Leonardus Lessius

théologien jésuite

Lenaert Leys, mieux connu sous son nom latinisé de Leonardus Lessius, né le à Brecht et décédé le à Louvain, est un juriste, économiste, théologien et jésuite brabançon.

Leonardus Lessius
Le père Lessius à son étude (gravure de A.Hamy)
Biographie
Naissance
Décès
(à 68 ans)
Louvain
Sépulture
Nom de naissance
Lenaert Leys
Surnom
L'Oracle des Pays-Bas
Pseudonymes
Guilhelmus Singletonus, Wilhelmus SingletonusVoir et modifier les données sur Wikidata
Formation
Lettres, philosophie et théologie
Activité
Enseignant, écrivain
Père
Lenaert Leys (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Maria Aerts Derkinderen (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Ordre religieux

Surnommé l'Oracle des Pays-Bas, figure de proue de l'École de Salamanque, il fut une source d'inspiration pour de nombreux autres juristes, tels Hugo Grotius, Juan de Lugo ou Pedro de Oñate.

Biographie

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Né de Lenaert Leys, agriculteur et échevin de Brecht, et de Maria Jan Wouter Aerts Derkinderen, Lessius grandit dans une famille de quatre enfants dont il est le seul garçon, mais dont les parents meurent rapidement[1]. Après avoir fait ses études primaires dans son village, il est poussé par son oncle Huibrecht Leys à poursuivre ses études[2] au Collège d'Arras (nl)[1]. En bénéficiant d'une bourse, il étudie ainsi dans la résidence Het Varken où il est en 1572 proclamé premier de tous les étudiants en philosophie[2].

La même année, au lieu de poursuivre des études à l'université de Louvain comme il lui est conseillé, il décide d'entrer dans la Compagnie de Jésus. Après avoir réalisé son noviciat au Collège des Jésuites de Saint-Omer en 1574, il enseigne la philosophie au collège d'Anchin de Douai, où il enseigne à Robert Southwell[3]. Autodidacte, il en profite pour apprendre le grec ancien, les études bibliques, la patristique, la théologie, ainsi que les droits romain et canon[2].

En 1583, après un an d'étude à Liège[3], il est envoyé au Collège Romain pour poursuivre son apprentissage théologique et y rencontre Robert Bellarmin et surtout Francisco Suárez, qui lui enseigne la scolastique renouvelée par l'École de Salamanque[4]. Il y rencontre aussi Maffeo Barberini, futur pape Urbain VIII[5].

De retour en son pays en 1585, il est nommé professeur de théologie à l’Université de Louvain[6]. Durant son enseignement, il se querelle avec Baius sur la question de la Grâce et Inspiration dans l’Ecriture Sainte. En 1588 il écrit à Bellarmin lui faisant part de son anxiété : « Je ne pense pas que les catholiques aient autant de zèle à s'opposer aux hérétiques, que n'ont les théologiens de Louvain et Douai [baïnistes] à nous attaquer ...»[7].

À partir de 1600, sa santé déclinant, Lessius est exempté en grande partie de ses tâches d'enseignement[8]. Il profite de ce temps pour effectuer quelques tâches d'inspection pour l'ordre des jésuites avec Olivier Mannaerts, et surtout pour se consacrer à l'écriture de ses œuvres[8].

De iustitia et iure, 1632.

Doctrine

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Droit des obligations

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Lessius joue un rôle fondamental dans l'histoire du droit des obligations, inspirant largement Grotius[9].

Ainsi, suivant les projets de Domingo de Soto, il renforce la tendance à la systématisation des matières juridiques[10]. Il systématise de la même façon le régime de vice du consentement en cas d'erreur ou de dol, permettant l'annulation de l'engagement au profit de la partie victime, et met ainsi fin à la distinction de droit romain qui existait alors entre les contrats de bonne foi et les contrats de droit strict[11]. Il permet aussi, avec Luis de Molina, la séparation entre le droit des contrats et le droit des testaments[12].

Partisan convaincu du consensualisme, il admet toutefois la possibilité pour les autorités de le limiter pour protéger une certaine population, garantir l'intérêt commun ou assurer la salut de l'âme[13]. Lessius énonce de même un principe de liberté contractuelle[14] et conçoit déjà le principe de force obligatoire du contrat, qui seront ensuite pleinement assumé par Pedro de Oñate[15]. Il admet aussi la théorie de l'imprévision, en considérant qu'on ne peut souhaiter, et donc être lié par, ce qui ne peut être prévu[16].

Il réfléchit aussi à la notion de juste prix qu'il considère comme le reste de l'École de Salamanque comme le résultat de l'estimation humaine : il estime ainsi que cette notion dispose d'une certaine latitude, dépendant de l'offre et de la demande, de la situation monétaire, du mode de transaction, etc[17].

