Jean de Cambefort

compositeur et chanteur

Jean de Cambefort, né vers 1605 et mort le , est un compositeur et chanteur français actif à Paris à la cour de France.

Jean de Cambefort
Description de cette image, également commentée ci-après
Signature de Jean de Cambefort (1643)

Naissance probablement Montricoux, Quercy,
Drapeau du Royaume de France Royaume de France
Décès 1661
Paris, Drapeau du royaume de France Royaume de France
Lieux de résidence Paris
Activité principale Compositeur, chanteur, luthiste
Style musique baroque
airs, musique instrumentale
Lieux d'activité Paris
Années d'activité environ 1635-1661
Éditeurs Pierre I Ballard et Robert III Ballard

Répertoire

musique de ballet, airs

Biographie

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Son père était Antoine de Cambefort, bourgeois de Montricoux (près de Montauban) en Quercy, déjà mort en , et sa mère Adrienne de La Vogue[1].

Il est identifié dès 1635 comme chanteur attaché à la chapelle privée du cardinal de Richelieu[2]. Il dit dans la préface de ses Airs de 1655 que c’est au roi qu’il doit cette position. Ce point est fort intéressant : le fait que Cambefort soit d'origine provinciale et que le roi puisse le recommander dès avant 1635 laisse supposer qu'il avait été recruté sur place quand il était enfant pour chanter à la Chambre du roi, et que le roi ait eu assez d'affection pour lui pour penser à son avenir.

En 1643, Cambefort avait aussi le titre de prieur du prieuré de Saint-Julien-Chapteuil, au diocèse du Puy-en-Velay. Il résigne cette dignité ecclésiastique en faveur de Jehan d’Atignac dans un acte du , moyennant une rente annuelle et viagère de 133 lt[3].

La mort de Richelieu en fait que Louis XIII le fait s’attacher au cardinal Jules Mazarin, fin amateur de musique ; Cambefort va emménager en son palais de la rue des Petits-Champs. Il restera longtemps attaché à Mazarin et lui dédiera en 1655 son second livre d’airs. Son service pour Mazarin ne l’empêche pas de fréquenter la cour puisque le roi l’apprécie beaucoup ; il faisait partie des chanteurs familiers que le roi réunissait autour de lui pour se distraire de sa maladie[4].

Le , peu après la mort de Louis XIII, Cambefort achète à François de Chancy la moitié de la charge de maître des enfants de la Chambre du roi, moyennant 9000 lt et à condition que les gages soient perçus par moitié. Une convention entre les deux maîtres signée le même jour prévoyait qu’un cas du décès d’un des deux le survivant reprendrait l’autre moitié de la charge[5]. Il assume seul cette charge à la mort de Chancy en 1656, aux gages annuels de 720 lt. Il frotte alors son ambition à celle de Jean-Baptiste Boësset, qui est quant à lui protégé par Jean-Baptiste Colbert.

Le , Cambefort achète à François Richard pour 2700 lt la survivance de sa charge de compositeur de la musique de la Chambre du roi, aux gages annuels de 600 lt[6]. La mort de Richard fait qu’il peut en jouir dès 1650[7]. Sans doute faut-il voir dans son accession à ces deux charges prestigieuses la main puissante de son protecteur Mazarin.

Le 21 et , Cambefort achète à Paul Auget et à Jean-Baptiste de Boësset la survivance de la charge de surintendant de la musique du roi[8].

Il chante en 1654 divers rôles dans Le nozze di Peleo e di Theti de Carlo Caproli[9]. Ses talents de chanteur sont indubitables et il passe pour avoir cultivé un style dramatique qui ne devait rien à la technique du chant italien.

Le roi l’envoie en Languedoc et Guyenne en 1655 pour recruter de nouveaux membres pour la musique de sa Chambre parmi les enfants de chœur qui chantaient dans les maîtrises locales[10]. De ce périple il ramène au moins le jeune Baptiste Perroni, comme en témoigne une lettre de remerciement du roi à l’évêque de Bazas[11].

En 1659, le mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse d'Autriche (1638-1683) donne à Cambefort l’idée de postuler pour la charge de maître de la Chapelle de la reine ; il sollicite Mazarin pour son soutien mais n'obtient pas cette charge, que Colbert donne à Sébastien Le Camus et Jean-Baptiste Boësset. Cambefort écrit à Mazarin le pour s’en plaindre, estimant qu’il avait plus de titre que les deux récipiendaires à recevoir cette charge (ce qui montre à tout le moins la bonne opinion qu’il avait de lui-même)[12].

