La Tauromaquia (Picasso)

ballet

La Tauromaquia est un livre écrit par le torero José Delgado alias Pepe Hillo (aussi orthographié Illo) en 1796, illustré par Pablo Picasso en 1957, et publié par Gustavo Gili, à Barcelone, en 1959.

Édition originale du texte La Tauromaquia de Pepe Hillo (1796).

Quatre ans plus tard, Picasso a tiré un deuxième ouvrage illustré du même texte de Pepe Hillo, El Carnet de la Tauromaquia, publié en 1963 chez le même éditeur de Barcelone[1].

Le titre complet du manuel de Pepe Hillo est : La Tauromaquia o arte de torear, obra utilsima para los toreos de profesión, para los aficionados, y para toda clase de sujetos que guten de toros por Josè Delgado alias Pepe Illio (« La Tauromachie ou l'art de toréer, œuvre extrêmement utile pour les toreros professionnels, pour les aficionados, et pour toutes les catégories de gens qui aiment les taureaux, par Josè Delgado alias Pepe Hillo »). C'est une sorte de manuel théorique et pédagogique de la tauromachie.

La Tauromaquia de Goya

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Mort de Pepe-Hillo, gravure de La Tauromaquia de Goya.
Pepe-Hillo saluant le taureau de Francisco de Goya, eau forte de La Tauromaquia.

L'artiste du XXe siècle a eu un illustre prédécesseur sur le même sujet avec Francisco de Goya et sa Tauromaquia publiée entre 1815 et 1816. Bien qu'il s'en soit beaucoup défendu, parce que les critiques espagnols le surnommaient « le petit Goya[2] », Picasso a été très inspiré par les 33 gravures de Goya[1].

Grand amateur de tauromachie, Goya déclarait en 1771 à son ami le poète Moratín :

« Dans mon temps, j'ai su toréer, et je ne crains personne avec une épée à la main[3]. »

Il s'est d'ailleurs lui-même peint en torero dans le tableau La Novillada (1779-1780)[4].

La réalisation des gravures de sa Tauromaquia s'est étalée sur plusieurs années. Vers 1777, Goya voulait déjà montrer l'histoire et l'évolution de la corrida, inspiré en cela par la Charte sur l'origine et l'évolution des courses de taureaux en Espagne de son ami Moratín[4]. Ce n'est qu'après la parution du livre de Pepe Hillo qu'il a développé ce qui n'était encore qu'un projet ébauché de quelques gravures.

Outre les 33 eaux fortes, aquatintes et pointes sèches de l'ouvrage final, onze autres devaient s'y ajouter, mais Goya les a écartées les jugeant défectueuses[5].

La Tauromaquia de Picasso

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Tout comme celle de Goya, l'œuvre de Picasso est imprégnée de tauromachie depuis son enfance, où il suivait à Malaga avec son père les corridas[6]. Il n'a ensuite jamais cessé de se passionner pour les courses de taureaux[6], et il a entraîné dans son sillage tout un monde d'artistes et d'intellectuels : Georges Braque, Max Jacob, Paul Éluard Jean Cocteau, René Char, Henry de Montherlant[7].

Historique

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La Tauromaquia a été commandée à Picasso par l'éditeur Gustavo Gili-père en 1927 pour sa collection de bibliophilie ediciones de la Cometa [8].

L'artiste fait allusion à la collection de bibliophilie la Cometa, dans une pointe sèche de 1959 représentant un cerf-volant (cometa en espagnol[8]). Pour cette commande, Picasso a produit plusieurs gravures dont deux ont servi à illustrer Le Chef-d'œuvre inconnu de Balzac[9] avec une préface d'Henry de Montherlant[10].

Pourtant, Picasso n'avait pas livré à l'éditeur un matériau suffisant pour publier un livre de bibliophilie. En 1956, Gustavo Gili-fils, également éditeur, rappelle à Picasso la promesse qu'il a faite à son père. L'année suivante, au printemps 1957, à Cannes, l'artiste exécutera cette commande : inspiré par la corrida de Pâques à Arles, à laquelle il vient d'assister, Picasso dessine, à même le cuivre, un sténogramme d’ombres et de lumière, version moderne de La Tauromaquia de Goya[11].

Accompagné de 26 aquatintes, le texte de Pepe Hillo devient un livre d'art publié à Barcelone, en 1959. Il est un des plus connus de l'artiste avec Toros y toreros et Le Carmen des Carmens. Dans la compilation Goeppert-Cramer, Pablo Picasso : les livres illustrés, on le retrouve cité dans plus de trente-cinq catalogues d'exposition et ouvrages de référence[12].

Description

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Le livre a été publié en In-2 oblong, format 355 × 500 mm, avec une chemise en carton, recouverte de parchemin, imprimée en or pour les 30 premiers exemplaires. Il comporte une pointe sèche sur la couverture, 26 aquatintes au sucre et 2 aquatintes au sucre supplémentaires pour les suites des 12 premiers exemplaires. Douze suites des 26 aquatintes ont été également tirées sur japon ancien, signées au crayon rouge par l'artiste, et 12 épreuves des 2 aquatintes supplémentaires sur japon nacré[1].

Le livre a été imprimé le par Alianza de Artes Grafica, Barcelone, pour le texte et la typographie. Par Talleres de Jaume Pla, Barcelone, pour la pointe sèche. Les aquatintes ont été imprimées par l'atelier Lacourière à Paris. Il a été tiré à 263 exemplaires sur vélin de Guarro avec un motif de tête de taureau en filigrane, dessiné par l'artiste, 2 exemplaires avec une suite des 26 aquatintes sur papier Chine, une suite des 28 aquatintes sur japon ancien et 220 exemplaires numéros de 31 à 250 (parmi lesquels 3 exemplaires pour la bibliothèque de Madrid et un pour celle de Barcelone[1]). L'achevé d'imprimer mentionne à tort que tous les exemplaires sont signés au crayon par l'artiste. Un certain nombre d'entre eux ne le sont pas (on ignore combien)[13],[14].

