Henri Farge

peintre et graveur français (1884-1970)

Henri Farge est un artiste peintre et graveur aquafortiste et sur bois français né à Paris 8e le . Il vécut à Paris, successivement rue des Vignes, rue de Lille, avenue de Versailles, enfin rue des Plantes. Il est mort à Créteil le [1].

Henri Farge
Naissance
Décès
(à 86 ans)
Créteil
Nom de naissance
Henri Auguste Élysée Farge
Nationalité
Française
Activité
Formation
Mathématiques en Sorbonne, autodidacte en peinture
Distinction

Biographie

modifier

Henri Auguste Élysée Farge est le fils de l'architecte Laurent Farge dont le nom reste associé à la construction d'immeubles parisiens (le no 23 bis, rue Dufrenoy en 1890, les no 4-6, rue Desbordes-Valmore en 1895) et de l'hôtel de ville de Trouville-sur-Mer en 1911. Baptisé en l'église Saint-Augustin, Henri est successivement élève du Lycée Carnot de Paris et du Lycée Michelet de Vanves.

Le jeune mathématicien

modifier

Quoique remarqué au Lycée Michelet par son professeur de dessin qui le fait travailler à part, c'est sa réputation d'élève brillant en tout, de « bête à concours » qui l'emporte dans l'immédiat sur sa vocation artistique: cinq fois envoyé au Concours général (mathématiques, chimie, géométrie, histoire, géographie), il passe ses baccalauréats avec mention et est admis en 1902 à l'École polytechnique[2].

Promis à une carrière de « grand matheux », Henri Farge quitte pourtant le giron familial pour s'installer en toute indépendance dans un modeste atelier du boulevard Raspail. Il poursuit ses études à la Sorbonne, est un élève apprécié des mathématiciens Henri Poincaré et Émile Picard, se faisant assistant en mathématiques au Lycée Michelet afin de pourvoir aux nécessités alimentaires. Affecté au Génie, il effectue son service militaire à Versailles où il est chargé de conférences sur l'eau lourde auprès des jeunes officiers, bénéficiant d'une bienveillante libération anticipée pour finaliser ses études en Sorbonne et se trouver en 1906 muni de trois licences[2].

Entrée dans le monde littéraire et artistique

modifier

Henri Farge rejoint alors le cercle des jeudis littéraires qu'anime au Bar de la Paix (à proximité de l'Opéra Garnier et du Café de la Paix) Paul-Jean Toulet, y retrouvant entre autres Edmond Jaloux, Eugène Marsan, Jacques Boulenger, François Fosca, Jean Giraudoux, et surtout celui qui restera son ami, Jean-Louis Vaudoyer. Dans ce contexte, Henri Farge écrit, lui aussi: on cite un livret publié en 1912 et aujourd'hui introuvable, Enquête sur la jeunesse, la peinture - Les artistes, dont il est l'auteur. Marié à Madeleine, d'origine genevoise - « une toute petite femme très bien faite, aux grands yeux bleus » remarquera Rainer Maria Rilke qui la croisera à Venise[3] - ils partent ensemble en 1912 en Italie où le couple se lie d'amitié avec Henri de Régnier[3],[4] et où notre jeune artiste étudie les « grands anciens » tout en préparant son exposition de chez Eugène Druet, précisément sur le thème de Venise et de l'Italie[5]. De son côté, plus tard, en 1927, Henri de Régnier dédiera ses Contes vénitiens à Madeleine Farge[6].

Guerre 1914-1918, La Roumanie douloureuse

modifier

La Première Guerre mondiale envoie le lieutenant d'artillerie Henri Farge dans les Carpathes: avec la mission Berthelot, il débarque à Arkhangelsk pour rejoindre, en traversant la Russie du nord au sud, l'armée roumaine au combat contre les Allemands. De cet épisode difficile, il fait mémoire au travers d'une suite d'estampes et de lavis intitulés La Roumanie douloureuse, souvenirs. L'ambassadeur de France en Roumanie, le Comte de Saint-Aulaire, initiateur par son accord avec Ferdinand Ier (roi de Roumanie) de la mission Berthelot, se souviendra dans ses mémoires de Henri Farge qu'un temps après la guerre il garde auprès de lui à la Légation de Iași[7].

