commandant en chef de l'ALO est Jaal Marroo[11], Gemechu Aboye en est le chef adjoint[12], et Odaa Tarbii le porte-parole international[13].

Le reste de la structure de commandement de l'organisation est inconnue.

Objectifs modifier

En janvier 2023, l'ALO a publié un manifeste politique dans lequel elle exposait ses objectifs. Elle y déclare notamment lutter pour « le droit du peuple oromo à l'autodétermination », ainsi que pour libérer le « peuple oromo » de « l'exclusion politique, de l'exploitation économique et de la marginalisation socioculturelle ». Le groupe y exige également « le respect et la pleine reconnaissance de la langue, de la culture et de l'historie oromo. »[14]

Le groupe est communément considéré comme étant issu du nationalisme oromo[15]. C'est-à-dire qu'il à pour but d'améliorer le sort des oromos en Éthiopie. Aussi bien sur la scène politique que dans les domaines de la santé ou de l’éducation par exemple[16].

Droits humains modifier

Politique du groupe modifier

Dans un communiqué de presse du 10 décembre 2022, le haut commandement de l'ALO a déclaré que sa lutte ne se faisait contre aucune ethnie particulière et a appelé le peuple oromo à éviter les tentatives du gouvernement éthiopien de déclencher des affrontements avec « nos frères et sœurs de différentes communautés ». Ils ont en également appelé les oromos à protéger les membres des minorités ethniques de la région d'Oromia [17]

Accusations de crimes modifier

L'ALO a été accusée par le gouvernement éthiopien d'avoir commis des exécutions extrajudiciaires, accusations que L'ALO a toujours nié[18].

Le 2 novembre 2020, 54 personnes appartenant à l'ethnie amhara - pour la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées - ont été tuées dans le village de Gawa Qanqa, par des membres présumés de l'ALO après que les forces de sécurités aient quitté l'endroit[19].

L'ALO a nié toute responsabilité dans ce massacre et a déclaré :

« L'ALO tient à exprimer ses plus sincères condoléances à toutes les victimes de ces terribles atrocités. Nous tenons également à souligner que nous ne sommes pas responsables de ces actes. L'administration locale [du groupe] travaille aux côtés de la police d'Oromia et des anciens transfuges de l'ALO pour mener à bien ces opérations[20]. »

En juin 2022, des habitants ont accusé l'ALO d'avoir tué plus de 200 personnes de l'ethnie amhara. L'ALO nie ces allégations, affirmant que ces meurtres ont été commis par les forces gouvernementales ainsi que par des milices affiliés à ces dernier.

L'attaque à laquelle vous faites référence a été commise par l'armée et la milice locale du régime alors qu'ils se retiraient de leur camp à Gimbi suite à notre récente offensive. Ils se sont enfuis dans une zone appelée "Tole", où ils ont attaqué la population locale et détruit leurs biens en représailles à leur soutien prétendu à l'ALO. Nos combattants n'avaient même pas atteint cette zone lorsque les attaques ont eu lieu. - Odaa Tarbii, Le porte-parole international de l'ALO dans un message à AP News [21]

Dans son manifeste politique de janvier 2023, l'OLA a réitéré ses appels à des enquêtes indépendantes sur les atrocités ou les rapports d'atrocités commises à Oromia, déclarant : « Nous encourageons vivement la communauté internationale, par le biais des Nations Unies et/ou d'autres mécanismes, à découvrir la vérité. De notre côté, nous continuons d'appeler à des enquêtes indépendantes crédibles et mandatées au niveau international sur les atrocités ou les rapports d'atrocités commises à Oromia." [14]

Insurrection contre le gouvernement éthiopien modifier

Offensive contre les forces gouvernementales modifier

Fin octobre 2021, durant la guerre du Tigré, le groupe lance aux côtés du FLPT une offensive contre les forces gouvernementales. Durant cette dernière il combat aussi bien au côté des insurgés tigréens en région Amhara que seul en Oromia où il s'empare de larges portions de territoire, notamment dans les zones de Horo Guduru Welega, Mirab Welega et Mirab Shewa[22]. Le 1er novembre, le chef du groupe,Jaal Marroo a déclaré que l'ALO a pris le contrôle de "plusieurs villes de l'ouest, du centre et du sud de l'Oromia, faisant face à peu de résistance de la part des forces gouvernementales qui se retiraient"[23].

Le 31 octobre 2021, l'ALO s'est illustrée par la prise de Kemise, ville stratégique située en région Amhara le long de l'autoroute A2. Cette victoire permet aux forces tigréennes qui venaient de prendre Kombolcha d'avancer en direction d'Addis-Abeba, capitale fédérale éthiopienne[24].

Fin octobre 2022, malgré les revers militaires de son allié tigréen[25], l'ALO a lancé une offensive militaire à grande échelle dans l'ouest et l'est de la région de Welega. Le 6 novembre de la même année, le groupe entre dans Nekemte, la principale ville de la région, où ils se sont engagés dans des combats urbains avec l'armée éthiopienne. L'attaque se solde finalement par un échec et les troupes de l'ALO se retirent de la ville le jour même[26]. En février 2022, d'après le parlementaire oromo, Hangasa Ibrahim, l'ALO contrôlerait 396 villes et villages en Oromia, cela correspondrait à environ 10% de la région. A la même période le groupe revendiquait contrôler un tiers de l'Oromia[27].