El Carnet de la Tauromaquia

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En 1963, Picasso revient de nouveau sur le texte de Pepe Hillo en illustrant El Carnet de la Tauromaquia (éditions Gustavo Gili, Barcelone)[15],[16], ouvrage In-4 en deux volumes sous couverture rouge, avec une pointe sèche sur Japon Ancien justifiée à 20 exemplaires. Imprimé le [17], l'ouvrage a été tiré à 850 exemplaires dont vingt numéros de 1 à 20, 820 numéroté de 21 à 840, et dix exemplaires pour les collaborateurs[18]

Ce carnet est un don amical que Picasso a fait à son éditeur. Gili avait appris que, lors d'une corrida à Arles au printemps 1957, Picasso avait fait cadeau à un torero d'une montre qui lui avait été offerte par Jacqueline Roque. Gili s'est empressé d'acheter le même modèle et de l'envoyer à Picasso, qui, à son tour, a voulu remercier l'éditeur. Il a pris un petit carnet de poche, identique à celui qu'il utilisera plus tard pour le Carnet de poche de Picasso[18] et il a pioché dans le texte de Pepe Hillo en choisissant des scènes de Tauromaquia qu'il illustra au pinceau, avec un allusion à la montre de Gili sur la première page[19].

Gili a publié le carnet en fac-similé le , avec une édition en espagnol et une en français, enrichi de deux articles supplémentaires dont un rédigé par lui-même, l'autre par Bernhard Geiser qui raconte la saga de la Tauromaquia depuis 1927 jusqu'en 1963[15],[16].

Parmi les innombrables livres illustrés par Picasso, La Tauromaquia est le plus rare et le plus cher : en 2007, il a été vendu aux enchères à Paris, pour 63 000 €[20].

Notes et références

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  1. a b c et d Sebastan Goeppert, Herma Goeppert-Frank, Patrick Cramer, Pablo Picasso : les livres illustrés, éditions Patrick Cramer, Genève, 1983, p. 252.
  2. Pierre Daix, Dictionnaire Picasso, Robert Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1995, section Carnets p. 407 (ISBN 2221074432)
  3. Jeannine Baticle, Goya, d'or et de sang, Découvertes Gallimard, Paris, 1986, p. 16 (ISBN 207053023X)
  4. a et b Musée du Prado, catalogue de la rétrospective pour le 250e anniversaire de la naissance de Goya, Madrid, 1996, p. 307-308 (ISBN 8487317480)
  5. Introduction de Philip Hofer à La Tauromaquia and the Bulls of Bordeaux, New York, Dover éditeur, 1969, réédition 2006, (ISBN 0486447588)
  6. a et b Claude Popelin, La Tauromachie, préface de Jean Lacouture et François Zumbiehl, édition augmentée par Yves Harté, Le Seuil, Paris, 1970-1994, p. 219 (ISBN 2020214334)
  7. Éric Baratay et Élisabeth Hardouin-Fugier, La Corrida, coll. « Que sais-je ? », P.U.F., Paris, 1995 p. 59 (ISBN 2130468829)
  8. a et b Georges Bloch, Picasso, catalogue de l'œuvre gravée et lithographiée, 1904-1967, t. I, établi à l'occasion de l'exposition du musée des beaux-arts de Zurich, juillet-août 1968, éditions Kornfeld et Klipstein, Berne, p. 950.
  9. Bernhardt Geiser, Picasso peintre et graveur, catalogue illustré de l'œuvre gravé et lithographié de 1899 à 1933, édition Chez l'auteur, Berne, 1955, p. 125.
  10. Bernhardt Geiser p. 132.
  11. Bernhardt Geiser, p. 135.
  12. Sebastan Goeppert, Herma Goeppert-Frank, Patrick Cramer, Pablo Picasso : les livres illustrés, éditions Patrick Cramer, sections références bibliographiques Genève, 1983, index.
  13. Pierre Daix, Dictionnaire Picasso, Robert Laffont, coll. Bouquins, Paris, 1995, section Carnets p. 162 (ISBN 2221074432).
  14. Sebastan Goeppert, Herma Goeppert-Franl, Patrick Cramer, Pablo Picasso : les livres illustrés, éditions Patrick Cramer, Genève, 1983, p. 2, 415, 419.
  15. a et b Sebastan Goeppert, Herma Goeppert-Frank, Patrick Cramer, Pablo Picasso : les livres illustrés, éditions Patrick Cramer, Genève, 1983, p.  296
  16. a et b Heinz Berggruen, Picasso, 60 ans de gravures, 1964, p. 158-160
  17. Heinz Berggruen, « Picasso, 60 ans de gravures » 1964, p. 165
  18. a et b Sebastan Goeppert, Herma Goeppert-Frank, Patrick Cramer, « Pablo Picasso : les livres illustrés » éditions Patrick Cramer, Genève, 1983,p.  296
  19. Georges Bloch p.1109
  20. « La Tauromaquia chez Arcurial » Pablo Picasso-José Delgado, La Tauromaquía, 1959, bibliothèque de Monsieur P., 62 400 €, est. 30-40 000 €, professionnel allemand - n° 347.

Annexes

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Bibliographie

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Articles connexes

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