Opération Griffe-Épée

Opération Griffe-Épée

Informations générales
Date -
Lieu Nord de la Syrie et nord de l'Irak
Casus belli Attentat d'Istanbul de 2022
Issue Inconnue
Belligérants
Drapeau de la Turquie Turquie
Armée nationale syrienne
Forces démocratiques syriennes

Drapeau de la Syrie République arabe syrienne

Région du Kurdistan

PKK
Commandants
Inconnu Inconnu
Forces en présence
70 F-16 et drones Inconnue
Pertes
Drapeau de la Turquie
1 soldat tué
2 soldats blessés
6 policiers blessés

Au moins 35 combattants des FDS
Drapeau de la Syrie
Au moins 30 soldats syriens[1].
Drapeau de la Russie
1 soldat blessé

Selon la Turquie : 326 "terroristes neutralisés"[2]

Civils : 3 morts et 15 blessés coté Turquie
Au moins 10 morts coté Kurdistan syrien

Batailles

L'opération Griffe-Épée est survenue le 20 novembre 2022 lorsque l'armée de l'air turque a lancé une série de frappes aériennes contre les positions des Forces démocratiques syriennes (FDS) et de l'armée syrienne dans le nord de la Syrie et contre les positions du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le nord de l'Irak[3],[4]. Les frappes aériennes ont été lancées à la suite de l'attentat à la bombe d'Istanbul de novembre 2022 qui, selon le gouvernement turc, a été mené par des organisations kurdes, ce que ces dernières contestent.

Contexte modifier

La Turquie avait déjà lancé 4 opérations dans le nord de la Syrie depuis le début de la guerre civile syrienne. Une première en 2017, avec l'opération « Bouclier de l'Euphrate » contre les Forces Démocratiques Syriennes et l’État islamique qui aboutit à la prise de Jarablous et Al-Bab. La seconde lors de la bataille d’Afrine en 2018, baptisée « rameau d’olivier », avait pour but d’expulser les forces kurdes des YPG de la région d’Afrine. La troisième, en 2019, appelée opération « source de paix », visait à conquérir une large bande « tampon » à la frontière turco-syrienne dans la région de Tall Abyad et Ras al-Aïn, contre les troupes majoritairement kurdes des Forces Démocratiques Syriennes. Cette opération conduit au retrait des troupes américaines constituant la coalition internationale du Nord-Est syrien vers le gouvernorat de Deir-ez-Zor et, sur la frontière irakienne, vers al-Tanf au sud, où elles maintiennent leur présence. Dans la foulée, et à la suite d’un accord avec les forces kurdes, les troupes russes et gouvernementales syriennes se déploient à Manbij, Kobané, Tabqa, Aïn Issa et Tall Tamer. Aucun affrontement direct n'a alors lieu entre l'armée turque et l'armée syrienne. Un accord est trouvé à Sotchi, entre Turquie et Russie, le 22 octobre 2019. La quatrième opération, dénommée par les autorités turques « Bouclier du printemps », intervient au début de 2020 en réplique à l’offensive initiée par le régime syrien et ses supplétifs, fin 2019, dans la région d'Idleb.

Le régime turc maintient avec constance depuis mai 2022 son intention de lancer une nouvelle offensive militaire contre les Kurdes syriens. Une telle opération nécessite toutefois le feu vert de Washington et de Moscou, qui s'y sont tous deux opposés[5].

Le 13 novembre 2022, un attentat à la bombe survient dans une artère très fréquentée d’Istanbul et fait 6 morts et 81 blessés. Les autorités turques en désignent les forces kurdes comme responsables, ce que démentent le PKK, les FDS et les YPG.

Parallèlement, dans le contexte des manifestations de 2022 en Iran, l’armée des gardiens de la révolution islamique iraniens lance en Irak, le 14 novembre puis le 20 novembre, des frappes de drones et de missiles contre des positions d’opposants kurdes (PDKI et Komala). Ces frappes font 12 morts et 20 blessés et ne sont pas concertées avec la Turquie et visent des objectifs distincts propres à l'Iran[6],[7].

