Période d'essai en droit québécois

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En droit du travail québécois, la période d'essai (communément appelée période de probation) représente un temps d'essai imposé par un employeur à un salarié durant lequel un employeur peut évaluer le comportement du salarié et son insertion dans le poste qu'il occupe.

Généralités modifier

La période de probation n'est pas fortement encadrée dans la Loi sur les normes du travail (LNT) et ce terme n'est pas utilisé dans la loi[1], où il est plutôt question de période d'essai. Par contre, il s'agit d'une pratique largement répandue chez les employeurs. Un salarié peut par exemple ne pas avoir droit aux assurances de son employeur quand il est en période probatoire.

Durée modifier

La période probatoire dure souvent trois mois moins un jour, période pendant laquelle les obligations légales en matière de licenciement ou de congédiement sont les plus faibles et où aucun avis en vertu de la LNT ne doit être donné pour un congédiement ou licenciement[2], mais aucune limite légale à la durée de la période probatoire n'existe. Un syndicat a la possibilité de négocier la durée de la période de probation dans la convention collective au cas où il la jugerait trop longue.

Intervention des dispositions de la Lois sur les normes du travail modifier

Cependant, les dispositions de la LNT peuvent intervenir après un certain temps si la période de probation est de plus longue durée[3]. Par exemple, l'art. 82.1 (1⁰) LNT[4] prévoit que l'obligation de l'employeur énoncée à l'art. 82 LNT[5] de donner un avis écrit à un salarié avant de mettre fin à son contrat de travail ne s'applique pas à l’égard d’un salarié qui ne justifie pas de trois mois de service continu. Donc par une lecture a contrario de cette disposition, un travailleur en probation depuis plus de trois mois aura droit à un avis écrit quand son employeur met fin à son emploi, s'il n'a pas commis de faute grave.

Droits de base des travailleurs en période d'essai modifier

Les travailleurs en période de probation ont bien sûr plusieurs droits de base en commun avec les autres travailleurs. À titre d'exemple, l'art. 57 (4⁰) LNT[6] prévoit qu'un salarié est réputé au travail durant toute période d’essai ou de formation exigée par l’employeur. Donc le fait qu'il est au travail signifie qu'il a le droit à une rémunération au moins équivalente au salaire minimum (art. 40 LNT[7]). D'autre part, la prohibition des pratiques interdites telles que la discrimination (art. 122 LNT [8]) vise l'ensemble des salariés, peu importe s'ils sont en période de probation ou non.

Les articles 10[9] et 16[10] de la Charte québécoise interdisent la discrimination pendant la période de probation.

Congédiement d'un travailleur en période d'essai modifier

Contrairement à une idée reçue, le congédiement d'un travailleur en période d'essai ne peut pas se faire pour des raisons purement arbitraires. Il y a application des règles des articles 2091[11] à 2094 Code civil du Québec[12].

Dans l'arrêt Sbai c. Panthera Dentaire inc.[13], la Cour supérieure du Québec applique le cadre juridique du congédiement d'un travailleur en période d'essai, dans une affaire où un cadre avait été contraint de déménager pour son poste et avait connu de la discrimination avant de finalement subir un congédiement arbitraire.

  • La clause du contrat du travailleur qui empêchait une contestation relative à la terminaison du lien d'emploi était invalide en raison de l'art. 2092 C.c.Q[14].
  • Le salarié n'a pas été congédié pour un motif sérieux au sens de l'art. 2094 C.c.Q., selon les critères formulés dans l'arrêt Costco Wholesale Canada Ltd. c. Laplante[15].
  • Dans le contrat à durée indéterminée du travailleur, l'absence de motif sérieux donne ouverture à la règle du délai de congé de l'art. 2091 C.c.Q[16].
  • Le délai de congé s'apprécie de façon contextuelle. Compte tenu que dans cette affaire, le salarié occupait un poste important, avait un niveau de compétences élevé, beaucoup d'expérience et vu le caractère indemnitaire du délai-congé[17], la Cour supérieure lui a accordé un délai-congé de 12 mois, soit 114 571,60 $ (11 mois x 10 415,60 $) et tenant compte de l'indemnité déjà versée[18].
  • La Cour a également accordé des dommages moraux pour les pertes non pécuniaires du travailleur[19].

Bibliographie modifier

Barreau du Québec, Collection de droit 2019-2020, Volume 9 : Droit du travail, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2019

Notes et références modifier

  1. RLRQ c N-1.1
  2. NRoad. A Complete Guide To Hire Employees In Quebec. En ligne. Page consultée le 2021-10-09
  3. Jobboom. « Période probatoire : mode d’emploi ». En ligne. Consulté le 2021-10-09
  4. Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1, art 82.1, <https://canlii.ca/t/1b65#art82.1>, consulté le 2021-10-09
  5. Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1, art 82, <https://canlii.ca/t/1b65#art82>, consulté le 2021-10-09
  6. Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1, art 57, <https://canlii.ca/t/1b65#art57>, consulté le 2021-10-09
  7. Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1, art 40, <https://canlii.ca/t/1b65#art40>, consulté le 2021-10-09
  8. Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1, art 122, <https://canlii.ca/t/1b65#art122>, consulté le 2021-10-09
  9. Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, art 10, <https://canlii.ca/t/19cq#art10>, consulté le 2022-07-01
  10. Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12, art 16, <https://canlii.ca/t/19cq#art16>, consulté le 2022-07-01
  11. Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 2091, <https://canlii.ca/t/1b6h#art2091>, consulté le 2022-05-12
  12. Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 2094, <https://canlii.ca/t/1b6h#art2094>, consulté le 2022-05-12
  13. 2022 QCCS 1609
  14. Sbai c. Panthera Dentaire inc., 2022 QCCS 1609 (CanLII), au para 95, <https://canlii.ca/t/jp33w#par95>, consulté le 2022-05-12
  15. 2005 QCCA 788.
  16. Sbai c. Panthera Dentaire inc., 2022 QCCS 1609 (CanLII), au para 131, <https://canlii.ca/t/jp33w#par131>, consulté le 2022-05-12
  17. Sbai c. Panthera Dentaire inc., 2022 QCCS 1609 (CanLII), au para 140, <https://canlii.ca/t/jp33w#par140>, consulté le 2022-05-12
  18. Sbai c. Panthera Dentaire inc., 2022 QCCS 1609 (CanLII), au para 141, <https://canlii.ca/t/jp33w#par141>, consulté le 2022-05-12
  19. Sbai c. Panthera Dentaire inc., 2022 QCCS 1609 (CanLII), au para 149, <https://canlii.ca/t/jp33w#par149>, consulté le 2022-05-12