Mukhtar Robow

homme politique somalien

Mukhtar Robow
Illustration.
Robow en 2023.
Fonctions
Ministre des Affaires religieuses de Somalie
En fonction depuis le
(1 an, 8 mois et 21 jours)
Président Hassan Sheikh Mohamoud
Premier ministre Hamza Abdi Barre
Prédécesseur Abdirisaq Hussein Ali Albani
Biographie
Surnom Abou Mansour
Date de naissance (54 ans)
Lieu de naissance Hudur, région de Bakool, Somalie
Nationalité Somalien

Mukhtar Robow (en somali : Mukhtaar Roobow ; en arabe : مختار روبو), né le à Hudur, dans la région de Bakool en Somalie, également connu sous le nom d'Abou Mansour, est un ancien chef adjoint et ancien porte-parole du groupe islamiste somalien al-Chabab, devenu homme politique.

Au cours des années 2010, il se sépare peu à peu d'Al-Shabab puis quitte définitivement le groupe en raison de désaccords idéologiques, après des années passées à se cacher dans sa ville natale. En 2022, Robow est nommé ministre des Affaires religieuses du gouvernement somalien[1],[2].

Biographie modifier

Jeunesse et études modifier

Robow naît le à Hudur, dans la région de Bakool au sud de la Somalie. Il est membre des Rahanweyn et plus précisément du clan Leysan, bien représenté dans l'État du sud-ouest de la Somalie. Il étudie dans une école coranique locale, puis poursuit son éducation religieuse dans les mosquées de Mogadiscio ainsi que dans celles de sa région d'origine. Robow étudie également le droit islamique dans les années 1990 à l'université de Khartoum au Soudan.

Parcours chez Al-Shabab modifier

Photographie d'un homme barbu coiffé d'un tissu beige.
Photographie de Mukhtar Robow à une date inconnue, émanant du Département d'État des États-Unis.

Il est formé au djihad en Afghanistan, aux côtés de membres d'Al-Qaïda, et est présent dans le pays lors des attentats du World Trade Center[3]. Après avoir fondé les mouvements shebab, il en devient le porte-parole et l'un des leaders spirituels et militaires[1].

Robow et d'autres membres influents d'Al-Shabab défient le leadership d'Ahmed Abdi Godane (Moktar Ali Zubeyr) à Brava en juin 2013. Godane tue deux des principaux membres et Robow s'enfuit dans son district natal[4],[5]. Les forces de Godane lancent une offensive contre les partisans de Robow, d'après une enquête d'août 2013[6].

Le , le Bureau du contrôle des avoirs étrangers (OFAC) du département du Trésor des États-Unis le retire de sa liste « Rewards for Justice » à la suite de discussions avec le gouvernement somalien après qu'une prime de cinq millions de dollars américains a été offerte pour toute information menant à sa capture le [7],[8].

Défection modifier

Le , il se rend aux autorités gouvernementales somaliennes[9]. Lors d'une conférence de presse tenue à Mogadiscio peu après, il dénonce al-Chabab et appelle ses membres à quitter le groupe[10].

Candidature à la présidence régionale modifier

Un an plus tard, l'ancien leader des shebabs annonce officiellement sa candidature aux élections régionales initialement prévues pour le 17 novembre, puis reportées au 19 décembre. Mukhtar Robow, également connu sous le nom d'Abou Mansour, fait cette annonce à des centaines de ses partisans lors d'un rassemblement de bienvenue dans la ville de Baidoa, dans le sud-ouest du pays[11].

Cet enthousiasme n'est pas partagé par le gouvernement fédéral somalien à Mogadiscio, soutenu par la communauté internationale. Dans une vive réprimande, le ministère somalien de la sécurité intérieure publie une déclaration selon laquelle Mukhtar Robow n'est pas éligible pour se présenter aux élections régionales. Le problème est que la Somalie n'a pas de Constitution formelle et, légalement, les pouvoirs du gouvernement fédéral et des États ne sont pas suffisamment détaillés. La capacité des autorités fédérales d'imposer une interdiction à un candidat régional à la présidentielle n'est donc pas claire. al-Chabab dénonce les ambitions politiques du transfuge le plus en vue du groupe. Ironiquement, les autorités fédérales et al-Chabab se retrouvent du même côté de la controverse sur la candidature de Robow[12],[13].

