Gontran (roi)

saint catholique, roi franc de Bourgogne
(Redirigé depuis Gontran Ier)

Gontran, dit aussi saint Gontran[2], est un roi mérovingien et un saint catholique et orthodoxe du VIe siècle. Il est fêté le 28 mars.

Gontran
Illustration.
Tiers de sou de Gontran frappé à Chalon-sur-Saône (561-592). BNF, monnaies, médailles et antiques.
Titre
Roi des Orléanais

(31 ans)
Prédécesseur Clotaire Ier
Successeur Childebert II
Roi de Paris

(8 ans)
Prédécesseur Chilpéric Ier
Successeur Childebert II
Biographie
Titre complet Roi de Bourgogne
Roi de Paris (584-592)
Dynastie Mérovingiens
Date de naissance entre 532 et 534[1]
Lieu de naissance Soissons
Date de décès ou 593 ou 594
Lieu de décès Chalon-sur-Saône
Père Clotaire Ier
Mère Ingonde
Conjoint Vénérande (concubine)
Marcatrude
Austregilde
Enfants Gondebaud
Un fils mort nourrisson
Clotaire
Clodomir
Clotilde
Clodeberge
Childebert II (adopté)

Saint Gontran
Image illustrative de l’article Gontran (roi)
Statue de saint Gontran sur le porche d'entrée de la basilique Sainte-Clotilde de Paris
Vénéré à Maurienne, Vallée d'Aoste
Canonisation Peu après sa mort
par Vox populi
Vénéré par Église catholique, Église orthodoxe
Fête 28 mars

Biographie

modifier

Gontran aurait pour signification étymologique « Corbeau de bataille », Gunth Chramn en vieux francique, Gunth (bataille) et Chramn (corbeau)[3].

Il est né entre 532 et 534[1], et mort un 28 mars à Chalon-sur-Saône. L'année de son décès est moins sûre, Weidmann indique l'an 592[4],[a 1] ; Eckhardt donne 593[5] ; Schmitt lui donne 594[6] ; quant à Monod, il prétend qu'on ne peut pas déterminer entre 592 et 593[7].

Fils du roi franc Clotaire et d'Ingonde, il hérite du royaume de Bourgogne à la suite de la mort de son père en 561[a 2].

À cette époque-là, son royaume est augmenté au nord jusqu'à Melun ainsi qu'Orléans, Arles, Marseille et l'on commence à l'appeler la Bourgogne. Le roi Gontran s'installe d'abord à Orléans, puis à Chalon-sur-Saône[a 2]. Il doit se battre contre d’autres peuples barbares qui menacent le royaume. Il tente aussi pendant un moment de réconcilier ses deux frères Sigebert et Chilpéric[fc 1]. Cependant, Chilpéric est réputé si violent que Grégoire de Tours l'appelle « le Néron, l'Hérode de notre temps. »[a 3] Il est probable que Galswinthe - sœur de Brunehaut et épouse de Chilpéric - et Sigebert - le frère de celui-ci - ont été assassinés sur ordre de Chilpéric et de sa troisième épouse, Frédégonde, respectivement en 567 et en 575[a 3].

Ses quatre fils étant morts en bas âge[bg 1], il adopte donc en 577 son neveu, Childebert II, fils de Sigebert et de Brunehaut, et leur entretien est achevé à Pompierre, près de Neufchâteau[a 2]. Quand Chilpéric reconnaît Childebert II en 581[a 4], Gontran tente de retourner la situation à son profit en rendant à Childebert II la moitié de Marseille. Chilpéric meurt en 584[a 1].

Guerres malgré lui

modifier

Ce roi chrétien préfère la paix à la guerre[a 1]. La mort de Chilpéric aurait dû réaliser la paix. Toutefois, le projet de Gontran est encore empêché par deux personnalités du royaume d'Austrasie et anciens favoris de Chilpéric[a 4], à savoir l'évêque de Reims Egidius ou Aegidius et le duc Gontran Boson[a 1]. De plus, les grands d'Austrasie aident Gondovald, fils naturel se prétendant descendant de Clotaire Ier, pour contrer Gontran. Il lui faut effectuer une campagne jusqu'à Saint-Bertrand-de-Comminges en 585[a 1].

Entretien entre saint Gontran et Childebert II (par Jean Fouquet, vers 1455).

