Denis Auguste Duchêne

général de division français

Denis Auguste Duchêne, né le à Juzennecourt (Haute-Marne), mort le à Bihorel (Seine-Inférieure), est un général français de la Première Guerre mondiale.

 Denis Auguste Duchêne
Denis Auguste Duchêne
Le général Duchêne, à la une du Petit journal illustré daté du 18 février 1917.

Naissance
Juzennecourt (France)
Décès (à 87 ans)
Bihorel (France)
Origine Français
Allégeance Drapeau de la France France
Arme Armée française
Infanterie
Grade Général de division
Années de service 1881 – 1924
Commandement 69e Régiment d'Infanterie
42e Division d'Infanterie
32e Corps d'Armée
2e Corps d'Armée
Xe Armée
VIe Armée
19e Division d'Infanterie
13e Corps d'Armée
3e Corps d'Armée
Conflits Première Guerre mondiale
Faits d'armes Bataille du Grand-Couronné
Bataille de la Somme
Bataille du Chemin des Dames
Bataille de l'Aisne
Seconde bataille de la Marne
Distinctions Grand officier de la Légion d'honneur

Biographie modifier

Avant 1914 modifier

Denis Auguste Duchêne entre à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr le . À partir de sa sortie de l’école, en 1883, le sous-lieutenant Duchêne a vécu la carrière classique d’un officier d’infanterie de l’époque, alternant les séjours outre-mer et les périodes en corps de troupe dans des garnisons métropolitaines. En 1886 et 1887 notamment, il participe à la campagne du Tonkin comme lieutenant au 4e régiment de tirailleurs tonkinois. Promu capitaine le , il entre à l’École supérieure de guerre, dont il sort breveté.

Il est nommé chef de bataillon le puis lieutenant-colonel le . Depuis sa sortie de l’École de Guerre, il occupe divers emplois au sein de corps de troupe (au 32e R.I. en 1898 puis au 147e R.I. en ) ainsi que dans les états-majors (4e D.I. en 1895, 9e C.A. en 1896, 14e D.I. le 10 février 1904, 20e C.A. en décembre 1908).

En 1912, comme colonel, il commande le 69e Régiment d'Infanterie. À partir du , il occupe le poste de chef d’état-major du 20e Corps d'Armée. À cette époque, une telle promotion constitue l’assurance d’un avancement régulier et la garantie d’une certaine compétence. Le 20e Corps en effet était considéré comme l’élite de l’armée française.[réf. nécessaire] Chargé de garder la frontière de Lorraine, il est alors commandé par le général Foch.

Première Guerre mondiale modifier

Après la bataille des Frontières, la désastreuse défaite de Morhange et le repli sur Nancy, le colonel Duchêne est à la défense du Grand-Couronné, en . Il s’y distingue et reçoit peu après la rosette d’officier de la Légion d'honneur et est nommé général de brigade un mois plus tard, le . Il devient alors chef d’état-major de la 2e armée.

Le général Duchêne photographié à La Neuville-au-Pont en juillet 1915.

Du au , il commande la 42e Division d'Infanterie d'abord dans les Flandres, puis en Argonne. À partir de cette époque, son avancement se fait encore plus rapide. Le , il reçoit le commandement du 32e corps d'armée ; le , il est fait général de division à titre temporaire. Il le devient à titre définitif le . En 1916 il prend la tête du 2e corps d'armée, qu’il conduit dans la bataille de la Somme, en octobre. Le , il gravit un échelon supplémentaire en devenant le chef de la 10e armée et est promu commandeur de la Légion d'honneur dans la foulée. Mais 1916 est aussi pour lui l'année de la perte de son fils Jean[1], capitaine de mitrailleurs au 411e régiment d'infanterie, qui trouve la mort le [2] à la Cote 304.

