Liste d'explosions accidentelles impliquant du nitrate d'ammonium
Cet article présente une liste d'explosions accidentelles impliquant du nitrate d'ammonium. Le nitrate d'ammonium (NH4NO3) est un sel largement utilisé comme base de produit fertilisant (l'ammonitrate) en agriculture en raison de son apport en azote. Il est aussi employé dans l'industrie comme explosif. Il a également un usage moins répandu de réfrigérant. Dans le premier cas, il s'agit du NAA (nitrate d'ammonium pour l'agriculture, en anglais FGAN : Fertilizer Grade Ammonium Nitrate) fabriqué sous forme de granulés blanchâtres enrobés pour éviter le mottage, et dans le second cas de NAI (nitrate d'ammonium industriel) dont les granulés sont rendus poreux pour faciliter les réactions chimiques. C'est un explosif stable qui détone lorsqu'il est amorcé par un détonateur ou après un incendie avec confinement lorsqu'il y a ajout de combustible, car le nitrate est spontanément un comburant. C'est le cas de l'ANFO, mélange de nitrate d'ammonium et de fioul. Ces deux cas expliquent en grande partie pourquoi il cause des explosions accidentelles, soit dans l'industrie, soit lors du transport.
Depuis la fin des années 1980, dix incidents en France susceptibles d'avoir impliqué le nitrate d'ammonium ont été recensés[1].
Tableau récapitulatif
modifierExplosions accidentelles ayant impliqué du nitrate d'ammonium
modifier2 avril 1916, explosion de Faversham, Kent (Royaume-Uni)
modifierUne grande explosion dans la poudrerie de la société Explosives Loading Company cause la mort de 116 personnes. Cette explosion est la conséquence d'un incendie qui a ravagé des magasins dans lesquels étaient stockées 15 tonnes de TNT et 150 tonnes de nitrate d'ammonium. Le souffle de l'explosion a détruit des fenêtres jusqu'à Southend-on-Sea de l'autre côté de l'estuaire de la Tamise tandis que la secousse était ressentie jusqu'à Norwich[2].
4 octobre 1918, explosion de Morgan, New Jersey (États-Unis)
modifierPour alimenter en obus les canons des Alliés en Europe, plusieurs usines de munitions furent construites près de la côte du New-Jersey. À la suite de l'incendie d'un atelier de chargement d'explosif qui dura une journée, la nuit quelques obus propulsés en l'air retombèrent dans un magasin de 4 000 tonnes de nitrate d'ammonium et y explosèrent. L'un d'eux provoqua une forte détonation. Malgré d'autres détonations d'obus similaires, une grande partie du stock de nitrate en barils ne fut pas détruit. La série d'explosions tua une centaine de personnes et les pompiers et autres bénévoles furent impuissants à arrêter le feu[3].
Pour désagréger trente tonnes de nitrate d'ammonium pris en masse dans deux wagons, on y fit exploser une cartouche d'explosif minier. Les wagons explosèrent. Dix-neuf personnes furent tuées.
21 septembre 1921, explosion d'Oppau, Rhénanie (Allemagne)
modifierL'explosion, à la suite d'un tir de mine, d'un hangar contenant 4 500 tonnes d'un mélange moitié de sulfate d'ammonium et moitié de nitrate d'ammonium, provoqua la mort de 561 personnes[4] et la destruction de 700 logements. L'usine avait l'habitude de désagréger les tas à l'explosif et avait, à la date de la catastrophe, fait plus de 20 000 tirs. On suppose que la mine explosa dans une région du tas où la concentration en nitrate d'ammonium était plus élevée que la moyenne. La sensibilité du mélange à l'entraînement explosif augmente très vite avec la concentration en nitrate d'ammonium, ce qui explique qu'une partie seulement (450 tonnes) du tas ait explosé.
Un incendie, suivi d'explosions, fit rage dans un magasin de nitrate d'ammonium pollué de composés nitrés. Ce nitrate était fabriqué avec de l'acide nitrique provenant d'acide nitrique résiduaire de fabrication de trinitrotoluène.
En 1936, à la suite d'un incendie, une explosion à la Poudrerie de Miramas a causé 53 décès, plus de deux cents blessés et de gros dégâts. En une autre explosion cause onze décès[5].
Un tas de 240 tonnes de nitrate d'ammonium pur en sacs explosa après un incendie provoquant l'émission de fumées rousses. L'enquête conclut que l'explosion avait été déclenchée par celle d'un obus projeté par une autre explosion, en l'occurrence d'un wagon de munitions voisin.
