Calvaire de Guéhenno

calvaire situé dans le Morbihan, en France

Le calvaire de Guéhenno est situé dans l'enclos paroissial du bourg de la commune de Guéhenno dans le Morbihan.

Calvaire de Guéhenno
Le calvaire, vu par son angle nord-ouest.
Présentation
Type
Construction
XVIe siècle
Propriétaire
Commune
Patrimonialité
Localisation
Pays
Département
Commune
Coordonnées
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Historique

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L'entrée de l'ossuaire[1] est gardée par deux soldats romains qui font face à deux femmes en pleurs[2]. Le toit est couronné de statues en ronde-bosse[3].

Commande des paroissiens de Guéhenno, il est érigé en 1550 en granite beige local à grain fin, par le maître d'œuvre Guillouic[4] comme l'indique l'inscription en lettres gothiques très effacées dans le cartouche sous la corniche de la mace supérieure[5] : « J. GUILLOVIC A FAICT CESTE CROUEX DE P(AR) LES P(A)ROEISSIE (N) 1550 ». Cette commande monumentale signe l'âge d'or de la Bretagne, expression d'Alain Croix, expression qui désigne la période de prospérité économique liée au développement de la culture du lin (toiles pour les vêtements) et du chanvre (toiles à voiles) exportés par les ports bretons, et sans doute à Guéhenno, du développement des carrières de granit. En passant ce marché, le conseil de fabrique précise certainement à Guillouic ses références à d'autres modèles architecturaux de l'époque[6].

À l'époque de la Terreur, en 1793-1794, l'église du XVIe siècle est incendiée[7], le croix et les statues du calvaire auraient été brisées et l'ossuaire dévasté par les soldats républicains. D'après une tradition encore vivante à Guéhenno, ce serait lors de cette époque révolutionnaire que certains soldats ont « joué aux boules avec les têtes des Saintes Femmes »[8]. En réalité, de nombreux symboles religieux ont échappé à l'iconoclasme révolutionnaire dont les excès suscitent la réprobation populaire à l'intérieur des localités où la foi catholique est générale[9], et la « fureur du peuple » s'est portée le plus souvent sur autre chose que sur les œuvres d'art, ce qui explique que les paroissiens aient pu démonter le calvaire pour le protéger de cette fureur révolutionnaire et ont caché les statues endommagées (dommages plus dus aux ravages de l'érosion que du vandalisme révolutionnaire) chez eux ou sur le site proche du mont de Guéhenno au sud-ouest[10].

Il faut attendre l'arrivée de l'abbé Charles-Marie Jacquot (1806-1866), nommé recteur de la paroisse en 1853, pour que la restauration de l'enclos paroissial commence réellement. La paroisse ne pouvant en assurer les frais de rénovation et de réédification[11], Jacquot et son vicaire, l'abbé Laumailler, s'improvisent sculpteurs[12]. Le recteur peut ainsi mettre en pratique les leçons qu'il a suivies lors de la restauration de la chapelle du séminaire de Vannes où il a passé plusieurs années. Aidé de maçons, il recolle[13] les morceaux de certaines statues à partir des éléments réunis par les paroissiens et redresse le calvaire. En 1855, il rajoute un dallage et des bornes entourant le soubassement de l'édicule. À partir de 1856, il réalise lui-même d'autres statues (les prophètes et les évangélistes, les soldats, des anges et des saints, des bas-reliefs et la colonne du reniement de saint Pierre), sans que les historiens de l'art parviennent à savoir si sa restauration a respecté l'ordonnance du calvaire de 1550[6]. Après le calvaire et l'église restaurés, Jacquot entreprend en 1863-1864 la restauration de l'ossuaire placé au sud-est du cimetière, derrière le calvaire[14].

Le calvaire de Guéhenno fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis le [15].

En 1999, un coup de vent décapite le Christ en croix. La prolifération d'algues vertes et de lichens, et la désagrégation des joints sur les statues, donnent lieu à leur restauration en 2004 dans les ateliers de la société de Pierre Floc'h, à la Chapelle-Caro. La restauration porte aussi sur la réfection de la maçonnerie du socle et de l'ossuaire attenant[16].

Le calvaire fait partie de l'association des sept calvaires monumentaux de Bretagne née en 2004, et le seul situé dans le département du Morbihan[17].

Du 8 au 11 août 2013, l'association des sept grands calvaires de Bretagne offre un spectacle d'illumination polychromique du calvaire[18]. Une nouvelle édition d'un spectacle son et lumière[19] a lieu du 3 au 5 août 2018[20].