Le , revenant du front d'Italie, il prend la tête de la 6e armée. Celle-ci a alors la garde du Chemin des Dames. Au-delà de son aspect tactique, cette mission a valeur de symbole car cette ligne de crête entre l’Aisne et l’Ailette, de Soissons à Reims, est encore dans toutes les mémoires, de la plus douloureuse des façons. Il était donc hors de question que cette position conquise dans la douleur entre avril et septembre 1917, puisse un jour retomber au pouvoir des Allemands. Lors des premières offensives de Ludendorff (mars et avril 1918), l’armée de Duchêne reste en marge de la bataille. Son secteur est considéré comme calme et hors de danger. On y affecte donc des troupes usées par les derniers combats (les 19e et 22e DI ou le 9e CA britannique, par exemple). Mais le la troisième bataille de l’Aisne se déclenche ; le front de la 6e armée est percé en quelques heures. L'effet de surprise et le surnombre des troupes d’assaut allemandes face à des défenseurs fatigués sont deux éléments d’explication. L’obstination du général Duchêne à ne pas vouloir aménager une deuxième position et son opposition sur ce point avec le G.Q.G. de Pétain restent toutefois les facteurs déterminants de la défaite. L'héroïsme désespéré de ses troupes submergées n'y a rien pu. De surcroît, une fois le premier choc encaissé, Duchêne rechigne à faire replier son armée au sud de l'Aisne. Il lui semble que la crête du chemin des Dames doit être son seul et ultime rempart. En refusant le repli immédiat sur une forte ligne de résistance (manœuvre si bien exécutée par le général Gouraud en Champagne, le suivant), c'est tout son dispositif qui est ébranlé et c'est jusqu'à la Marne qu'il est contraint de rétrograder.

Le , le général Duchêne paye le prix de son échec et le général Degoutte prend sa place à la tête de la 6e armée. C’est lui qui devait la conduire lors de l’offensive victorieuse du .

Après guerre modifier

Le général Duchêne dirigeant les opérations lors des grèves au Havre le .

Placé en disponibilité le puis soumis à une commission d'enquête sur son échec de mai, il retrouve un commandement important (la 19e DI, à Rennes) le . Le , il est élevé à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur[3]. Il dirige ensuite successivement les 13e et 3e corps d'armée. Il est particulièrement chargé de la répression de la grève des métallos du Havre en août 1922, au côté du préfet Lallemand[4],[5].

Il est finalement placé dans la position de réserve le . Cet homme dont la carrière prometteuse avait été brisée par un choix défensif malheureux est mort le à Bihorel, dans le département de la Seine-Inférieure.

Insoumission de Duchêne et perte du Chemin des Dames modifier

Fin 1917, le général Pétain, commandant en chef de l'armée française, donne de nouvelles instructions défensives qui prescrivent l'étalement en profondeur du réseau défensif. Il convient désormais d'éviter de défendre à tout prix une première ligne, condamnée à l'avance par les nouveaux procédés de combat ennemi (provenant du front russe), pour concentrer l'essentiel de ses forces sur une seconde ligne et, le cas échéant, sur d'autres lignes de soutien plus en arrière.

Or, ces sages prescriptions ne siéent pas au général Duchêne qui considère que leur application reviendrait à abandonner le Chemin des Dames en cas d'attaque ennemie. Faisant fi des injonctions du grand quartier général, le général Duchêne néglige l'aménagement de la position de soutien, qui ne sera jamais terminée, et ordonne de renforcer la première ligne afin d'interdire l'accès du plateau aux Allemands. Le 20 mai 1918, il prescrit une directive à ses troupes : « combattre jusqu'au bout sur la première position. Interdire à l'ennemi de prendre pied au sud de l'Ailette et au nord du plateau du Chemin des Dames ». Mais, ce jour-là, tout est calme.

L'attaque allemande est lancée dans la nuit du et marque le début de la troisième bataille de l'Aisne. À 1 heure du matin, plus de 4 000 canons et des centaines de Minenwerfer crachent un feu continu et écrasent les premières lignes de défense du Chemin des Dames ainsi que l'artillerie (les emplacements avaient été repérés par les avions d'observation allemands depuis plusieurs jours).

À h 40, sous la protection d'obus fumigènes, 20 divisions d'infanterie allemandes se lancent à l'assaut.

