Georges Hermonyme

humaniste, copiste de manuscrits et traducteur d'origine grecque, établi à Paris entre 1476 et 1515

Georges Hermonyme de Sparte est un humaniste, copiste de manuscrits et traducteur d'origine grecque, établi à Paris entre 1476 et sans doute sa mort vers 1510[1]. Il fut l'un des premiers à la Renaissance à enseigner le grec dans la capitale française[2].

Éléments biographiques modifier

Le détail de sa vie est fort mal connu. Il est certainement né à Mistra, dans le Péloponnèse, près du site de l'antique Sparte, et apparaît pour la première fois à Rome en 1473. Tout laisse penser qu'il a dû faire partie du cercle humaniste du cardinal Bessarion († le ). Le premier document conservé qui porte son nom est un sauf-conduit papal délivré par Sixte IV et daté du  : il était chargé d'une négociation non précisée pour le compte du Saint-Siège. La suite montre qu'il s'agissait d'aller en Angleterre négocier la libération de George Neville, archevêque d'York, détenu sur l'ordre du roi Édouard IV, pour trahison, depuis le . On ignore pourquoi il a été choisi pour cette mission.

George Neville, qui était détenu à Hames, alors en territoire anglais, fut libéré en novembre 1474 et rentra à Londres, où le négociateur pontifical, connaissant son intérêt pour l'hellénisme, lui offrit un manuscrit grec copié de sa main, un recueil de sentences des Pères de l'Église[3]. Hermonyme demeura ensuite quelque temps dans la capitale anglaise, où il fut arrêté en décembre 1475, accusé d'espionnage par des marchands italiens sur la base d'une lettre qu'il aurait adressée à Georges Paléologue de Bissipat, corsaire grec au service de la France[4]. Il resta en prison pendant plus de trois mois, fers aux pieds[5]. Son compatriote Andronic Calliste lui rendit visite à plusieurs reprises et se démena pour le faire libérer, écrivant notamment à Georges Paléologue de Bissipat pour qu'il fasse intervenir Louis XI.

Hermonyme était à Paris le , jour où il acheva dans cette ville la copie d'un manuscrit de La Suite d'Homère de Quintus de Smyrne, une épopée inconnue des Byzantins et que le cardinal Bessarion avait découverte vingt ans plus tôt dans la bibliothèque du monastère Saint-Nicolas de Casoli d'Otrante[6]. C'est le plus ancien manuscrit grec conservé qui ait été copié à Paris. On ignore s'il retourna à Rome pour rendre compte de sa mission, mais en tout cas il était de retour à Paris dès 1477 : il y initia au grec le jeune Johannes Reuchlin[7]. En 1478 et 1479, toujours à Paris, il copia deux manuscrits du Nouveau Testament en grec, destinés à David Chambellan, avocat au Parlement de Paris[8].

Il s'installa à Paris pour les trente années suivantes (sans doute jusqu'à sa mort). Il rechercha des protecteurs, dont le premier fut le cardinal de Bourbon (archevêque de Lyon, mais qui résidait surtout à Paris). Il enseigna le grec, sans doute dans des collèges de l'Université de Paris, mais pour de maigres émoluments, car il fut toujours en manque d'argent. Il fut le professeur de Guillaume Budé (à partir de 1491, Budé ayant vingt-cinq ans), de Jacques Lefèvre d'Étaples (vers 1495, l'élève ayant une quarantaine d'années), d'Érasme (vers 1500, Érasme ayant la trentaine), de Beatus Rhenanus (en 1503), de Michael Hummelberger (à la même époque, ces deux derniers étant devenus grands amis à Paris). Sur ses qualités d'enseignant, les opinions semblent avoir divergé : Lefèvre d'Étaples l'appelle son « père » dans une préface écrite en 1497 ; il déclare que c'est après une conversation avec Hermonyme qu'il se mit aux mathématiques, discipline jusqu'alors négligée en France. Mais Érasme[9], Guillaume Budé[10] et Beatus Rhenanus[11] ont laissé sur lui des jugements très négatifs, critiquant sa mauvaise pédagogie et son avidité.

Travaux modifier

Cent dix neuf manuscrits de sa main nous sont parvenus (la moitié environ conservés à Paris), certains textes faisant l'objet de quatre ou cinq copies. Les auteurs antiques dont il a copié les œuvres sont très variés : des poètes (Hésiode, Pindare, Eschyle, Euripide, Denys le Périégète, Quintus de Smyrne...) et des prosateurs (Thucydide, Platon, Xénophon, Isocrate, Eschine, Démosthène, Plutarque, Diogène Laërce...). On ignore comment, de Paris, il se procurait tous ces textes : Jean Irigoin suppose qu'il avait des correspondants en Italie, voire en Grèce. Il copiait aussi des livres religieux (Nouveau Testament, lectionnaires, textes patristiques...) et des livres d'enseignement : la Grammaire grecque de Théodore Gaza (dont quatre exemplaires de sa main nous sont parvenus), les Erotêmata de Manuel Moschopoulos, des lexiques grec-latin.

Il produisit aussi des traductions latines de textes grecs : le traité pseudo-aristotélicien Des vertus et des vices (qu'il fit imprimer dès 1478 par Ulrich Gering), les Dits des Sept Sages, les Préceptes conjugaux de Plutarque, une Vie de Mahomet, deux traités du patriarche Gennade Scholarios... Il collaborait avec les imprimeurs parisiens (qui, jusqu'à Gilles de Gourmont en 1507, ne possédaient pas de caractères grecs) en remplissant à la main les passages en grec dans les livres qu'ils publiaient.