29 avril 1942, désastre de Tessenderlo (Belgique)
modifierLe , le tir d'une cartouche provoqua l'explosion d'un tas de 150 tonnes de nitrate d'ammonium sur le site de la société des produits chimiques de Tessenderlo[6] (PCT) à Tessenderlo, province de Limbourg en Belgique. Bilan : 189 morts, 900 blessés et importants dégâts matériels dans les environs[7].
16 et 17 avril 1947, catastrophe de Texas City, Texas (États-Unis)
modifierLe cargo français Grandcamp, de type Liberty ship, en cours de chargement, contenait 2 080 tonnes de nitrate d'ammonium en sacs (32,5 % d'azote, 4 % de charges minérales, 1 % de bitume) quand un incendie fut détecté. Pour étouffer l'incendie, le capitaine fit fermer les panneaux de cale et envoyer de la vapeur sous pression. Malheureusement, cette cargaison n'a pas besoin d'oxygène pour continuer à brûler une fois le feu pris. Au contraire, la chaleur de la vapeur accéléra la réaction. La pression augmenta et, après une heure, la cargaison explosa. Elle provoqua la mort de plusieurs centaines de personnes et l'incendie du cargo High Flyer, amarré à 250 m, qui contenait 1 050 t de soufre et 960 t de nitrate d'ammonium. Le High Flyer explosa à son tour le lendemain , après avoir brûlé près de seize heures. Un stock de 500 t du même nitrate d'ammonium qui se trouvait sur le quai, prit feu également, mais brûla sans exploser. Les experts expliquent cette différence de comportement par le confinement plus important dans la cale des bateaux.
28 juillet 1947, explosion de l'Ocean Liberty à Brest (France)
modifierLe cargo Ocean Liberty était chargé de 3 300 tonnes de nitrate d'ammonium et de marchandises inflammables (combustibles, lubrifiants, solvants, polystyrène, pneumatiques). Le feu se déclencha vers 12 h 30. Le capitaine fit fermer les cales et envoyer de la vapeur sous pression. La situation s'aggravant, le bateau fut remorqué en rade vers 14 h, mais s'échoua sur le banc de Saint-Marc à quelques centaines de mètres de la plage la plus populaire de Brest. De la fumée noire et rousse s'en échappait et l'incendie devint très violent. Le cargo explosa à 17 h causant 29 morts et d'importants dégâts dans la ville de Brest pourtant abritée par les hautes falaises qui dominent la rade. Le bruit de la détonation fut entendu jusqu'à Morlaix, à 60 km. Un raz-de-marée de quelques mètres se fit sentir jusque dans le chenal du Four, à plus de 30 km. Dans les deux cas, il s'agit de l'explosion, dans des conditions fortement confinées, du mélange très sensible de nitrate d'ammonium et de combustibles liquides.
Le , le cargo finlandais Tirrenia, chargé de 4 000 tonnes de nitrate d'ammonium, prend feu au large de Port-Soudan. Le capitaine a recours à la vapeur pour tenter d'arrêter l'incendie. L'échec de cette tentative le conduit à abandonner son navire qui explosa dans la nuit et sombra par 19° 11' N, 39° 18' E[8],[9].
, explosion de Roseburg (États-Unis)
modifierUn camion transportant de la dynamite et du nitrate d'ammonium a pris feu tôt le matin du . Son explosion provoque la mort de 14 personnes et en blesse 125 autres. Plusieurs blocs du centre de Roseburg ont été détruits. L'accident est connu localement sous le nom de « The Blast »[10].
Le un camion transportant environ vingt tonnes de nitrate d'ammonium explose au nord de Taroom dans une région désertique du Queensland. Un incendie d'origine électrique provoque la fonte du nitrate qui se répand sur la chaussée puis fait exploser le réservoir de carburant. Il se déclenche alors une violente détonation qui crée un vaste cratère dans la chaussée et cause trois morts[11],[12].
, explosions de Kansas City (États-Unis)
modifierDeux remorques routières, chargées chacune de 23 tonnes d'explosifs à base de nitrate d'ammonium, ont explosé le à Kansas City (Missouri) sur un chantier routier. Les explosifs étaient destinés au dynamitage de rochers pour la construction de l'autoroute Highway 71. Ces explosions ont provoqué la mort de six personnes, des pompiers de Kansas City appelés pour lutter contre un feu sur un véhicule situé près des remorques. Les pompiers connaissaient la présence d'explosifs sur le chantier, mais ils ignoraient que ces remorques servaient de « magasins » remplis d'explosifs. À 4 h 7, l'un des « magasins » prit feu et une explosion catastrophique s'ensuivit, tuant les six pompiers instantanément. Une seconde explosion est intervenue 40 min plus tard, alors que les pompiers s'étaient mis en retrait. Les explosions ont créé deux cratères de 30 m environ de diamètre sur 2,4 m de profondeur. Les fenêtres ont été brisées dans un rayon de 15 km environ et les explosions ont été entendues jusqu'à 60 km du site. L'enquête a montré que des incendies criminels déclenchés par des individus mêlés à un conflit du travail avec l'entreprise de construction étaient à l'origine des explosions. Le nitrate d'ammonium était mélangé avec du fioul et de l'aluminium en poudre pour former un mélange détonant amorcé par une petite quantité de dynamite[13].