Après avoir battu Gondovald, il put renouer l'alliance de Pompierre. Le , les deux rois conclurent le traité d'Andelot près de Chaumont. Ce traité confirmait que, lors du trépas de Gontran ou Childebert II, leur héritage reviendra au survivant[a 1].

En 588-589, voulant conquérir la Gaule gothique, il envoya en Septimanie une armée dirigée par Austrovald, duc d'Aquitaine ; elle est écrasée près de Carcassonne par les troupes du roi wisigoth Récarède dirigées par le duc Claude de Lusitanie. Selon Grégoire de Tours, les Francs perdent 7 000 hommes (5 000 tués et 2 000 prisonniers)[8].

Saint Gontran et l'abbaye royale Saint-Marcel

modifier
Abbaye Saint-Marcel.

Une fois Chalon-sur-Saône fixée comme capitale, le roi Gontran fit fonder un monastère dans un des faubourgs (Hubiliacus, Argenteomagensis ager in suburbio Cabilonis[9]). Il s'agit de l'abbaye Saint-Marcel-lès-Chalon[10]. La charte du roi ne reste plus, mais la fondation semblait être tenue vers 577[9].

Il y sera inhumé[11],[a 2] dans la basilique qu'il a fait construire en l'honneur et sur la tombe de Saint Marcel, martyr lyonnais du IIe siècle, dont l'édifice a été fondé en 584.

Cette année 584, Gontran institua, auprès de cette abbaye, la psalmodie perpétuelle[10].

Il fit réorganiser les monastères importants qui étaient liés à lui. Il accorda des dons de l'Abbaye Saint-Bénigne de Dijon, établi en 509 par saint Grégoire, évêque de Langres. L'abbaye Saint-Maurice d'Agaune, œuvre de saint Sigismond, avait autorité sur ces deux monastères. Le roi Gontran ordonna aussi, entre 584 et son décès par charte sans date, que ces trois monastères soient dirigés par une congrégation unique et un seul supérieur[10]. Apollinaire, abbé d'Agaune, était désigné comme supérieur des trois abbayes.

Une légende médiévale raconte que Gontran était moine dans ce monastère, à la fin de sa vie[12],[fc 2]. Toutefois, si quelques écrivains postérieurs suivaient cette légende, les deux dernières années de Gontran restent dans l'obscurité, sans rapports de saint Grégoire de Tours[fc 2],[note 1]. Quoi qu'il en soit, il mourut à Chalon, soit le 28 mars 592[13], soit le 28 mars 593, selon les sources[bg 2],[note 2].

Accueil de saint Colomban

modifier

À la fin de son règne, le roi Gontran accueillit saint Colomban, célèbre moine irlandais. Selon la tradition irlandaise, saint Colomban, en statut de pérégrin, avait le droit de demander aux souverains la protection et l'hospitalité[ao 1]. Après avoir été accueilli à la cour de Childebert II[ao 2], il s'installa en 591[ao 3],[note 3] à Anagrates dans l'optique d'établir son premier monastère[14], traditionnellement attribué au hameau d'Annegray dans la commune de La Voivre (Haute-Saône)[15],[16],[note 4].

En 590, cette région restait encore la forêt royale qui était réservée à la chasse de Gontran, car saint Grégoire de Tours mentionnait dans son histoire un événement tragique lié à cette forêt royale, à la suite de la colère du roi Gontran[17],[ao 4].

Sans doute ce lieu avait-il été choisi sous l'initiative de ces souverains[ao 3]. En effet, le monastère d'Annegray était situé à la limité de la Burgondie, sur la frontière avec l'Austrasie[15],[note 5]. Il s'agit d'un val étroit, qui facilitait le contrôle de la circulation sur une ancienne voie romaine[ao 5]. De surcroît, la ruine d'un ancien castrum romain favoriserait la construction du monastère. Le choix était stratégique, d'après la considération des rois[ao 6],[ao 7].

Quoi qu'il en soit, sous la protection de Gontran, l'arrivée de saint Colomban à Anagrates connut aussitôt un grand succès. Deux ans plus tard, en 593, Colomban dut créer son deuxième établissement, célèbre abbaye de Luxeuil[15].

Dans le contexte historique, la fondation de ces monastères qui devirent très dynamiques reste importante. Auparavant, ces lieux n'étaient autres que ceux de culte. Dorénavant, il s'agissait des centres chrétiens pour l'évangélisation très efficace, en collaboration entre Colomban et ses patrons royaux, qui, pour la première fois, étaient établis en Europe[ao 8]. Plus tard, Charlemagne réalisera la même politique, en faisant fonder de nombreux monastères.