Inquiet de la popularité de Robow, le gouvernement fédéral envoie un haut fonctionnaire pour tenter de le persuader de se retirer[réf. nécessaire].

La commission électorale, rejetant les demandes de Mogadiscio, décerne un certificat d'éligibilité à Mukhtar Robow.

Mukhtar Robow est officiellement autorisé par la Commission électorale de l'État du Sud-Ouest à se présenter aux élections de décembre malgré les premières protestations du gouvernement fédéral cherchant à l'en empêcher. La Coalition pour le changement, qui apporte son soutien à Mukhtar Robow, publie un communiqué après le report des élections. Le groupe déclare qu'il craint que le gouvernement envisage de truquer les élections car la nouvelle date n'est pas favorable aux observateurs internationaux, car la plupart d'entre eux auront alors quitté la Somalie pour les festivités de fin d'année.

Environ 150 membres des forces d'élite somaliennes, armés de mitrailleuses DShK, sont déployés à Baidoa pour empêcher physiquement Robow d'accéder au lieu des élections.

Le , la Mission des Nations unies en Somalie (UNSOM) avertit que l'élection présidentielle dans l'État du sud-ouest de la Somalie pourrait mener à une montée de la violence. Elle appelle toutes les parties à veiller à ce que le processus électoral se déroule conformément aux règles établies et à éviter tout comportement susceptible d'entraîner un conflit ou de porter atteinte à l'intégrité du processus électoral[14].

Arrestation modifier

Le , Mukhtar Robow est arrêté par des soldats de la paix[13] de l'Union africaine en provenance d'Éthiopie et transporté par avion à Mogadiscio[13] sous haute sécurité. Au moins 11 personnes sont tuées à Baidoa dans des violences qui éclatent après l'arrestation de Robow[13]. Parmi les personnes tuées figure un membre du parlement régional. Les victimes sont notamment abattues par les forces éthiopiennes de l'AMISOM et les forces spéciales somaliennes venues de Mogadiscio[15].

Les législateurs somaliens écrivent une lettre de protestation à la Commission de l'Union Africaine à Addis-Abeba, au gouvernement éthiopien et à l'ONU pour se plaindre de la conduite de l'AMISOM[réf. nécessaire].

L'arrestation de Robow provoque également la démission du ministre somalien des Travaux publics Abdifatah Mohamed Gesey, originaire de Baidoa et du même sous-clan Leysan que Robow, en signe de protestation[16].

Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la Somalie, Nicholas Haysom, écrit au gouvernement somalien le , demandant des détails sur la base juridique de l'arrestation de Robow, ainsi que des enquêtes sur la mort de manifestants à la suite de sa détention. Les forces de sécurité somaliennes ont en effet utilisé la force létale pour réprimer trois jours de manifestations dans la ville de Baidoa, dans le sud-ouest, du 13 au 15 décembre, tuant au moins 15 personnes et en arrêtant 300, selon l'ONU. Le , trois personnes sont blessées, dont deux membres du personnel de l'ONU, lorsque des tirs de barrage sont effectués avec des mortiers sur la base principale de l'ONU à Mogadiscio[17].

Le gouvernement somalien ordonne à l'envoyé de l'ONU de quitter le pays, l'accusant d'« interférer délibérément avec la souveraineté du pays ». L'ordre intervient quelques jours après que le responsable, Nicholas Haysom, a fait part de ses inquiétudes quant à l'action des services de sécurité somaliens soutenus par l'ONU lors des récents épisodes violents qui ont fait plusieurs morts. Le Conseil de sécurité de l'ONU exprime ses regrets face à la décision de la Somalie d'expulser un émissaire de l'ONU qui a remis en cause l'arrestation d'un transfuge d'un groupe extrémiste devenu candidat politique[18],[19].

