Marie-Élisabeth Joly

actrice française

Marie Élisabeth Jolly ou Joly, dite Mlle Jolly ou Joly, est une actrice française du XVIIIe siècle, membre puis sociétaire de la Comédie-Française de 1781 à 1793. Elle est née le à Versailles et est morte le à Paris.

Marie-Élisabeth Joly
Fonction
Sociétaire de la Comédie-Française
Biographie
Naissance
Décès
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Sépulture
Nationalité
Activités

Sociétaire de la Comédie-Française avant sa fermeture en 1793, Marie Joly peut être considérée comme « une des vedettes les plus aimées du public » parisien de son époque[1].

Biographie artistique

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Origines familiale et sociale

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Marie Élisabeth Jol(l)y est née et a été baptisée en la paroisse Saint-Louis à Versailles le [2],[3],[4]. Son père, Thomas Jolly, était alors marchand quincaillier à Paris. Avec son épouse Élisabeth Vivier, tous deux avaient été danseurs figurants à la Comédie-Française. Seul un frère de Marie Élisabeth Jol(l)y a été recensé : Jacques Charles Jolly[5].

Résumé de carrière

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Marie-Elisabeth Joly monte très jeune sur les planches, ses parents faisant de la figuration dans le corps de ballet de la Comédie : à 7 ans, elle joue Louison du Malade imaginaire et Joas d'Athalie. Elle étudie la danse et le chant à l'Opéra, entre en 1778 dans la troupe de la Montansier, à Versailles, et joue en Normandie.

Encouragée par Préville, Marie-Élisabeth Joly débute à la Comédie-Française dans les rôles de Dorine (Tartuffe) et de Lisette (Le Tuteur, Dancourt). Elle est engagée pour les soubrettes du répertoire, où elle montre de la grâce, du naturel et de la gaieté.

Sociétaire en 1783, la souplesse et la finesse de son talent lui permettent de passer des servantes de Molière à Agnès de L’École des femmes ou à Constance d'Inès de Castro d'Antonio Ferreira. Elle va même, en 1790, pour attirer à la Comédie un public qui s'en désintéresse, jusqu'à jouer Athalie, avec un grand succès.

Arrêtée en 1793, elle est relâchée quelques semaines plus tard sur l'intervention de Talma qui lui demande de jouer les soubrettes au théâtre de la République. En 1796, elle est dans la troupe de Mademoiselle Raucourt au théâtre Louvois, puis à l'Odéon. Atteinte de phtisie, elle paraît pour la dernière fois à l'Odéon en janvier 1798 dans une pièce de Sainte-Foix, L'Oracle, qu'elle interprète en compagnie de deux de ses filles.

Sa mort, à 37 ans, en plein succès, prive le théâtre d'une des vedettes les plus aimées du public et met fin à l'Association des comédiens français à l'Odéon, à nouveau déserté.

Famille

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Marie Élisabeth Joly se serait mariée en 1781 ou 1778[6] avec Nicolas François Roland Fouquet-Dulomboy, officier de cavalerie, en l'église et paroisse Saint-Eustache[7],[8],[9],[10],[11].

Le couple a eu cinq enfants[12],[13], un garçon et quatre filles[10]. Les deux filles aînées, Marie-Antoinette (5 octobre 1779[11] - 31 janvier 1830[14]) et Marie Françoise (19 décembre 1780[15] - 31 mars 1857[16]), suivirent une carrière théâtrale, principalement en province. Alexis (3 décembre 1785[17] - 29 mai 1833[18]) exerçait comme professeur de peinture à Falaise en 1831[19]. Les deux derniers enfants ont été initialement mal identifiés, mais étaient présents - notamment le dernier alors âgé de dix mois - lors des obsèques de leur mère en 1798 à Saint-Quentin-de-la Roche (ancienne commune du Calvados)[13],[20].

Marie Élisabeth Joly et son époux ont vécu principalement à Paris. Ils ont été recensés comme suit : avant 1785, dans la paroisse Sainte-Eustache au domicile des parents de la comédienne[21], en 1785 au no 148 de la rue d'Enfer[22], vers 1794, au n° 689 de la rue Helvétius[23] et enfin en 1798, au no 65 de cette même rue (actuelle rue Saint-Anne)[24].

Marie-Élisabeth Joly est décédée de phtisie le 16 floréal an VI (5 mai 1798) à Paris. Elle a été inhumée le mois suivant le 15 prairial an VI (3 juin 1798) à Saint-Quentin-de-la-Roche (ancienne commune du Calvados) lors d'une solennelle cérémonie publique locale[13].