Postérité et traité d'Andelot

modifier
La Gaule au traité d'Andelot (587), par Paul Vidal de La Blache (1894). Andelot était exactement située sur la frontière entre les deux pays.

À la suite du décès de Gontran en 592 ou 593, son royaume revint à Childebert II, selon le traité d'Andelot en 587[a 1]. Les évêques de son royaume le sanctifièrent[18].

Il s'agissait d'un véritable traité de paix, qui était, à cette époque-là, exceptionnel. Si, de nos jours, son texte est intégralement conservé, c'était grâce à saint Grégoire de Tours qui appréciait ce traité, en y voyant une réalisation de la politique, si fructueuse, d'un roi très chrétien (Histoire des Francs, livre IX, chapitre 20)[bg 3] :

« Lorsqu'au nom du Christ, les très excellents seigneurs et rois Gontran et Childebert, et la très glorieuse dame et reine Brunehaut, liés par l'affection, se furent réunis à Andelot, afin de terminer par une mûre délibération tout ce qui pourrait faire naître des différends entre eux ; par la médiation des évêques et des grands, par la volonté de Dieu et par amour pour la paix, il fut convenu et arrêté ce qui suit : aussi long-temps qu'il plaira au Dieu tout puissant de les laisser dans ce monde, ils se conserveront une foi et un attachement purs et sincères. [lire le texte entier][19]. »

Il est à noter que le nom de la commune Villargondran, située en Maurienne, peut être issu de Gontran[20]. Les lieux Gondrand aussi se retrouvent dans cette région[20].

Descendance

modifier

Les épouses, concubines et descendants suivants lui sont connus[21] :

  • Concubinage avec Vénérande[22], une servante gauloise. Sera issu de l'union[23] :
    • Gondebaud ou Gondovald[24] (vers 561 - † vers 566). Empoisonné par Marcatrude ;
  • Épouse vers 565 Marcatrude († vers 566), une noble franque, fille du duc Magnacaire des Francs[fc 3]. Sera issu de l'union :
    • Un fils mort nourrisson († 566) ;
  • Épouse vers 567 Austregilde[fc 3] surnommée Bobilla († 580 à cause du feu de saint Antoine[fc 4] ou bien du choléra[fc 5]), une servante franque de Marcatrude. Seront issus de l'union :
    • Clotaire (566 ou 567 - † 577[fc 6]) ; mort de la peste à l'âge de 10 ans,
    • Clodomir (572 ou 573 - † 577[fc 6]) ; mort de la peste à 4 ans,
    • Clodeberge (vers 575 - † vers 584 (avant ou après le concile de Valence tenu le 23 mai 584[25])) ; religieuse[fc 3] (selon ce concile de Valence)[rs 1],
    • Clodehilde ( - † après 587) ; religieuse[fc 3] (d'après le même concile)[rs 1].

Les noms latins de ces filles se varient selon les manuscrits. Il est à noter que le concile de Valence, tenu le 23 mai 584, confirmèrent les donations de terres qui étaient effectuées auparavant, à quelques églises, par ces deux dernières filles[rs 1]. Le traité d'Andelot conclu en 587 ne mentionnait qu'une seule fille : « Illud specialiter placuit per omnia inviolabiliter conservari, ut quicquid domnus Guntchramnus rex filiæ suæ Chlothieldi contulit, aut adhuc, Deo propitiante, contulerit, in omnibus rebus atque corporibus, tam in civitatibus, quam agris vel reditibus, in jure et dominatione ipsius debeat permanere, ... (Il est spécialement convenu, pour être inviolablement exécuté, que tout ce que le seigneur roi Gontran donna à sa fille Clodielde, ou lui donnera, s'il plaît à Dieu, en biens quelconques ou en hommes, villes, champs ou rentes, demeurera en propriété et puissance de celle-ci, ...) » (Histoire des Francs, livre IX, chapitre 20). Mentionnée par les deux conciles, la légitimité de ces deux filles est confirmée avec certitude.

Canonisation et culte de saint Gontran

modifier

Bon roi chrétien

modifier

C'était saint Grégoire de Tours qui l'appelait « bonus rex Gunthramnus (le bon roi Gontran) » dans son Histoire des Francs (VII, 13 [27])[bg 3]. Les historiens considèrent que ce roi aussi appréciait le plaisir et la violence, comme d'autres membres de la maison mérovingienne[12]. Même saint Grégoire de Tours mentionnait son action insupportable. En 590, selon lui, Gontran fit mourir un chambellan du roi, Chundon, « un homme fidèle et nécessaire à son service », en dépit d'une légère faute (X, 10)[17].

