Bataille du Tage

bataille entre des tribus celtibères (Carpétans, Vaccéens et Olcades) et l'armée carthaginoise commandée par Hannibal Barca

La bataille du Tage est une bataille entre une armée punique commandée par Hannibal Barca contre une grande armée des Carpétans, à laquelle se sont joints des contingents des Vaccéens et des Olcades. Elle se déroule en , probablement au cours de l'automne, à côté du Tage, dans sa partie supérieure, près de Tolède.

Bataille du Tage
Description de cette image, également commentée ci-après
Campagnes d'Hannibal Barca dans la Meseta centrale en -
Informations générales
Date Automne
Lieu Gué du Tage, près de Tolède (Province de Tolède)
Issue Victoire décisive carthaginoise
Belligérants
Carpétans
Contingents vaccéens et olcades
Carthage
alliés africains, alliés orétans et divers mercenaires
Commandants
Chefs de tribus (Carpétans, Vaccéens et Olcades) Hannibal Barca
Forces en présence
100 000 hommes (Polybe et Tite-Live)
40 000 hommes (estimation moderne)
20 000 fantassins
6 000 cavaliers
40 éléphants
Pertes
8 000 fantassins (estimation) 600 cavaliers (estimation)
1 000 fantassins (estimation)

Conquête de l'Espagne barcide

Cet affrontement sur le chemin du retour à sa base principale de Qart Hadasht en Hispanie punique constitue la première bataille rangée menée par le commandant carthaginois après les sièges réussies d'Althia, d'Hermantica (Salamanque) et d'Arbocala (Toro). Elle oppose une armée punique composée d'une base africaine (infanterie lourde et éléphants de guerre) avec de nombreux alliés ou mercenaires d'origine ibère ou celtibère à des troupes d'infanterie des peuples de la Meseta.

Polybe et Tite-Live, les deux seules sources évoquant la bataille, mentionnent 100 000 hommes pour les Carpétans, nombre diminué à 40 000 hommes par les sources modernes. En face, les Carthaginois et leurs alliés sont moins nombreux. Après avoir franchi le Tage, les Carthagniois construisent un camp fortifié avant de repasser le fleuve de nuit. Le lendemain matin, les Carpétans traversent le cours d'eau et sont mis en fuite par la cavalerie punique et les éléphants d'Hannibal Barca.

Contexte historique

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Après sa défaite lors de la première guerre punique, Carthage oriente ses forces vers la conquête de la péninsule Ibérique afin de trouver une source alternative aux ressources fournies par les territoires de Sicile et de Sardaigne perdus au profit de Rome, et ainsi éviter de tomber dans une dépendance vis-à-vis des marchands italiens[A 1]. Les deux premiers commandants puniques qui se succèdent, Hamilcar Barca puis Hasdrubal le Beau, tentent d'obtenir la soumission, par la force ou par des alliances, des territoires tartessiens et ibériques du sud et du sud-est de la péninsule[B 1]. Une fois ces territoires conquis ou vassalisés, Hasdrubal le Beau, peu avant sa mort, lance des actions militaires visant à prendre le contrôle des territoires intérieurs de la Meseta[1].

Après la mort d'Hasdrubal le Beau aux mains d'un client du roi Tagus, Hannibal Barca est choisi comme chef de l'armée carthaginoise en Ibérie[A 2]. Il poursuit la stratégie mise en place par son prédécesseur et beau-frère en soumettant en les Olcades, situés au sud-est de la Meseta, et entreprenant une campagne contre les Vaccéens situés au nord-est de ce haut-plateau en [2]. Ses objectifs sont multiples : prisonniers de guerre qui vont travailler dans leurs mines de Qart Hadasht et du haut Guadalquivir, réserves de céréales d'après Adolfo Domínguez Monedero et Eduardo Sánchez Moreno, ou bien encore mercenaires pour la cavalerie[A 3],[D 1]; mais également pour José María Blázquez Martínez la sécurisation de l'arrière de leur territoire principal avant de se lancer dans leur expédition contre Rome[D 2] ou encore d'après J. M. Roldán pour l'exploitation de nouvelles ressources minières[D 3]. La théorie la plus récente évoquée par J. Mangas mentionne le contrôle du commerce du sel car la production des mines de sel sous contrôle punique est orientée vers les peuples de la Meseta qui en sont des consommateurs importants ; l'objectif est de continuer les échanges de cet agent conservateur contre des produits agricoles et des auxiliaires[D 1].

