Désertification médicale en France

La désertification médicale est une notion censée mettre en évidence le manque de praticiens dans une zone donnée, qu'il s'agisse de médecins, généralistes ou spécialistes, ou d'auxiliaires médicaux. En France, les principales baisses d'effectifs se font à l'extérieur des agglomérations.

Désertification médicale en Creuse.
Affiche sur un balcon de la place Vaucanson à Grenoble en .

Alors que le nombre de médecins n'a cessé d'augmenter, passant selon La Tribune de 275 praticiens pour 100 000 habitants en , à 340 en , on constate a contrario l'apparition de zones géographiques non ou mal couvertes par la présence de médecins. Ces zones se concentrent dans le secteur rural, particulièrement dans le nord de la France, ainsi que dans les banlieues. Il s'accompagne d'une baisse d'effectifs analogues pour les professions paramédicales telles qu'infirmiers ou masseurs-kinésithérapeutes[1].

Ainsi en la France compte un peu plus de 360 000 habitants répartis sur 1 883 communes se trouvant dans un désert médical, c'est-à-dire une accessibilité restreinte aux médecins généralistes, une distance accrue aux services d'urgence et une absence de pharmacie à proximité[2]. En , 3,8 millions de personnes vivaient dans une zone sous-dotée en médecins généralistes (soit 5,7 % de la population), les régions les plus touchées étant l’Île-de-France et le Centre-Val de Loire[3]. Mantes-la-Ville compte quatre médecins pour 22 000 habitants[4], l'Indre 43 médecins spécialistes libéraux pour 100 000 habitants (la moyenne nationale étant de 85,49)[5].

En à Toulouse, la désertification médicale s'aggrave: deux tiers des médecins ont plus de 55 ans et dans les dix ans, soit d’ici 2027, 300 médecins vont arrêter leur activité à Toulouse, ainsi, des quartiers entiers et des milliers de patients se retrouvent sans médecin traitant[6]. Toulouse ne compte que 450 médecins généralistes pour environ 500 000 habitants. Ainsi, il y manque 100 médecins. En conséquence, les patients qui n'ont pas de médecins ne peuvent pas en trouver[7].

Le numerus clausus instauré en vise à réglementer et limiter l'accessibilité à la profession pour les étudiants en médecine. Il est présent essentiellement en première année commune aux études de santé (PACES). Globalement, à la suite de cette réglementation, il y a environ 19 % seulement des étudiants qui passent en deuxième année[8]. L'augmentation du nombre de médecins enregistrés entre et montre qu'il n'est pas à l'origine de la désertification médicale, en raison de son effet retard. Par contre, la baisse du nombre d'étudiants lors des décennies et devrait mécaniquement accroître ce phénomène. Selon le Conseil économique, social et environnemental, en l’accès aux soins est compliqué pour les jeunes vivant dans les espaces ruraux. Depuis plusieurs années, les centres médicaux ferment dans les campagnes[9]. En , le gouvernement a réagi en remontant dans un premier temps ce numerus clausus.

Les médecins libéraux jouissent d'une liberté d'installation leur permettant de choisir le lieu où ils souhaitent exercer.

Dans les raisons de la faible attractivité des secteurs ruraux, il a été souligné des conditions de travail difficiles, avec des horaires chargés, et l'existence d'un cercle vicieux, la désertification ne faisant que renforcer les charges horaires du personnel médical concerné. Notamment, la règle de « permanence des soins » aboutit, en l'absence de volontaires, à la réquisition de médecins libéraux pour assurer les gardes de nuit et des jours fériés. Bien qu'en des propositions aient été faites par l'Assemblée nationale pour ne pas revenir au mécanisme de gardes obligatoires de [10], dans la pratique, lorsque la densité médicale est insuffisante, la permanence des soins se traduit par ces réquisitions, système qui est dénoncé à titre individuel[11] ou syndical[12] par des médecins devant y faire face.

Le vieillissement de la population, dont les traitements médicamenteux et chirurgicaux sont de plus en plus lourds, viendraient accroitre ce phénomène[13].

Un autre frein serait sociologique : le plus souvent les jeunes praticiens sont en couple et ont besoin de circuler rapidement sur le territoire, or, dans certaines zones géographiques il y a un manque d'infrastructures de communication[14].

L'attirance des jeunes vers l'exercice salarié au sein d'équipes et d'établissements généralement situés dans les villes favorise la mise en place de foyers d'habitations au niveau des villes qui vont créer des inégalités de répartition au sein du territoire français[pas clair].

Solutions envisagées

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Au plan local, la presse multiplie les exemples de communes prêtes à soutenir financièrement l'installation de médecins, voire à recruter dans des pays proposant de très faibles revenus à leurs médecins, tels que la Roumanie. L'une des limites à cette solution est la barrière de la langue. Or, la communication est un des fondements de la médecine[15].

Au plan national, la loi HPST votée le [16], ne prévoit pas d'imposer aux médecins de s'installer dans les zones déficitaires mais vise simplement à l'élaboration d'un plan pointant les zones menacées par la désertification[17].

