La démence précoce (ou démence juvénile) désigne des états de dégradation persistante de plusieurs fonctions cognitives suffisantes pour engendrer un handicap quotidien avant l'âge de 65 ans.

Démence précoce
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Article d'Eugen Bleuler sur la démence précoce (1911).
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Ce terme recouvre en fait de multiples maladies très différentes dans leurs causes et leur prise en charge.

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 47 millions de personnes environ sont atteintes de démences dans le monde (dont 60 à 70 % souffrant de la maladie d'Alzheimer). D'après une étude[1] récente (2018) basée sur des statistiques hospitalières françaises, la consommation importante et régulière d'alcool triple le risque de démence et en particulier de démence précoce[1].

Histoire médicale

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Le terme a été utilisé pour la première fois en 1891 dans sa forme latine ('Dementia praecox') par Arnold Pick (1851–1924), un neuropsychiatre allemand de l'université Charles de Prague[2]. Son diagnostic clinique décrit le cas d'individus atteint de troubles psychotiques ressemblant à la schizophrénie hébéphrénique.

Il est popularisé par le psychiatre Emil Kraepelin (1856–1926) en 1893, 1896 et 1899 dans ses premières descriptions en tant que condition clinique et qui, plus tard, sera classifié sous le terme de schizophrénie.
Kraepelin différencie pour la première fois la «Dementia praecox», maladie évoluant vers la «faiblesse psychique» et qui présente trois formes, hébéphrénique, catatonique et paranoïde (qui deviendra la schizophrénie sous la plume de Eugen Bleuler) et la «folie maniaque-dépressive» comportant une alternance d’épisodes correspondant aux symptômes de manie et de mélancolie, ce qui correspondra à la maladie maniaco-dépressive puis aux troubles bipolaires [3].

En 1902, le psychiatre russe Vladimir Serbsky consacre également à ce sujet un ouvrage À propos de la démence précoce (К вопросу о раннем слабоумии).

La séparation de la neuropsychiatrie en neurologie et psychiatrie à la fin du vingtième siècle a orienté le terme de démence vers les maladies neurologiques (maladie d'Alzheimer, démence vasculaire et autres) et moins psychiatriques (schizophrénie, psychose, maladie maniaco-dépressive…) même si en pratique les symptômes peuvent être les mêmes et les maladies se chevaucher. Dans la part neurologique, l'analyse en laboratoire des tissus cérébraux retrouve des anomalies comme par exemple des corps de Pick décrits par Arnold Pick, ce qui montre bien l'évolution de la nosologie au cours des années.

Épidémiologie

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L'épidémiologie de la démence précoce montre des chiffres très différents car elle dépend de quelle démence il est question. Les différentes origines de la démence font que les cohortes sont dispersées, les filières de prises en charge très différentes.

En France, pour 31 624 156 adultes sortis des hôpitaux entre 2008 et 2013, 1 109 343 ont été diagnostiqués atteints de démence. Après exclusion des cas de démences attribuables à une pathologie connue et diagnostique, 57 % des cas de démence précoce (57 353 patients) ont été directement attribuables à des dommages cérébraux liés à l'alcool (39 % de cas) ou étaient concernés par une consommation excessive d'alcool (18 %)[1]. C'est le facteur de démence précoce le plus important « devant le tabagisme ou l'hypertension artérielle » selon l'Inserm qui alerte sur le fait qu'en 2017 le Français moyen consomme 12,2 litres d'alcool par an, contre 6,7 litres en Italie et 4,3 litres en Inde. Ce type de démence semble irréversible, l'alcool entraînant des « lésions cérébrales permanentes »[4].

La prévalence de démences neurodégénératives débutant entre 45 & 64 ans est estimée à 119 cas pour 100 000 habitants dans une étude italienne récente[5] basée sur les patients consultant des centres équivalents aux Consultations Mémoire en France. Cela reste concordant avec d'autres études antérieures notamment en France[6] en prenant en compte les variables de méthodes et la rareté des cas.

Étiologie

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Comme vu précédemment, les progrès de la science médicale ont permis de différencier un grand nombre de causes différentes de démence précoce dont il est difficile de faire un inventaire exhaustif.

L'alcool est une des causes majeures alors qu'il est évitable contrairement à d'autres. Sa responsabilité est directe par la toxicité cérébrale de l'alcool et indirecte par les traumatismes crâniens, les accidents vasculaires cérébraux (chutes, accidents de la route, violences physiques) et le déclin psychologique et social qu'il peut engendrer.

Les autres stupéfiants le sont de même.

Le tabac et l'hypertension agissent essentiellement sur les artères cérébrales (athérosclérose) et sont responsables de la démence vasculaire ou de séquelles d'un accident vasculaire cérébral (AVC).

Les maladies du développement cérébral sont diagnostiquées dans l'enfance et ont elles-mêmes différentes causes possibles (génétique métabolique, accident à la naissance…).

Les maladies neurodégénératives, étant des pathologies de la personne âgée, sont des causes très rares de démence avant 65 ans. Dans ce cas là, la principale maladie est la maladie d'Alzheimer qui peut avoir des particularités à cet âge, ou encore une dégénérescence lobaire frontotemporale (dont la proportion est plus importante que chez la personne âgée).

D'autres maladies neurologiques peuvent être à l'origine de démence comme la maladie de Parkinson, dans les rares cas où elle commence de façon précoce ou la sclérose en plaques dans de rares formes très sévères. Enfin une démence vasculaire peut survenir sans tabagisme ni hypertension dans de rares maladies comme l'angiopathie amyloïde cérébrale ou le CADASIL.

Les psychoses et autres maladies mentales sont prises en charge par la psychiatrie.

Références

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  1. a b et c Schwarzinger M & al. (2018), Contribution of alcohol use disorders to the burden of dementia in France 2008–13: a nationwide retrospective cohort study | The Lancet | Public Health | 20 février 2018
  2. Hoenig, J, Schizophrenia: clinical section". In Berrios, German E. ; Porter,Roy. A History of Clinical Psychiatry: The Origin and History of Psychiatric Disorders. London. pp. 336–48., (ISBN 0485 240114)
  3. Pierre Pichot, Un siècle de psychiatrie, Paris, Éditions Roger Dacosta, , 189 p., p. 74
  4. Gaubert C pour AFP et Science et vie (2018) Les abus d'alcool répétés pourraient multiplier le risque de démence par 3, Science et vie,
  5. (en) Chiari A., « Epidemiology of early onset dementia and its clinical presentations in the province of Modena, Italy », Alzheimer's & Dementia,‎ , p. 1-8
  6. (en) Campion D. & col., « Early-onset autosomal dominant Alzheimer disease : prevalence, genetic heterogeneity, and mutation spectrum. », Am J Hum Gen,‎ 1999; 65, p. 664-70

Voir aussi

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