Godefroy de Bouillon

duc de Basse-Lotharingie (1087-1100), premier souverain du royaume de Jérusalem (1099-1100)
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Godefroy de Bouillon, né vers 1058 et mort le à Jérusalem, est un chevalier franc et duc de Basse-Lotharingie. Premier souverain du royaume de Jérusalem au terme de la première croisade, il refuse le titre de roi pour celui, plus humble, d'avoué du Saint-Sépulcre.

Godefroy de Bouillon
Illustration.
Godefroy de Bouillon dans sa tour de siège à l'assaut de Jérusalem. Enluminure du manuscrit Li rommans de Godefroy de Buillon et de Salehadin et de tous lez autres roys qui ont esté outre mer jusques a saint Loys qui darrenierement y fu, illustré par le maître du Roman de Fauvel.
Paris, BnF, département des manuscrits, ms. Français 22495, fo 69 vo, 1337.
Titre
Avoué du Saint-Sépulcre

(1 an et 3 jours)
Prédécesseur Iftikhâr al-Dawla
gouverneur fatimide de Jérusalem
Successeur Baudouin Ier
roi de Jérusalem
Duc de Basse-Lotharingie

(9 ans)
Prédécesseur Conrad de Basse-Lotharingie
Successeur Henri Ier de Limbourg
Biographie
Dynastie Maison de Flandre
Date de naissance Vers 1058
Lieu de naissance Baisy-Thy (Brabant wallon) ou Boulogne-sur-mer (France)
Date de décès
Lieu de décès Jérusalem
Père Eustache II de Boulogne
Mère Ide d'Ardenne
Fratrie Ide de Boulogne

Eustache III
Baudouin Ier

Religion Catholicisme

Godefroy de Bouillon
Château de la Manta (Coni, Piémont), fresques de la salle du trône : Godefroy de Bouillon en tenue de héraut.

Premières années

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Stèle à Godefroy de Bouillon dans l'église Saint-Hubert de Baisy-Thy.

Fils d'Eustache II, comte de Boulogne, compagnon de Guillaume le Conquérant, et de sa seconde épouse Ide de Boulogne, fille de Godefroid II, duc de Basse-Lotharingie, Godefroy de Bouillon est un descendant de Charlemagne et, comme son illustre ancêtre, un personnage de légende. Il appartient à un clan de ducs, comtes et évêques, à un groupe aristocratique qui gouverne la Lotharingie depuis 950 au moins[1]. Il est dit membre de la maison de Boulogne, or, son premier ancêtre ayant porté le titre de comte de Boulogne est Adalolphe de Boulogne, fils de Baudouin II de Flandre, lui-même fils de Baudouin Ier de Flandre. Il n'y a pas de changement dynastique, et fait donc partie de la Maison de Flandre.

On ne connaît pas avec certitude le lieu de naissance de Godefroy de Bouillon ; les thèses hésitent entre Boulogne-sur-Mer en France et Baisy-Thy en Belgique[2]. Son éducation de chevalier est assurée par son oncle Godefroy III le Bossu à Bouillon (Belgique). À la mort de ce dernier, il hérite de ses titres. Attendant sans doute qu'il fasse ses preuves, Henri IV ne lui concède que le marquisat d’Anvers (1076) et il lui interdit, en tant que roi de Germanie, le titre de duc de Basse-Lotharingie comme le souhaitait son oncle dans son testament. C'est son fils Conrad , alors agé de deux ans qui portera le titre, sous la tutelle du comte de Namur Albert III[3].

Godefroy se range néanmoins fidèlement au côté d'Henri IV dans la lutte d'Investiture qui oppose l'empereur germanique et le pape Grégoire VII, et entre dans Rome les armes à la main. Il tombera gravement malade peu après cette expédition, victime sans doute d'un typhus, mais s'en sortira[4]. Il dût également s'opposer à la convoitise de sa tante Mathilde de Toscane, qui associée avec Albert III revendiquait la région de Bouillon[5]. Il triomphera de ses adversaires et s'imposera à l'attention de Henri IV[6]. Sans doute impressionné par ce jeune chevalier et aussi pour le récompenser de ses fidèles et loyaux services, l'empereur germanique le reconnaît finalement duc de Basse-Lotharingie en 1087[7],[8].

Duc de Basse-Lotharingie

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Il règne donc désormais sur un duché s'étendant sur ce qui deviendra le duché de Brabant, le comté de Hainaut, le duché de Limbourg, le comté de Namur, le duché de Luxembourg et une partie du comté de Flandre. Peu de témoignages nous sont parvenus permettant de connaître l'activité de Godefroy lors de sa période en tant que duc de Basse-Lotharingie. Les seuls documents contemporains sont les chroniques des abbayes de Saint-Hubert et Saint-Trond. Nous savons ainsi que Godefroy dut arbitrer la succession à l'abbaye de Saint-Hubert entre Otbert et Thierry II, n'hésitant pas à utiliser la force si nécessaire[9],[10].

