François Mackandal

houngan et cheffe marron haïtienne
François Mackandal
Médaille commémorative haïtienne à l'effigie de Mackandal. 1968
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Naissance
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Condamné pour

François Makanda, Mackandal, Macandal ou Makandal (en créole haïtien : Franswa Makandal), mort à Cap-Français (actuel Cap-Haïtien) le , est un esclave marron, meneur de plusieurs rébellions dans le nord-ouest de l'île de Saint-Domingue.

C'était un « Bossale » (un homme libre originaire d'Afrique), parfois décrit comme un prêtre vaudou ou houngan. Accusé de « séduction, profanation et empoisonnement »[1] par l'autorité coloniale française, il est condamné à mort par un arrêt du et livré le jour-même au bûcher. Son personnage, sur lequel continuent à planer bien des mystères, a donné lieu à des légendes.

De nos jours, Mackandal est le plus souvent considéré comme un symbole de la lutte noire anti-esclavagiste, et comme l'un des précurseurs de la Révolution haïtienne de 1791.

Biographie modifier

Afrique modifier

François Mackandal «Makanda» était originaire de l'Empire kongo selon les anthropologues américains Mark Davis[2] et Wyatt Mac Gaffey[3]. D'autres historiens soutiennent cette thèse, notamment les professeurs spécialistes en études afro-américaines de l'université de Boston, Linda Heywood et John Thornton et David Patrick Geggus de l'université de Floride.[réf. nécessaire] Selon certaines sources, il était musulman[4] et aurait pu naître au Sénégal, au Mali ou en Guinée[5], bien que les informations biographiques dont on dispose pour cette période ne puissent permettre de rien affirmer de certain à ce sujet. Il est probablement capturé lors d'une razzia et embarqué vers la colonie française de Saint-Domingue. Selon le chercheur Congolais Arsène Francoeur Nganga, dans son ouvrage sur les origines Kôngo d'Haïti, Macandal viendrait de "Makanda": Il y aurait eu francisation du phonème /K/ en /C/ et perte du segment final /A/. Selon lui, Macandal n'était pas musulman, car l'ethnographie de ses pratiques renverrait au rite petro-lemba du voudou haïtien. Pierre Pluchon, qui a décrit les pratiques de Macandal, fait observer l'utilisation de l'eau bénite et d'ingrédients associés aux pratiques kongo.

Saint-Domingue modifier

Selon Moreau de Saint-Méry, qui écrit trente ans après les faits, Mackandal devient esclave sur une propriété de Le Normant de Mézy[6] au Limbé. Après avoir perdu l'une de ses mains, prise dans un moulin à cannes, Mackandal aurait été chargé de garder les animaux[7]. Selon un récit de la même époque, mais un peu trop lyrique et dont l'authenticité est, par conséquent, sujette à caution, Mackandal se serait ensuite enfui après avoir suscité la jalousie de son maître en séduisant une jeune esclave noire dont le maître blanc était également épris ; son rival aurait alors trouvé un prétexte pour le maltraiter. Face à cette injustice, il prend la fuite et commence à marronner[8]. Il serait alors resté insaisissable pendant dix-huit ans[9].

Durant cette période, Mackandal organise la révolte de ses semblables contre les maîtres blancs français. Si, selon certaines sources, Mackandal était à l'origine musulman, il est probable qu'il fut plutôt en relation avec le vaudou, étant donné la prédominance de cette religion sur l'île. Considéré comme un houngan, il se dit immortel et impressionne ses semblables haïtiens. Il prépare du poison à partir de plantes et le distribue aux esclaves afin que ces derniers le mélangent aux boissons ou aux aliments des Français. Il devient un chef charismatique et unit les bandes d'esclaves marrons. Il crée un réseau d'organisations secrètes dans les plantations. Contre celles-ci, il dirige plusieurs actions nocturnes d'esclaves, à la lueur des flambeaux, et ils tuent leurs propriétaires.

Condamnation et mort modifier

Trahi par l'un des siens, il est capturé. Jugé par le Conseil supérieur du Cap-Français – aujourd'hui Cap-Haïtien –, il est déclaré, le , « düement atteint & convaincu de s'être rendu redoutable parmi les nègres et les avoir corrompus et séduits par des prestiges et fait se livrer à des impiétés et des prophanations auxquelles il se serait luy même livré en mélant des choses saintes dans la composition à l'usage de paquets prétendus magiques, et tendant à maléfices, qu'il faisait et vendait aux nègres, d'avoir en outre composé, vendu et distribué de ce poison de toutes espèces »[1]. Il est condamné à faire amende honorable[10],[1],[11] et, après avoir été soumis à la question ordinaire et extraordinaire (la torture) afin qu'il nomme des complices – ce qu'il fera[9] –, à être brûlé vif sur la place publique du Cap-Français[1].