En admettant cette caractéristique trouvée parmi les rois mérovingiens, la vie de Gontran avait été effectivement changée. Si l'on examine soigneusement l’Histoire des Francs, saint Grégoire détaillait la bonté de saint Gontran, à partir de 576. Après le conflit avec ses frères et quelques campagnes militaires, il établit, en 576, la paix en Avignon : « il rétablit Avignon sous la domination de son frère [Sigebert] avec sa bonté coutumière. » (IV, 30[26])[bg 4]. Après cette date, il y avait l'adoption de Childebert II, la fondation du monastère Saint-Marcel.

Mais surtout, saint Grégoire soulignait la bonté du roi dans ses livres VII et VIII, plus précisément à partir de 584. Dans ses dernières années, étaient nombreuses les actions de bonté de Gontran. À la suite de la mort de Chilpéric, il soutint en 584 à Paris la rentrée de l'évêque Prétextat de Rouen, chassé auparavant par ce dernier (VII, 16)[bg 4],[27]. Puis en 585, Eunius Mummolus, prince problématique, mourut. Gontran fit distribuer tous ses trésors aux pauvres et aux églises, hormis le besoin de Childebert II (VII, 40[28] ; VIII, 3[29])[bg 4].

En plus des monastères, vers 579 Gontran fit créer un évêché sur son nouveau territoire, celui de Maurienne qui reste jusqu'ici[12],[30]. En effet, en présence des reliques de saint Jean-Baptiste, il voulait que le nouvel évêché promeuve la vénération de saintes reliques à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste qu'il fit reconstruire[31].

Nonobstant, on ne sait pas pourquoi Gontran, membre de la maison mérovingienne, était devenu si pieux, ou avait été converti. L’Histoire des Francs ne donnait aucune explication et se contentait de présenter son ardeur de foi. En effet, saint Grégoire avait rédigé cet ouvrage, en profitant des archives ecclésiastiques, et non selon les légendes[32].

Bonté et Sainteté

modifier

En admettant que saint Grégoire de Tours multipliât ses admirations sur la qualité de Gontran, il faut remarquer que l'évêque n'employait jamais le titre saint[bg 5],[note 6]. Même en ce qui concerne le mot bonus rex Gunthramus (bon roi Gontran), il n'écrivit que deux seules fois (IV, 25 et VII, 13)[bg 3]. Il fallait attendre des écritures tardives, pour le culte de saint Gontran.

Toutefois, il est exact que saint Grégoire mentionnait un miracle lié à Gontran. Il s'agit du livre IX, chapitre 21, qui se commence avec cette phrase : « Ce roi, comme nous l'avons dit souvent, faisait beaucoup d'aumônes et se plaisait aux veilles et aux jeûnes. » Lorsque la peste se propageait dans un bourg près de Lyon, le roi fit organiser de grandes dévotions y compris les processions, « comme un bon évêque. » Une femme, de qui le fils souffrait de la fièvre, s'approcha au milieu de la foule et prit en cachette de la frange du vêtement de Gontran. À peine avait-elle fait boire l'eau dont la frange était mise à son fils, ce dernier fut guéri[bg 6]. L'évêque n'hésita pas à ajouter son avis : « je ne fait aucun doute [28]. » En effet, saint Grégoire entendait souvent l'effet puissant de nom de Gontran contre les démoniaques (ibidem). L'évêque de Tours était un témoin que, sous le règne de Gontran, le roi était considéré comme saint homme.

L'étude récente de Bernard Guenée (2008), en détail, présente cependant qu'après la mort du roi, le culte lié à Gontran disparut. Ainsi, aucune relique ne fut vénérée au Moyen Âge[bg 5]. Le roi avait définitivement quitté Orléans et Paris, en installant à Châlon-sur-Saône. Cela serait la raison pour laquelle ce saint homme était tombé dans l'oubli, à l'exception de cette ancienne capitale et dans quelques diocèses. Certainement là-bas, il était un des titulaires d'un autel (avec saint Jean-Baptiste et saint Marcel) tandis qu'il était l'objet d'un culte[bg 5].