Déroulement modifier

L’opération « Griffe Epée » commence le 20 novembre 2022 avec 25 frappes aériennes menées par l’armée de l’air turque contres des positions des forces kurdes du PKK dans le nord de l’Irak ainsi que du YPG et des FDS dans le nord syrien. Ces frappes visent la ville de Kobané, des silos à grain à Al-Malikiyah ainsi que la centrale électrique de Taql Bak qui a été complètement détruite. Les forces syriennes régulières sont aussi frappées à Raqa, Hassaké et Alep selon l’OSDH. Le bilan est d’au moins 37 morts : 18 combattants kurdes, 18 soldats syriens et un civil, ainsi que 40 blessés. Les frappes en Irak n’auraient pas fait de victimes selon responsable du gouvernement régional du Kurdistan irakien.

En riposte, les kurdes tirent des roquettes depuis le territoire syrien contre le poste frontière de Bab-al-Hawa, dernier point de passage de l'aide humanitaire internationale acheminée, depuis le territoire turc. Ces tirs blessent 2 soldats et 6 policiers turcs.

Le ministère turc de la Défense annonce sur twitter : « L'heure des comptes a sonné ! Les salauds devront rendre des comptes pour leurs attaques perfides »[8]

Le 21 novembre, des tirs de roquettes et de mortiers depuis la Syrie visent la ville turque de Karkamis, près de la frontière, faisant 3 morts (dont 3 enfants) et une quinzaine de blessés.

Le président turc Recep Tayyip Erdoğan évoque une possible intervention terrestre : « Il n'est pas question que cette opération soit uniquement limitée à une opération aérienne » a-t-il déclaré. De plus, il assure n'avoir eu « aucune discussion » avec le président américain Joe Biden ou Vladimir Poutine, son homologue russe, au sujet de l'opération actuelle[9].

Le 22 novembre, une frappe d'un drone turc vise une base conjointe des Forces démocratiques syriennes et de la coalition internationale antijihadiste en Syrie au nord de Hassaké, et tue 2 combattants kurdes[10]. D’autres frappes visent Aazaz, dans la province d’Alep et tuent 3 soldats syriens et 5 civils dont 1 enfant, ainsi que des puits de pétrole à Al-Qahtaniyah et dans la région de Deir ez-Zor. Dans la soirée, des bombardements d’artillerie turcs se poursuivent sur Kobané[11].

Le lendemain, la Turquie, par la voix de son ministre de la défense Hulusi Akar, affirme avoir frappé 471 cibles dans le nord de la Syrie et au Kurdistan irakien, et neutralisé 254 « terroristes »[12]. Selon l’OSDH, des frappes de drones visent une raffinerie de gaz et des puits de pétrole dans la région de Hassaké, blessant un soldat russe et tuant une combattante kurde. De plus, au moins 5 frappes visent le camp d'Al-Hol (où vivent 50 000 proches de djihadistes) et tuent 8 combattants kurdes. Le porte-parole des FDS indique que « certaines familles de l'EI pourraient en profiter pour fuir le camp » après ces frappes[13],[14].

Le 26 novembre, les duels d’artilleries se poursuivent entre l’armée turque, épaulée de ses supplétifs, et les forces kurdes épaulées par les forces gouvernementales syriennes. Les bombardements se concentrent dans le nord de la province d’Alep et autour de la ville de Kobané, où l’armée syrienne envoie d’importants renforts selon l’OSDH[15].

Le même jour, des milliers de personnes manifestent à Qamichli, dans le nord-est de la Syrie, pour protester contre les bombardements[16].

Le 29, un soldat turc meurt de ses blessures après un affrontement dans le nord de l'Irak le 27, selon l'agence de presse du gouvernement turque Anadolu[17].

