Histoire de l'éducation des aveugles en France
L'histoire de l'éducation des aveugles en France, tout comme celle des sourds, a une place à part dans l'histoire de l'éducation spécialisée[1]. En effet, la cécité et la surdité sont considérés comme éducables, et les enfants concernés bénéficient d'une éducation spécialisée plus tôt (fin XVIIe siècle et courant XVIIIe siècle) que les enfants avec d'autres types de handicaps[2],[1]. Ainsi, en 1784, peu après la fondation de la première école pour sourds par l'Abbé de l'Epée, Valentin Haüy fonde l’Institut royal des jeunes aveugles, désormais nommé l’Institut national des jeunes aveugles (INJA)[3]. C'est là qu'au XIXe siècle est inventé le braille, utilisé mondialement depuis[4]. D'autres écoles spécialisées sont ouvertes au XIXe siècle en province, avec l'objectif d'une professionnalisation pour des ateliers adaptés[1]. Cette branche de l'éducation spécialisée est également une illustration de l'évolution de l'éducation primaire en France (organisation religieuse, puis laïque), avec des spécificités (rattachement à l'Assistance Publique, et non pas à l'Instruction publique)[5]. Aujourd'hui, ces écoles existent toujours et constituent un cas particulier de la prise en charge pour une éducation inclusive[6].
XVIe et XVIIe siècles
modifierLa littérature scientifique de l'époque fait état d'un intérêt pour l'éducation et l'accès au travail des aveugles. C'est notamment le cas de Jean Louis Vivès et de Jérôme Cardan. La possibilité de développer un matériel tactile et adapté est également avancée par le Père Francesco Lana de Terzi[2].
XVIIIe siècle
modifierLa figure de l'aveugle prodige
modifierC'est à la fin du XVIIe et durant le XVIIIe siècle que sont reconnus les talents de personnes aveugles, principalement issues des couches bourgeoises de la société[7]. Dans sa Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient, Diderot présente ainsi Saunderson (1682-1739), mathématicien aveugle. Leurs talents de musiciens sont également de plus en plus reconnus[2].
Première école pour les aveugles à Paris
modifierEn 1784, Valentin Haüy ouvre l’Institut Royal des Jeunes Aveugles, l'actuel Institut national des jeunes aveugles (INJA). C'est la première école pour les aveugles. La création de cette école est rendue possible par la conjonction de l'idéal des Lumières et du courant philanthropique, le premier suggérant qu'il est possible de normaliser et de réadapter les exclus par l'éducation[1], le second qu'il est bénéfique de le financer[2]. L'INJA est placé sous la protection de l’État en 1791[1].
Les supports utilisés
modifierUn rapport de l'INJA fait état de l'usage de lettres romaines gaufrées[8], de planches gravées, et de cartes tactiles[3],[9].
XIXe siècle
modifierL'invention du braille
modifierJusqu'au développement du braille par Louis Braille (1809-1852), l'apprentissage de la lecture se faisait avec des lettres romaines agrandies et gaufrées sur du papier[9]. Outre le coût important de la réalisation des ouvrages (évoqué dans un rapport de l'INJA[9]), cela était peu pratique pour la lecture. D'autres systèmes sont proposés, comme la sonographie[10]. En 1829, Louis Braille publie Procédé pour écrire les paroles, la musique et le plain-chant au moyen de points, à l’usage des aveugles et disposés pour eux[4]. Ce livre présente son système d'écriture, le braille, sur base d'une matrice de six points. Le braille est aujourd'hui utilisé mondialement.
Conditions de vie des enfants avec déficiences visuelles
modifierÀ l'époque, les infirmités sont encore perçues comme conséquence d'un péché[11],[12]. Ces enfants sont souvent enfermés et cachés aux regards.
Développement des écoles en province
modifierÀ la fin du XIXe siècle, on trouve 11 écoles spécialisées en France, dont 10 en Province. Toutes sont administrées par des congrégations catholiques[5]. Ainsi, à Marseille, en 1857, l'Abbé Dassy fonde, avec les sœurs de Marie Immaculée, une institution pour l'accueil des jeunes aveugles. Elle s'agrandit rapidement, devenant le centre Arc-en-ciel[13]. À Toulouse, le , une maison des Jeunes-Aveugles (actuellement CESDV-IJA[14]) ouvre ses portes. Il s'agit là aussi d'une institution religieuse.
Ces écoles visent à l'acquisition des savoirs de base (écriture, lecture, algèbre, sciences), mais aussi à former à des métiers considérés comme adaptés (télégraphiste notamment). La musique (notamment le piano et l'orgue) et la religion sont également au programme.