Pour cette campagne sur la Meseta, Hannibal Barca quitte Qart Hadasht et se dirige vers l'extrémité orientale de la Sierra Morena pour la border sur son versant nord, traversant le territoire de ses alliés Oretans en direction de l'ouest jusqu'à atteindre le territoire des Vettons, où il tourne vers le nord le long de le tracé qui sera plus tard la Vía de la Plata jusqu'à atteindre l'objectif final de sa campagne : le territoire des Vaccéens[3].

Chez les Vaccéens, Hannibal Barca assiège d'abord Hermantica qu'il réussit à prendre après plusieurs combats et négociations[A 2]. Il assiège ensuite Arbocala pour finalement la prendre après une résistance acharnée de la part de ses habitants[D 4]. Au retour de cette campagne, Hannibal est intercepté par une armée carpétane sur un gué, ces derniers l'attendent sur la rive gauche du Tage, près de l'actuelle Tolède[4],[B 2],[E 1]. Les Carpétans sont rejoints par des fugitifs vaccéens et olcades, ces deux derniers peuples ayant convaincu les Carpétans d'attaquer les Carthaginois[4],[B 2].

Forces en présence

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Armée carthaginoise et alliés

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La composition de l'armée carthaginoise est difficile à établir[C 1]. Les hypothèses sont basées sur des sources grecques ou romaines (Diodore de Sicile, Polybe ou Tite-Live) qui sont souvent hostiles aux Carthaginois[C 2]. Les sources puniques ont disparu et l'archéologie n'a pas encore permis de compenser cette perte[C 1]. L'historiographie récente remet en cause l'usage massif des mercenaires par celle-ci, l'appel aux citoyens puniques semble courant[C 3].

L'armée punique a un caractère hellénistique[C 4], avec un noyau formé de phalanges d'infanterie lourde, compacte, bien entraînée pour permettre une maniabilité raisonnable et très puissante en attaque frontale[C 3]. Ces phalanges, sans sarisse, soutenues par des unités d'infanterie légère et de cavalerie peu nombreuses[C 5]. Les membres de ces unités, probablement déjà entraînés sous Hamilcar Barca, sont assez professionnels tout en ayant servi longtemps, ce qui a permis une formation efficace et homogène[C 6]. Quant à leurs armes, elles sont standardisées, même si les Carthaginois ont recours à l'utilisation d'armes « exotiques » comme les éléphants de guerre[C 7].

Hamilcar Barca aurait fait évoluer la composition de l'armée punique[C 8]. Fernando Quesada Sanz estime que l'incorporation de troupes ibères et celtes permet de limiter la perte de vétérans d'origine africaine lors des campagnes dans la péninsule[C 8]. Giovanni Brizzi évoque lui une réforme militaire de l'armée punique basée en Ibérie sous Hannibal Barca, elle consisterait à incorporer des troupes gauloises ou ibères à la place de la phalange au centre du dispositif mais il s'agit ici d'une interprétation personnelle non évoquée par les sources antiques[C 9]. Selon Eduardo Sánchez Moreno, des interprètes indigènes auraient accompagnés l'armée d'Hannibal Barca lors de l'expédition de pour guider l'armée punique ou négocier des traités, ils sont probablement d'origine carpétane ou orétane[D 5].

