Mouaz al-Khatib

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Mouaz al-Khatib, né en 1960 à Damas en Syrie, est un ingénieur, un imam sunnite et un homme politique syrien, président de la Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution (CNFOR) de sa création le au , jour de sa démission. L'organisation, fondée lors de la guerre civile syrienne, réunit les principales composantes de l'opposition, dont le Conseil national syrien dirigé par le chrétien Georges Sabra.

Mouaz al-Khatib
أحمد معاذ الخطيب
Illustration.
Mouaz al-Khatib en novembre 2012.
Fonctions
Président de la Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution

(5 mois et 10 jours)
Vice-président Riad Seif
Suheir Atassi
Georges Sabra[1]
Prédécesseur Poste créé
Successeur Georges Sabra
Biographie
Nom de naissance Ahmad Mouaz al-Khatib al-Hassani
Date de naissance
Lieu de naissance Damas (Syrie)
Nationalité syrienne
Profession Imam
Religion Islam sunnite

Biographie

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Famille

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Père de quatre enfants[2], Mouaz al-Khatib est issu d'une longue lignée de prêcheurs à la Grande Mosquée des Omeyyades de Damas[3]. Son grand-père préside le conseil municipal de Damas au moment du retrait des Ottomans[3]. En 2003, son frère, qui est également prêcheur, est interdit d'officier pour avoir critiqué les élections parlementaires et l'invasion de l'Irak par les États-Unis[4].

Études et première carrière

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Après avoir étudié les relations internationales, la diplomatie[5] et la géophysique, il travaille de 1985 à 1991 comme ingénieur en pétrochimie pour la al-Furat Petroleum Company, une coentreprise syrienne détenue pour moitié par la compagnie pétrolière étatique et pour l'autre moitié par des compagnies étrangères, dont l’anglo-hollandaise Shell[3],[2],[6].

Opposition au régime baasiste

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C'est à partir de 1990 qu'il se fait connaître comme prêcheur de la prière du vendredi à la prestigieuse Grande Mosquée des Omeyyades, suivant l'héritage de sa famille[3] et succédant en l'occurrence à son père cheikh Badreddine al-Khatib[2]. Il est remercié en 1992 à cause de ses prises de position mais continue à prêcher dans une mosquée du quartier bourgeois d’Arnous jusqu’en 1996, date à laquelle il est interdit d’officier dans tout lieu de culte. « Il refusera par la suite toutes les propositions qui lui seront faites de lever cette interdiction en échange d'une posture plus consensuelle »[7]. Il continue néanmoins à enseigner dans des instituts de charia privés et finit par ouvrir un site web dont les éditoriaux mensuels attaquent le régime[3].

En 2005, il prend part à la Déclaration de Damas, une coalition de partis politiques, d'associations de défense des droits de l'homme et d'activistes pro-démocratiques[8]. En 2007, au moment du plébiscite organisé pour renouveler le mandat de Bachar el-Assad, il dénonce le renouveau du culte de la personnalité du président[3].

Appartenant à la Société syrienne de géologie et à la Société de psychologie[2], il dirige par ailleurs l’association al-Tamaddun al-Islami (la Civilisation islamique), fondée en 1932, et tente de relancer sa revue, interdite en 1980, ainsi que de recréer en Syrie un débat islamique de nature réformiste ; mais il en est empêché par les agences sécuritaires[3]. Il a également voyagé et enseigné en Bosnie-Herzégovine, aux Pays-Bas, en Turquie, au Nigéria, au Royaume-Uni et aux États-Unis, ainsi qu'à l'Institut néerlandais de Damas[8], et s'est investi avec des laïques dans la défense des droits de l’homme[3].

Sans affiliation partisane, il est cependant réputé proche des Frères musulmans[9], notamment de leur branche damascène, ainsi que de la frange islamo-conservatrice de l’opposition[3]. Il soutient également le religieux Youssef al-Qaradâwî[10].