À la mort de Paul Auget, Cambefort obtient la charge de surintendant de la musique du roi, en alternance par quartier avec Jean-Baptiste Boësset, aux gages annuels de 600 lt. Il achète encore le à Jean-Baptiste Boësset, pour 6000 lt la charge de maître de la musique de la Chambre[13].

Vite supplanté par Lully dans les faveurs du roi pour tout ce qui concerne la musique dramatique, Cambefort semble s’être tourné vers la musique sacrée, mais celle qu’il a pu composer n’est pas conservée. Jean Loret relate dans sa gazette du [14] son admiration pour la musique religieuse qu’il entend lors d’un concert dirigé par lui au couvent des Feuillants de Paris. Mais Cambefort meurt prématurément le suivant, et est enterré à Saint-Eustache[15].

Famille

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Le , Cambefort épouse Marie Auget, fille de l'orfèvre du roi Pierre Auget et nièce de Paul Auget, surintendant de la musique de la Chambre[16]. Celle-ci lui donne plusieurs enfants : Antoine-Paul baptisé le , Marie baptisée le , Claude baptisé(e) le , Françoise Catherine (le ), Adrienne (le et morte en bas âge), Marie-Jérôme () et Madeleine-Paule (le ), né peu avant la mort de son père[17].

Après la mort de son mari, Marie Auget semble ne pas s’être remariée et l’on ignore le nom du tuteur de ses enfants. Elle apparaît encore le comme témoin du mariage de Jean Watelle et de Justine Quitard[18], le à celui de Jean de La Senerye[19] et le à celui de Geneviève Andrée Auget[20].

Il demeure en 1643 rue des Petits-Champs, dans le Palais Mazarin, en 1651 rue du Coq et en 1658 rue des Petits-Champs vis-à-vis le Palais Mazarin. En 1658 il loue à Jacques Pinson une maison à Boulogne-sur-Seine, pour 100 lt par an[21]. En 1661 il réside rue des Prouvaires.

Œuvres

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Page de titre du Ballet royal de la nuit dans le recueil Philidor

En 1653, Cambefort collabore au Ballet royal de la Nuit, pour cinq récits et un dialogue. Organisé par Louis Hesselin, joué à sept reprises entre le et le , en la salle du Petit-Bourbon. Écrite sur les vers d’Isaac de Benserade, l’œuvre totalise 45 entrées divisées en quatre parties. Les décors et les machines étaient dus à Jacopo Torelli, les danses à Louis de Mollier, Michel Mazuel et Vertpré. La copie du ballet présente dans la Collection Philidor[22] (faite en 1690) laisse supposer que Jean-Baptiste Lully et Jean-Baptiste Boësset ont également composé quelques pièces, peut-être aussi Michel Lambert. Ce ballet est un des plus importants de l’époque.

L’année suivante, Cambefort collabore au Ballet du Temps, inventé par Hesselin, et donné les et en la salle des Gardes du Louvre, sur des vers d’Isaac de Benserade. Il n’y contribue que pour une pièce (le Récit du Temps et des saisons), qui peut lui être attribué d’après sa présence dans son 2e recueil d’airs et par la copie du ballet dans la Collection Philidor, tome IV.

Les airs de ballet de Cambefort sont considérés comme assez pauvres du point de vue de l’harmonie, mais remarquables pour leur qualité dramatique et la manière très fine avec laquelle le musicien compose avec les règles de la prosodie. De ce point de vue, il peut être considéré comme à la fois comme un des derniers compositeurs d’air de cour et comme un prédécesseur de Lully. André Danican Philidor ne s’y est pas trompé, qui dans la préface de son volume des Vieux ballets écrivait qu’il avait un des premiers « aperçu de loin ces lumières de bon goust qui n’ont esté découvertes entièrement que par M. de Lulli ».

Page de titre du Second livre d'airs de Jean de Cambefort (Paris, 1655).
  • Airs de cours à quatre parties [Ier livre]. - Paris : Robert III Ballard, 1651. 4 vol. 8° obl. RISM C 282, Guillo 2003 n° 1651-D.
Dédicace à Louis XIV. Contient 27 airs à 2, 3 ou 4 voix, dont 1 avec basse continue. Édition recueillie par Christophe Ballard vers 1697 : Guillo 2003 c. 1697-B.
  • IIe livre d'airs à 4 parties. - Paris : Robert III Ballard, 1655. 5 vol. 8° obl. RISM C 283, Guillo 2003 n° 1655-I.
Dédicace au cardinal Jules Mazarin et épigramme de François Colletet[23].
Les pièces 1 à 6 sont extraites du Ballet royal de la Nuit, la pièce 8 (Récit du Temps et des quatre saisons) du Ballet du Temps (1654).
  • Quatorze des airs précédents et quatre autres sont copiés en forme réduite à deux voix dans un épais recueil ayant appartenu aux collections de Jules Écorcheville et de Henry Prunières, copié vers 1645-1680[24].
  • Quatre airs provenant du recueil de 1651 figurent dans divers manuscrits du Corpus Horicke.
  • Deux airs des recueils de 1651 et 1655 sont également contrefaits avec des paroles spirituelles dans le 1er et le 2d Livre d'airs de dévotion à 2 parties ou conversion de quelques-uns des plus beaux de ce temps en airs spirituels, de François Berthod (Paris : Robert III Ballard, 1656 et 1658) : Guillo 2003 n° 1656-A et 1658-B).