Architecture

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On accède à l'enclos paroissial par un portail composé de deux piles en granite surmontées de boules, encadrées par deux autres plus petites qui sont surmontées d'une croix[21].

L'architecture du calvaire est constituée de deux massifs de pierres superposés (appelés maces) reposant sur un emmarchement de deux degrés, la marche la plus élevée se continuant en arrière par un banc de pierre. Sur la face ouest de ces massifs, deux avancées forment un « autel » (faisant office de table d'offrande) et son retable[6]. « Son implantation au sol fait de lui le plus grand des calvaires bretons » souligne une étude de la direction des Monuments historiques[16].

La composition iconographique du calvaire expose un récit limité aux scènes de la Passion, se distinguant des autres calvaires bas-bretons qui narrent toute la vie du Christ depuis l'Incarnation jusqu'à la Résurrection. « Contrairement à la plupart des monuments de son espèce, où les scènes sont placées sur toutes les faces, dans toutes les directions de l'espace, ici, la plus grande partie des personnages et des groupes sont visibles, de face, à partir de la colonne du coq qui définit en somme l'orientation de l'ensemble[22] ». Aux quatre coins de l'autel, sont disposés sur pied les quatre grands prophètes de la Bible (Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel)[23], séparés par un léger décrochement qui permet de les voir de face. La face antérieure de son socle est sculptée d'un bas-relief représentant la résurrection (apparition de Jésus aux saintes femmes)[24] et est couronnée par une corniche qui porte une inscription de Jacquot « Dire 5 P.(ATER), 3 A.(VE), 40 J.(OURS) d’indulgence ». Le retable représente la Mise au tombeau composée de sept personnages en costume du XIXe siècle[25]. Les trois bas-reliefs placés sur les autres faces du massif présentent l'Agonie de Jésus au sud, la Flagellation à l'est et le Couronnement d'épines au nord[26].

Sur la plateforme supérieure, est sculptée la foule traditionnelle des calvaires bretons. Les quatre angles sont occupés par les quatre évangélistes assis avec les tétramorphes[27]. Au centre, Jésus est représenté portant sa croix. Il est encadré d'un soldat armé d'une pique, d'un cavalier[28] précédé d'un soldat porte-glaive, et de Véronique montrant le voile de la sainte Face. La grande croix centrale représente à son sommet le Christ paisible sur un socle de crânes et de tibias qui font référence à son sacrifice et au Golgotha. Dominant les deux croix polygonales des larrons liés avec des cordes[29], elle est coupée en son milieu d'une double console occupée par la Vierge et Jean[30] soutenus par des anges horizontaux[31]. À mi-hauteur, une sculpture engagée dans le fût représente un personnage à moitié allongé, Jessé, qui symbolise le lien avec l'Ancien Testament[32]. Sur son socle, est représentée une pietà simple masquée par le cavalier, ce qui rappelle les ordonnances différentes[22].

La colonne au coq, légèrement fusiforme, est ajoutée en 1862. Le socle porte l'inscription HAEC PASSUS EST PRO NOBIS, « voilà ce qu'il (le Christ) a souffert pour nous ». Le fût est sculpté de quelques emblèmes parmi les trente instruments de la Passion : sur la face arrière deux lances croisées[33], l'anneau et la corde attachée à un crochet, venant se nouer en avant et qui ont servi à attacher Jésus à la colonne de la flagellation ; sur la face avant fouets, couronne d'épines et roseau, marteau, tenailles et les trois clous[10].

« Immédiatement au sud du calvaire, à l'intérieur de l'enclos, est planté un lec'h d'un mètre de haut. Et lorsqu'on sort du lieu sacré par l'échalier de l'est, au chevet de l'église, on découvre, marquant l'entrée, une croix pattée, monolithe et haute (2,65 mètres), qui offre la particularité d'être, comme celle de Pluneret, percée en son centre. Mais ici l'ouverture est ronde, au lieu d'être comme là en carreau de carte[34] ».

L'enclos de Guéhenno ne manque ni de grandeur, ni de richesse par rapport aux autres enclos bas-bretons. Le calvaire qui attire entre 15 et 20 000 personnes par an, donne une « impression de vétusté et de rafistolage consciencieux… Mais son désordre grandiloquent et son manque apparent d'unité assurent un certain charme » selon Yannick Pelletier[35]. De plus, « la distribution de l'espace, sa fragmentation en trois monuments, ordonnés selon un triangle dont la base est l'ossuaire et la pointe la colonne du coq, sont entièrement originales et l'effet en est satisfaisant. Devant la colonne, à l'ouest et dans le prolongement de la diagonale principale, les mains pieuses des paroissiens de Guéhenno ont inhumé l'abbé Jacquot sous un gâble néo-gothique… Son corps, placé à la proue de son calvaire, semble, de cette manière, le mener impassiblement à travers l'éternité[34] ».