Réactions internationales modifier

Le département d'État américain annonce le 18 novembre craindre « une éventuelle action militaire de la Turquie », et déconseille à ses ressortissants de se rendre dans le nord syrien et irakien. Ned Price son porte parole déclare le 22 novembre : « Nous appelons à la désescalade en Syrie pour protéger les civils et soutenir l'objectif commun de vaincre l'État islamique. Nous continuons à nous opposer à toute action militaire non coordonnée en Irak qui viole la souveraineté [du pays] »[10].

La Russie appelle le 22 novembre, la Turquie à faire preuve de "retenue" et de se garder de « tout usage excessif de la force » en Syrie pour « éviter l'escalade des tensions », a déclaré Alexandre Lavrentiev, envoyé spécial du président russe Vladimir Poutine sur la Syrie, à Astana, où doit se tenir une réunion tripartite entre la Russie, la Turquie et l'Iran concernant la Syrie.

Le gouvernement allemand a également appelé la Turquie à agir de façon "proportionnée" : « La Turquie se réfère à son droit d'autodéfense pour agir. Nous demandons à la Turquie d'agir de manière proportionnée, en respectant le droit international », a déclaré un porte-parole du ministère allemand des Affaires. « Cela implique notamment que les civils doivent être protégés », jugeant « extrêmement inquiétantes » les informations sur des frappes turques contre des civils[9],[8].

Notes et références modifier

  1. « L'armée turque poursuit ses bombardements contre des positions en Syrie », sur RFI, (consulté le )
  2. https://www.aa.com.tr/fr/turkiye/turkiye-326-terroristes-du-pkk-ypg-neutralis%C3%A9s-dans-le-nord-de-lirak-et-de-la-syrie-/2747779
  3. (en) « Turkish jets hit targets in Syria, Iraq after Istanbul bomb blast », sur Al Jazeera,
  4. (en) « Turkey Launches Operation Claw-Sword Against Kurdish Militants In Iraq, Syria », sur Barron's,
  5. « En Turquie, la question kurde toujours dans l’impasse », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne)
  6. « L'Iran frappe une nouvelle fois ses opposants kurdes en Irak », sur France 24, (consulté le )
  7. Le Point magazine, « "C'est pas fini": en Irak, les rebelles kurdes iraniens face aux missiles de Téhéran », sur Le Point, (consulté le )
  8. a et b « La Turquie riposte à l'attentat d'Istanbul en frappant les régions kurdes de Syrie et d'Irak », sur France 24, (consulté le )
  9. a et b « Après des frappes aériennes en Syrie et Irak, la Turquie envisage une "opération terrestre" », sur France 24, (consulté le )
  10. a et b « Une base des forces kurdes et de la coalition en Syrie frappée par un drone turc », sur France 24, (consulté le )
  11. Le Point magazine, « Nouveaux bombardements turcs en Syrie, "bientôt les canons et les chars" », sur Le Point, (consulté le )
  12. Par Le Parisien avec AFP Le 23 novembre 2022 à 12h03 et Modifié Le 23 Novembre 2022 À 14h13, « Syrie et Irak : 500 cibles visées par l’armée turque, Ankara se dit «déterminée» à protéger sa frontière », sur leparisien.fr, (consulté le )
  13. Le Point magazine, « La Turquie poursuit ses frappes en Syrie, "déterminée à protéger" sa frontière », sur Le Point, (consulté le )
  14. « Syrie : la Turquie mène des frappes contre les forces de sécurité kurdes du camp d'Al-Hol », sur France 24, (consulté le )
  15. « Syrie: les duels d'artillerie se poursuivent entre l'armée turque et les Kurdes », sur RFI, (consulté le )
  16. « Syrie: des milliers de Kurdes manifestent contre les frappes turques », sur Le Point,
  17. « Irak: Un soldat turc tué dans une attaque terroriste dans le nord », sur www.aa.com.tr (consulté le )