Nous lui connaissons également 3 actes ducaux datés de 1093 (pour l'abbaye de Gorze) et de 1096 (pour les prieurés de Bouillon et de Stenay), attestant ainsi un pouvoir personnel important, plutôt rare à cette époque[11].

La première croisade

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Route de Godefroy de Bouillon.
Godefroy et les barons reçus par l'empereur Alexis Comnène.

En 1095, le nouveau pape Urbain II appelle à la croisade pour libérer Jérusalem et venir à l'aide de l'Empire byzantin qui est l'objet d'attaques musulmanes. Godefroy de Bouillon est l'un des premiers à répondre à cet appel, convaincu par le prédicateur itinérant Pierre l'Ermite. Vassal de l'empereur Henri IV (constamment en conflit avec le pape) et grand féodal à l'autorité bien assise, on ignore tout des raisons profondes qui l'ont poussé à tenter cette aventure vers l'inconnu alors que ses terres reçues en héritage sont convoitées[12] : ferveur religieuse, Godefroy étant marqué par le renouveau monastique et la réforme clunisienne qui a pénétré en Basse-Lotharingie ? Dispute avec Henri IV qui doute désormais de sa loyauté ? Ayant sans doute participé au sac de Rome en 1083 et étant tombé gravement malade peu après cette expédition, voulait-il réparer ses torts, et aller défendre les chrétiens en Orient ?[13].

Toujours est-il qu'il devient l'un des principaux chefs de la première croisade. Pour financer son départ, il hypothèque le château de Bouillon à Otbert, prince-évêque de Liège, et celui de Stenay au prince-évêque de Verdun. Le départ a lieu le , accompagné d'une suite nombreuse. Godefroy est rejoint par ses frères Eustache et Baudouin. Ceux-ci ne sont pas les seuls nobles à s'engager. Raymond IV de Toulouse, également connu sous le nom de Raymond de Saint-Gilles, a constitué la plus grande armée. À l'âge de 37 ans, Raymond est aussi le plus ancien et peut-être le plus connu des seigneurs croisés. En raison de son âge et de sa renommée, Raymond est le chef de la croisade. Adhémar de Monteil, évêque du Puy et légat du pape, voyage avec lui. Il y a aussi l'ardent Bohémond de Tarente, un chevalier normand qui s'est taillé un petit royaume dans le Sud de l'Italie, et un quatrième groupe conduit par Robert II de Flandre.

Chacune de ces armées voyage séparément, certains vont au sud-est, à travers l'Europe et la Hongrie et d'autres traversent la mer Adriatique de l'Italie méridionale. Godefroy, et ses frères, seraient partis le [14].

L'armée passe par Ratisbonne, Vienne, Belgrade et Sofia, le long de la route Charlemagne, comme Urbain II semble l'avoir appelée (selon le chroniqueur Robert le Moine). Après quelques difficultés en Hongrie, ils arrivent à Constantinople, capitale de l'Empire byzantin, en novembre. Le pape a, en fait, appelé à la croisade afin d'aider l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène à combattre les Turcs musulmans qui ont envahi ses terres d'Asie mineure et de Perse. L'armée de Godefroy arrive la deuxième, après celle d'Hugues Ier de Vermandois. Les autres armées croisées arrivent les mois suivants, si bien que l'empereur byzantin se retrouve avec une armée d'environ 4 000 à 8 000 chevaliers et 25 000 à 55 000 fantassins qui campent devant sa porte.

L'empereur byzantin voudrait que les croisés l'aident à reconquérir les terres dont se sont emparés les Turcs seldjoukides. Les croisés ont pour objectif principal de libérer la Terre sainte des musulmans et d'y établir une domination chrétienne. Pour eux, le problème d'Alexis Ier n'est qu'un contretemps. Au fur et à mesure de leur arrivée, l'empereur byzantin demande aux croisés de lui prêter serment de loyauté. Godefroy refusa longtemps. L'empereur mit la pression en coupant les ravitaillements et en attaquant le camp des croisés[15]. Godefroy riposta en essayant de prendre d'assaut la capitale. Il échoua. Après encore 5 jours de réflexion, Godefroy prêta serment et devint vassal de l'Empire de Byzance[16] le 20 janvier 1097[17].