Notes et références

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  1. L'entrée est surmontée d'une chimère grimaçant symbolisant Satan, et est encadrée de huit baies étroites soutenues par des colonnettes trapues aux chapiteaux doriques.
  2. Le soldat romain de droite, plus récent (comme le montrent les détails de son visage), a été restauré et aurait été volé pour être placé ici. Il s'agit de saintes femmes (celle du côté du cimetière serait la Vierge priant avec son voile, l'autre Marie-Madeleine les cheveux dénoués) qui s'en viennent au tombeau le matin de la Résurrection. « Leur visage à toutes deux est marqué par la souffrance, mais l'une, le visage levé, torturé, l'extériorise ; l'autre, le front baissé, l'intériorise » (cf. Gwenc'hlan Le Scouëzec, op. cit., p. 229). Sur la face nord de l'ossuaire face à l'église, se trouve une frise à hauteur d'homme qui serait un retable du XVe siècle. Elle montre, de gauche à droite, la Flagellation, le Portement de Croix, la Crucifixion, la Descente de croix et la Mise au tombeau.
  3. À chaque extrémité, un ange sonne la trompette du Jugement dernier. Au centre, le Christ ressuscité est encadré de deux orants, un genou à terre.
  4. Recteur de la paroisse ? Imagier ?
  5. Chacun des massifs de soubassement du clavaire est appelé mace en Bretagne. La forme varie selon les régions et selon les monuments, mais la plus commune est quadrangulaire.
  6. a b et c Michel Bez, Guy Leclerc, Calvaires monumentaux de Bretagne, éditions Le Télégramme, , p. 15.
  7. Morbihan.com
  8. Claude Dervenn, Secrets et gloires du Morbihan, éditions France-Empire, , p. 365.
  9. Jacques Fréal, Calvaires et enclos paroissiaux de Bretagne, Garnier, , p. 41
  10. a et b Gwenc'hlan Le Scouëzec, Jean-Robert Masson, Pierres sacrées de Bretagne. Calvaires et enclos paroissiaux, Seuil, , p. 227
  11. Jacquot sollicite d'abord deux sculpteurs pour la restauration du calvaire mais ils lui demandent, l'un 2000 francs, l'autre 1 200 francs, sommes trop importantes, ce qui incite Jacquot à restaurer la calvaire lui-même.
  12. Voir l'inscription au revers du monument : « REFAIT EN 1853 JACQUOT R(ECTEUR)DREAN M (AIRE)LAUMAILLER VICAIRE ».
  13. Selon les notes laissées par le prêtre-sculpteur, nous savons que la colle est une mixture qu'il confectionne lui-même et qui est composée de 5/8 de soufre, 2/8 de résine, 1/8 de cire jaune fondus ensemble auxquels il ajoute de la pierre pilée, du verre pilé ou du sable fin pour obtenir une consistance semi-liquide.
  14. Il y installe dans la chambre du milieu, la plus étroite, un gisant du Christ, sculpture de Loumailler. Plusieurs angelots veillent le gisant. Trois têtes d'angelots enveloppés dans leurs ailes, accompagnent un quatrième déployant un phylactère sur lequel est inscrit CRAS RESURGET (demain il ressuscitera). Dans les deux chambres latérales, plus vastes, on peut observer certaines pierres saillantes qui ont pu servir de socle pour crânes. Le placître est planté de chênes centenaires derrière l'ossuaire. À travers leurs branchages, on aperçoit le mont de Guéhenno et la chapelle de Saint-Michel à son sommet. cf. Roger Le Deunff, Les ossuaires bretons (deomp d'ar garnel ...), Plomée, , p. 194.
  15. « Calvaire de Guéhenno », notice no PA00091233, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  16. a et b « Guéhenno. Le calvaire du XVIe siècle en restauration », sur letelegramme.fr, .
  17. 7 calvaires monumentaux de Bretagne
  18. « Quand les calvaires s'illuminent à Guéhenno », sur ouest-france.fr, .
  19. Illumination du calvaire de Guéhenno 2018 (vidéo)
  20. « Guéhenno. Le grand calvaire se (re)découvre illuminé », sur letelegramme.fr, .
  21. Yannick Pelletier, Les enclos paroissiaux de Bretagne, Ouest-France, , p. 17.
  22. a et b Gwenc'hlan Le Scouëzec, Jean-Robert Masson, Pierres sacrées de Bretagne. Calvaires et enclos paroissiaux, Seuil, , p. 229