En Ibérie carthaginoise, cette armée est dirigée par des officiers supérieurs composés de nobles carthaginois, mais à sa base ses citoyens combattent peu en dehors de l'Afrique à partir de la première guerre punique[C 10]. Elle est donc composée principalement dans ce secteur de l'empire punique de troupes de trois types, différenciées selon leur origine : sujets de Carthage comme les Turdétans ou les Libyens[A 4], peuples alliés comme les Oretans ou les Numides[A 5], des mercenaires en contingents complets, tel est le cas des Celtibères[A 6],[C 7]. Les officiers subalternes sont souvent de la même origine que les soldats qu'ils commandent car les alliés ou mercenaires sont engagés en unité complète[C 11].

En raison du vaste territoire de l'Ibérie déjà contrôlé par les Carthaginois et de leur besoin de surveillance, Hannibal Barca n'utilise qu'une partie de son armée pour cette campagne dans la Meseta. Les estimations pour ses troupes sont de 20 000 fantassins et de 6 000 cavaliers. Polybe nous informe qu'il possède également 40 éléphants[5]. D'autre part, Hannibal Barca est accompagné d'un groupe de commandants tels que son lieutenant Maharbal, son neveu Hannon, fils de Bomilcar, ainsi que ses frères cadets : Hasdrubal et Magon Barca.

Carpétans et alliés

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Dessin d'un soldat ibérique avec une épée courte dans la main droite, un petit bouclier rond dans la main gauche, une lance dans le dos et avec un petit bouclier rond fixé sur sa poitrine
Reconstitution d'un soldat ibérique.

Les Carpétans, les Vaccéens et les Olcades sont des voisins et des traités d'assistance les lie certainement entre eux[B 3],[6]. Ce sont des tribus d'origine celtique et leurs armées respectives ont la structure connue sous le nom de « bande de guerre », c'est-à-dire composée de groupes de guerriers chacun lié à son propre chef par des liens de dépendance, de clientèle ou de famille[C 1]. Ces groupes sont constitués d'infanterie avec un entraînement et des armes inégaux, puisqu'une grande partie de leurs membres ne sont pas des guerriers professionnels entourant un petit groupe de guerriers bien entraînés[C 1]. Leur manière de combattre repose sur des formations denses qui utilisent une tactique d’attaques initiales massives et très violentes en forme de coin, mais ils leur manquent la discipline nécessaire pour surmonter les échecs ou résister à l’adversité[C 1]. Le dispositif est complété par une infanterie légère lançant des javelots[C 1].

Cette armée manque d'un commandement unifié, puisqu'aucune des sources qui racontent la bataille n'indique l'existence d'un chef suprême de l'armée. Élément contraire aux guerres précédentes entre les tribus hispaniques et les Carthaginois avec les noms d'Istolacio, d'Indortes ou du roi Orisón[A 7].

L'effectif de l'armée carpétane est calculé par Polybe et Tite-Live à 100 000 hommes, nombre que les historiens modernes considèrent comme exagéré et que les estimations actuelles limitent à 40 000[B 4]. Si une cavalerie est présente elle combat souvent à pied[C 1]. Ce type d'unité doit être absent lors de cette bataille car l'armée carpétane semble presque exclusivement d'infanterie, la cavalerie carthaginoise ne rencontrant aucune opposition lors des hostilités.

Bataille

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Mouvements

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Après avoir procédé aux pillages d'Hermantica et d'Arbocala, Hannibal Barca entame le retour à sa base de Qart Hadasht en étant probablement chargé d'après Adolfo Domínguez Monedero de blé de la vallée du Douro et de divers animaux d'élevage du nord-ouest de la Meseta[B 5],[D 6]. Il quitte alors le territoire vaccéen pour entrer dans la Carpetanie, traversant la Meseta par l'actuel passage du col de la Fuenfría et suit un chemin traditionnellement utilisé par les tribus indigènes qui relie l'actuelle Ségovie à Lezuza en passant par Titulcia[B 6], et qui après la conquête romaine deviendra une voie romaine. Une fois dans la vallée du Tage, il se dirige vers l'un des gués de la rivière qui peut lui permettre de traverser le fleuve[D 7].