Au printemps 1097 les croisés sont prêts à engager la bataille, après avoir longuement négocié avec l'empereur la traversée du Bosphore. Ils pénètrent en Asie, pour reconquérir Nicée occupée par les Turcs depuis 1085. Pour parvenir jusque-là, Godefroy de Bouillon fait élargir la route reliant Nicomédie à Nicée[18] et l’empereur Alexis Ier Comnène s’engage à assurer un ravitaillement régulier. Après une étape à Nicomédie du 1er au , où les rejoignit Pierre l'Ermite et les rescapés de la croisade populaire, le 4 mai les croisés s'avancent vers Nicée. La ville est atteinte le 6 mai. Godefroy s'installe au nord, Bohémond de Tarente à l'est, et Raymond de Saint-Gilles, arrivé le 16 mai, au sud. Le jour même, une armée de secours envoyée par les Turcs est écrasée[4]. Le siège de Nicée peut commencer. Le 17 Juin, arrivée de la flotte byzantine qui bloque la porte vers la mer. Dès le lendemain, les francs et les grecs attaquent conjointement Nicée par terre et par eau[19]. Cependant, lorsque la ville est sur le point d'être prise, les Turcs font le choix de se rendre aux Byzantins et les croisés sont surpris, sinon déçus, de découvrir le 19 juin le drapeau byzantin flottant sur la ville qu'ils s'apprêtaient à attaquer[20],[21].

Les croisés reprennent leur route vers la Terre sainte. De son côté Kılıç Arslan Ier, sultan de Roum, bat le rappel des Turcs seldjoukides et attaque par surprise les croisés à la bataille de Dorylée, le ,[22],[23]. La victoire des croisés leur ouvre la voie de l'Anatolie. L’armée progresse difficilement, endurant la faim et la soif, perdant ses chevaux en grand nombre et rendant les guides grecs responsables de ses maux. Vers le 1 août, Godefroy est grièvement blessé par un ours lors d'une chasse[24]. Il mettra des semaines à se rétablir[25]. Vainqueurs des Danichmendides et de l’émir de Cappadoce à Héraclée (en), les croisés traversent le Taurus et sont accueillis favorablement en Cilicie par les Arméniens installés là depuis le milieu du XIe siècle. Durant le mois de mars, Thoros d'Édesse demanda l'aide des croisés pour faire face aux attaques turques. Baudouin, qui se porta à son secours, s'imposa peu à peu dans la ville. Menaçant de repartir, il obliga Thoros à l'adopter comme successeur. Lorsque le , Thoros trouva la mort au cours d’une émeute, Baudouin devint comte d'Édesse.

Les dirigeants de la première croisade : Godefroy de Bouillon, Bohémond de Tarente, Raymond IV et Tancrède de Hauteville.

Les croisés atteignent l'Oronte le . Godefroy de Bouillon, Bohémond de Tarente et Raymond IV de Toulouse, ne sont pas d'accord sur ce qu'il convient de faire pour s'emparer d'Antioche. Raymond voudrait lancer l'assaut, tandis que Godefroy et Bohémond préfèrent assiéger la ville. Bohémond s'installe au nord-est, face à la porte Saint-Paul. À l'ouest, Raymond place son camp face à la porte du Chien, et Godefroy face à la porte du Duc. Au sud, se trouvent les tours des Deux Sœurs, et plus loin sur les hauteurs, se dressent la citadelle et la porte de Fer. Au nord-ouest, la porte Saint-Georges n'est pas bloquée par les croisés, et continue d'être utilisée pour ravitailler la ville[26]. Le siège d'Antioche s'éternise et en décembre Godefroy tombe malade. Les approvisionnements diminuent à l'approche de l'hiver. À cause du manque de nourriture, un homme sur sept et environ 700 chevaux périssent. Des chevaliers et des soldats commencent à déserter. La situation est si désespérée qu'Alexis Ier ne juge pas utile d'envoyer renforts et ravitaillement.

Godefroy de Bouillon passe le Jourdain et tue un chameau. Enluminure du manuscrit Li rommans de Godefroy de Buillon et de Salehadin....
Paris, BnF, département des manuscrits, ms. Français 22495, fo 78, 1337.

Enfin le 3 juin, grâce à une ruse de Bohémond et avec l'aide d'un arménien nommé Firouz, les croisés réussissent à entrer dans Antioche et finissent par prendre la ville[27]. Dès le lendemain, une énorme armée de secours turque commandé par l'émir Kerbogha arriva et campa devant Antioche. D'assiégeants devenu assiégés, la situation des croisés devint précaire. Le 14 juin, une relique de la Sainte-Lance est découverte sous les dalles de la cathédrale Saint-Pierre par un pèlerin provençal nommé Pierre Barthélemy. Ce miracle redonna du courage aux croisés. Le 27 juin, ils sortirent de la ville, attaquèrent l'armée turque et bien qu'elle fût de supériorité numérique, la vainquirent[28].