Rôle au début de la guerre civile syrienne (2011-2012)

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Durant la guerre civile syrienne, il est arrêté à quatre reprises pour ses prises de position contre le régime de Bachar el-Assad, dont la plus récente en [8]. En effet, après un court exil au Qatar[2], il retourne en Syrie et se manifeste dès (premier mois de la révolte) en organisant des réunions avec des intellectuels laïques, puis en signant avec eux une lettre ouverte demandant des réformes dans le quotidien libanais As-Safir[3]. Il prononce par ailleurs des oraisons funèbres en hommage aux victimes de la répression et tente de mettre en place des initiatives de dialogue entre le régime et l’opposition[3] ; à ce sujet, il dit avoir été contacté en par un membre du premier cercle de Bachar el-Assad afin de lancer une initiative destinée à clore le conflit, mais il est arrêté peu de temps après[4]. Il est longtemps défavorable à la lutte armée, avant de changer d'avis tardivement[3]. À l'été 2012, il fonde la Ligue des oulémas de Châm, une association réunissant les grands oulémas de Damas critiques du régime[3]. En , il fuit la Syrie et trouve refuge en Égypte[9]. En octobre, il accuse les djihadistes présents en Syrie d'avoir permis aux pays occidentaux de qualifier le soulèvement d'« extrémiste »[8].

Présidence de la CNFOR (2012-2013)

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Le , il est élu président de la toute nouvelle Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution (CNFOR) après avoir été le seul candidat en lice[9] et en étant inconnu de la presse internationale[2] comme des Syriens ruraux[11]. Il a notamment la confiance du réseau des Comités locaux de coordination (la résistance syrienne de l'intérieur)[9]. Il dit ne pas exclure la voie de la négociation avec Bachar el-Assad, contrairement au Conseil national syrien qui a intégré la Coalition[12],[13], mais réclame à la communauté internationale des « armes adaptées » pour « mettre fin à la souffrance des Syriens et à l'effusion de sang »[14].

En , il appelle les États-Unis à réexaminer leur décision de placer le groupe rebelle al-Nosra, un mouvement djihadiste, sur leur liste des organisations terroristes[15],[16]. Il serait (en ) le favori du Qatar et de la Turquie pour diriger un gouvernement de transition après une éventuelle chute du régime de Bachar el-Assad, alors que les États-Unis et l'Arabie saoudite lui préféreraient l'ancien Premier ministre Riad Hijab[17]. Mais en , il intègre un comité restreint créé par la Coalition, chargé de consulter les forces de la révolution, l’opposition, l’Armée syrienne libre et les pays frères et amis sur la composition d'un futur gouvernement provisoire, et dont les membres sont exclus par avance de ce gouvernement[18].

Le , il se dit prêt à négocier une solution politique avec les représentants du régime syrien n'ayant pas de « sang sur les mains » (en citant ensuite le vice-président Farouk al-Chareh) et à condition de libérer 160 000 détenus et de préparer le départ de Bachar el-Assad, divisant ainsi l'opposition[19],[20]. Mais ces conditions sont rejetées par le gouvernement syrien[21],[22]. Mouaz al-Khatib, qui regrette ce « message négatif » des autorités, avait reçu entre-temps le soutien des États-Unis, de la Ligue arabe, de la Russie, de l'Iran et du médiateur international Lakhdar Brahimi, mais subi les critiques du Conseil national syrien[23] ainsi que de groupes djihadistes comme le Front al-Nosra qui appellent à son exécution[24].

Le , il effectue sa première visite en Syrie en tant que chef de la Coalition, dans deux localités au nord-est d'Alep (Menbej et Jarablous)[25].

Le , il annonce sa démission de la présidence de la CNFOR en déclarant notamment : « J'avais juré au grand peuple syrien et devant Dieu que je démissionnerais si certaines lignes rouges étaient franchies ». La désignation de Ghassan Hitto comme Premier ministre d'un gouvernement provisoire (ce qu'il dément néanmoins[26]), l'insuffisance de l'aide apportée par la communauté internationale et la protestation contre les pressions du Qatar et de l'Arabie saoudite sont avancées parmi les raisons de cette décision[27],[28]. Il déplore également de ne pas avoir été suivi dans sa proposition d'élargir la base de la Coalition[26]. Cette démission est cependant rejetée par la CNFOR et par les autorités du Qatar, un des principaux soutiens de l'organisation[29].