Puis, le nom de Gontran apparut, dans la seconde moitié du VIIIe siècle, dans quelques manuscrits du martyrologe hiéronymien[bg 5], tel celui de Bède le Vénérable[cb 1]. Celui du IXe siècle est le martyrologe d'Usuard[cb 1].

Plus tard, dans son Histoire des Lombards, Paul Diacre († vers 799) racontait une légende. Après avoir découvert beaucoup d'or lors d'une chasse, Gontran aurait fait fabriquer un grand ciboire avec ce trésor, dans l'optique de l'envoyer à Jérusalem. Finalement, ce ciboire aurait été placé sur le tombeau de saint Marcel. « Ce Gontran était un roi pacifique et renommé par sa grande bonté. »[33],[cb 2]. La caractéristique du règne de Gontran, sa bonté, était toujours répétée encore par quelques historiens. Aimoin de Fleury († vers 1010) utilisa de nombreuses écritures de saint Grégoire. Cependant il était confus sur le sujet de concubines[bg 5]. Aimoin non plus, il n'employa jamais le mot saint roi, malgré son appréciation[bg 2],[note 7].

Primat de Saint-Denis († vers 1285) aussi détaillait les vertus de Gontran. Mais, au lieu de « le bon roi Gontran », il écrivit : « le roi Gontran, qui tant était miséricordieux et dévotieux. »[bg 7]. En utilisant de nombreux matériaux d'Aimoin, il traduisit le bon roi Gontran en saint roi dans son propre ouvrage[bg 7],[note 8].

Pour le rétablissement de culte de Gontran à Chalon, sans doute fallait-il attendre Jean Rolin, évêque de Chalon et prieur du monastère Saint-Marcel depuis 1431[34]. En effet, c'était lui qui fit reconstruire un clocher sur lequel on lit l'inscription DEO EREXIT GONTRANUS[35] (À Dieu, Gontran éleva). Vers 1435, il fit installer, en mémoire du fondateur Gontran, un grand mausolée dans une chapelle, qui ne reste plus. Car, au XVIe siècle, les Huguenots ruinèrent tant la chapelle que le mausolée[cb 3]. Ils dispersèrent ses reliques. Seule la tête est sauvée et conservée dans un reliquaire[36].

Chant liturgique

modifier

Saint Grégoire était également un témoin du goût du roi Gontran pour la musique sacrée[fc 7]. Le , ils étaient à Orléans afin de célébrer la fête de Saint Martin de Tours ainsi que pour une réunion des évêques. L'évêque de Tours écrivit concernant le banquet tenu le lendemain[fc 8] :

« On en était au milieu du déjeuner quand le roi demanda d'ordonner au diacre de notre Église qui, la veille, pendant la messe, avait chanté le psaume responsorial, de chanter. Quand il eut fini, le roi voulut alors que je demande à tous les évêques qui étaient venus sur ma convocation qu'ils ordonnent chacun à un de leurs clercs dont c'était la fonction qu'il chante devant le roi. Quand je les eus avertis, comme me l'avait demandé le roi, chacun d'entre eux chanta de son mieux le psaume responsorial devant le roi[37],[38]. »

— Saint Grégoire de Tours, Historia Francorum, Livre VIII (traduction par Dom Saulnier de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes)

Selon la date de son décès, le 28 mars est la fête locale de saint Gontran[12].

Le culte de saint Gontran est gardé surtout en Maurienne, où le roi fit créer son propre évêché. Notamment, il fut promu en 1297 à la cathédrale de Saint-Jean-de-Maurienne par le futur évêque Aimon II de Miolans. Ce prince lui donna un revenu annuel de soixante sols de Vienne, ayant pour but de célébrer la fête de saint Gontran, 28 mars, en rite double. Dorénavant, grâce à lui, la célébration était suivie d'un dîner de fête qui était partagé par les chanoines avec l'aumône accoutumée[20]. Un bréviaire de la région, achevé en 1512, contenait les litanies de saints, dans lesquelles le nom de saint Gontran était mentionné[20],[39]. Dans ce diocèse, le culte fut supprimé à la suite de la Révolution. Or, en 1858, l'évêque François-Marie Vibert rétablit ce culte[20].

En ce qui concerne l'Italie, le culte de Gontran se trouvait dans la Vallée d'Aoste. On lit exactement, sur un ancien martyrologe de la cathédrale d'Aoste, des lignes qui indiquent que Gontran fit bâtir une nouvelle église sur les ruines d'ancienne basilique romaine : DEPOSITIO BTI GONTRANNI REGIS FRANCORVM[40],[41]. D'où, on célébrait la fête de Gontran, jusqu'à la réforme liturgique selon le concile Vatican II[20].