Alexis Ier n'ayant pas tenu ses promesses, ils se considèrent déliés de leur serment envers l'empereur. Bohémond, se considérant comme le vainqueur d'Antioche, refuse de la lui restituer. Cela crée des tensions entre lui et Raymond de Toulouse qui est resté fidèle à sa parole. Durant l’été, tandis qu’une épidémie sévit à Antioche et emporte le légat Adhémar de Monteil, les croisés se répandent dans les régions voisines, s’emparent au sud de Lattaquié et de Ma`arrat, ou consolident leurs positions en Cilicie. Godefroy partit rejoindre son frère Baudouin à Édesse. Celui-ci lui remit les deux petites places fortes de Ravendel et Turbessel. Il pacifia la région en prenant comme allié l'émir Omar de la place forte d'Azaz, le défendant contre son seigneur Ridwan, le prince d'Alep. Il démentela également un repaire de brigands, commandé par un certain Pancrace, qui lançait des raids dans la région[29]. Au mois d'Octobre, Godefroy se rendit à Antioche où un conseil des barons devait avoir lieu. A cause d'un retard de Bohémond, le conseil ne commença que le 5 novembre mais il ne produisit aucune solution à la querelle entre Raymond de Saint-Gilles et Bohémond au sujet d'Antioche. Ces tergiversations irritèrent le reste de l’armée, qui détruisit les fortifications de Ma`arrat, conquise par Raymond de Toulouse pour le forcer au départ[30].

L'armée croisée reprend la route de Jérusalem le , remontant la vallée de l'Oronte, sans être inquiétée par les émirs arabes de la région. Godefroy tenta de s'emparer de la ville de Jabala mais échoua à la suite d'une rumeur[31]. Rejoignant la côte, l'armée s’empare de Tortose et de Maraclée (en). Sous la pression de ses soldats, Raymond de Toulouse doit abandonner le siège d'Arqa dont il comptait faire le centre de ses futures possessions. Suivant la côte jusqu’à Jaffa, les croisés entrent à Bethléem le 6 juin et mettent le siège devant Jérusalem le lendemain. Godefroy décide placer ses hommes devant la tour de David, et la porte de Jaffa. Des échelles en bois pour grimper sur les murs sont construites. Le 13 juin, une tentative de prendre d'assaut la ville échoue. Une expédition en Samarie et l’arrivée d’une flotte génoise à Jaffa le 17 juin fournissent le matériel nécessaire à la construction de machines de siège[32].

Sous la direction de Gaston de Béarn, les semaines qui suivirent furent utilisées à la fabrication d'échelles, de châteaux de bois et d'autres engins de guerre[33]. Le 9 juillet, Godefroy décida de déplacer ses troupes et de les positionner au nord-est de la ville, entre la Porte d'Hérode et la Tour des Cigognes, zone qu'il estimait plus faible. Le 14 juillet, on lança l'assaut, sans succès d'abord. Le 15 juillet, l'attaque reprit et Godefroy réussit à atteindre les murailles de la ville avec sa tour en bois. Vers 9h00, deux chevaliers frères de Tournai, Liétaud et Engilbert, furent les premiers à poser le pied sur la muraille de la ville, bientôt suivis par Godefroy et son frère Eustache. Sous ses ordres ainsi que ceux de Tancrède et de Raymond de Toulouse, Juifs et musulmans[note 1] sont massacrés sans pitié, aussi bien hommes que femmes[34]. Ce massacre « n'est pas seulement un crime, mais une faute politique grave puisqu'il fait des Fatimides (…) des adversaires désormais moins disposés à un accord éventuel »[35].Godefroy semble ne pas avoir participé au massacre. Il retira sa cotte de mailles, se revêtit d'une simple tunique et pieds nus, sortit de la ville et effectua toutes les stations de la Via Dolorosa[36].

G. de Bouillon couronné des signes de la Passion, v. 1870.

Le royaume de Jérusalem

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Bas-relief représentant l'assaut de Jérusalem sur le socle de la statue de Godefroid de Bouillon à Bruxelles.
Godefroy de Bouillon, par Colin Nouailher, d'après Jacob Cornelisz van Oostsanen, v. 1541, Metropolitan Museum of Art.

Dès le 17 juillet, les barons se réunissent afin d'élire le futur roi de Jérusalem. Seuls deux candidats pouvaient prétendre à la couronne de Jérusalem: Raymond IV et Godefroy de Bouillon. Sous la pression des barons mais peut-être aussi sous celui du Saint-Siege[37], la couronne de roi de Jérusalem lui est proposée mais il la refuse, arguant qu'il ne peut porter de couronne d'or là où Jésus-Christ a dû porter une couronne d'épines. Il accepte le titre d'avoué du Saint-Sépulcre et se contente de la charge de baron[38].

Statue en bronze de Godefroy de Bouillon à Innsbruck.