Les défenseurs totalement livrés à eux-mêmes, sans le moindre point d'appui (l'artillerie française est totalement détruite), ni le moindre espoir de recevoir des renforts, se battent comme ils peuvent. Totalement submergés par la supériorité numérique et tactique de l'ennemi, des grappes de défenseurs isolés se battent avec acharnement et parfois parviennent à ralentir l'avance allemande (le saillant de Vauclair résistera 45 minutes).

À h 30, le général Duchêne comprend la gravité de la situation. Fidèle à son choix de livrer bataille sur sa première position, il décide d'envoyer 11 bataillons en renfort.

Ces bataillons n'arriveront jamais : ils seront immédiatement happés par les bombardements et les Sturmtruppen, les troupes de choc, pendant le transfert.

Entre h et h, la totalité des troupes allemandes occupe le sommet des lignes de crêtes du Chemin des Dames. Une fois le Chemin des Dames franchi, les troupes d'assaut se ruent vers les pentes sud du plateau.

À h, Craonnelle est prise. À h, la 22e division d'infanterie du général Renouard, réduite à l'état de fantôme[Quoi ?], demande des renforts à la 157e division d'infanterie, affaiblissant ainsi la seconde ligne de défense.

À h 30, le général Duchêne ordonne de se préparer à détruire les ponts sur l'Aisne. Mais il est trop tard, l'avance allemande est tellement rapide que les sapeurs n'ont pas le temps d'activer les charges explosives.

À h 30, l'état-major de la VIe armée donne l'ordre de mise à feu mais les ponts et les passerelles sont déjà tombés intacts depuis longtemps aux mains des Allemands ! Vers 20 h, le front se situe sur la Vesle.

Le , la ligne de front passe désormais de Lœuilly à Celles sur Aisne puis longe l'Aisne jusqu'à Saint Mard, redescend ensuite brutalement vers la Vesle entre Courcelles et Magneux, remonte vers Maizy et se termine au nord de Saint-Thierry.

Les quatre erreurs du chef de la VIe armée sont les suivantes[6] :

  • défense en masse de la première ligne qui contrevient aux ordres de Pétain ;
  • destruction de l'artillerie restée immobile ;
  • « gaspillage » des réserves dans des contre-attaques stériles ;
  • la perte des ponts sur l'Aisne.

Caractère modifier

Duchêne est un officier aux remarquables états de service mais s'est également fait remarquer par son caractère détestable. Il est ainsi décrit :

  • « une sorte de brute mal embouchée et peu déliée » pour Abel Ferry ;
  • le général Pierre des Vallières, qui commande la 151e DI constate « qu'il a l'art de se rendre partout indésirable » ;
  • « Une humeur de dogue, un grondement perpétuel, un orage de rebuffades, tout de suite les gros mots à la bouche, sans raison. L'aborder devenait pour les officiers un supplice, qu'ils ne risquaient qu'à la dernière extrémité. Son chef d'état-major, obligé de subir ses sursauts de colère, le boudait pendant plusieurs jours, quand il avait vraiment dépassé les mesures. On croira difficilement de telles choses, mais il parait, qu'à la lettre, c'était incroyable[7]. »
  • « Colérique, Duchêne n'hésite pas à manier l'insulte à l'encontre de ceux qui osent lui opposer la moindre contestation. Sûr de lui, il impose ses idées avec une autorité qui doit autant à son grade qu'à ses coups de gueule[8]… »

Notes et références modifier

  1. « Cote LH/823/4 », base Léonore, ministère français de la Culture.
  2. « Le Monde & la Ville : deuil », Le Figaro, no 188,‎ , p. 3 (lire en ligne).
  3. « Cote 19800035/12/1651 », base Léonore, ministère français de la Culture.
  4. Bernard Lecache, « Le Havre tient ferme », L'Humanité,‎ (lire en ligne)
  5. Paul Roche, « Force reste à l'autorité », Le Gaulois,‎ (lire en ligne)
  6. Général René Tournès, Histoire de la guerre mondiale, tome 4, p. ??.
  7. Jean de Pierrefeu, 3 ans au GQG, tome 2, Éditions Française Illustrée, 1920.
  8. Magazine 14-18, no 41.

Voir aussi modifier

Sources et bibliographie modifier

Articles connexes modifier

Liens externes modifier