, explosion de l'usine de Port Neal, à 25 km au sud de Sioux-city, Iowa, États-Unis
modifierL'accident explosif se déroule durant la fabrication sur le site industriel de Terra industries près de Sioux City. Une première déflagration concerne le réacteur chargé d'environ 75 t de nitrate d’ammonium, destinées à la fabrication d’engrais. La seconde détonation a lieu dans le réservoir de nitrate d’ammonium de l'usine. Le bilan de cette catastrophe fait état de 4 morts et de 18 blessés. La dévastation par un puissant effet de souffle qui a pu être ressenti physiquement à plus de 50 km de distance a détruit les bâtiments du site industriel et les aménagements des environs, générant en quelques minutes un paysage de guerre.
L’usine AZF de Toulouse est détruite le par l’explosion d’un stock de 300 tonnes de nitrate d'ammonium, entraînant la mort de 31 personnes, faisant 2 500 blessés[1] et de lourds dégâts matériels. Le , onze ans après l’explosion, la cour d’appel de Toulouse prononce la condamnation de la société Grande Paroisse, propriétaire d’AZF, et de son ancien directeur Serge Biechlin. Le la Cour de cassation a cassé l'arrêt AZF de la Cour d'appel de Toulouse et a délocalisé le procès à Paris[14]. Le procès en Appel s'est tenu à Paris et le la cour d’appel de Paris condamne l'ancien directeur de l'usine AZF Serge Biechlin à quinze mois de prison avec sursis et la société Grande Paroisse à une amende de 225 000 euros.
, explosion de Saint-Romain-en-Jarez (France)
modifierUn incendie se déclare à Saint-Romain-en-Jarez (département de la Loire) dans une grange contenant de gros ballots de paille (démarrage de l'incendie), une chambre froide pour la conservation des fruits, des cagettes en plastique de fruits, vides et quatre tonnes d'ammonitrate conditionné en conteneurs souples (sacs de 500 kg). L'incendie se propage de la paille aux parois de la chambre froide, puis aux cagettes en plastique, qui brûlent et fondent, faisant ainsi un mélange détonant avec le nitrate agricole. Il s'est écoulé environ une heure quinze minutes entre l'appel aux pompiers pour éteindre le feu de paille et l'explosion du nitrate. Dix-huit personnes ont été blessées, principalement des pompiers, dont deux grièvement[15].
Un camion chargé de 25 tonnes de nitrate d'ammonium 33 % pour engrais, en vrac, explose à Barracas (Communauté valencienne) sur la route nationale 234 Burgos - Sagonte, à la suite d'une collision, faisant deux morts et trois blessés. L'explosion, entendue à 10 km à la ronde, s'est produite une demi-heure après la collision, et s'explique par le fait que l'accident a entraîné la mise en contact du nitrate (comburant) avec le gazole du réservoir (carburant) et par l'incendie qui s'est produit. Elle a créé un cratère important de 5 m de diamètre et de profondeur.
L'explosion de la gare de Ryongchon (ville de 130 000 habitants située à 20 km de la frontière chinoise) provoqua la mort de 161 personnes et plus de 1 300 blessés. La gare fut rasée, ainsi que tous les bâtiments dans un rayon de 500 m, près de 8 000 logements sont détruits ou endommagés. Deux énormes cratères de huit à dix mètres de profondeur furent vus sur le lieu de l'accident, dont les circonstances précises ne sont pas connues. Les autorités évoquèrent une erreur humaine. En l'absence d'informations, les causes et la nature de l'accident ont fait l'objet de beaucoup de conjectures. L'implication du nitrate d'ammonium est une de ces hypothèses.
Le un accident routier impliquant un camion transportant vingt tonnes de nitrate d'ammonium, en sacs de 50 kg, se produisit à Mihăilești dans le județ de Buzău (région historique de la Valachie). Le camion se renversa vers 4 h 55 et prit feu. Au bout d'une heure, une violente explosion provoqua la mort de 18 personnes et en blessa grièvement une dizaine. L'explosion creusa un cratère d'environ quinze mètres de diamètre et dix mètres de profondeur.
À Monclova, ville mexicaine de l'État de Coahuila, le , un semi-remorque chargé de 27 t de nitrate d'ammonium pour explosifs entra en collision avec un autre camion, faisant trois morts sur le coup. Un incendie se déclencha alors dans la cabine du semi-remorque et entraîna au bout de 40 min environ une forte explosion, faisant 150 blessés et 37 morts supplémentaires. L'explosion creusa un cratère de 9 m de diamètre et 1,8 m de profondeur[16].
