Censure au cinéma

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La censure au cinéma est l'ensemble des limitations exercées par un pouvoir sur le cinéma. Ces limitations sont similaires à celles exercées dans d'autres domaines (presse, littérature, etc.), et selon Gajus Siagian, cette censure a « les mêmes principes et les mêmes objectifs[1] ». Elles peuvent être à l'initiative des personnes produisant l'œuvre (autocensure), d'un État ou d'un collectif.

Les limitations peuvent concerner les œuvres, les artistes ou l'audience du cinéma, ainsi que les moyens d'exposition, de distribution ou d'exploitation (par exemple le code Hays au XXe siècle aux États-Unis) et peuvent se traduire en une interdiction totale de production ou de commercialisation.

La perception des limitations, telles que celles relatives aux mineurs avec une restriction d'âge, n'est pas homogène géographiquement et historiquement, et est sujet à débat : l'interface entre la protection des individus, la régulation et l'entrave de leurs libertés, comme la liberté d'expression, n'est pas tranchée. La censure est diversement qualifiée : arbitraire, idéologique, sociale, économique, etc. Son étude constitue une discipline. Gajus Siagian dresse cinq thématiques (religieuse, socio-politique, culturelle, morales, sécuritaires) qui regroupent les critères qui la caractérisent au cinéma.

Histoire

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Caricature de la censure parue dans Motion Picture Magazine en 1916.

L'histoire de la censure cinématographique commence à la fin du XIXe siècle, en même temps que l'histoire du cinéma. Considéré comme la première représentation d'un baiser de cinéma[2], le film The Kiss sorti en 1896 fait l'objet d'une censure à la suite du scandale qu'il provoque, notamment chez les conservateurs sociaux[3] aux États-Unis, au sein de l'Empire britannique ou encore de l'Église catholique appelant à bannir ce film[4].

Le film de Serguei Eisenstein : Le cuirassé Potemkine, sorti en 1926, fut interdit à la diffusion durant 25 années dans plusieurs pays d'Europe pour être de la propagande bolchévique[5].

Aux Etats-Unis, le Codes Hays est adopté en mars 1930. Il est établi par le sénateur William Hays, qui prétend ainsi réguler la production hollywoodienne. Certains sujets sont proscrits, d'autres, limités ; ainsi, les baisers entre acteurs sont limités à 3 secondes. Les scènes d'amour, érotiques ou non, sont à éviter.

Loin de constituer une atteinte irrémédiable à la liberté de créer, le code Hays est perçu par certains réalisateurs comme une occasion de faire preuve de créativité. C'est le cas de Billy Wilder ou d'Alfred Hitchcock. Ils prennent plaisir à détourner les exigences du code, en réalisant parfois des scènes et montages plus suggestifs encore. Dans Les Enchaînés, Hitchcock met ainsi en scène une discussion de 2 minutes 30 entre ses personnages, entrecoupée de baisers. Il se vantera plus tard d'avoir filmé "le plus long baiser du cinéma". L'usage de métaphores ou d'ellipses suggestives est également monnaie courante[6].

À leur accession au pouvoir, les nazis vont chercher à censurer le cinéma en exerçant une forme de contrôle. Est alors créé un ministère de la propagande dont Goebbels aura la charge[7].

Formes de censure

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Restriction d'âge

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En Irlande, le texte de loi Censorship of Films Act (1923, modifiée à plusieurs reprises) instaure un comité de censure[8], le Oifig Scrúdóir na Scannán, responsable des restrictions d'âge et du bannissement. Depuis 1986, sept films ont été bannis dont Tueurs nés[8].

En Norvège, le texte de lois Act of Film and Video (1987[note 1]) régule les œuvres contenant de la violence et de la pornographie par une restriction d'âge mise en place par les distributeurs de film[9], ce qui n'empêche pas le National Board of Classification de censurer un film. Depuis 1997, 36 films ont été entièrement interdits par ce bureau[9]. Le film japonais L'Empire des sens a par exemple été banni de 1976 à 2001 pour ses scènes « sexuelles et sadomasochistes »[9]. Chaque ville régule également l'âge requis pour les œuvres exploitées au cinéma ainsi que leurs interdictions. Par exemple la ville d'Oslo a interdit le film Dobermann avant que cette décision soit contestée et levée[9].

Critiques

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La régulation de la liberté de création en France

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En France, la censure est exercée par l’État qui, par une compétence de police administrative, juge si un film peut ou non être montré au public[10]. Le mécanisme français est différent de celui des États-Unis qui, dans les années 1930, avaient fait adopter le Code Hays. Sous la pression des puritains et des scandales hollywoodiens, comme celui de Mae West affichée en séductrice dans le film « Je ne suis pas un ange » de Wesley Ruggles (1933), William Hays, alors président de la Motion Picture Producers and Distributors of America, participe à l’instauration d’un code de censure du cinéma en 1934[11].

La censure cinématographique a subi une évolution juridique en France. Par le biais des décrets du et du , ainsi que d’une ordonnance du , le cinéma français s’est vu soumis à un régime d’autorisation préalable : un régime de police administrative. Le ministre de la culture peut décider de ne pas octroyer un visa d’exploitation pour un film. Ce mécanisme de censure préalable permet également aux maires de refuser ou de limiter la projection d’un film dans des salles de cinéma, s'ils considérent qu’il peut y avoir une atteinte aux bonne mœurs ou bien que le film est susceptible de heurter la sensibilité du spectateur[12].