Portrait

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Portraits littéraires

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Son époux Nicolas Fouquet-Dulomboy l'a dépeinte dans l'exercice de son art :

« Un jour que dans une pièce allégorique l'on représentait cette muse de la Comédie, l'on fut tout à coup si absolument transporté de la réalité aux apparences, que l'on crut un instant que la déesse avait quitté le Parnasse pour embellir notre scène. La citoyenne Joly, douée d'un superbe organe, avait une figure fort agréable, un peu maigre, mais spirituelle, très mobile, très fine et très distinguée; sa chevelure d'un joli brun clair, sa taille assez haute, svelte et gracieuse, enfin, tout en elle au moral comme au physique, tout contribuait à produire dans ce rôle une illusion complète[25][source insuffisante]. »

Le journaliste marseillais puis homme de théâtre Alexandre Ricord, — dit encore Ricord l'aîné — a condensé les traits saillants, physiques et de caractère, de la comédienne :

« Son physique était plus agréable que joli et ses yeux, d'une extrême vivacité, animaient la scène qu'elle n'oubliait jamais. Sa taille n'était pas grande et l'ensemble de sa personne avait plus d'élégance que de beauté[26]. »

Son éphémère amant Fabre d'Églantine en a décliné entièrement avec passion le visage et ses expressions :

« La figure de Marie offre, au premier coup d’œil, un tout petit air chiffonné, un caractère de jeunesse, un ensemble piquant. L'esprit, la finesse, la mutinerie, la naïveté, la tendresse y dominent tour à tour; et telle en est la mobilité, que chacun de ses divers caractères se peint à la fois et distinctement sur son visage à des yeux différents. Le tour de ce visage n'a rien de régulier, tantôt rond, tantôt aminci... Marie a le front noble, découvert, bien arrondi, d'une proportion juste, uni et bombé; par un seul trait il s'élargit vers les tempes, où ses cheveux naturellement échancrés, laissent à découvert des petits rameaux de pourpre. De ce front, la nature a légèrement approfondi un trait de physionomie, entre les sourcils et jusqu'au nez. Le pinceau ne peut pas tracer un nez d'une forme plus fine et mieux choisie : ni aquilin, ni retroussé il tient alternativement de ces deux formes, au gré de l'expression que lui donne Marie... Plutôt grande que petite, sa bouche est pure et merveille, sa lèvre inférieure a je ne sais quoi de boudeur qui disparaît au moindre sourire. Alors c'est la bouche de la gaieté, dont le caractère malin est surtout sensible de profil[27]. »

Portraits, sculptures, représentations graphiques et picturales

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A ce jour, six oeuvres représentant l'actrice ont été dénombrées : quatre sont conservées à la Comédie-Française, deux autres dans des instituts ou musées nationaux ou régionaux.

Représentations conservées à la Comédie-Française

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  • médaillon représentant le tombeau de Mlle Joly réalisé en 1798 avec les cheveux de l'actrice[32].

Représentations conservées sur d'autres sites (Caen, Paris, Versailles)

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  • représentation corporelle grandeur réelle de la comédienne - estimée très ressemblante - réalisée en bas-relief sur la face occidentale de son tombeau en pierre, sculptée par Jacques-Philippe Lesueur, exposée au Salon de l'an VIII[29]

Postérité

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Attachement local et régional

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En tant que 182e sociétaire, Marie Élisabeth Joly jouit d'une postérité artistique nationale officialisée par la Comédie-Française[1]. Notable en Normandie, elle suscite toujours un vif attachement populaire - dans le Calvados en particulier - en raison de la monumentale sépulture, inscrite au titre de monument historique, érigée en sa mémoire sur le site du Mont-Joly à Soumont-Saint-Quentin[36],[37],[38].

Le tombeau de Marie Joly, similaire à la sépulture de Jean-Jacques Rousseau sur l'île des Peupliers à Ermenonville (Oise), a été réalisé en 1798 par le sculpteur Jacques-Philippe Lesueur[39],[note 1].

La notoriété du mausolée honorant la comédienne parisienne, a mué progressivement le "joli mont" normand, dit alors la Roche, en "Mont-Jolly" puis "Mont Joly". D'autres lieux reprennent le nom de Joly telles que six voies dans les communes avoisinantes[note 2], une chapelle désaffectée[note 3][réf. nécessaire], et dans le cartorum local, un vieux lavoir[40] aujourd'hui détruit, un inactif moulin[41] et une ancienne auberge[42].