Il est le saint patron des personnes divorcées, est invoqué pour apaiser les querelles familiales et pour favoriser le rapprochement de deux branches d’une famille en conflit.

Liste des conciles qui concernaient le roi Gontran

modifier

Le roi Gontran fit assembler, afin de défendre la doctrine orthodoxe, plusieurs conciles[12],[fc 9]. Selon les études de Roisselet de Saucières :

Il était, donc, un excellent collaborateur des évêques. Saint Grégoire de Tours, quant à lui, qualifiait le roi Gontran d'un quasi-évêque[bg 3]. Le IIe concile de Mâcon se caractérisait, surtout, de la déclaration et de la confirmation de nombreux règlements religieux, y compris ceux du repos dominical[fc 7].

Représentations dans les arts

modifier

Littérature

modifier
  • 1898 : Le Dévouement de Gontran, saynète à deux personnages, de Lydie Rostoptchine (nièce de la comtesse de Ségur), représentée pour les invités au théâtre Pompadour le 21 juin 1898[42],[43].

Télévision

modifier

Références bibliographiques

modifier
  • Roisselet de Sauclières, Histoire chronologique et dogmatique des conciles de la chrétienté, depuis le concile de Jérusalem, tenu par les Apôtres l'an 50, jusqu'au dernier concile tenu de nos jours, tome 2, Paul Mellier, Paris 1845 [lire en ligne]
  1. a b c et d p. 518.
  2. p. 499-500.
  3. p. 508-509.
  4. p. 513.
  5. p. 514-515.
  6. p. 515-517.
  7. p. 519-522.
  8. p. 525.
  9. p. 541-543.
  10. p. 544.
  • Professeurs du collège Saint-François-Xavier de Besançon, Vie des saints de Franche-Comté, tome IV, p. 56-74, Vie de saint Gontran, Roi de Bourgogne, Libraire-Éditeur Turberge, Besançon 1856 [lire en ligne]
  1. a et b p. 58.
  2. a et b p. 74.
  3. a b c et d p. 57.
  4. p. 60.
  5. p. 60, note no 1.
  6. a et b p. 57, note no 2.
  7. a et b p. 65.
  8. p. 64-65.
  9. p. 64.
  • Claude-Félix. Bugniot, Saint Marcel, martyr, apôtre du Chalonnais, et saint Gontran, roi de Bourgogne, 2e édition, Chalon-sur-Saône, 1865 [lire en ligne]
  1. a et b p. 29.
  2. p. 25.
  3. p. 27, note no 4.
  • Didier Feuer et Jean d'Hendecourt, Dictionnaire des Souverains de France et de leurs épouses, Paris, Pygmalion, , 469 p. (ISBN 978-2-7564-0030-3)
  1. a b c d e f et g Feuer et d'Hendecourt 2006, p. 178.
  2. a b c et d Feuer et d'Hendecourt 2006, p. 177.
  3. a et b Feuer et d'Hendecourt 2006, p. 123.
  4. a et b Feuer et d'Hendecourt 2006, p. 119.
  • Bernard Guenée, Primat, le fort roi Clovis et le bon roi Gontran, dans la revue Romania, année 2008, no 501-502, p. 18-39 [lire en ligne]
  1. p. 18-19.
  2. a et b p. 31.
  3. a b c et d p. 29.
  4. a b et c p. 28.
  5. a b c d et e p. 30.
  6. p. 29-30.
  7. a et b p. 32.
  • Alexander O'Hara, Columbanus ad Locum : The Establishment of the Monastic Foundations, dans la revue Peritia (Journal of the Medieval Academy of Ireland), tome 26, p. 143 - 200, 2015 (en)[lire en ligne]
  1. p. 145.
  2. p. 145 et 147.
  3. a et b p. 144.
  4. p. 146.
  5. p. 149.
  6. p. 149 - 150.
  7. De surcroît, les études récentes suggèrent qu'il s'agissait d'un lieu du culte celtique puis de celui de Diane, donc culte romain. L'installation du monastère de saint Colomban avait pour but de l'évangélisation du peuple de cette région (p. 151 - 158).
  8. p. 143 - 144 et 170.
  1. Selon l'évêque, le roi Gontran fit la chasse, en 590 encore, dans la forêt royale des Vosges (X, 10). Cette Histoire des Francs, source la plus sûre et la plus importante, se termine avec le trépas de l'abbé limousin saint Yrieix, au mois d'août 591.
  2. Une hypothèse donne une possibilité préférant le 28 mars 593, car au Moyen Âge, le nouvel an était toujours Pâques et qu'en 593, la fête de Pâques fut célébré le 29 mars ; d'où, deux dates (593 dans le calendrier actuel et 592 d'après les documents anciens). Dans ce cas, le roi décéda le Samedi saint (Dates de la fête de Pâques au 6e siècle [1]).
  3. Claude Fleury, quant à lui, attribuait l'installation à l'année 590 [2] (Historia Ecclesiastica Latine, tome VIII, p. 308, 1759).
  4. L'identification archéologique est toujours en cours (Sébastien Bully et al., Le site du monastère d'Annegray (Haute-Saône) : les prospections géophysiques, 2011 [3]).
  5. D'après Anne Wagner (université de Franche-Comté, 2019), l'objectif du roi Gontran serait de contrôler voies de communication et/ou de faciliter à effectuer le fisc royal. Toutefois, dans le contexte politique, l'installation d'un centre religieux qui était dirigé par saint Colomban sur la frontière était un symbole explicite de la paix entre les deux pays.
  6. L'idée de Gábor Klaniczay (1989) est que, sous les règnes des rois et des reines mérovingiens, la sainteté des membres de la famille royale était caractérisée de leur abandon de pouvoir ou titre de martyre, et non selon leur politique chrétienne. Cette conclusion était issue des recherches de Frantisek Graus (1965) qui étudia les cultes de saints rois, reines et princes de l'époque mérovingienne [4]. Le modèle de saint Louis, canonisé, n'existait pas encore.
  7. En 1704, dans son Histoire de la Chapelle des Rois de France, l'abbé Louis Archon citait le livre III d'Aimoin pour l'exemple des historiens qui racontaient la sainteté de Gontran [5]. Aujourd'hui, l'analyse de Bernard Guenée reste prudente.
  8. Il est à noter que Primat de Saint-Denis était contemporain de saint Louis.