E. Meyer évoque quant à lui une autre possibilité, les forces carpétanes auraient poursuivi l'armée carthaginoise jusqu'au gué sur le Tage, puis une fois celui-ci franchit par l'armée punique et elle aurait fait face à ses poursuivants[F 1]. Harry Morrison Hine estime que cette hypothèse ne tient pas compte de l'ensemble du texte de Polybe sur cette bataille[F 2]. F. W. Walbank suggère qu'Hannibal Barca a déjà franchi le Tage lorsqu'il apprend qu'il est poursuivi par l'armée carpétane et qu'il décide de faire demi-tour pour l'affronter à la sortie du gué[F 2]. Harry Morrison Hine estime que l'interprétation d'une phrase de Polybe est erronée, ce qui implique que l'armée punique n'aurait pas fait demi-tour[F 3].

Harry Morrison Hine propose une interprétation du texte de Polybe[F 5]. Après avoir traversé la rivière, Hannibal Barca est informé par ses éclaireurs qu'une grande armée de Carpétans se trouve sur son chemin, attendant de l'affronter[E 2]. L'armée carthaginoise, largement en infériorité numérique et dont la mobilité est réduite en raison du butin qu'elle transporte, évite l'affrontement en se retirant sur la rive gauche du fleuve mais sans le traverser à nouveau[E 3],[F 6]. Une fois cet objectif atteint, Hannibal Barca ne traverse pas la rivière mais ordonne la construction d'un camp défensif qui leur offre une protection temporaire contre les ennemis[F 7],[E 3].

Les Carpétans s'installent devant le camp et se concertent sur la tactique à adopter en attendant la bataille[E 3]. Laissant une arrière-garde et les feux allumés dans le camp carthaginois, Hannibal Barca et la majorité de son armée profite de la nuit pour traverser le fleuve jusqu'à la rive droite en s'assurant que leurs mouvements ne soient pas remarqués par leurs ennemis, tactique peu courante à l'époque[E 3],[F 6].

Affrontement

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Trois cadres représentant le déroulement de la bataille du Tage dans le gué et la poursuite engagée contre les Carpétans
Déroulement de la bataille en liant les récits de Polybe et de Tite-Live selon Harry Morrison Hine en 1979.

La nécessité de traverser la rivière à travers le gué existant et l'habileté d'Hannibal Barca à construire son campement défensif obligent les Carpétans à passer par un lieu particulier pour pouvoir traverser le fleuve[F 8]. Cela provoquent un effet similaire à celui de la bataille des Thermopyles, obligeant une grande armée à réduire la largeur de ses rangs pour avancer et ainsi annuler largement le désavantage de la différence numérique. Avec cette tactique, Hannibal Barca empêche les Carpétans de l'attaquer sur ses flancs pour profiter de leur supériorité numérique écrasante.

La stratégie mise en place permet de concentrer la défense carthaginoise sur un front de cavalerie qui, lors des combats dans l'eau, profite des difficultés de mouvement qu'ont les guerriers des Carpétans à pied pour les attaquer depuis une position supérieure[B 4],[E 4],[6]. Les quelques guerriers qui parviennent à traverser et à atteindre l’autre rive sont des cibles faciles pour les éléphants qui s’y trouvent[E 5],[B 4],[6]. En complément, les troupes légères placés entre les éléphants lancent des flèches et autres traits sur les Carpétans[E 5].

Le désastre subi par les guerriers carpétans sur le fleuve, en plus d'empêcher l'avancée de ceux qui les suivent, provoque un effet démoralisant que l'absence d'un commandement unifié de l'armée ne peut éviter, de sorte que l'attaque carpétane finit par conduire à une retraite afin de se réorganiser.