Éthique et sciences économiques

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Reconnu comme un "maître de l'analyse économique" pour ses travaux[18], et notamment sa préfiguration de la théorie de la préférence pour la liquidité, Lessius se montre l'un des grands défenseurs de nouvelles pratiques mercantiles, parfois opposées à l'interprétation juridique traditionnelle[19], à l'exemple de sa défense des mont-de-piété[20] ou de la figure du triple contrat[21].

Fondant ses opinions sur la philosophie thomiste, sur le droit romain mais aussi sur des observations empiriques du fonctionnement des marchés[22], il fournit de nombreux arguments aux défenseurs du développement commercial et du capitalisme[23].

Dans la même idée, il s'intéresse aussi aux questions d'éthique et déontologiques des fonctions d'avocats et de conseillers[24].

Œuvres

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  • De iustitia et iure ceterisque virtutibus cardinalibus, Louvain, 1605.
  • De gratia efficaci, decretis divinis, libertate arbitrii et praescientia Dei condicionata, 1610.
  • Quelle foy et religion doit suivre celui qui se veut guarentir de la damnation éternelle. Consultation du R. pere Leonard Lessius, professeur en theologie, de la compagnie de Jésus. Nouvellement traduite par un autre père de la mesme compagnie. Oeuvre tres propre et tres efficace pour reduire au chemin de salut les ames desnoyées et y maintenir les fideles, Bordeaux, Simon Millanges, , 413 p. (lire en ligne).
  • Hygiasticon, 1613.
  • De Bono statu eorum qui vovent..., Cologne, 1615.
  • De perfectionibus moribusque divinis, Anvers, 1620.

Bibliographie

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  • Charles Van Sull, Léonard Lessius de la Compagnie de Jésus, (1554-1623), Louvain, Édition du Museum Lessianum, , 366 p.
  • (en) B.T. Gordon, Economic Analysis Before Adam Smith: Hesiod to Lessius, Macmillan,
  • (en) Gerard Smith, Jesuit Thinkers of the Renaissance, Milwaukee,
  • (nl) Toon Van Houdt et Wim Decock, Leonardus Lessius: traditie en vernieuwing, Anvers, Lessius Hogeschool,
  • (en) Toon Van Houdt, « Leonardus Lessius », dans W. Decock et J. Oosterhuis (dir.), Great Christian Jurists in the Low Countries, Cambridge, Cambrige University Press, (lire en ligne Accès payant), p. 64-79
  • (en) Wim Decock, Theologians and Contract Law : The Moral Transformation of the Ius commune (ca. 1500-1650), Leiden-Boston, Martinus Nijhoff Publishers, , 723 p. (lire en ligne Accès libre)
  • (nl) Wim Decock, « Lessius of de Kempense geest van het kapitalisme », Taxandria, vol. 88,‎ , p. 41-72
  • Wim Decock, Le marché du mérite: Penser le droit et l'économie avec Léonard Lessius, Bruxelles, Zones Sensibles, (lire en ligne)
  • (en) Bernard Dempsey, Interest and usury, Dobson,

Notes et références

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  1. a et b Decock 2016, p. 43.
  2. a b et c Van Houdt 2021, p. 66.
  3. a et b Decock 2016, p. 44.
  4. Van Houdt 2021, p. 66-67.
  5. Decock 2016, p. 45.
  6. Van Houdt 2021, p. 64.
  7. James Brodrick, Robert Bellarmine, Saint and Scholar, Westminster (Maryland), The Newman Press, 1961, p.190
  8. a et b Decock 2016, p. 47.
  9. Decock 2013, p. 62, 210-211, 308-309, 495 et 600.
  10. Decock 2013, p. 171.
  11. Decock 2013, p. 308-327.
  12. Decock 2013, p. 399-400.
  13. Decock 2013, p. 407.
  14. Decock 2013, p. 151-152.
  15. Decock 2013, p. 168.
  16. Decock 2013, p. 203.
  17. Decock 2013, p. 527.
  18. Decock 2016, p. 53.
  19. Voir particulièrement (en) Wim Decock, « Lessius and the Breakdown of the Scholastic Paradigm », Journal of the History of Economic Thought, vol. 31,‎ , p. 57-78
  20. Van Houdt 2021, p. 72-77.
  21. Wim Decock, « L'esprit catholique du capitalisme.Éthique et investissement selon Musculus et Lessius », dans L. Brunori et al. (dir.), Le Droit face à l’économie sans travail. Tome I. Sources intellectuelles, acteurs, résolution des conflits, Garnier, , p. 61-76
  22. (en) Wim Decock, « Knowing before Judging: Law and Economic Analysis in Early Modern Jesuits Ethics », Journal of Markets & Morality, vol. 21, no 2,‎ , p. 323
  23. Decock 2016, p. 72.
  24. (en) Wim Decock, « Consilii non fraudulenti nulla obligatio. Lawyers’ Liability and Legal Ethics in Lessius’s De iustitia et iure », Rivista internazionale di diritto comune, no 32,‎ , p. 249-262


Liens externes

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