La voie la plus explorée en est la création de maisons médicales, regroupements de praticiens pouvant permettre d'assurer la permanence des soins tout en limitant en partie la charge de travail, et mutualisant une partie des coûts. Cette piste implique toutefois que la zone à équiper dispose encore d'un nombre significatifs de praticiens, et ne peut être mise en œuvre telle quelle dans les zones déjà désertées.

En , la société H4D[18] dirigée par le docteur Franck Baudino installe la première cabine de télémédecine dans une résidence pour personnes âgées à Cluny (Saône-et-Loire). De cette manière, les médecins peuvent consulter les paramètres médicaux de ces derniers par Internet[19]. La société envisage d'étendre l'installation de ses appareils dans des maisons de retraite non médicalisées ainsi que dans des collectivités publiques appartenant à des zones rurales et des banlieues où sévit la désertification médicale.

En , la réforme Ma santé 2022 propose de créer un droit opposable à bénéficier d’un médecin traitant et l'obligation pour les facultés et agences régionales de santé à trouver des terrains de stages en priorité dans les territoires en tension, ainsi que le développement de la télémédecine[20].

L'émission Cash Investigation du souligne les différences de règlements concernant l’installation des pharmaciens, infirmiers ou sages-femmes d'une part et des médecins d'autre part. Elle présente la situation au Québec ou en Allemagne où l'installation des jeunes médecins conventionnés est subordonnée à l'obtention d'une autorisation régionale mais le syndicat MG France s'oppose farouchement à la restriction de la liberté d'installation des praticiens[21],[22],[23]. Dans ce contexte, il est important de noter que les différences entre les systèmes de santé empêchent toute conclusion hâtive. Par exemple, dans le cas allemand, la limitation de l'installation a été mise en place (et a longtemps servi) pour « corriger » les zones sur-denses dans un pays plutôt bien doté en médecins. Or, ce sont les zones sous-denses qui sont au cœur des débats en France[24].

Références

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  1. « Dossier - Une désertification médicale irréversible ? », La Tribune, .
  2. « Qu’est-ce qu’un désert médical ? », sur Le Guide Santé (consulté le ).
  3. François Béguin, « Près de 3,8 millions de Français vivent dans un désert médical », Le Monde, (consulté le ).
  4. Louise Couvelaire, « « On va nous laisser mourir » : Mantes-la-Ville, un désert médical urbain », Le Monde, (consulté le ).
  5. « Régionales  : le manque de soignants, drame du Centre-Val de Loire », Le Monde, (consulté le ).
  6. David Saint-Sernin, « Nouveau désert médical au cœur de Toulouse : "la situation est grave", selon des habitants », sur actu.fr, (consulté le ).
  7. June Raclet, « Quand la santé délaisse la ville, Toulouse se transforme en désert médical », France 3 Occitanie, (consulté le ).
  8. Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, « les parcours et la réussite en STS, IUT et PACES - État de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation en France n°14 », sur les parcours et la réussite en STS, IUT et PACES - État de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation en France n°14 (consulté le )
  9. « Dans les milieux ruraux, les jeunes se sentent à "l'abandon" », Europe 1, (consulté le ).
  10. Rapport d'information sur l’offre de soins sur l’ensemble du territoire A.N., 30 septembre 2008
  11. Revue de presse : Loi HPST au sénat Guillemette Reveyron, Espace généraliste, 14 mai 2009
  12. Marcel Garrigou-Grandchamp (président de l'Union des généralistes), « Permanence des soins entre déserts médicaux et réquisitions abusives », Quoi de neuf Docteur ?, sur blogs.mediapart.fr, Mediapart, .
  13. Myriam Zenini, « La désertification médicale : plusieurs causes pour une même conséquence », La Voix du Nord, (version du sur Internet Archive).
  14. « Home », sur blogvie.com (consulté le ).
  15. Zeblogsante.com sur Dossier Désertification médicale
  16. Loi du Légifrance
  17. Les déserts médicaux Orange
  18. Site de la société H4D
  19. Armelle Bohineust, « La première cabine de télémédecine est installée en France », Le Figaro, .
  20. AFP, « Fin du numerus clausus, « hôpitaux de proximité », usage des données : le projet de loi santé adopté au Parlement », Le Monde, (consulté le ).
  21. « VIDEO. "Cash Investigation" pose la question de la liberté d’installation des médecins pour résoudre le problème des déserts médicaux », sur francetvinfo.fr, France 2, (consulté le ).
  22. Isabelle Castéra, « Sur France 2, « Cash Investigation » dézingue le système de santé français et suscite la polémique », Sud Ouest, (consulté le ).
  23. Loan Tranthimy, « « Émission à charge », « parti pris », « caricatural » : tollé des syndicats contre le réquisitoire de Cash Investigation contre la liberté d'installation », Le Quotidien du médecin, .
  24. (en) Matthias Brunn, « Réguler l’installation des médecins : la comparaison avec le cas allemand », sur The Conversation, (consulté le ).

Voir aussi

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Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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