Ce choix signifie qu'il considère la Terre sainte, et Jérusalem avant tout, comme la propriété du Christ et donc, par extension, du Saint-Siège. Il se positionne ainsi en serviteur, en défenseur de l'Église. Il est nominalement seigneur du Saint-Sépulcre tout en se maintenant sous l'autorité ecclésiastique. Son titre lui confère les responsabilités suivantes : il doit d'abord avec ses vassaux garder Jérusalem et le tombeau du Christ, puis distribuer des terres aux chevaliers, conquérir et pacifier les villes aux alentours, rendre la justice et pérenniser l'économie locale. Godefroy donne à ses nouveaux États un code de lois sages, connu sous le nom d'Assises de Jérusalem. Il doit compter avec l'opposition de Daimbert de Pise, le patriarche de Jérusalem qui désire faire du royaume de Jérusalem une théocratie avec le Pape à sa tête représenté par le patriarche.

Vingt jours après la prise de Jérusalem par les croisés, l’armée d’Al-Afdhal, vizir fatimide d'Égypte, forte de 30 000 hommes, atteint la Palestine. Le vizir hésite à attaquer la Ville sainte, et prend position près d’Ascalon. Il envoie des émissaires à Godefroy de Bouillon, lui proposant un arrangement s’il quitte la Palestine. Pour toute réponse, les croisés marchent sur Ascalon et, le , repoussent l’armée égyptienne, faisant des milliers de victimes.

Durant son court règne, Godefroy se concentre à renforcer sa position dans ce nouveau royaume. Avec l'aide de Tancrède, il soumet une grande partie de la Galilée. Pour le remercier, il lui cède la place de Tibériade en fief[39]. Il doit également faire face à Raymond IV qui refuse de lui céder Ascalon qui finalement restera fatimide encore un demi-siècle. Puis il tente de prendre d'assaut la place forte d'Arsouf, mais qui ne cède pas[40].

Pour les fêtes de la Nativité, Godefroy accueille son frère Baudouin et son compagnon d'arme Bohémond, venus faire leur pèlerinage. Peut-être avec la complicité de Bohémond, fin décembre, Daimbert de Pise est élu patriarche de Jérusalem[41].En janvier 1100, Godefroy fait reconstruire les murailles de Jaffa et cède un quart de la ville au patriarche, ce qui provoque une expansion commerciale importante avec Pise. Arsouf finit par capituler et Godefroy donne la ville en fief à Robert d'Apulie. Au mois de mai, en compagnie de Tancrède, il ravage la terre de Suète (région à l'est du Lac de Tibériade) qui finit par se soumettre à l'avoué du Saint-Sépulcre.

En rentrant de l'expédition en Terre de Suète, il passe par Césarée où il est accueilli par l'Émir. Peu de temps après, il tombe malade[42]. Il accueille encore au mois de Juin une flotte vénitienne à Jaffa puis il décède peu de temps après le [43]. Les causes de sa mort sont inconnues : une légende rapportée par le chroniqueur Albert d'Aix veut qu'il ait été empoisonné après avoir mangé une pomme de cèdre que lui a offerte l'émir de Césarée au cours d'un repas. Le chroniqueur arabe Ibn al-Qalanisi évoque une flèche empoisonnée. Il est plus probable qu'il meurt de fièvres, mal fréquent dans cette région touchée par des épidémies de peste[44]. Apprenant la nouvelle, son frère cadet Baudouin abandonne Édesse, rentre à Jérusalem et se fait couronner roi de Jérusalem le 25 décembre en la Basilique de la Nativité de Bethléem.

Vénération

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Albert d'Aix, chroniqueur français, reconstitua vers 1100–1110 l'histoire et les hauts faits du duc. Guillaume de Tyr contribua au XIIe siècle à la légende de Godefroy de Bouillon dans son ouvrage intitulé l'Histoire d'Eraclès. On raconte de lui des exploits extraordinaires, et généralement fabuleux ; il joint au courage la prudence, la modération et la piété la plus vive. On raconte qu'il descend du mythique chevalier au cygne, qui servira d'inspiration à Lohengrin. Le Tasse le choisit pour le héros de son poème. Sa statue équestre orne la place Royale de Bruxelles.

Mort de Godefroy de Bouillon (Salles des Croisades, à Versailles) (1839–1842).

Albert d'Aix écrit ceci peu après 1100 à propos de Godefroy de Bouillon lors de la prise de Jérusalem en juin 1099 :

« tandis que tout le peuple chrétien […] faisait un affreux ravage des Sarrasins, le duc Godefroy, s'abstenant de tout massacre, […] dépouilla sa cuirasse et, s'enveloppant d'un vêtement de laine, sortit pieds nus hors des murailles et, suivant l'enceinte extérieure de la ville en toute humilité, rentrant ensuite par la porte qui fait face à la montagne des Oliviers, il alla se présenter devant le sépulcre de notre seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu vivant, versant des larmes, prononçant des prières, chantant des louanges de Dieu et lui rendant grâces pour avoir été jugé digne de voir ce qu'il avait toujours si ardemment désiré. »

On peut également vanter la simplicité de Godefroy. Durant le siège d'Arsouf, les cheiks arabes vinrent déposer des offrandes auprès de Godefroy, et le trouvent assis à même le sol dans sa tente, non pas entouré de soieries mais accroupi sur de la paille. Les cheiks s'émerveillent alors de la modestie du plus grand des princes francs. Godefroy, mis au courant de leurs commentaires, leur répond que « l'homme doit se souvenir qu'il n'est que poussière et qu'il retournera en poussière ».