Face à cette situation, Hannibal Barca traverse le fleuve avec l'infanterie pour soutenir la cavalerie, réussissant à éviter toute réorganisation de ses ennemis, qui s'enfuient en se transformant en déroute, poursuivis par les Carthaginois[E 5].

Conséquences

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Aucune des sources classiques ne mentionne les pertes subies par les deux armées, il est donc nécessaire de faire une estimation en fonction de l'évolution de la bataille.

Pour l'armée carthaginoise, elles doivent être faibles. Le poids du combat est porté par la cavalerie avec beaucoup de succès, leurs pertes doivent d'être d'environ 10 % de leurs troupes, qui sont actuellement estimées à 6 000 cavaliers. Soit environ 600 victimes. L'infanterie n'intervint que pour empêcher les Carpétans de se regrouper et pour les poursuivre plus tard, de sorte qu'ils n'ont pas non plus à subir de nombreuses pertes : environ 4 % ou 5 % de leurs troupes, soit environ 1 000 hommes.

L'armée des Carpétans doit avoir subi des pertes beaucoup plus importantes, mais celles-ci ne seraient néanmoins pas très élevées par rapport à sa taille. Seul un petit front de guerriers peut combattre, sans que les autres puissent intervenir. Si l'on tient compte de l'échec de la tentative de passage du gué, les Carpétans se retirent en essayant de se regrouper, mais sans succès en raison de l'attaque de l'infanterie punique qui a traversé la rivière à leur poursuite. Devant cette situation, ils s'enfuient rapidement sans qu'Hannibal Barca ne puisse les encercler. On peut raisonnablement estimer les pertes à 20 % de leurs troupes, ce qui fait un chiffre d'environ 8 000 guerriers.

La victoire d'Hannibal Barca dans cette bataille lui permet d'atteindre les objectifs recherchés dans ses deux campagnes contre les tribus de la Meseta[A 2]. L'influence carthaginoise s'étend à toute la Meseta, lui fournissant un arrière-pays où il peut s'approvisionner en céréales et recruter des mercenaires[B 7]. En outre, il peut commencer sa campagne contre Rome avec une plus grande sécurité en réduisant les risques que ses territoires centraux soient attaqués par les tribus celtibères de l'intérieur de la péninsule[B 8].

Cependant, le territoire des Carpétans n'est pas complètement sécurisée et pacifiée, puisque l'année suivante Hannibal Barca doit déléguer le commandement du siège de Sagonte à son lieutenant pour se rendre lui-même avec une partie de ses troupes sur ce territoire, et réprimer une rébellion de ces derniers qui ne voulait pas cesser leur résistance contre les Carthaginois au cours des années suivantes. Les Carpétans sont des protagonistes indirects du tournant de la deuxième guerre punique, lorsque Scipion l'Africain réussit à conquérir Qart Hadasht en en réalisant une expédition rapide et audacieuse. Cette action est facilitée par le fait que l'armée punique destinée à la protéger est occupée à recruter et à s'entraîner dans les zones de l'embouchure du Guadiana et du sud de la Meseta[C 12].

Les Romains accèdent à cette zone de la Meseta au début du IIe siècle av. J.-C., soit vers -, lorsque le gouverneur romain d'Hispanie ultérieure Marcus Fulvius Nobilior y conduit une expédition militaire où il doit affronter une nouvelle coalition composée des Carpétans, des Vettons et des Vaccéens[7],[6].

Historiographie

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Antiquité

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Polybe, otage chez les Romains et historien de la Grèce antique du IIe siècle av. J.-C., mentionne le trajet suivi par l'armée d'Hannibal Barca à l'été et l'embuscade dans le livre III de ses Histoires[2]. Il évoque le nombre de soldats ibères faisant l'embuscade contre l'armée de Carthage[2]. Ses sources proviennent de Sileno un historien grec du IIIe siècle[D 8]. Les éléments qu'ils rapportent de la phase initiale de la bataille et du déroulement de ce dernière sont plus précis que ceux de Tite-Live qui lui est parfois un peu confus dans son abrégé[F 9].