Il participe malgré tout au sommet de la Ligue arabe à Doha le  : il demande alors publiquement aux États-Unis de protéger la zone nord du pays, passée en grande partie sous le contrôle des rebelles, avec des missiles sol-air Patriot, et réclame au nom de la CNFOR le siège syrien de l'ONU. Le même jour, il justifie sa démission dans une interview accordée à la chaîne Al Jazeera par une volonté de « protester contre les puissances mondiales qui ne pensent à résoudre la crise [syrienne] qu'en fonction de leurs souhaits, de leurs intérêts ou selon leurs méthodes, sans tenir compte de la souffrance quotidienne du peuple »[30].

Le , il soumet une seconde fois sa démission, qui est cette fois acceptée par la CNFOR (il indique cependant n'avoir démissionné qu'une seule fois[31]). Le chef du comité d'adhésion de l'organisation explique que Mouaz al-Khatib a voulu « dénoncer le manque d'action de la communauté internationale pour aider le peuple syrien »[32].

Prises de position

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Dans les livres et articles qu'il a écrits sur la religion et la société, il milite pour l'égalité entre hommes et femmes, pour les droits des minorités et pour le pluralisme politique[4],[8]. Il prône également la suppression de la tutelle du pouvoir politique sur les institutions religieuses mais est favorable à ce que les lois s’inspirent de principes religieux[3].

Il a accusé les régimes occidentaux d'avoir affaibli le régime de Hosni Moubarak lors de la révolution égyptienne de 2011, et ce à leurs propres fins ainsi qu'à celles d'Israël[10]. Il a aussi mis en garde contre l'usage du réseau social Facebook, dont les utilisateurs pourraient involontairement devenir selon lui des espions américains ou israéliens à travers le partage d'information[10].

Critiques

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Avant la présidence de la CNFOR

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Le journaliste britannique Mohanad Hage Ali[33] a publié dans le magazine américain Foreign Policy un article dans lequel il remet en cause la modération de Mouaz al-Khatib dont font état la plupart des médias (le chercheur français Thomas Pierret décrit par exemple al-Khatib comme « un islamiste authentiquement modéré »[3]). Mohanad Hage Ali l'accuse notamment d'avoir publié sur son site des propos dérogatoires à l'endroit des chiites, et d'autres qui auraient un caractère antisémite[10]. Une critique similaire a été adressée par Elhanan Miller dans un article pour le website israélien The Times of Israel, fondé et dirigé par David Horovitz[34].

Dans l'exercice de la présidence

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Après son élection comme président de la CNFOR, certains Syriens considèrent que son inexpérience politique est problématique, d'autres estiment que le choix d'une figure religieuse pour diriger la coalition de l'opposition est inapproprié. Pour le chercheur Fadi Salem, il aurait perdu le soutien de nombreux Sunnites conservateurs et urbains[4].

Pour l'universitaire Fabrice Balanche, directeur du groupe de recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient et professeur à l'université Lumière Lyon 2, comme pour Haytham Manaa, président du Comité national pour le changement démocratique (un courant d'opposition refusant la militarisation du soulèvement), Mouaz al-Khatib n'avait en fait que peu de prise sur son organisation, les Frères musulmans (dont il est proche) étant les véritables meneurs de l'opposition[9].

Libération a de son côté qualifié la présidence de Mouaz al-Khatib de « désastreuse » : « ce religieux populiste s’était englué dans les querelles internes et prenait ses décisions en solitaire, qu’il faisait ensuite connaître sur Facebook. D’où un long passage à vide de l’opposition, avec, comme conséquence, un discrédit autant sur la scène intérieure qu’internationale »[35]. D'après Benjamin Barthe, Mouaz al-Khatib, « à force de confier ses états d'âme sur sa page Facebook, avait fini par agacer bon nombre de révolutionnaires »[36].