Croix pectorale, éperons et épée de Godefroy exposés dans la sacristie de la basilique du Saint-Sépulcre.

Les chroniqueurs de l'époque contribuent également à établir le mythe guerrier du grand seigneur de Brabant. Sa force prodigieuse fut par exemple mise à l'épreuve par les cheiks, ceux-ci le mettant au défi de trancher d'un seul coup la tête d'un chameau au collet. Godefroy s'exécuta et la tête roula à terre. De même, aimant la chasse et les défis, il manquera en Cilicie de se faire tuer par un ours énorme qu'il affronta corps à corps. Enfin, lors du siège d'Antioche, Godefroy est resté célèbre pour avoir tranché en deux, et cela d'un seul coup d'épée, un ennemi par la taille. « Le buste tomba à terre, tandis que le bassin et les jambes restaient accrochés au cheval qui s'éloignait au galop. »

Dans l'église du Saint-Sépulcre, on voyait autrefois les tombeaux[45] de Godefroy de Bouillon et des rois latins de Jérusalem, mais après l'incendie de 1808 de la basilique, ils sont détruits par l'architecte des Grecs pour aménager plusieurs chapelles. Selon une tradition, ces tombeaux étaient placés sous la Pierre de l'Onction. Une autre tradition les plaçait sous les deux bancs attenant à la chapelle d'Adam sous le calvaire[46],[47]. De prétendues reliques de Godefroy (épée, croix pectorale et éperons) sont conservées dans un coffre de la sacristie puis exposées dans une vitrine. L'épée est toujours utilisée par le patriarche latin de Jérusalem et grand prieur de l'ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem pour adouber les chevaliers[48].

Godefroy de Bouillon reste, malgré ses exploits, un personnage de légende, comme le souligne Fabien Paquet : « en moins d'un an, il fit finalement peu ; c'est certainement pour cela qu'on lui attribua beaucoup — la légende devait bien compenser la brièveté du règne »[49].

Mythe national

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Il est, dès le Moyen Âge, considéré comme un héros, faisant partie des Neuf Preux.

Belgique

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Statue de Godefroy de Bouillon sur la place Royale à Bruxelles. Selon l'inscription sur le socle de la statue, le lieu de naissance de Godefroy serait Baisy (d'autres sources penchent pour Boulogne).

En 1830, la Belgique se cherche ardemment des racines, c'est ainsi que l'État ayant regagné son indépendance est saisi par la frénésie d’exalter ses gloires passées[50] (comme toutes les nations occidentales de l'époque, France incluse, c'est le roman national). Ainsi, les historiens belges du XIXe siècle vont utiliser Godefroy de Bouillon, au même titre notamment qu'Ambiorix, en exaltant sa naissance à Baisy-Thy[51], village qui se situe dans le Brabant wallon.

Les historiens belges vont glorifier cet ancêtre pour ses qualités martiales et sa foi envers Dieu ; mais aussi parce que, né aux confins des mondes latin et germanique, il préfigure la civilisation belge supposée être un mélange équilibré entre l’âme latine et les qualités germaniques propres au peuple belge[52]. Godefroy devient le modèle idéal du Belge pieux et brave[53].

Il s’agissait alors pour les historiographes du Royaume d'accréditer l'idée qu’une nation belge existait à l’époque de Godefroy. Cette vision de l’Histoire perdurera jusqu’au XXe siècle et parfois jusqu’au XXIe siècle[54]. Cette phrase de Jo Gérard, datant de 1988, est un exemple contemporain de cette reconstitution du passé au prisme de l'idée nationale : « D’avoir vécu en commun l’aventure des croisades, d’avoir vu mourir Godefroy de Bouillon et leur comte Philippe au pays des infidèles, les Belges ont puisé dans cet événement grandiose une nouvelle unité de sentiment, d’aspiration et de foi[55]. »