  23. Chacun est reconnaissable grâce à un phylactère sur lequel est gravée sa prophétie de la passion du Christ : CUM SCELERATIS REPUTATUS EST « il a été mis au rang des scélérats » (Isaïe 53, 12), SATURABITUR OPPROBRIIS « il sera sature d'insultes » (Lamentations de Jérémie 3, 30), SALVABO GREGEM MEUM « je sauverai mon peuple » (Ezéchiel 34, 22) et CHRISTUS OCCIDETUR « le Christ est tombé » (Daniel 9, 26).
  24. Au pied du Christ, une sainte femme baise le pan de son manteau. À gauche des femmes debout, il existait à l'époque une boîte servant aux offrandes en nature apportées par les paroissiens ou les pèlerins. Ces offrandes (denrées, écheveau de lin…) étaient vendues aux enchères et la somme recueillie était reversée à la fabrique.
  25. « Jésus s'y trouve allongé sur le sarcophage entre deux hommes barbus. L'un est Nicodème, l'autre Joseph d'Arimathie. Entre eux, on reconnaît saint Jean, puis la Vierge tenant la main du cadavre, une sainte femme les mains jointes, une autre les mains croisées, enfin Marie-Madeleine et son vase à parfum ». cf. Gwenc'hlan Le Scouëzec, Jean-Robert Masson, Pierres sacrées de Bretagne. Calvaires et enclos paroissiaux, Seuil, , p. 229.
  26. Eugène Royer, Nouveau guide des calvaires bretons, Ouest-France, , p. 59.
  27. Au premier plan à gauche saint Luc assis avec un bœuf ou un taureau à ses pieds, au second plan saint Matthieu assis regarde un ange ou un enfant symbolisant l'homme. À droite saint Jean avec son aigle à ses pieds, derrière saint Marc assis sur son lion. La main gauche de saint Matthieu a été recollée, de même que la tête de saint Luc dont le nez a été refait et le cou réparé. La tête et le bras droit de saint Marc sont neufs. La tête et la main droite de saint Jean ont été recollées.
  28. Ce cavalier centurion qui a un bras tendu (ce qui suggère qu'il portait initialement une lance) « est placé en sens inverse du Portement de croix et un peu en oblique, en parallèle exact avec le coq de la colonne, regardant le nord-est », vers le soleil levant. Cf Gwenc'hlan Le Scouëzec, Jean-Robert Masson, Pierres sacrées de Bretagne. Calvaires et enclos paroissiaux, Seuil, , p. 229.
  29. Tout calvaire breton présente le Christ en croix avec la face tournée vers l'occident, et le dos du côté de Jérusalem, à l'orient. La croix du bon larron est au nord : le bandit a une posture relâchée, les jambes étreignant le montant et la tête tournée vers le Christ. Celle du mauvais larron est au sud : le condamné a les jambes croisées en avant et qu'il essaye de dégager, la tête détournée et la langue tirée en signe de mépris. Cette disposition symbolique explique que le premier est à la main droite de Jésus et le second à la main sénestre (sort sinistre, comme le rappelle la face de démon qui grimace au-dessus de sa tête, invention de Jacquot).
  30. Figuré dans une situation de déréliction, Jean remonte la main sur la joue en signe de douleur.
  31. À leur niveau, le fût n'est plus lisse et octogonal, mais devient orné d'écots.
  32. Le père du roi David est représenté accoudé, avec la main droite sur le visage pour nous montrer qu'il dort, un livre dans la main gauche. L'iconographie chrétienne a en effet inventé le songe de l'arbre de Jessé par lequel il voit sa descendance sous la forme d'un arbre qui préfigure, selon la patristique, la poutre du supplice du Christ.
  33. La vraie Saint Lance ayant percé le flanc du Christ, l'autre surmontée d'une éponge imbibée de posca.
  34. a et b Gwenc'hlan Le Scouëzec, Jean-Robert Masson, Pierres sacrées de Bretagne. Calvaires et enclos paroissiaux, Seuil, , p. 230
  35. Yannick Pelletier, Les enclos paroissiaux de Bretagne, Ouest-France, , p. 18.
  36. Jésus assis, les poignets liés par des cordes, entre deux gardes qui se moquent le genou fléchi comme devant un roi, l'un appliquant un soufflet, l'autre tendant le roseau en guise de sceptre royal.
  37. Le Christ est entouré de deux soldats romains qui tiennent un fouet dans leur main. On peut observer en haut à gauche de cette face, des traces de polychromie qui était encore bien visible jusqu'au XIXe siècle.

Voir aussi

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Articles connexes

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