Dans le brasier, le poteau auquel il est attaché aurait cédé et Mackandal aurait sauté hors du bûcher pour disparaître . Les esclaves se seraient écrié : « Macandal sauvé ! ».

Postérité. Entre réalité et légendes modifier

Selon Moreau de Méry, Mackandal aurait inspiré chez les esclaves noirs eux-mêmes plus de terreur que d'admiration ; ainsi écrit-il que les Noirs – les « nègres » dans le texte – se mirent par la suite à appeler « macandals » les poisons et les empoisonneurs, et que ce nom était devenu « l'une des plus cruelles injures qu'ils puissent s'adresser entre eux »[12].

L'exécution de Mackandal précède de trente-trois ans la Révolution haïtienne de 1791, première révolte d'esclaves noirs réussie, prélude à l'établissement, en 1804, d'Haïti en tant que première république noire libre du monde.

Culture populaire modifier

  • L'écrivain cubain Alejo Carpentier aborde la personnalité légendaire de Mackandal dans Le Royaume de ce monde, l'un de ses romans « réalistes magiques », en 1949.
  • Il est question de Mackandal dans The Serpent and the Rainbow, livre de Wade Davis consacré au vaudou, paru en 1985.
  • Il est aussi question de Mackandal dans Royal Bonbon, film de Charles Najman datant de 2002.
  • Dans le roman publié en 2011 par l'écrivain haïtien Mikelson Toussaint-Fils et intitulé Les Sentiers rouges : Le Messie des îles, Mackandal est dépeint comme un glorieux chef carrément divin aux yeux de ses partisans et même de ses ennemis.
  • Dans son roman "L´île sous la mer" Isabel Allende narre l´événement que fût l´exécution de Mackandal au Cap.
  • Dans le jeu vidéo Assassin's Creed III: Liberation, sorti en 2012 sur PlayStation Vita, un personnage du nom de François Mackandal est un leader des Assassins. Il est mentionné à nouveau dans Assassin's Creed: Rogue. Une gravure montrant sa mort sur le bucher laisse supposer qu'il s'agit bel et bien de l'esclave marron.
  • Gael Faye fait référence à Mackandal dans sa chanson 'Tôt le matin'.

Bibliographie modifier

Archive modifier

Sources anciennes modifier

Ouvrages récents modifier

Notes modifier

  1. a b c et d Archive « Mackandale, chef des noirs révoltés, arrêt de condamnation… ».
  2. Mark Davis, The Greatest Unknown Story of History.
  3. Wyatt Mac Gaffey, Kongo Political Culture. The Conceptual Challenge of the Particular, Indiana University Press, 2000, p. 139.
  4. Selon un récit publié en 1787 dans le Mercure de France, « né en Afrique, dans une de ces contrées qui sont adossées au mont Atlas, [Mackandal] étoit sans doute d'un rang assez illustre dans sa patrie, puisqu'il avoit reçu une éducation bien plus soignée que celle qu'on donne ordinairement aux Nègres. Il savoit lire & écrire la langue arabe, & ce n'est pas le seul Nègre tombé par hasard dans l'esclavage, & conduit dans nos colonies, qui ait eu le même talent. Makandal avoit encore un goût vif & naturel pour la musique, la peinture et la sculpture […] » (M. de C.…, « Histoire… », 1787, p. 102-103). Ce qui est repris, mais bien plus tard, par l'historien haïtien Thomas Madiou, qui écrit que « Makandal africain et d'une illustre naissance, avait été élevé dans la religion musulmane. Il était instruit, et possédait très-bien la langue arabe » (Madiou, 1847, p. 25).
  5. Sylviane Diouf, 1998, p. 151.
  6. Biographie de Lenormant de Mézy, dans le Dictionnaire biographique du Canada.
  7. Moreau de Saint-Méry, Description topographique… Tome 1, p. 651.
  8. M. de C., « Makandal, Histoire véritable », p. 104-105.
  9. a et b Relation…, 1758, p. 3.
  10. Il est conduit, par l'exécuteur de la haute justice, « nu en chemise [ce qui veut dire « vêtu seulement d'une chemise »] une torche de cire ardente du poids de deux livres au devant de la principale porte de l'église paroissiale [du Cap …], ayant écriteau devant & derriere avec l'inscription – séducteur, prophanateur et empoisonneur – », et à prononcer, nu-tête et à genoux, les raisons de sa condamnation.
  11. Cfr. notes de l'article « Amende honorable », dans Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, canonique et béneficiale… Tome premier, Paris, Visse, 1784, p. 365. En ligne sur Google Books.
  12. Moreau de Saint-Méry, Description topographique… Tome 1, p. 653.

Liens externes modifier