Peintre et graveur

modifier

Revenant à Paris, notre artiste s'installe rue des Vignes. Sa peinture et ses monotypes, exposés en à la Galerie Devambez, s'orientent déjà vers ce qui demeurera l'un de ses thèmes récurrents: les Quais de la Seine, les perspectives qu'ils offrent sur les ponts de Paris, leur animation restituée par les mouvements de foules, leurs bouquinistes ou leurs personnages pittoresques saisis sur le vif (La folle du Pont des Arts). À partir de 1923, Henri Farge fait partie du cercle d'artistes (avec Pierre Brissaud, Edgar Chahine, Jean Droit, Tsugouharu Foujita et Alméry Lobel-Riche) qui travaillent étroitement avec Édouard Chimot, nouveau directeur artistique des Éditions d'art Devambez, à l'enrichissement par la gravure d'ouvrages littéraires. Après un voyage aux États-Unis en 1924 - il y rencontre Bernard Boutet de Monvel dont il restera l'ami - il part pour Constantinople afin de documenter son illustration par l'eau-forte, en 1926 chez Devambez, de L'homme qui assassina, roman de Claude Farrère[2]. Il illustre ensuite un autre livre situé de même à Constantinople, Aziyadé de Pierre Loti[8].

Henri Farge « fait preuve dans sa peinture d'un don très vif d'observation, décrivant des scènes pittoresques » qui demeurent un « témoignage des époques et des lieux qui les ont inspirées »[9]. Il est de fait à Paris acteur la vie mondaine: « chroniqueur de son temps, il est de toutes les fêtes,de toutes les expositions et de tous les spectacles. Il aime le monde. Partout, il est reçu avec enthousiasme et il est fêté. Il reçoit écrivains et artistes, les sorties n'altérant pas son ardeur au travail: ses carnets, ses croquis laissent deviner sa ténacité et son souci de ne rien laisser au hasard »[2].

On dit[2] que c'est la montée de l'École de Paris, en laquelle il ne se reconnaît pas, qui le fait se retirer dans la solitude de son atelier où, malgré les visites d'un fidèle ami et admirateur, Jean Carzou, il tombe dans l'oubli jusqu'à la dispersion de son atelier à l'Hôtel Drouot en , treize ans après son décès. Cependant, « Grand, élancé, désinvolte et racé, les yeux bleus, une chevelure blonde et rebelle, d'une élégance raffinée, il gardera jusqu'à ses derniers jours l'allure d'un personnage de la Belle Époque. Il demeure une des figures hautes en couleur de la société parisienne de son temps »[2].

  • La Roumanie douloureuse - souvenirs, vingt-cinq planches.

Dessins

modifier
  • Paul-Jean Toulet sur son lit de mort, , dessin 24 × 28 cm, reproduit en fac-similé dans le livre de Henri Martineau La vie de Paul-Jean Toulet, co-édition Le Divan Paris - Clouzot Niort, 1921[10].

Peintures

modifier

Ouvrages bibliophiliques

modifier
  • Paul Verlaine, Les Amies - six sonnets consacrés aux amours saphiques, sept planches hors-texte dessinées par Henri Farge et gravées par Léon Marotte, 25 exemplaires numérotés sur papier Japon, 200 exemplaires numérotés sur papier vélin d'Arches, Éditions A. Messein, 1921.
  • Eugène Marsan, Les cannes de M. Paul Bourget et le bon choix de Philinte, petit manuel de l'homme élégant suivi de portraits en référence, dessins de Henri Farge gravés par Georges Aubert, Éditions Le Divan, Paris, 1923[12].
  • Johan Ludvig Runeberg (préface du Baron Ernest Seillière), Nadeschda - Scènes de la vie russe, cinq eaux-fortes et neuf bois gravés de Henri Farge, Éditions G. Servant, 1924.
  • Voltaire, Contes en vers et premiers contes en vers , eaux-fortes à l'aquatinte de Henri Farge, 302 exemplaires, Éditions L. Delteil, Paris, 1925.
  • Claude Farrère, L'homme qui assassina, quinze eaux-fortes dont sept hors-texte en couleurs par Henri Farge, Éditions d'art Devambez, Paris, 1926.
  • Pierre Loti, Aziyadé, vingt-deux aquarelles, dont un frontispice et cinq culs-de-lampe de Henri Farge reproduites aux pochoirs par Saudé, 225 exemplaires numérotés, Éditions André Plicque, 1928.