Mise en échec par l'armée éthiopienne et retour à la guérilla modifier

Après la signature le 2 novembre 2022 des accords de Pretoria entre le gouvernement éthiopien et les rebelles tigréens[28] l'ALO perd un précieux allié et devient la préoccupation principale des autorités éthiopiennes[29]. Durant toute la fin d'année 2022 l'armée éthiopienne, aidée notamment par les amharas de la milice Fano chasse le groupe des villes et des axes de communications qu'il occupait. Les combats sont particulièrement violents dans la zone de Horo Guduru, qui est le théâtre d'affrontements d'une rare brutalité et dans la ville de Mendi qui est frappée quatre fois par des drones de combat éthiopiens[22].

Le 22 avril 2023, Abiy Ahmed annonce son intention de négocier avec l'ALO[30]. Finalement ces négociations commencent le 25 avril à Zanzibar en Tanzanie[31].

Statut légal modifier

Meta (Facebook) désigne l'ALO comme "individus et organisations dangereux" sur sa liste d'organisations ou d'individus ayant une "mission violente" ou étant engagés dans la violence[32].

Le 6 mai 2021, la Chambre des représentants du peuple éthiopienne a déclaré que l'ALO était une organisation terroriste[3].

Analyse modifier

Soretti Kadir, une activiste de la cause oromo, a affirmé en juillet 2021 que les actions de l'ALO "répondaient à la violence d'État systémique et durable" du gouvernement fédéral éthiopien à l'encontre de l'ethnie oromo[10].

De son côté, Nagesa Dube, ancien député de l'Oromia, se montre défavorable à la stratégie violente du groupe et soutient que « l'ALO cible apparemment les employés civils du gouvernement pour instiller la peur dans le public »[33].

Notes et références modifier

  1. (en-US) St et ard, « Op-ed: The boomerang effect: How political betrayal transformed Oromo youth protest to armed resistance », Addis Standard, (consulté le )
  2. ,« Fed. Attorney General says terrorist designated "Shene" refers to Oromo Liberation Army; OLA responds, vows to "engage in total war" », Addis Standard,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. a et b (an) « Ethiopia: Victory for the Oromo will come from winning hearts and minds, not terrorising people »
  4. (en-US) « Announcement from the OLF-OLA General Assembly - Oromo Liberation Army », sur olacommunique.com, (consulté le )
  5. « Ethiopia to designate TPLF, OLF-Shene as 'terror' groups », Al Jazeera,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. (an) « About the OLF-OLA »
  7. (an) « A BRIEF POLITICAL MANIFESTO - From Armed Struggle to the Prospect for Peace »
  8. (an) « INSURRECTION AND INVASION IN THE SOUTHEAST, 1962-78 »
  9. (an) « Ethiopia govt agrees peace deal with Eritrea-based 'ex-terror' group »
  10. a et b (an) « Ethiopia: The Oromo Liberation Army is not a terrorist organisation »
  11. « Éthiopie : l’OLA, l’autre groupe armé déterminé à renverser Abiy Ahmed »
  12. (sw) « Oromo-gerillan: Abiy är som en döende häst »
  13. « Twitter »
  14. a et b OLF-OLA, « A BRIEF POLITICAL MANIFESTO: From Armed Struggle to the Prospect for Peace » [archive du ], (consulté le )
  15. « En Éthiopie, un nouveau front s’ouvre dans la région de l’Oromia »
  16. « Waaqeffannaa : une association religieuse d'Éthiopie entre nationalisme ethnique et idéologie afrocentriste »
  17. (en) « The Revival of a New Social Movement Across the Oromia Region – (OLF-OLA Press Release) »,
  18. (an) « At least 54 killed in Ethiopia massacre, says Amnesty »
  19. (en) « Ethiopia: over 50 killed in 'horrendous' attack on village by armed group »
  20. (an) « Worsening violence in western Ethiopia forcing civilians to flee »
  21. (en) « Witnesses say more than 200 killed in Ethiopia ethnic attack », AP NEWS, (consulté le )
  22. a et b « Après le Tigré, l’Ethiopie voit surgir le spectre d’une autre guerre civile dans la région Oromia »
  23. (an) « Oromo Liberation Army: On the ground with Ethiopian fighters »
  24. « En Éthiopie, la bataille de Dessié ouvre aux rebelles tigréens la voie vers Addis-Abeba »
  25. « En Éthiopie, sur les traces des combats entre rebelles tigréens et forces gouvernementales » Accès payant
  26. (an) « News: Civilians killed following intense fighting between rebel group, government forces in Nekemte, western Oromia region »
  27. « En Ethiopie, un nouveau front s’ouvre dans la région de l’Oromia » Accès payant
  28. « Éthiopie : gouvernement et rebelles du Tigré signent un accord de cessation des hostilités, à Prétoria »
  29. « Éthiopie: les combats continuent entre rebelles oromos et l'armée fédérale »
  30. « Éthiopie : l'État envisage de négocier avec les rebelles Oromos »
  31. « Éthiopie Discussions de paix à Zanzibar entre Addis Abeba et les rebelles »
  32. (en) « Dangerous Individuals and Organizations | Transparency Center », transparency.fb.com (consulté le )
  33. « Ethiopia: Victory for the Oromo will come from winning hearts and minds, not terrorising people »

Références externes modifier