Notes et références

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  1. Les « Amis de la Syrie » vont-ils entendre enfin les appels du peuple syrien ?, Ignace Leverrier pour Le Monde, 12 décembre 2012
  2. a b c d e et f Ahmed Moaz al-Khatib, chef iconoclaste de l'opposition syrienne, L'Orient-Le Jour, 5 février 2013
  3. a b c d e f g h i j k l m n et o Syrie: qui est Mouaz al-Khatib, nouveau dirigeant de l'opposition, Mediapart, 13 novembre 2012
  4. a b c et d (en) Meet Syria's new opposition leader, Al-Jazeera, 12 novembre 2012
  5. Un religieux, un ex-député et une femme à la tête de l'opposition syrienne, L'Orient-Le Jour, 12 novembre 2012
  6. (en) Histoire de la al-Furat Petroleum Company sur son site officiel
  7. Arrestation du cheikh Mouaz al-Khatib, ancien prêcheur de la mosquée des Omeyyades de Damas, Thomas Pierret pour Mediapart, 6 mai 2012
  8. a b c d et e (en) Profile: Syria opposition leader Ahmed Moaz al-Khatib, BBC News, 12 novembre 2012
  9. a b c d et e Les Frères musulmans renforcés dans l'opposition par l'arrivée d'Al-Khatib, France 24, 13 novembre 2012
  10. a b c et d (en) Islamist-In-Chief, Foreign Policy, 14 novembre 2012
  11. Isabelle Feuerstoss, Quel avenir pour la Coalition nationale syrienne?, Le Figaro, 5 mars 2013
  12. Syrie : Moaz Al-Khatib, reçu à l’Élysée samedi en président, L'Humanité, 17 novembre 2012
  13. Syrie: le chef de l'opposition prêt à négocier avec les autorités, RIA Novosti, 30 janvier 2013
  14. Le chef de l'opposition syrienne réclame des armes à la communauté internationale, Le Monde, 13 novembre 2012
  15. Al-Nosra: US doivent revoir leur décision, Le Figaro, 12 décembre 2012
  16. Syrie : faut-il placer les rebelles jihadistes d'al-Nosra sur la liste des terroristes ?, TF1 News, 12 décembre 2012
  17. (en) No interim government until Assad goes: Sabra, The Daily Star, 15 décembre 2012
  18. Avant la réunion de Paris, la Coalition Nationale syrienne presse le pas, Ignace Leverrier pour Le Monde, 21 janvier 2013
  19. Syrie: l'étonnante main tendue du chef de l'opposition au régime, RFI, 30 janvier 2013
  20. Syrie: 6 choses à savoir sur les propositions de dialogue de l'opposition, L'Express, 6 février 2013
  21. Syrie: Damas rejette les conditions de l'opposition pour un dialogue, RIA Novosti, 7 février 2013
  22. Syrie: Damas prêt au dialogue avec l'opposition sans conditions préalables, RIA Novosti, 9 février 2013
  23. Syrie : l'opposition regrette le "message négatif" de Damas, Le Point, 11 février 2013
  24. Syrie: Ahmed Moaz al-Khatib, le chef de l'opposition qui veut dialoguer avec Damas, RFI, 15 février 2013
  25. Syrie: Assad refuse de quitter le pouvoir, Khatib visite la région d'Alep, Le Point, 3 mars 2013
  26. a et b Syrie. Ahmed Moazz Al Khatib précise les raisons de sa démission, Ignace Leverrier pour Le Monde, 25 mars 2013
  27. Ahmed Moazz Al Khatib reste à la tête de la Coalition Nationale syrienne, Ignace Leverrier pour Le Monde, 24 mars 2013
  28. Coups de Trafalgar pour l'opposition syrienne, Le Point, 25 mars 2013
  29. Démission du président de la Coalition nationale syrienne, Le Monde, 24 mars 2013
  30. Siège à l'ONU, protection aérienne... l'opposition syrienne formule ses demandes à Doha, Le Monde, 26 mars 2013
  31. Syrie. Mise au point d’Ahmed Moazz Al Khatib, Ignare Leverrier pour Le Monde, 30 avril 2013
  32. Syrie : le chef de l'opposition démissionne de nouveau, Le Monde, 21 avril 2013
  33. Profil de Mohanad Hage Ali sur le site du Guardian
  34. (en) For Syria’s new opposition head, Zionism is ‘a cancerous movement’, The Times of Israel, 26 novembre 2012
  35. Ahmad Jarba, le Syrien de la dernière chance, Libération, 23 juillet 2013
  36. Ahmed Jarba, le chef de l'opposition syrienne, veut rassembler et rassurer, Le Monde, 25 juillet 2013