Nonobstant cette vision romantique d'un Godefroy (déjà) belge, cette interprétation n'est pas absolument fantaisiste et sans fondement. En effet, sur la statue de Godefroy sise sur la place Royale de Bruxelles, outre la mention qui y est faite de sa qualité de premier souverain de Jérusalem, l'on y voit aussi mentionné son titre de duc de Basse-Lotharingie. Or, ce duché, existant de 959 à 1190, couvrait une bonne partie du territoire de la Belgique actuelle et, à son extinction, sa titulature fut léguée perpétuellement aux ducs de Brabant, et y était évoquée sous le vocable composé de duc Brabant et de Lothier. Ainsi Godefroy porta-t-il le titre de duc d'un État largement précurseur de l'État belge indépendant et dont les souverains étaient intronisés sur les marches de l'église Saint-Jacques-sur-Coudenberg, à quelques mètres de l'emplacement de la statue. Celle-ci fut d'ailleurs élevée en 1848 au centre de la place Royale où le premier roi des Belges, Léopold Ier, prêta le serment constitutionnel le , sur les marches de l’église Saint-Jacques-sur-Coudenberg comme traditionnellement[56] avant lui les souverains du duché de Brabant et de Lothier[57].

Encore aujourd’hui le titre de duc de Brabant est celui de l'héritier à la Couronne belge, ce qui démontre toute l'importance qu'il lui fut et reste attachée.

Statue de Godefroy de Bouillon, sur le versent du château de Bouillon, réalisée par le sculpteur Victor Demanet.

Il est également récupéré par le rexisme qui désire produire un parallèle entre Godefroy et Léon Degrelle, Degrelle étant originaire de Bouillon, tous deux, poussés par un idéal de civilisation, étant partis en guerre vers l’Orient avec des troupes hétéroclites composées de guerriers venus de tous les pays d’Europe (les croisés dans un cas, les Waffen-SS dans l’autre)[58].

En 2005, le ministre des Affaires étrangères Karel De Gucht se fait prêter par la Custodie franciscaine de Terre sainte plusieurs reliques civiles (croix pectorale, éperons et l'épée) censées avoir appartenu à Godefroy et conservées dans la sacristie de la basilique du Saint-Sépulcre. Ces reliques sont exposés dans le cadre de l'exposition « Made in Belgium » organisée à l'occasion du 175e anniversaire de l'indépendance belge[59].

La blessure de Godefroy de Bouillon, cloître Saint-Trophime, Arles.

En France, un écrivain tel que François-René de Chateaubriand écrivait dans ses Carnets de voyage, après avoir été nommé chevalier du Saint-Sépulcre :

« Cette cérémonie ne pouvait être tout à fait vaine, j'étais Français, Godefroy était Français ; ses vieilles armes en me touchant, m'avaient communiqué un nouvel amour pour la gloire et l'honneur de ma patrie[60]. »

Dans le cloître Saint-Trophime de l'ancienne cathédrale d'Arles sont exposés sept tapisseries de la fin du XVIIe siècle dont trois représentent Godefroy de Bouillon.

Plusieurs places et rues françaises portent son nom : rue Godefroy de Bouillon à Clermont-Ferrand, à La Bourboule ou encore à Conches-en-Ouche ; place Godefroy de Bouillon à Nancy. Plusieurs ensembles scolaires français portent également le nom de Godefroy de Bouillon, à Clermont-Ferrand ou Boulogne-sur-Mer.

Ascendance

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Descendance

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Godefroy ne s'est jamais marié. On ne lui connaît aucun descendant[61].

Cinéma et télévision

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Notes et références

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  1. Des chrétiens orthodoxes (grecs, syriaques) sont tués aussi, bien que certains aient fui ou aient été expulsés par les Arabes avant le siège de peur qu'ils n'aient partie liée avec les croisés, d'autres s'étant terrés durant le siège de la ville.

