L'ennui est contre-révolutionnaire

« L'ennui est contre-révolutionnaire » fait partie des slogans de Mai 68, car il est repris par Les Enragés en référence aux notions de contre-révolution.

Origines modifier

Les Enragés est un petit groupe d'agitateurs, créé en février 1968 et mené par des admirateurs du texte de De la misère en milieu étudiant.

Ils ont fait scission de groupes anarchistes pour réjoindre l'Internationale situationniste[1]. Ces étudiants participent à la contestation révolutionnaire à la faculté de Nanterre puis à Paris au cours de Mai 68.

Au démarrage du happening du 22 mars à Nanterre, lancé par les cinq Enragés de cette université mais dont ils s'étaient désolidarisés après vingt minutes, René Riesel avait laissé trois graffitis, « L'ennui est contre-révolutionnaire », « Le savoir n'est pas un bouillon de culture » et « Ne travaillez jamais »[1],[2], rendant directement hommage au texte de Mustapha Khayati à Strasbourg, le troisième ayant été inventé par Guy Debord dès 1952 dans une référence en clin d'œil à une formule d'Arthur Rimbaud[1],[2].

En Mai 68, Mustapha Khayati anime avec eux le Conseil pour le maintien des occupations (CMDO) [3], dès la première occupation, au soir du 13 mai, de la Sorbonne.

Slogans proches en 1968 modifier

Plusieurs slogans proches se font connaitre en Mai 1968, diffusés par la même mouvance de l'IS, qui appelle les jeunes à ne plus s'ennuyer dans des structures bureaucratiques, mais agir dans les conseils ouvriers capables d'améliorer la vie quotidienne:

Influences et inspiration modifier

La formule tire son inspiration de "De la misère en milieu étudiant", titre d'une brochure d'une vingtaine de pages distribuée en à la quasi-totalité des étudiants de Strasbourg par la section locale de l'"UNEF, dont des membres de l'Internationale situationniste (IS) avaient pris le contrôle six mois plus tôt.

Plusieurs réimpressions sauvages en 1967 lui ont donné une audience vingt fois plus large. Le texte appelle, selon le spécialiste Daniel Guérin, à l'expérience de démocratie directe dans les entreprises[12] qui se concrétise en Mai 68, dont il est considéré comme un bréviaire[13].

Titrée par Guy Debord et rédigée par le syndicaliste étudiant tunisien Mustapha Khayati, qui veut dissoudre l'UNEF locale, la brochure dénonce toutes les bureaucraties syndicales et politiques, pour proposer aux étudiants de ne plus perdre de temps ni s'ennuyer dans leurs méandres et jeux de pouvoir, et plutôt redonner à l'espoir de révolution une dimension festive[14] réclamée dans la dernière phrase et depuis 1965 par l'IS[14].

En guise de conclusion, la dernière phrase du texte, « Vivre sans temps mort, jouir sans entraves », commémore la formule « Ne travaillez jamais », lancée dès 1953 par Guy Debord[1].

Voir aussi modifier

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Notes et références modifier

  1. a b c et d "Vie et mort de Guy Debord" par Christophe Bourseiller en 1999 puis réédité en 2016 aux Editions Plon [1]
  2. a et b "Représenter l'évènement historique", par Cécile Huchard en 2012, page 194
  3. Biographie Le Maitron de Mustapha Khayati, par Anna Trespeuch-Berthelot le 9 septembre 2011 [2]
  4. Raoul Vaneigem, Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations, Gallimard, 1967, Introduction
  5. « Nous ne voulons pas d'un monde où la certitude de ne pas mourir », sur evene.lefigaro.fr.
  6. Christian Biet, Jean-Paul Brighelli, Jean-Luc Rispail, Guide des auteurs de la critique des genres et des mouvements, Magnard, 1985, page 158.
  7. Élie Barnavi, Krzysztof Pomian, La révolution européenne : 1945-2007, Librairie Académique Perrin, 2008, page 159.
  8. Le Figaro, samedi 18 mai 1968, in Hélène Gorge, Appartenir à la société de consommation en étant travailleur pauvre : une approche socio-historique de la construction de la gure du consommateur pauvre, Economies and nances, Université du Droit et de la Santé, Lille II, 2014, page 214.
  9. Daniel Cohn-Bendit. Entretien avec Jean-Paul Sartre, numéro spécial du « Nouvel Observateur » du 20 mai 1968, in Paroles, Le Monde, 31 mai 1998, lire en ligne.
  10. Alexandru Matei, Langages révolutionnaires chez les socialistes utopiques et chez les révoltés de Mai 68 : de l’idéal de liberté à la liberté devenue mythe, Revue internationale d'études en langues appliquée, n°4, 2011, page 312.
  11. Jean Berthaut, Parisquat : des squats politiques à Paris, 1995-2000, Atelier de création libertaire, 2008, page 5.
  12. "Vous n'avez pas fini d'entendre parler de l'Internationale situationniste" dans Le Monde du 12 janvier 1967 [3]
  13. "Connaissez-vous l'histoire de "De la misère en milieu étudiant" le véritable bréviaire de Mai 68 ?", le 12/03/2018, par Chloé Leprince [4]
  14. a et b "Esthétique et politique du jeu chez les situationnistes" par Patrick Marcolini, actes du Colloque scientifique organisé par le laboratoire RIRRA21 de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, 18 novembre 2016 [5]