Dynamique culturelle, touristique et associative

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Les sites naturels remarquables du Mont-Joly et de la Brèche-au-Diable qui encadrent le tombeau, font l'objet d'une promotion culturelle et touristique, appropriée en Normandie, spécifique dans le Calvados[réf. nécessaire]. Localement, une association, veille aujourd'hui à la protection et à la mise en valeur des lieux et cultive également la mémoire et l'oeuvre de Marie Joly[43]. Sont proposés dans ce cadre au public, promeneurs et touristes, des circuits de randonnée pédestre[note 4], la visite du tombeau et diverses animations thématiques[44],[45]. Cette association ambitionne notamment de réinstaurer à la Pentecôte la traditionnelle fête du Mont-Joly qui a agrémenté le site de la fin du XIXe siècle jusque dans les années 1990[46].

Notes et références

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  1. Épitaphe gravée sur le tombeau de Marie Joly: « Ci-gît Marie-Joly, femme Dulomboy, la meilleure des mères, la plus douce et la plus sensible des femmes, la plus tendre des épouses, amante de la nature, artiste célèbre. Elle décéda à Paris le 16 Floréal an 6. Hommes, respectez sa cendre ! »
  2. Cinq communes proches ont "enjolivé" durablement la dénomination de leur voirie : la rue Marie-Élisabeth-Joly à Soumont-Saint-Quentin, le chemin de Marie-Joly à Potigny, la route de Marie-Joly et la rue du Mont-Joli à Bons-Tassilly, la rue du Mont-Joly à Ouilly-le-Tesson et enfin la rue Marie-Elisabeth Joly à Saint-Germain-le-Vasson.
  3. La chapelle dite du Mont-Joly constitue l'ancienne église paroissiale de Saint-Quentin-de-la-Roche, située à Soumont-Saint-Quentin sur le bord oriental du plateau. Elle est inscrite au titre des monuments historiques depuis 1927.
  4. Trois circuits en boucle de niveaux différenciés sont suggérés par l'association et par l' Office de tourisme de Falaise - Suisse-Normande.

Références

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  1. a et b « Marie-Élisabeth Joly », sur Comédie-Française (consulté le )
  2. Paul 1855-1932 Ginisty, Mémoires et souvenirs de comédiennes, 18e siècle [avec] portraits et gravures de l'époque, BiblioBazaar, (ISBN 978-1-372-20198-1, lire en ligne), p. 173
  3. de Manne 1877, p. 393.
  4. Acte de baptême de Marie Elizabet Jolly en date du en la paroisse Saint-Louis à Versailles.
  5. Efratas 2018, p. 10.
  6. Dulomboy 1798, p. 103, 129.
  7. Efratas 2018, p. 11-12.
  8. BOUQUEREL 1959.
  9. Fettu et Jariel 2008, p. 15.
  10. a et b Lyonnet 1911, p. 226.
  11. a et b Acte notarié établi le 25 avril 1817 en l'étude de maître Bonneau, notaire à Orléans, registre d'état-civil de la commune de Marseille le 21 avril 1837.
  12. Société de savants et de gens de lettres, La Grande Encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, Tome 21, Paris : Janiçon-Lemos, entre 1886 et 1902, p. 182.
  13. a b et c « Marie Elizabeth Joly », sur archives.calvados.fr (consulté le )
  14. Acte de décès no 748 du 31 janvier 1830 de la commune de Lyon.
  15. Acte de baptême du 19 décembre 1780 en la paroisse Saint-Jean à Caen de Marie Marguerite Françoise Fouquet-Dulomboy, née fille naturelle Joly.
  16. Acte de décès n° 3 du 31 mars 1857 de la commune de Potigny.
  17. Acte de mariage n° 4 du 22 juillet 1825 de la commune de Tassilly.
  18. Acte de décès n° 248 de la commune de Falaise.
  19. Tisseau 1928, p. 124-125.
  20. Extrait de la Gazette du Calvados n° 314 an VI, article "La pompe funèbre de Marie Joly" publié dans la Revue illustrée du Calvados de septembre 1913.
  21. Contrat de mariage en date du 6 novembre 1785, dressé en l'étude de maître Athanase Lemoine, notaire à Paris.
  22. Efratas 2018, p. 18.
  23. Efratas 2018, p. 39.
  24. Tisseau 1928, p. 127.
  25. Dulomboy 1798.
  26. Ricord 1821, p. 277-278.
  27. Correspondance amoureuse de Fabre d'Églantine, Hambourg & Paris, non daté, tome 1, p. 162.
  28. Jacques-Antoine-Marie LEMOINE, Marie-Elisabeth Joly, (lire en ligne)
  29. a b et c Tisseau 1928, p. 119, 130.
  30. Jacques-Louis DAVID, Mlle Joly, [1780-1798] (lire en ligne)
  31. Jean-Antoine HOUDON et Marie-Elisabeth JOLY, Mlle JOLY, 1780-1798 (lire en ligne)
  32. Marie-Elisabeth JOLY, Médaillon : représentant le tombeau de Melle Joly., (lire en ligne)
  33. Collections du Réseau des Musées de Normandie - Musée de Normandie - Portrait de Marie Joly (gravure)
  34. Collections numérisées de la bibliothèque de l'Institut national de l'histoire de l'art (INHA) - Marie Elizabeth Joly.
  35. Collections du château de Versailles - gravures de Louis-Philippe - Marie Elizabeth Joly.
  36. « Tombeau de Marie Joly et son enclos », sur pop.culture.gouv.fr (consulté le )
  37. Nathalie de Broc, Ces femmes qui ont fait la Normandie, Ouest-France, (ISBN 978-2-7373-8927-6, lire en ligne)
  38. Yves Lecouturier, Célèbres de Normandie, OREP Editions, (ISBN 2915762139)
  39. Tisseau 1928, p. 129.
  40. Cartorum - cartes postales anciennes localisées - environs de Potigny - Le lavoir de Marie Joly.
  41. Cartorum - cartes postales anciennes localisées - environs de Potigny - Le Moulin de Marie Joly.
  42. Cartorum - cartes postales anciennes localisées - environs de Falaise - Auberge de Marie Joly.
  43. « L' Association », sur LES JOLY CHEMINS DE LA BRÈCHE AU DIABLE (consulté le )
  44. « Marie Joly revient sur scène pour les Journées du patrimoine à Soumont-Saint-Quentin », Ouest-France,‎ (lire en ligne)
  45. « Retour sur nos animations », sur LES JOLY CHEMINS DE LA BRÈCHE AU DIABLE (consulté le )
  46. « Près de Falaise, cette association relance une fête de la Pentecôte avec l’ambition de la splendeur », Ouest-France,‎ (lire en ligne)