Références

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  1. Robert Delort, Les Croisades, Éditions du Seuil, , p. 32.
  2. Voir page de discussion.
  3. Félix Rousseau, Actes des comtes de Namur de la première race (946–1196), Revue du Nord, , p. 286.
  4. a et b Aubé 1985, p. 191.
  5. Aubé 1985, p. 87-90.
  6. Georges Despy, Godefroid de Bouillon : Mythes et réalités, t. 71, Bulletin de la Classe des lettres et des sciences morales et politiques, , p. 249-275.
  7. Aubé 1985, p. 93.
  8. Georges Despy, La date d'accession de Godefroy de Bouillon au duché de Basse-Lotharingie, Revue belge de philologie et d'histoire, , p. 1275-1284.
  9. Aubé 1985, p. 103-109.
  10. Georges Despy, Godefroid de Bouillon et l'abbaye de Saint-Hubert en 1095, Cahiers d'histoire n°1, .
  11. Despy 1985, p. 255-256.
  12. Aubé 1985, p. 131.
  13. Aubé 1985, p. 73.
  14. Cette date ne peut cependant être celle de son départ de Bouillon, puisque certains de ses accompagnateurs partirent ce jour-là avec lui de l'Abbaye d'Avelin (Abbé A. J. Namèche, Cours d'Histoire nationale, p. 39), à savoir dans l'ordre de cette source « Anselme de Ribemont, Bouchard châtelain de Valenciennes, Gérard seigneur d'Avesnes, qui se firent un renom en Orient, et un grand nombre d'autres seigneurs du Hainaut. La tradition nous a conservé les noms de Gilles de Chin, Gillion de Trazegnies, Baudouin d'Havré, Charles de Jeumont, Bernard de Ligne, Anselme ou Ansiau d'Enghien, Gilbert d'Antoing, Antoine de la Hamaïde, Guillaume de Floyon, Evrard de Bossu, Jean de Gavre, Gérard de Chimai, Pierre de Condé, Charles de Robersart, Gérard de Roisin, Galifer de Lalain, Porus de Werchin et Eustache de Berlaimont. »
  15. René Grousset, L'épopée des croisades, Marabout, , p. 29.
  16. Aubé 1985, p. 177-180.
  17. Despy 1985, p. 265.
  18. Aubé 1985, p. 188-189.
  19. Heinrich Hagenmeyer, Chronologie de la Première Croisade, Editions Ernest Leroux, , p. 78.
  20. Aubé 1985, p. 194.
  21. Grousset 1968, p. 34.
  22. Grousset 1968, p. 35-36.
  23. Hagenmeyer 1902, p. 85.
  24. Hagenmeyer 1902, p. 90.
  25. Aubé 1985, p. 206.
  26. Grousset 1968, p. 39.
  27. Aubé 1985, p. 231.
  28. Grousset 1968, p. 44-45.
  29. Aubé 1985, p. 245-249.
  30. Aubé 1985, p. 254-255.
  31. Aubé 1985, p. 258-259.
  32. Aubé 1985, p. 271-276.
  33. Grousset 1968, p. 49.
  34. Aubé 1985, p. 279-283.
  35. Paul Rousset, Histoire d'une idéologie : la Croisade, L'Âge d'Homme, , p. 49.
  36. Aubé 1985, p. 281.
  37. Despy 1985, p. 269.
  38. Grousset 1968, p. 52.
  39. Grousset 1968, p. 54.
  40. Aubé 1985, p. 314-315.
  41. Aubé 1985, p. 322.
  42. Aubé 1985, p. 336.
  43. Hagenmeyer 1902, p. 304.
  44. Aubé 1985, p. 401.
  45. « Plan du Saint Sepulchre de nôtre seig. Jesus-Christ situé en la terre sainte sur le Mont calvaire dans la cité de Jerusalem », sur Gallica, (consulté le ).
  46. Alexis-Guillaume-Charles-Prosper baron de Hody, Description des tombeaux de Godefroid de Bouillon et des rois latins de Jérusalem, jadis existant dans l'église du Saint-Sépulcre ou de la Résurrection, H. Goemaere, .
  47. Vincent Meylan, « L'énigme des tombeaux des Rois des Croisades », Point de Vue,‎ , p. 64.
  48. Cette épée en fer dite de « Godefroy de Bouillon » qui offre l’aspect d’une arme médiévale, est en fait datée du XVe – XVIe siècle. D'une longueur de 100 cm, elle présente une longue lame montée sur une garde traçant un schéma cruciforme qui associe au pommeau, la poignée et des quillons horizontaux infléchis en leur extrémités sur lesquels subsistent des traces de dorure. Source : Salsa Bertin, « Trésors du Saint Sépulcre, mémoire de l’Occident », sur CultureMag.fr, .
  49. Fabien Paquet, « Godefroy de Bouillon, le colonisateur? », l'Histoire,‎ , p. 39.
  50. Anne Morelli, Les grands mythes de l'histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, Bruxelles, Evo-histoire, , p. 50.
  51. Morelli 1995, p. 49.
  52. Morelli 1995, p. 35.
  53. Morelli 1995, p. 52.
  54. Morelli 1995, p. 23 et 52.
  55. Jo Gérard, Oui la Belgique existe, je l’ai rencontrée, Bruxelles, 1988, pp. 17-18.
  56. Sébastien Dubois, L'invention de la Belgique. Genèse d’un État-Nation (1648-1830), Bruxelles, Racines, , 446 p. (ISBN 2-87386-402-8).
  57. Henri Pirenne, Histoire de Belgique, Tome 3, La Renaissance du Livre, 1950, p. 309.
  58. 175 ans de la Belgique vus par Anne Morelli (ULB).
  59. « L'épée de Godefroy de Bouillon prêtée à la Belgique », sur la-croix.com, .
  60. Cité dans Marie-Josèphe Daxhelet, Sacré Godefroy de Bouillon, Didier Hatier, Bruxelles, 1992.
  61. « JERUSALEM », sur fmg.ac (consulté le ).

Voir aussi

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Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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