Manoir Laurens

maison à Yport

Le Manoir Laurens (ou «Manoir Jean-Paul Laurens») est un ensemble architectural néo-médiéval construit pour l'artiste Jean-Paul Laurens et situé à Yport, dans le département de Seine-Maritime en région Normandie.

Manoir Laurens
Le Manoir Laurens, c.1910.
Présentation
Fondation
Style
Architecte
Commanditaire
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Adresse
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Yport, Seine-Maritime
 France
Coordonnées
Carte

Histoire

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De séjour à Yport en 1872, le peintre d'histoire[1] et membre de l'Institut Jean-Paul Laurens acquiert plusieurs grands terrains qu'occupe une ancienne corderie[2]. Il confie à l'architecte Georges Diéterle, disciple de Corot, la construction d'une villa selon ses propres conceptions[3].

Son édification[4] accompagne l'engouement des artistes comme des grandes familles d'affaires pour les villégiatures balnéaires de la côte d'Albâtre dans la seconde moitié du XIXe siècle[5] parmi lesquelles, dès 1855, la discrète cité maritime[6].

Il s'y fédère une communauté saisonnière informelle, «l'Académie d'Yport»[7], où se côtoient artistes[8] (Auguste Rodin, qui réalise en 1882 le buste de Jean-Paul Laurens[9]; Camille Corot, Claude Monet, Camille Pissarro, Auguste Renoir), compositeurs (Jules Massenet, André Messager) et hommes de lettres (Gustave Flaubert, Guy de Maupassant[10], Charles Péguy[11] et André Gide[12] qui compose au manoir, durant son séjour de l'été 1893[13] "La Tentative Amoureuse"[14]).

Dans le vaste atelier de la villa, Jean-Paul Laurens travaille à la conception des fresques du Panthéon, (Mort de Sainte Geneviève[15]), de l'hôtel de ville de Paris (La Voûte d'Acier), du Capitole de Toulouse et du théâtre de l'Odéon[16]. Il y réalise en 1914, son unique œuvre statuaire d'ampleur[16]: le gisant de Madeleine Laurens, née Willemsens, son épouse[17].

Le manoir devient en 1972 et jusqu'à sa mort en 2003, la résidence du peintre et sculpteur expressionniste fécampois Jef Friboulet[18],[19].

Description

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Le manoir Laurens est un ensemble néo-médiéval éclectique[20], bâti à flanc de colline et intégrant les arcatures romanes de l’ancienne corderie des origines. Il associe influences byzantines, toscanes et normandes. Ses jardins en terrasses s'étendent sur le versant d'amont de la valleuse d'Yport.

La construction en silex rehaussée de briques, commune au pays de Caux[21], présente des baies en plein cintre, dont certaines géminées, d'inspiration italianisante. Le deuxième étage à colombages en encorbellement emprunte à la tradition normande médiévale, tandis que sa haute tour d'angle hors-d'œuvre, percée de fenêtres en plein-cintre, évoque l'architecture défensive d'une citadelle romane[22]. Une longue galerie en surplomb, reliant le corps principal à un bâtiment à vocation conjecturale de chapelle, complète l'édifice.

Aux éléments de décor gothiques de certains espaces intérieurs (dont des réemplois du XVe siècle) répondent d'autres aux références mérovingiennes[23] et flamandes. Jean-Paul Laurens, qui se charge lui-même de l'aménagement de la villa, y exécute un ensemble de fresques.

Il en résulte un objet architectural aux forts contrastes de superficies et de volumes[24], édifié sur un axe est-ouest propre à capturer et infléchir la lumière: de grandes pièces lumineuses succèdent à des corridors d'atmosphère sépulcrale[25], constituant ainsi le vaste décor propice à la composition picturale voulu par son maître d'ouvrage[26].