Enfin, signe d’une certaine notoriété, son air Lorsque d’un désir curieux est repris par Charles d'Helfer dans sa messe éponyme en 1658 (Guillo 2003 n° 1658-K), messe hélas perdue.

Discographie

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  • Le Concert royal de la Nuit. Ensemble Correspondances, dir. Sébastien Daucé. 2 CD Harmonia Mundi, 2015.
  1. Ils sont cités dans le contrat de mariage de 1651.
  2. Deloche 1912 : il est porté dans l’état de sa maison en 1635 aux côtés de trois autres chanteurs ; il reçoit en 1639 des gages annuels de 300 lt.
  3. Paris AN : MC/ET/XLV/181.
  4. Sur ces circonstances, voir les sources dans Prunières 1912 p. 205-206.
  5. Pour ces deux actes : MC/ET/XLV/181).
  6. Acte à Paris AN : MC/ET/XCVI/50, transcrit dans Massip 1976 p. 150-151.
  7. Paris BNF (Mss.) : Ms. fr. 23058 (Officiers de la Maison du roi, 1650). Voir aussi État général des officiers domestiques et commensaux de la maison du roi, de la reine, et de M. le duc d'Anjou... Paris : Marin Le Ché, 1652. Paris BNF : LC25-93. Cités d’après Prunières 1912.
  8. Paris AN : MC/ET/XVI/396.
  9. Voir le détail dans Prunières 1913 p. 151 sq.
  10. Ms. fr. 10.252 f. 142v, Secrétairerie du roi, cité d’après Prunières 1912 p. 210.
  11. Idem, f. 143.
  12. Lettre transcrite dans Prunières 1912 p. 214-216. Cette lettre, dans laquelle Cambefort reproche à Le Camus et à Boësset de ne s'être jamais illustré dans le genre du motet, laisse supposer a contrario que lui-même en avait déjà composés assez pour s'estimer crédible dans ce genre.
  13. Paris AN : MC/ET/XX/309, cité d’après Massip 1976 p. 46.
  14. La Muze historique, lettre du 23 avril 1661. Édition Livet t. III p. 344.
  15. Ms. fr. 12.526 f. 102.
  16. Contrat à Paris AN : MC/ET/XVI/396 et codicille au 9 août suivant.
  17. Sur cette généalogie, Prunières 1912 renvoie aux travaux de Beffera, dans Ms. fr. 12526.
  18. Paris AN : Y//210.
  19. Brossard 1965 p. 53.
  20. Idem.
  21. Paris AN : MC/ET/XLV/203, 15 mars 1658.
  22. Numérisée sur IMSLP.
  23. Ces deux pièces sont transcrites dans Prunières 1912 p. 211-213.
  24. Paris BNF (Mus.) : RES VMA MS-854.

Références

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  • Yolande de Brossard, Musiciens de Paris, 1535–1792 d’après le fichier Laborde. Paris : 1965.
  • Marie-Françoise Christout. Le ballet de cour de Louis XIV, 1643–1672. Paris : 1968.
  • Maximin Deloche. La maison du cardinal de Richelieu, document inédit. Paris : H. Champion, 1912.
  • Georgie Durosoir. L’air de cour en France, 1571–1655. Liège, 1991.
  • Laurent Guillo. Pierre I Ballard et Robert III Ballard, imprimeurs du roy pour la musique (1599-1673). Sprimont et Versailles : 2003. 2 vol.
  • Catherine Massip, La vie des musiciens de Paris au temps de Mazarin (1643 - 1661) : essai d’étude sociale. Paris : Picard, 1976.
  • Henry Prunières. « Jean de Cambefort, surintendant de la musique du Roi (... – 1661) d’après des documents inédits », L'Année musicale 2 (1912) p. 205–226.
  • Henry Prunières, L’opéra italien en France avant Lulli. Paris : Champion, 1913.

Voir aussi

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Articles connexes

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Liens externes

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