Explosion survenue dans un centre de stockage de la West Fertilizer Company à West (Texas), où 270 tonnes de nitrate d'ammonium étaient stockées[17],[18], La chronologie des événements et la quantité de produit sont compatibles avec le scénario d'un feu suivi d'une très importante explosion. Le bilan définitif de la catastrophe est de quinze morts, deux cents blessés et 350 habitations détruites[19]. Après une controverse sur les causes de l'explosion[20], le , le CSB (Chimical Safety Board), bureau fédéral chargé de l'enquête, rendit son rapport[21]. Il affirme que la catastrophe est due à l'explosion de FGAN (Fertilizer Grade Ammonium Nitrate : nitrate d'ammonium pour l'agriculture) dont 30 tonnes-us ont détoné sur les 40 à 60 tonnes-us qui étaient stockées. Le CSB indique que la détonation du FGAN se produisit à la suite d'un incendie de 20 minutes et qu'elle est due à l'ajout de matières combustibles au nitrate d'ammonium.
12 août 2015, explosion au port de Tianjin (Chine)
modifierÀ Tianjin, ville du nord de la Chine, le soir du , un incendie se déclare dans un entrepôt de produits chimiques contenant 2 400 tonnes de marchandises[22] dont 800 tonnes de nitrate d'ammonium et de la nitrocellulose[23]. 40 minutes plus tard, deux explosions consécutives dévastent le port tuant 173 personnes et en blessant 797 autres.
Le , le port de Beyrouth, au Liban, est touché par une première explosion qui provoque l'explosion catastrophique de 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium, provoquant des dégâts humains (220 morts et 6 500 blessés) et matériels très importants.
Notes et références
modifier- « La France gros consommateur de nitrate d'ammonium, les explosions à Beyrouth inquiètent », sur capital.fr, (consulté le ).
- (en) « The Great Explosion, 2 April, 1916 », sur Faversham.org, (consulté le ).
- Gabrielan R (2012) Explosion at Morgan: The World War I Middlesex Munitions Disaster. The History Press (avec Google Books)
- Ministère de la Transition écologique et solidaire, « Explosion d'une usine chimique », sur aria.developpement-durable.gouv.fr (consulté le ).
- « La Poudrerie », sur Mairie de Miramas (consulté le ).
- Actuellement Tessenderlo Chemie.
- Nathalie Vaeck, « La chimie au quotidien »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), Université libre de Bruxelles (ULB) (consulté le ).
- (en) Ned Middleton, « Miscellaneous Shipwrecks of the Red Sea Not Found in Egyptian Waters », Tour Egypt (consulté le ).
- « SS Tirrenia (+1953) », Site Épaves (consulté le ).
- « Roseburg Blast Crater, 1959 », sur oregonhistoryproject.org (consulté le ).
- (en) « Explosions following a fire », Société chimique de France (consulté le ).
- (en) « Truck explosion memorial unveiled », ABC Capricornia (consulté le ).
- (en) « Police Seek Clues In KC Blast », Atchison Daily News (via GenDisasters), (lire en ligne, consulté le ).
- « AZF », sur Cour de cassation, .
- « Incendie dans un hangar agricole et explosion d'engrais à Saint Romain en Jarez (42), le 2 octobre 2003 », base ARIA (analyse, recherche et information sur les accidents), ministère du Développement durable (consulté le ).
- (en) James C. McKinley, « Truck Explosion in Mexico Kills 37 », The New York Times, (lire en ligne, consulté le ).
- (en) « West Fertilizer Co. Failed To Disclose It Had Unsafe Stores Of Explosive Substance », sur huffingtonpost.com, (consulté le ).
- (en) « Texas explosion death toll reaches 14 as recovery operation winds down », sur guardian.co.uk, (consulté le ).
- (en) Lire en ligne, sur csb.gov.
- (en) Lire en ligne, sur gpo.gov.
- (en) « Dangerously closed: Explosion in West, Texas », CSB (csb.gov), (consulté le ).
- « Tianjin : l'entrepôt qui a explosé contenait plus de 2 400 tonnes de produits toxiques », Les Échos, (consulté le ).
- (en) « Chinese Investigators Identify Cause Of Tianjin Explosion », sur Chemical & Engineering News (consulté le ).
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifierLiens externes
modifier- Les accidents impliquant des nitrates d'ammonium, base ARIA (analyse, recherche et information sur les accidents), ministère du Développement durable (France)
- Témoignages d'habitants sur l'explosion de l'Ocean Liberty, Wiki-Brest