Références

modifier
  1. a et b Gontran sur le site Medieval Lands.
  2. Certains auteurs ont pu utiliser la forme impropre de Gontran Ier que l'on ne trouve dans aucune sources médiévales. Exemples : Arnaud de Maurepas, Hervé Robert, Pierre Thibault, Les Grands Hommes d'État de l'histoire de France, FeniXX, 525 pages, p. 1 (lire en ligne) ou encore Georges Cerbelaud-Salagnac, Histoire du Limousin : province-clé d'Aquitaine, France-Empire, 1996, p. 48.
  3. Bruno Dumézil, La reine Brunehaut, Paris, Éditions Fayard, 2008, p. 9 ; Laurence Charlotte Feffer et Patrick Périn, Les Francs Tome 2 : À l'origine de la France, Armand Collin Éditeur, Paris, 1987, p. 130.
  4. M. Weidemann, « Zur Chronologie der Merowinger im 6 ». Jahrhundert, Francia, 10 (1982), page 487.
  5. (de) Karl August Eckhardt, Die discretio Childebert I und ihre überlieferung, vol. 84, Germ., coll. « Zeitschrift der Savigny-Stifung für Rechtsgeschichte », , p. 1-71.
  6. Martin Schmitt, Mémoires historiques sur le diocèse de Lausanne, t. 1, Fribourg, Jean Gremaud, , p. 194-195.
  7. Gabriel Monod, Études critiques sur les sources de l'histoire mérovingienne, Paris, A. Francke, , p. 151-153.
  8. Grégoire de Tours, Historia Francorum, livre IX.
  9. a et b Courtépée et Béguillet, Description générale et particulière du duché de Bourgogne, tome I, p. 276 [6].
  10. a b et c Alphonse Rousset, Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de la Franche-Comté, tome VI, p. 340, 1858 [7].
  11. Diocèse d'Autun Chalon Mâceon, Église Saint-Marcel [8].
  12. a b c d et e Pierre Pierrard, Dictionnaire des prénoms et des saints, p. 142, 1974 [9].
  13. Ivan Gobry, Les premiers rois de France : la dynastie des mérovingiens, collection Documents d'Histoire, Éditions Tallandier, 1998, p. 227.
  14. Jonas de Bobbio, Vita S. Columbani Abbatis, chapitre XII [10] (ou pdf p. 5 [11]) : « Erat enim tunc vasta eremus Vosagus nomine, in qua castrum erat dirutum olim, quod antiquorum traditio Anagrates nuncupabant (Il y avait alors une vaste solitude appelée Vôge où se trouvait un castrum ruiné que la tradition des anciens nommait Anagrates). »
  15. a b et c Anne Wagner, Colomban, Ursanne légendes et réalité historique, 2019 [12].
  16. Les Amis de saint Colomban, Le voyage de saint Colomban selon Jonas [13].
  17. a et b Grégoire de Tours, Histoire des Francs, tome X, chapitre 10 [14].
  18. Ivan Gobry, Les premiers rois de France : la dynastie des mérovingiens, collection « Documents d'Histoire », éditions Tallandier, 1998, page 247.
  19. Voir aussi le texte latin intégral : [lire en ligne].
  20. a b c d e et f Jean Prieur et Hyacinte Vulliez, Saints et saintes de Savoie, La Fontaine de Siloé, , 191 p. (ISBN 978-2-8420-6465-5, lire en ligne), voir p. 19 - 23 dédiées à saint Thècle et p. 25 - 28 consacrées à Gontran.
  21. La famille de Gontran est connue par L'Histoire des Francs de Grégoire de Tours. Sauf Magnacaire qui se trouve dans La Chronique de Marius d'Avenches.
  22. On ne connaît ni sa date de naissance, ni sa date de décès, ni même ce qu'elle est devenue après le mariage du roi avec Marcatrude. On se sait rien d'elle mise à part qu'elle était une servante et qu'elle a donné un fils au roi.
  23. Grégoire de Tours, Histoire des francs, livre IV, 25 :