Tite-Live, historien romain de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. et du début du Ier siècle, évoque les mêmes informations que Polybe dans son livre XXI dans son Ab Urbe condita libri[2]. Il ajoute cependant l'occupation du territoire olcade par les Carthaginois, le fait que le trajet choisi par le chef militaire carthaginois est pour préparer l'attaque de Sagonte et la soumission des Carpétans à la fin de la bataille[8]. Une partie importante de ses informations sur cette époque sont puisées chez des historiens romains anti-puniques comme Quintus Fabius Pictor au IIIe siècle av. J.-C. et Lucius Coelius Antipater au IIe siècle av. J.-C.[A 8]. Il omet dans son récit la traversée nocture du Tage la veille de la bataille et il n'est pas toujours très fiable dans le domaine de la topogarphie[F 4].

Pour Harry Morrison Hine, ces deux auteurs utilisent la ou les mêmes sources pour composer leur récit respectif, développent les points respectifs qui les intéressent (le talent tactique d'Hannibal Barca pour Polybe et l'intérêt dramatique pour Tite-Live) tout en omettant volontairement de recopier le récit complet des sources utilisées[F 6].

Plutarque, philosophe romain d'origine grecque de la seconde partie du Ier et du début du IIe siècle écrit dans une de ses Œuvres morales dénommée Mulierum virtutes la première partie de la campagne militaire punique de , principalement la prise d'Hermantica mais n'évoque pas cette bataille[5]. Polyen, écrivain militaire grec du IIe siècle, reprend l'oeuvre de Plutarque mais sans ajouter de précision supplémentaire[5].

Époques moderne et contemporaine

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Florián de Ocampo, chroniquer espagnol du XVIe siècle, évoque les alliances entre les peuples ibères de la région et la bataille dans son ouvrage Crónica general de España aux p. 310-313[B 3].

E. Meyer, dans son Kleine Schriften en 1924 à la page 403, évoque le début de la bataille[F 10]. Adolf Schulten, archéologue et historien allemand de la fin du XIXe et de la première partie du XXe siècle, évoque dans le livre III des Fontes Hispaniae Antiquae un parcours probable différent à l'aller et au retour suivi par Hannibal Barca[B 5].

Au XXe siècle, l'archéologue catalan Pere Bosch Gimpera et l'historien espagnol Pedro Aguado Bleye dans un chapitre intitulé « La conquista de España por Roma (218-19 a. de J.C.) » d'un livre publié en 1955 partagent la même opinion[B 5]. F. W. Walbank, à la même époque l'historien britannique de l'histoire de Polybe, évoque la bataille dans son oeuvre Historical Commentary on Polybius en 1957[F 3]. Toujours au même siècle, l'historien Antonio García y Bellido est plus nuancé dans le parcours, en estimant que l'armée punique est passée à l'aller par le territoire des Vaccéens pacifié l'année précédente[B 9]. Toujours à cette époque, Theodore Ayrault Dodge, officier de l'armée américaine et historien, mentionne dans son oeuvre Hannibal cette bataille dans son chapitre sur la prise de Sagonte[E 6].

À la fin du XX, Harry Morrison Hine dans un article « Hannibal's Battle on the Tagus (Polybius 3.14 and Livy 21.5) » paru en 1991, propose de voir le récit de cette bataille en liant les deux récits de Polybe et de Tite-Live qui semblent se compléter[F 11]. Globalement l'historiographie moderne, en particulier espagnol, à traiter la campagne de d'Hannibal Barca contre les Vaccéens et par extension la bataille du Tage sur le chemin de son retour à Qart Hadasht[9].