Revues illustrés

modifier

Expositions

modifier

Expositions personnelles

modifier
  • Galerie Druet, , .
  • Galerie Goupil, Paris, .
  • Galerie Devambez, Paris, , [15].
  • La peinture, la politique, le monde et la mode, 1926-1933 - Monotypes, pastels et estampes de Henri Farge, Galerie Durand-Ruel, .
  • Monotypes by Henri Farge, Durand-Ruel Galleries, New-York, 1933, 1944.
  • Galerie Piermever, Paris, , .
  • Galerie 34 Matignon, Paris, .
  • Claude Robert, commissaire-priseur, vente de l'atelier Henri Farge, Hôtel Drouot, Paris, [16].

Expositions collectives

modifier

Réception critique

modifier
  • « Dans les sujets qu'il choisit et qu'il traite, Henri Farge emploie ses doubles qualités d'élégance et de solidité. L'amitié pourrait contredire dans l'occasion la liberté de notre jugement, mais ces derniers ouvrages nous offrent à coup sûr le bonheur d'un beau voyage en Italie. Ce n'est pas là le voyage d'un exalté ou d'un pédant, partant avec des emphases toutes faites ou des théories préconçues, mais le voyage d'un artiste aussi sensible qu'avisé, très français (puisque ce mot est à la mode), que la beauté touche d'une façon naturelle et qui se laisse joyeusement guider par elle, dans l'endroit du monde où elle s'est le mieux révélée. » - Jean-Louis Vaudoyer[5]
  • « Il avait peint Édith Piaf alors qu'elle n'était encore que la môme Piaf. Il l'avait devinée et l'avait déjà placée dans la ville où elle devait triompher. Tout est de la même veine chez cet imagier de la rue parisienne, qu'il s'agisse du Quai aux Fleurs, du Pont Neuf ou de la Folle du Pont des Arts. » - R.W. de Cazenave[21]
  • « Henri Farge est un peintre aux multiples facettes. Dans la gravure, Henri Farge, chroniqueur de la vie parisienne, partage le don de la grâce avec Jean Émile Laboureur .Il y a dans leur art un souci d'élégance très particulier qui reflète leur personnalité. Tous deux ont eu la réputation d'être dandy. Leur vertu commune est la finesse du trait. L'un et l'autre se veulent aimables mais sans aucune concession à la frivolité. Ils pratiquent l'eau-forte et la pointe sèche avec un égal bonheur. Dans l'aquarelle, Farge emprunte à Gavarni une écriture alerte et gracieuse. Tous deux ont personnifié à merveille l'esprit parisien de leur charmante époque de danseuses et de demi-mondaines. On les a d'ailleurs traités l'un et l'autre de "Gavroche de l'art". Dans la peinture, au contraire, Farge se rapproche de la profondeur de vision et de la puissance d'expression de Daumier. La palette d'Henri Farge, à la pâte dense et torturée, aux couleurs sombres et mordorées, peut faire songer aux grands peintres de mœurs du XIXe siècle. » - Claude Robert[22]

Prix et distinctions

modifier
  • Médaille d'argent, Salon des artistes français, 1966[9].

Collections publiques

modifier

France

modifier

Drapeau du Canada Canada

modifier

États-Unis

modifier

Collections privées

modifier
  • Samuel Loti-Viaud, Aziyadé.
  • James Bergquist (de), Les contes de Voltaire..
  • Edward C. Crossett, estampes.