En décembre 2021, le ministre somalien de l'intérieur, Abdullahi Nor, demande à l'Agence nationale de sécurité du renseignement du pays de remettre un rapport sur l'arrestation et la détention ultérieure de Robow[20].

Ministre des affaires religieuses modifier

Photographie d'une homme parlant dans un micro, à un pupitre.
Mukhtar Robow à Mogadiscio en 2023.

En août 2022, Robow est nommé ministre des Affaires religieuses dans le gouvernement du président Hassan Sheikh Mohamoud[21]. Au cours d'un entretien avec le quotidien britannique The Guardian en décembre 2022, il assure s'être coupé du mouvement, en partie parce que celui-ci a fait tuer son beau-frère, mais aussi parce qu'il a soutenu son opposant lors des élections régionales et de son arrestation[22].

Références modifier

  1. a et b « Somalie: un ancien chef des islamistes shebabs nommé au gouvernement », sur RFI, (consulté le )
  2. « En Somalie, un ancien dirigeant des Shebab nommé ministre », sur France 24, (consulté le )
  3. (en) « Former Al-Shabab Commander, Al-Qaida Member Named to Somali Cabinet », sur VOA (consulté le )
  4. « Al Shabaab leader speaks out | Somalicurrent.com », sur web.archive.org, (consulté le )
  5. « Somalia: The Godane Coup and the Unraveling of Al-Shabaab – By Hassan M. Abukar | African Arguments », sur web.archive.org, (consulté le )
  6. « QALIN NEWS ONLINE - qalin.net », sur web.archive.org, (consulté le )
  7. (en-US) « US drops former Al-Shabab leader from 'RFJ List’ » [archive du ], sur www.hiiraan.com (consulté le )
  8. (en) AfricaNews, « US withdraws $5m bounty on former Al-Shabaab deputy leader » [archive du ], sur Africanews, (consulté le )
  9. (en) Omar Nor, « Former Al-Shabaab deputy leader surrenders » [archive du ], sur CNN, (consulté le )
  10. (en) « Former senior al Shabaab leader says militants should leave group », Reuters,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  11. « Somali Ex-Militant Leader Runs for Political Office | Voice of America - English », sur web.archive.org, (consulté le )
  12. (en) « Trading bullets for ballots, former al Shabaab No. 2 tests Somalia’s democratic process », sur France 24, (consulté le )
  13. a b c et d (en) « Arrest of ex-Shabaab-leader-turned-politician sparks deadly clashes in Somalia », sur France 24, (consulté le )
  14. (en) « UN mission calls for consensus on credible and peaceful presidential Election in Somalia’s South West state », sur UNSOM, (consulté le )
  15. « Somali ex-militant running for regional presidency arrested, beaten -spokesman | Reuters », sur web.archive.org, (consulté le )
  16. « Somali Minister Resigns Over Arrest of Former Al-Shabab Leader | Voice of America - English », sur web.archive.org, (consulté le )
  17. « Somalia orders top UN official to leave over 'interference' - Daily Nation », sur web.archive.org, (consulté le )
  18. (en) « Security Council regrets Somalia's expulsion of UN envoy » [archive du ], sur AP NEWS, (consulté le )
  19. « Security Council Regrets Somalia's Expulsion of UN Envoy | Voice of America - English », sur web.archive.org, (consulté le )
  20. (en) « NISA asked to hand over report on jailed ex-Al-Shabaab spokesman's detention » [archive du ], sur Garowe Online (consulté le )
  21. (en) Bashir Mohamed Caato, « From al-Shabab to the cabinet: Somalia’s move fuels debate » [archive du ], sur Al-Jazeera (consulté le )
  22. (en-GB) « ‘I’m a human being, not a monster’: the al-Shabaab defector turned government minister », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )

Liens externes modifier