Notes et références

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  1. Gómez Fraile 2002, p. 35.
  2. a b c et d Gómez Fraile 2002, p. 28.
  3. Schulten et Bosch Gimpera 1935, p. 24.
  4. a et b Gómez Fraile 2002, p. 38.
  5. a b et c Remedios Sánchez 2019, p. 536.
  6. a b c et d Sánchez Moreno 2008, p. 389.
  7. Sánchez Moreno 2008, p. 382.
  8. Gómez Fraile 2002, p. 28-29.
  9. Domínguez Monedero 1986, p. 241 et 243.
  • Los Bárquidas y la conquista de la Península Ibérica
  • Caput celtiberiae: la tierra de Cuenca en las fuentes clásicas
  1. Gozalbes Cravioto 2000, p. 75-76.
  2. a et b Gozalbes Cravioto 2000, p. 44 et 104.
  3. a et b Gozalbes Cravioto 2000, p. 44.
  4. a b et c Gozalbes Cravioto 2000, p. 107.
  5. a b et c Gozalbes Cravioto 2000, p. 101.
  6. Gozalbes Cravioto 2000, p. 105.
  7. Gozalbes Cravioto 2000, p. 103.
  8. Gozalbes Cravioto 2000, p. 108.
  9. Gozalbes Cravioto 2000, p. 101-102.
  • De guerreros a soldados. El ejército de Aníbal como un ejército cartaginés atípico
  1. a b c d e f et g Quesada Sanz 2005, p. 132.
  2. Quesada Sanz 2005, p. 132-133.
  3. a et b Quesada Sanz 2005, p. 133.
  4. Quesada Sanz 2005, p. 130 et 136.
  5. Quesada Sanz 2005, p. 133 et 135.
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  9. Quesada Sanz 2005, p. 135-136.
  10. Quesada Sanz 2005, p. 133-134.
  11. Quesada Sanz 2005, p. 134-135.
  12. Quesada Sanz 2005, p. 154-155.
  • Releyendo la campaña de Aníbal en el Duero (220 a. C.): la apertura de la Meseta Occidental a los intereses de las potencias mediterráneas
  • Hannibal
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  3. a b c et d Dodge 1891, p. 155.
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  6. Dodge 1891, p. 154-156.
  • Hannibal's Battle on the Tagus (Polybius 3.14 and Livy 21.5)
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  2. a et b Hine 1979, p. 892.
  3. a et b Hine 1979, p. 892 et 894.
  4. a et b Hine 1979, p. 898.
  5. a et b Hine 1979, p. 894.
  6. a b et c Hine 1979, p. 899.
  7. Hine 1979, p. 896-897.
  8. Hine 1979, p. 895.
  9. Hine 1979, p. 894-895; 897-898.
  10. Hine 1979, p. 891.
  11. Hine 1979, p. 898-899.

Annexes

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Articles connexes

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Bibliographie

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Fonds antique

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Biliographie moderne

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  • (es) Fernando Quesada Sanz, « De guerreros a soldados. El ejército de Aníbal como un ejército cartaginés atípico », Treballs del Museu Arqueològic d'Eivissa i Formentera, no 56,‎ (ISSN 1130-8095, lire en ligne, consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (es) Eduardo Sánchez Moreno, « Releyendo la campaña de Aníbal en el Duero (220 a. C.): la apertura de la Meseta Occidental a los intereses de las potencias mediterráneas », Gerión, no 18,‎ , p. 109-134 (ISSN 0213-0181, lire en ligne, consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • (es) Eduardo Sánchez Moreno, « De Aníbal a César: la expedición cartaginesa de Salamanca y los vetones », Zona arqueológica, vol. 12,‎ , p. 381-393 (ISSN 1579-7384, lire en ligne, consulté le ). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • (es) Adolf Schulten et Pere Bosch Gimpera, Fontes Hispaniae Antiquae, FHA III: Las guerras de 237-154 a. de J.C., Barcelone, .

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