En mathématiques, le lemme du ping-pong permet de montrer que certains éléments d'un groupe agissant sur un ensemble engendrent un sous-groupe libre de ce groupe.

Histoire modifier

L'argument du ping-pong remonte à la fin du XIXe siècle et est généralement attribué[1] à Felix Klein, qui l'utilisa pour étudier les groupes Kleiniens (en), c.-à-d. les sous-groupes discrets de PSL(2, ℂ). Le lemme du ping-pong fut un outil crucial pour Jacques Tits, qui l'utilisa dans son article de 1972[2] contenant la preuve d'un résultat célèbre appelé dès lors l'alternative de Tits (en). Ce théorème établit que tout groupe linéaire de type fini est virtuellement résoluble ou bien contient un sous-groupe libre de rang 2. Le lemme du ping-pong et ses variantes[1],[3],[4] sont largement utilisés en topologie géométrique et en théorie géométrique des groupes.

Énoncés modifier

Soit G un groupe agissant sur un ensemble X.

Lemme du ping-pong pour plusieurs sous-groupes[5],[6] — Soient H1, H2, … , Hk des sous-groupes non triviaux de G, avec k ≥ 2, tels qu'au moins l'un d'eux soit d'ordre > 2.

Supposons qu'il existe dans X des sous-ensembles non vides disjoints X1, X2, … ,Xk tels que :

pour tous is et tout hHi\{1}, h(Xs) ⊂ Xi.

Alors, le sous-groupe engendré par les Hi est canoniquement isomorphe à leur produit libre :

.

Corollaire pour des sous-groupes monogènes — Soient a1, … ,ak des éléments de G d'ordre infini, avec k ≥ 2.

Supposons qu'il existe dans X des sous-ensembles non vides disjoints

X1+, … ,Xk+ et X1, … ,Xk

tels que :

  • ai(X\Xi) ⊂ Xi+ pour i = 1, … , k ;
  • ai−1(X\Xi+) ⊂ Xi pour i = 1, … , k.

Alors, le sous-groupe ⟨a1, … , ak⟩ ⊂ G engendré par a1, … , ak est libre de base {a1, … , ak}.

Cette variante se déduit de l'énoncé précédent en posant Xi = Xi+Xi et Hi = ⟨ai⟩.

Exemples modifier

Dans le groupe spécial linéaire modifier

Le groupe spécial linéaire SL(2,Z) est engendré par les deux matrices élémentaires de transvections

et .

On peut utiliser le lemme du ping-pong pour démontrer[1],[3],[7] que pour tout entier , le sous-groupe engendré par les matrices

et [8]

est libre de rang 2.

Dans un groupe hyperbolique modifier

Dans un groupe hyperbolique sans torsion, soient g et h deux éléments qui ne commutent pas. Alors[9], il existe M ≥ 1 tel que pour tous entiers m, n ≥ M, le sous-groupe ⟨gn, hm⟩ soit libre de rang 2.

Applications modifier

Notes et références modifier

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Ping-pong lemma » (voir la liste des auteurs).
  1. a b et c (en) Pierre de la Harpe, Topics in Geometric Group Theory, University of Chicago Press, (lire en ligne), chap. II.B (« The Table-Tennis Lemma (Klein's criterion) and examples of free products »), p. 25-41.
  2. a et b (en) J. Tits, « Free subgroups in linear groups », J. Algebra, vol. 20,‎ , p. 250-270 (lire en ligne).
  3. a b et c (en) Roger Lyndon et Paul E. Schupp, Combinatorial Group Theory, Springer-Verlag, (1re éd. 1977) (lire en ligne), p. 167-169.
  4. (en) Martin R. Bridson et André Haefliger, Metric Spaces of Non-Positive Curvature, Springer-Verlag, coll. « Grund. math. Wiss. » (no 319), (lire en ligne), chap. III.Γ, p. 467-468.
  5. (en) Andrij Olijnyk et Vitaly Suchchansky, « Representations of free products by infinite unitriangular matrices over finite fields », Int. J. Algebr. Comput., vol. 14, nos 5-6,‎ , p. 741-749 (DOI 10.1142/S0218196704001931), Lemma 2.1.
  6. Une démonstration, généralisant celle de de la Harpe 2000 qui ne concerne que le cas de deux sous-groupes, est disponible dans cet exercice corrigé de la leçon « Théorie des groupes » sur Wikiversité.
  7. (en) I. N. Sanov, « A property of a representation of a free group », Dokl. Akad. Nauk SSSR, vol. 57,‎ , p. 657-659.
  8. Ou plus généralement : le sous-groupe engendré par et pour  : cf. (en) D. S. Passman (en), « Free subgroups in linear groups and group rings », dans S. K. Jain et S. Parvathi, Noncommutative Rings, Group Rings, Diagram Algebras and Their Applications, Providence, RI, AMS, coll. « Contemporary Mathematics » (no 456), (ISBN 978-0-8218-4285-0, lire en ligne), p. 151-164, Proposition 1.2.
  9. a et b (en) M. Gromov, « Hyperbolic Groups », dans Stephen M. Gersten (en), Essays in Group Theory, Springer, coll. « MSRI Publications » (no 8), (lire en ligne), p. 75-263, § 8.2, p. 211-219.
  10. (en) Alexander Lubotzky, « Lattices in rank one Lie groups over local fields », GAFA, vol. 1, no 4,‎ , p. 406-431 (DOI 10.1007/BF01895641).
  11. (en) Richard P. Kent et Christopher J. Leininger, « Subgroups of mapping class groups from the geometrical viewpoint », dans In the tradition of Ahlfors-Bers. IV, coll. « Contemporary Mathematics » (no 432), (ISBN 978-0-8218-4227-0), p. 119-141.
  12. (en) M. Bestvina, M. Feighn et M. Handel, « Laminations, trees, and irreducible automorphisms of free groups », GAFA, vol. 7, no 2,‎ , p. 215-244 (DOI 10.1007/PL00001618).
  13. Voir aussi (en) Pierre de la Harpe, « Free groups in linear groups », L'Enseignement mathématique, vol. 29, nos 1-2,‎ , p. 129-144 (lire en ligne) pour une présentation de la preuve de Tits, expliquant les idées en jeu, y compris l'utilisation du lemme du ping-pong.
  14. (en) Bernard Maskit (en), Kleinian Groups, Springer-Verlag, coll. « Grund. math. Wiss. » (no 287), (ISBN 3-540-17746-9), chap. VII.C et VII.E, p. 149-156 et 160-167.
  15. De la Harpe 2000, p. 187-188.
  16. (en) Alex Eskin, Shahar Mozes et Hee Oh, « On uniform exponential growth for linear groups », Invent. Math., vol. 60, no 1,‎ , p. 1432-1297 (DOI 10.1007/s00222-004-0378-z), Lemma 2.2.
  17. (en) Roger C. Alperin (en) et Guennadi A. Noskov, « Uniform growth, actions on trees and GL2 », dans Robert H. Gilman, Alexei G. Myasnikov et Vladimir Shpilrain, Computational and Statistical Group Theory, coll. « Contemporary Mathematics » (no 298), (lire en ligne), p. 2, Lemma 3.1.
  18. (en) Yves de Cornulier et Romain Tessera, « Quasi-isometrically embedded free sub-semigroups », Geom. Topol., vol. 12,‎ , p. 461-473 (lire en ligne), Lemma 2.1.

Bibliographie modifier