XXe siècle
modifierSéparation de l'Église et de l'État
modifierAu début du XXe siècle, conséquence de la loi sur l'instruction obligatoire et de manière concomitante à la séparation de l'Église et de l'État, il devient interdit aux congrégations religieuses d'enseigner[15]. L'enseignement religieux n'était déjà plus au programme depuis 1882. Cependant toutes les écoles réservées aux aveugles étaient alors encore gérées par des congrégations religieuses, l'enseignement étant dispensé par des laïques. Jusque dans les années 1950, la vie dans ces écoles-pensionnats reste rythmée par la vie religieuse et les cinq prières journalières[5]. Les écoles spécialisées deviendront complètement laïques dans la seconde moitié du XXe siècle[5],[1].
Enjeux institutionnels
modifierEn début de siècle, les écoles pour aveugles relèvent toujours de l'Assistance Publique, et pas du ministère de l'Instruction Publique. L'enseignement y est conçu comme avant tout professionnalisant (canage-paillage, accordage de piano etc.). Les aveugles et les sourds ont cependant une place à part : ils sont considérés comme éducables, au contraire de l'enfance dite « maladaptée », qui désigne les enfants décrits comme ayant des troubles du comportement ou une déficience intellectuelle.
Dans les années 1950, les écoles passent sous la responsabilité du ministère de la Santé.
Le tournant inclusif
modifierEn 1989, la Convention relative aux droits de l'enfant est signée. Celle-ci garantit le droit à l'éducation inclusive, en milieu ordinaire, de tous les enfants, quelle que soit leur condition physique.
Inventions matérielles
modifierDifférentes inventions simplifient l'accès à l'éducation. C'est le cas la machine Perkins, permettant de dactylographier du braille, et à la fin du siècle, de l'apparition du braille informatique.
XXIe siècle
modifierLoi de 2005 sur l'inclusion scolaire
modifierLa loi de 2005 sur l'inclusion scolaire reconnaît à chaque enfant le droit à une éducation inclusive, en école ordinaire. Il s'agit d'une implémentation de la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989. Désormais, les élèves vont dans leur établissement de référence, et reçoivent l'aide d'une équipe spécialisée (instructeur en locomotion, ergothérapeute, psychomotricien, enseignant spécialisé). Chaque année, le projet éducatif de l'enfant doit être acté par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Ce projet détermine les aides humaines et matérielles nécessaires à l'éducation[6].
Types d'inclusion
modifierL'inclusion est dite personnelle si un enfant est élève dans une classe ordinaire. Elle peut également être groupée, si l'enfant rejoint une Unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis)[16]). Les Ulis sont situées dans les écoles ordinaires, mais constituent une classe à part.
Notes et références
modifier- François Buton, « Infirmité, indigence et âge. L’éducation des sourds et des aveugles (1789-1815) », Handicaps, pauvreté et exclusion dans la France du XIXe siècle, (lire en ligne).
- Myriam Winance, « Zina Weygand, Vivre sans voir. Les aveugles dans la société française, du Moyen Âge au siècle de Louis Braille », Documents pour l'histoire des techniques. Nouvelle série, no 15, , p. 214–217 (ISSN 0417-8726, lire en ligne, consulté le ).
- Pierre Henri, La vie et l’œuvre de Valentin Haüy, Puf, .
- « Louis Braille | Ligue Braille », sur Ligue Braille (consulté le ).
- Jacques Montauriol, L'institut des jeunes aveugles de Toulouse, petite et grande histoire, .
- Guide pour la scolarisation des enfants et adolescents en situation de handicap (lire en ligne).
- Zina Weygand, Vivre sans voir. Les aveugles dans la société française du Moyen Age au siècle de Louis Braille, Creaphis, .
- Fonds Ancien BU Lyon, « Un livre imprimé par et pour les aveugles », Interfaces. Livres anciens de l'Université de Lyon, (lire en ligne, consulté le ).
- Rapport fait ... sur l'état de l'institution royale des jeunes aveugles: pendant les exercices de 1816 et 1817, Chanson, (lire en ligne).
- (en-US) « Touching the Book: Curating a History of Blindness », Common Touch: The Art of the Senses in the History of the Blind, (lire en ligne, consulté le ).
- Henri-Jacques Stiker, Corps infirmes et sociétés. Essais d'anthropologie historique.
- (en) Brian R. Miller, « History of the blind | Blindness », Encyclopedia Britannica, (lire en ligne, consulté le ).
- « Arc en Ciel - Marseille », sur www.irsam.fr (consulté le ).
- « Institut des Jeunes Aveugles | Centre d'éducation spécialisée pour déficients visuels », sur www.ijatoulouse.org (consulté le ).
- Patrick Cabanel, « Le grand exil des congrégations enseignantes au début du XXe siècle. L'exemple des Jésuites », Revue d'histoire de l'Église de France, vol. 81, no 206, , p. 207–217 (DOI 10.3406/rhef.1995.1183, lire en ligne, consulté le ).
- Éduscol, « Scolarisation des élèves handicapés - Les unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) - Éduscol », sur eduscol.education.fr, Ministère de l'Éducation nationale (consulté le ).