    « Le bon roi Gontran prit d'abord dans son lit pour concubine Vénérande, servante de quelqu'un de son entourage ; il eut d'elle un fils, Gondebaud. »

  24. Christian Bouyer indique à tort dans son Dictionnaire des Reines de France que Gondebaud est une fille.
  25. Un canon du concile de Valance la mentionnait : « Bonæ memoriæ Chlogebergis » (Mémoires de littérature, tirez des registres de l'Académie royale des inscriptions et belles lettres, tome VIII, p. 497, note c), 1733 [15]).
  26. Traduction et texte latin, IV, 30 [16].
  27. Traduction, VII, 16 [17].
  28. Traduction VII, 40 [18].
  29. Traduction VIII, 3 [19].
  30. Société d'histoire et d'archéologie de Maurienne, Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne, 2e série, tome III, p. 38, 1901 [20].
  31. Laurent Perrillat (Académie salésienne), Géographie historique des diocèses de Savoie, p. 4, 2014 [21].
  32. Godefroid Kurth, Clovis, p. 538 - 543, Tallandier, 2000.
  33. Paul Diacre, Histoire des Lombards, livre III, chapitre 33 [lire en ligne].
  34. Fabienne Joubert, L'artiste et le clerc, p. 46, 2006 [22].
  35. Ministère de l'instruction publique, des Beaux-Arts et des cults (Lucien Paté, commission de l'inventaire général des richesses d'art de la France), Inventaire général des richesses d'art de la France, p. 17, [23].
  36. Étienne Lelièvre, Les Saints de souches royales, FAYARD, 1999.
  37. Saint Gregory (Bishop of Tours), Histoire ecclésiastique des Francs, , 352 p. (lire en ligne), p. 65.
  38. http://palmus.free.fr/session_2005.pdf Dom Daniel Saulnier, Session de chant grégorien, session inter-monastique tenue à l'abbaye Notre-Dame de Maylis, les 5-9 septembre 2005, p. 5-6.
  39. Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie, Bulletin tome IX, p. 163, 1922, consulté en ligne le 29 août 2022.
  40. Società piemontese d'archeologica e di belle arti, Atti della società di archeologia e belle arti per la provincia di Torino, tome III, p. 146, 1880 [24].
  41. Arthur Kingsley Porter, Lombard architecture, tome II, p. 49, 1916 (en + la) [25].
  42. Notice Bnf, Le Dévouement de Gontran [26].
  43. Libraire H. Champion, Bulletin des récentes publications françaises, p. 101, 1899, consulté en ligne le 10 septembre 2022.

Annexes

modifier

Articles connexes

modifier

Liens externes

modifier