Notes et références

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  1. « Musée d'Orsay: Jean-Paul Laurens (1838-1921), peintre d'histoire », sur musee-orsay.fr (consulté le )
  2. « La station balnéaire de Yport vers 1900 avec ses artistes et ses villas », sur duboysfresney.fr (consulté le )
  3. Les Diéterle : décorateurs, peintres et sculpteurs, une famille d'artistes à Yport, Fécamp, Musée des Terre-Neuvas, (ISBN 2-908858-22-3 et 978-2-908858-22-8, OCLC 51977588, lire en ligne).
  4. « Yport : Jean-Paul Laurens a marqué le village », sur Paris-Normandie (consulté le )
  5. Désert Gabriel, La vie quotidienne sur les plages normandes du Second Empire aux années folles, Hachette, (ISBN 2-01-008204-4 et 978-2-01-008204-7, OCLC 165813140, lire en ligne).
  6. Boulard Joseph, Étude historique sur Yport, Impr. de H. Micaux, (OCLC 458664103, lire en ligne).
  7. « Yport et ses peintres racontés au musée des Pêcheries », sur Paris-Normandie, (consulté le )
  8. Desjardins Marie-Hélène, Des peintres au pays des falaises, Éditions des Falaises, (ISBN 978-2-84811-278-7 et 2-84811-278-6, OCLC 971578307, lire en ligne).
  9. « Musée d'Orsay: Notice d'Oeuvre », sur musee-orsay.fr (consulté le )
  10. Ehrsam Véronique, Une vie, Maupassant, Hatier, (ISBN 2-218-72840-0 et 978-2-218-72840-2, OCLC 406945582, lire en ligne)
  11. Pauline Bruley, « Une amitié d'atelier : Péguy et la dynastie des Laurens, in L'Amitié Charles Péguy », sur Gallica, (consulté le )
  12. Pierre Masson et Jean-Michel Wittmann, Gide & Laurens. Correspondance, 1891-1934, (ISBN 978-2-7297-0894-8 et 2-7297-0894-4, OCLC 921124822, lire en ligne)
  13. Jean-Pierre Prévost, André Gide et la Normandie, Pierre Masson, (ISBN 979-10-309-0123-8, OCLC 992432022, lire en ligne)
  14. « Gide - La Tentative amoureuse, ou le Traité du vain désir », sur wikisource (consulté le ).
  15. [1]
  16. a et b Réunion des musées nationaux, Jean-Paul Laurens 1838-1921 : peintre d'histoire, Editions de la Réunion des musées nationaux, (ISBN 2-7118-3597-9 et 978-2-7118-3597-3, OCLC 37949013, lire en ligne)
  17. « Musée d'Orsay: Notice d'Œuvre », sur musee-orsay.fr (consulté le )
  18. « Le refuge de nombreux artistes », sur Paris-Normandie (consulté le )
  19. « Jef Friboulet exposé à Fécamp », sur lecourriercauchois.fr (consulté le )
  20. Albert Robida en donne une représentation satirique en 1884, dans sa revue "La Caricature". A. Robida, « Yport, Étretat, Fécamp. La Caricature. », sur Gallica, (consulté le )
  21. Defrance Henri, L'habitation normande, C. Massin & Cie, (OCLC 80412723, lire en ligne)
  22. "J'allai déjeuner à Yport. J'aperçus un homme barbu qui sortait d'une grande maison en forme de citadelle. C'était le peintre Jean-Paul Laurens. Il ne lui suffit pas, paraît-il, d'emmurer ses personnages, il tient à s'emmurer lui-même". Guy de Maupassant, in Gil Blas, 30 août 1882.
  23. Thierry Augustin(1795-1856), Récits des temps mérovingiens, illustrés par Jean-Paul Laurens, Bartillat, dl 2014, cop. 2014 (ISBN 978-2-84100-546-8 et 2-84100-546-1, OCLC 905081555, lire en ligne)
  24. « Yport, manoir Jean-Paul Laurens », sur Manoirs du pays de Caux, (consulté le )
  25. André-Paul Leroux, Visite à un vieil artisan, L. Durand et fils, (OCLC 459617241, lire en ligne).
  26. « La plus curieuse des maisons. On voit sans peine chez qui l'on est: il semble que l'on habite un de ses tableaux », André Gide. Correspondance à sa mère, Gallimard, Paris, 1988, p. 183.

Articles connexes

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