Bibliographie modifier

  • Jean François Boissonade de Fontarabie, Anecdota Græca 5, Paris, 1833, p. 420-426.
  • Henri Omont, « Hermonyme de Sparte, maître de grec à Paris, et copiste de manuscrits (1476) », Mémoires de la Société de l'histoire de Paris et de l'ïle-de-France 12, 1885, p. 65-98 [1].
  • Jean Irigoin, « Georges Hermonyme de Sparte : ses manuscrits et son enseignement à Paris », Bulletin de l'Association Guillaume Budé, vol. 36, 1977, p. 22-27.
  • Maria Kalatzi, Hermonymos : A Study in Scribal, Literary and Teaching Activities in the Fifteenth and Early Sixteenth Centuries, Athènes, 2009.
  • Jean-François Maillard et Jean-Marie Flamand, La France des Humanistes : Hellénistes II, coll. Europa Humanistica, Turnhout, Brepols, 2010, p. 1-214.

Notes et références modifier

  1. Il est mort après 1508, et sûrement avant 1516.
  2. Avant lui, l'Italien Grégoire Tifernas, helléniste, avait enseigné à Paris entre janvier 1458 et l'automne 1459. Mais son enseignement de grec ne semble pas avoir laissé beaucoup de traces. Voir Louis Delaruelle, « Un vie d'humaniste au XVe siècle : Grégoire Tifernas », Mélanges d'archéologie et d'histoire, École française de Rome, 1899.
  3. L'archevêque n'en profita pas longtemps, car il mourut le 8 juin 1476.
  4. Cf. Boissonade, p. 422 : « [...] τέλος δέ, καιροῦ προιόντος, κατηγορηθεὶς ὑπὸ τῶν ἐνταῦθα Ἰταλικῶν ἐμπόρων διὰ τὸ πεπομφέναι γράμματα πρὸς σὲ τὸν Γεώργιον καὶ ἐξαγγεῖλαι τὰ ὑπ'αὐτῶν πραττόμενα κατὰ σοῦ, καὶ ἅμα οἰομένων τῶν ἐμπόρων καὶ τὰς ἄλλας αὐτῶν πράξεις γράμμασι μηνύειν πρὸς σὲ τὸν Γεώργιον, ὥστε ῤᾳδίως ὑπὸ σοῦ κατ'αὐτῶν συμπλέκεσθαι μηχάνας καὶ ἐνέδρας, καὶ συλλαμϐάνειν αὐτούς [...] » (lettre d'Andronic Calliste à Georges Paléologue de Bissipat, écrite à Londres en mars 1476, également reproduite en PG, vol. CLXI, col. 1017-1020).
  5. Cf. Boissonade, p. 423 : « [...] τρίμηνον μὲν διατρίψας ἐν δεσμωτηρίῳ, πέδαις δὲ σιδηραῖς δεσμωθεὶς τοὺς πόδας [...] ».
  6. Découverte d'un codex unicus qui intervint à temps, car la ville et la bibliothèque furent anéanties par une armée turque en août 1480.
  7. Ensuite, Reuchlin partit étudier le droit à Orléans. Hermonyme lui fit parvenir un exemplaire de la Grammaire grecque de Théodore Gaza copié de sa main, accompagné d'une lettre où il déclare tenir à sa disposition d'autres livres (un dictionnaire appartenant à un de ses amis, à vendre six écus, et un recueil de fables qu'il a copié, qui n'est pas à vendre, mais à la disposition du jeune homme).
  8. Sur la famille Chambellan, voir Alain Collas, « Une famille de notables ordinaires aux XIVe, XVe et XVIe siècles : Les Chambellans de Bourges (1300-1585) », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, vol. 103, n° 4, 1996, p. 25-57. David Chambellan révèle dans une note du volume de 1479 qu'il apprit le grec auprès d'Hermonyme et l'hébreu tout seul : « Hæc sacrosancta evangelia Græca scribi et aptari feci Parisius per annum antequam ducerem uxorem per quemdam Georgium Hermonimum [...] Quo tempore mirabiliter optabam peritiam litterarum Græcarum, quam interrupit sollicitudo nuptiarum, tamen post matrimonium frequenter quasi furtim tam Græcas quam Ebreas litteras legi. Testis est mihi Deus quod Ebreas sine præceptore didici litteras [...] ».
  9. Dans une lettre à Antoine de Berghues, abbé de Saint-Bertin, datée peut-être du 16 mars 1501 (Opus Epistolarum (1484-1514), éd. P. S. Allen, t. I, Oxford, 1906, p. 353) : « [...] menses aliquot Græcum didascalum audire decrevi, plane Græcum, vel potius bis Græcum, semper esurientem et immodica mercede docentem » ; dans une lettre à Jean Botzheim datée du 10 janvier 1523, il raconte qu'Hermonyme, seul professeur de grec à Paris, était bègue et incapable d'enseigner correctement (« Lutetiæ tantum unus, Georgius Hermonymus, græce balbutiebat, sed talis ut neque potuisset docere si voluisset, neque voluisset si potuisset »).
  10. Dans une lettre à Cuthbert Tunstall datée de 1517
  11. Dans une lettre à Johann Hervagio datée du 27 août 1531 servant de préface à l'Epitome grammaticæ Græcæ de Michael Hummelberg : « [...] et mox simul Græcæ linguæ rudimentis imbueremur sub Hieronymo Spartiata, parum candido præceptore, qui in emungenda pecunia strenuus erat, in docendo malignus ».