Notes et références

modifier
  1. Acte de naissance à Paris 8e, n° 14, vue 3/32, avec mentions marginales de trois mariages à Paris en 1910, 1924 et 1949, et du décès à Créteil en 1970.
  2. a b c d e et f J. R., Henri Farge - La peinture, la politique, le monde et la mode, in Catalogue de la vente de l'atelier Henri Farge, Claude Robert, Paris, 18 juin 1984.
  3. a et b Patrick Besnier, Henri de Reigner, de Mallarmé à l'Art Déco, Fayard, 2015.
  4. Adéline Leguy, Henri de Régnier et Venise, thèse de doctorat de l'université du Maine, juin 2002
  5. a et b Jean-Louis Vaudoyer, Exposition Henri Farge, Éditions Galerie Eugène Druet, 1912.
  6. Henri de Régnier, Contes vénitiens collection électronique de la Médiathèque André-Malraux de Lisieux
  7. Comte de Saint-Aulaire, Confessions d'un vieux diplomate, Flammarion, 1953.
  8. Traces écrites, Le peintre Henri Farge se remémore son voyage à Istanbul, lettre manuscrite, 17 mai 1960
  9. a b c et d Dictionnaire Bénézit, Gründ, 1999, tome 5, page 302.
  10. a et b Médiathèque intercommunale Pau-Pyrénées, Pau, Paul-Jean Toulet sur son lit de mort, dessin de Henri Farge
  11. Papillon Gallery, Jos Hessel, le tableau
  12. La mesure de l'excellence, A propos du livre d'Eugène Marsan et des dessins de Henri Farge sur le haut-de-forme
  13. Revues littéraires, Le recueil pour Ariane ou le pavillon dans un parc, dix numéros quadrimestriels parus entre l'automne 1911 et l'hiver 1914
  14. Revue L'Illustration, Histoire de l'Illustration - l'automobile Voir année 1934.
  15. « Les expositions - Galerie Devambez : Henri Farge, dessins, aquarelles, eaux-fortes », L'Art et les Artistes, tome VIII, 1923-1924, p. 165.
  16. La Gazette de l'Hôtel Drouot, n°23, 8 juin 1984, page 30.
  17. Les Introuvables (janvier 2008), Le Salon de l'Araignée dans le Journal littéraire du 2 mai 1924
  18. François Fosca, « Le Salon des Tuileries », L'Amour de l'art, supplément au n°5, mai 1927.
  19. Art Institute of Chicago, The fifteenth international water color exhibition, catalogue, 1936
  20. The Portal of Texas History, Texas Centennial Exhibition - Foreign water colors, catalogue, 1936
  21. R.W. de Cazenave, in L'illustration artistique - Petite encyclopédie des arts, vers 1963, repris in Catalogue de vente de l'atelier Henri Farge, 1984.
  22. Claude Robert, Henri Farge, peintre aux multiples facettes, in Catalogue de la vente de l'atelier Henri Farge, Hôtel Drouot, 18 juin 1984.
  23. Hobart and William Smith Colleges, Davis Gallery, Henri Farge dans les collections, donation Edward T. Pollack, Portland (Maine)
  24. Clark Art Institute, Williamstown, Henri Farge dans les collections du musée
  25. Hampshire College Art Gallery (Five Colleges and Historic Deerfield Museum Consortium), Henri Farge dans les collections

Annexes

modifier

Bibliographie

modifier
  • Jean-Louis Vaudoyer, Exposition Henri Farge, Éditions Galerie Eugène Druet, 1912.
  • Édouard-Joseph, Dictionnaire des artistes contemporains, Paris, 1931.
  • Charles de Beaupoil, comte de Saint-Aulaire, Confessions d'un vieux diplomate, Flammarion, 1953.
  • Claude Robert, commissaire-priseur, 5, avenue d'Eylau, Paris, Catalogue de la vente de l'atelier Henri Farge, Hôtel Drouot, Paris, lundi .
  • Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Gründ, 1999.
  • Adéline Leguy, Henri de Régnier et Venise, Thèse de doctorat de l'université du Maine (France), U.F.R. de lettres, .
  • Patrick Besnier, Henri de Regnier, de Mallarmé à l'Art déco, Fayard, 2015.
  • Ouvrage collectif (reprise de textes de Paul Morand, Jules Renard, Edmond Rostand, Alfred Capus, Robert de Beauplan...), L'Illustration - L'automobile, histoire d'une révolution - 1880-1950, Éditions Michel Lafon, 2015.

Liens externes

modifier