Bibliographie

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Frontispice de l'ouvrage de Paul Tisseau, 1928

Ouvrages anciens (XVIIIe siècle-1950)

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  • Charles Guillaume Etienne et Alphonse Louis Dieudonne Martainville, Histoire Du Théatre Français, Depuis le commencement de la révolution jusqu'à la réunion générale, Barba, (lire en ligne)
  • N. F. R. F. Dulomboy, Aux manes de Marie-Élisabeth Joly, artiste célèbre du Théâtre Français, de l'Imprimerie de Delance, (lire en ligne)
  • Alexandre Ricord, Les fastes de la Comédie française, et portraits des plus célèbres acteurs qui se sont illustrés, et de ceux qui s'illustrent encore sur notre théâtre: précédés d'un aperçu sur sa situation présente, et sur les moyens propres à prévenir sa ruine, Alexandre, (lire en ligne), p. 277-280
  • Edmond Denis de Manne, Galerie historique des comediens francois de la troupe de Voltaire. Graves a l'eauforte, sur des documents authentiques par Henri Lefort ... par ---. Nouv. ed, Scheuring, (lire en ligne)
  • Paul Porel et Georges Monval, L'Odéon: histoire administrative, anecdotique et littéraire du Second Théatre Français, A. Lemerre, (lire en ligne)
  • Émile Campardon, Les Comédiens du roi de la troupe française pendant des deux derniers siècles: documents inédits recueillis aux archives nationales, H. Champion, (lire en ligne), p. 149-176
  • Amédée Mériel (Historien local), Notice sur Marie-Elisabeth Joly, Imprimeríe de E. Gignoux, (lire en ligne)
  • Henry Lumière, Marie Joly, Tresse & Stock, (lire en ligne)
  • Georges Monval, Les collections de la Comédie-Française: catalogue historique et raisonné, Société de propagation des livres d'art, (lire en ligne)
  • La grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Tome 21 / par une société de savants et de gens de lettres ; sous la dir. de MM. Berthelot,... Hartwig Derenbourg,... F.-Camille Dreyfus,... A. Giry,... [et al.], 1885-1902 (lire en ligne)
  • Henry Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français, ceux d'hier : biographie, bibliographie, iconographie, t. 2, (lire en ligne), p. 225-228
  • Paul Ginisty, Mémoires et souvenirs de comédiennes (XVIIIe siècle), Louis-Michaud, (lire en ligne)
  • Paul Tisseau, Une comédienne sous la Révolution, Marie-Élisabeth Joly, sociétaire de la Comédie-française, 1761-1798. Préface de Frantz Funck-Brentano, Éditions de "La Bonne idée", (lire en ligne)
  • Max Fuchs, Lexique des troupes de comédiens au XVIIIe siècle, E. Droz, (ISBN 978-2-600-02132-6, lire en ligne)

Ouvrages modernes

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Documentaires

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  • Film-documentaire.fr, « À la mélancolie », sur www.film-documentaire.fr (consulté le )

Liens externes

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