Dans sa décision intitulée : Société « Les Films Lutetia » et le syndicat français des producteurs et exportateurs de films, le Conseil d’État avait estimé que « l’interdiction d’un film est légale lorsque la projection du film est susceptible d’être, à raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciable à l’ordre public »[13]. De plus, le Conseil d’État avait déterminé que « l’immoralité d’un film devait, pour qu’elle puisse justifier une interdiction être assortie de certaines circonstances locales dont le juge se réserverait le contrôle et l’appréciation »[13]. En l’espèce, le maire de la ville de Nice interdisait la projection de certains films sur son territoire, considérant que ces derniers revêtaient « un caractère contraire à la décence et aux bonnes mœurs ». Les demandeurs en instance s’opposaient à cette interdiction en contestant les pouvoirs des maires et des préfets à l’égard des films cinématographiques ayant obtenu le visa d'exploitation[13].

Le ministre de la culture possède également le pouvoir d’accorder une autorisation de projection pour certains types de spectateurs, ou de limiter la projection en assortissant le film d’une limite d’âge ou d’un classement cinématographique tel que le classement X[12]. Il faut se référer aux dispositions de l’article L.211-1 du Code du cinéma et de l’image animée pour observer les dispositions relatives à la censure au cinéma, qui déterminent que le visa d’exploitation « peut être refusé ou sa délivrance subordonnée à des motifs tirés de la protection de l’enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine »[13].

Bibliographie

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Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Daniel Biltereyst et Daniela Treveri Gennari, Moralizing Cinema : Film, Catholicism, and Power, Taylor & Francis, , 312 p. (ISBN 9781134668380)
  • (en) D. Biltereyst et Roel Vande Winkel, Silencing Cinema : Film Censorship Around the World, Palgrave Macmillan, , 321 p. (ISBN 9781137061980)
  • (en) Ronald Levaco, « Censorship, ideology, and style in Soviet cinema », dans Studies in Comparative Communism, vol. 17(3-4), autumn 1984–winter 1985 (ISSN 0039-3592, DOI 10.1016/0039-3592(84)90019-X), pp. 173-183
  • (en) Isra Al-Qudah, « Censorship as enabling: importing, distributing, and translating foreign films in the Arab Middle East », Heliyon, vol. 8(8),‎ (ISSN 2405-8440, DOI 10.1016/j.heliyon.2022.e09977, lire en ligne Accès libre)
  • (en) Jonathon Green et Nicholas J. Karolides, Encyclopedia of Censorship, Infobase Publishing (réédition), , 721 pages (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • (en) Tom Pollard, Sex and Violence : The Hollywood Censorship Wars, Taylor & Francis, , 256 p. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Jean-Luc Douin, Dictionnaire de la censure au cinéma, Puf, (ISBN 9782130495710)
  • Patrick Brion, Les Secrets d'Hollywood, Vuibert, 2013, 208 p. (ISBN 978-2-311-00301-7)

Notes et références

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  1. Loi codifiée dans le Code pénal, sections 205, 236, 311 et 236, [lire en ligne]

Références

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  1. Gajus Siagian, « La Censure cinématographique », Archipel, vol. 5, no 1,‎ , p. 183–190 (DOI 10.3406/arch.1973.1051, lire en ligne, consulté le )
  2. (en-US) Elizabeth Winterhalter, « The First Movie Kiss », sur JSTOR Daily, (consulté le )
  3. Tom Pollard 2015, p. 199.
  4. (en) Ben Wheeler, « Why this innocent looking kiss was branded pornographic and enraged the church », sur mirror, (consulté le )
  5. Joël Magny, « Cinéma (réalisation d’un film) – Mise en scène », Encyclopædia universalis
  6. Patrick Brion, Les Secrets d'Hollywood, Paris, Editions Vuibert, , 208 p. (ISBN 978-2-311-00301-7)
  7. Pierre GRAS et Daniel SAUVAGET, « ALLEMAND CINÉMA », Encyclopædia Universalis
  8. a et b Encyclopedia of Censorship, p. 295.
  9. a b c et d Encyclopedia of Censorship, p. 400.
  10. Arnaud Esquerre, Interdire de voir : sexe, violence et liberté d’expression au cinéma, Paris, Fayard, coll. « Histoire de la pensée », 2019, 348 p.
  11. Sous la direction de Laurent Delmas, Cinéma – La grande histoire du 7e art, Larousse, édition 2017, 88 p.
  12. a et b Gaëlle ROMI et Raphaël ROMI, « Cinéma (aspects généraux) – Le Droit du cinéma », Encyclopædia Universalis
  13. a b c et d Les Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative no 71, Conseil d’État sect., 18 décembre 1959, Société « Les Films Lutetia » et syndicat français des producteurs et exportateurs de films (Rec. 693 ; S. 1960.94, concl. Mayras ; AJ 1960.I.21, chr. Combarnous et Galabert ; D. 1960.171, note Weil ; JCP 1961.II.11898, note Mimin ; RA 1960.31, note Juret), 481 à 490p.

Liens externes

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