Phyo Zeya Thaw

artiste de hip-hop et homme politique birman (1981-2022)

Phyo Zeya Thaw (en birman : ဖြိုးဇေယျာသော်, également appelé Zeya Thaw, birman : ဇေယျာသော် ; 26 mars 1981 - 23 juillet 2022) était un homme politique birman et un chanteur de hip-hop qui a été détenu et exécuté en raison des messages perçus comme anti-gouvernementaux dans ses paroles ainsi que ses actions contre la junte militaire birmane. Amnesty International l'a désigné comme prisonnier d'opinion[1]. Il a été membre du Pyithu Hluttaw, la chambre basse du parlement birman. Phyo Zeya Thaw, aux côtés de la leader de l'opposition et conseillère d'État Aung San Suu Kyi, a été élu à la chambre basse le 1er avril 2012.

Phyo Zeya Thaw
Fonction
Membre de la Chambre des représentants de Birmanie
Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Formation
Basic Education High School No. 6 Botataung (en)
University of Pharmacy, Mandalay (en)
Yadanabon University (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Père
Mya Thaw (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Parti politique

En novembre 2021, Phyo Zeya Thaw est arrêté par la junte militaire birmane et condamné à mort en janvier 2022. En juin 2022, la junte annonce que son exécution est imminente[2]. Le 23 juillet 2022 vers 4 heure du matin, Phyo Zeya Thaw et trois autres militants pour la démocratie, dont Kyaw Min Yu (Ko Jimmy), ont été exécutés[3].

Jeunesse et éducation

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Phyo Zeya Thaw est né le 26 mars 1981 à Rangoun, en Birmanie. Enfant de Mya Thaw, un ancien recteur et de son épouse Khin Win May, dentiste[4], il fréquente l'école secondaire d'éducation de base n° 6 Botahtaung (BEHS No. 6 Botahtaung). Il s'est inscrit à l' Université de pharmacie de Mandalay en 1999, puis passe à l'enseignement à distance à l'Université Yadanabon en 2000 et obtient un baccalauréat de littérature anglaise en 2003.

Carrière dans le hip-hop

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En 2000, le groupe Acid, dont il est un membre co-fondateur, sort le premier album hip-hop de Birmanie. Malgré les prédictions d'échec de nombreux spécialistes de l'industrie musicale birmane, l'album Beginning est resté en première position des chartes de musique birmanes pendant plus de deux mois[5]. Un journaliste de la Voix démocratique de Birmanie a décrit sa musique comme un mélange de « style combatif et colérique avec un poétisme indigène »[6]. Le répertoire du groupe contiendrait de nombreuses « attaques à peine voilées contre le régime »[7]. The Independent a déclaré que même si les paroles du groupe « se concentraient sur la vie quotidienne, leurs paroles évoquaient inévitablement les difficultés de la vie en Birmanie, les entraînant dans un territoire dangereux. » [8]

Phyo Zeya Thaw s’est également fait connaître très tôt pour son activisme social. Lors d'un concert, il s'associé aux poètes Saw Wai et Aung Way pour collecter des fonds pour une œuvre caritative fondée par le comédien Zarganar en faveur des orphelins séropositifs. Avec le rappeur Nge Nge, il a également visité les orphelinats de Zarganar afin d'enseigner l'anglais aux enfants[5].

Activisme avec Generation Wave et arrestation

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Phyo Zeya Thaw était l'un des quatre membres fondateurs de Generation Wave, un mouvement de jeunesse opposé au Conseil d'État pour la paix et le développement ( SPDP ), le gouvernement militaire birman[5]. Le groupe a été fondé le 9 octobre 2007, à l'issue de la Révolution de safran. Ses moyens de protestation étaient des graffitis et des pamphlets pour diffuser des messages pro-démocratie[5]. Il aurait été à l'initiative de l'une des campagnes les plus répandues du groupe, des autocollants portant l'inscription « Change New Government » à appliquer sur les voitures portant l'autocollant « CNG » (pour « gaz naturel comprimé »)[5]. Le groupe a également diffusé des films anti-gouvernementaux, notamment Rambo [9], dans lequel le personnage principal combat les soldats de la Tatmadaw (armée birmane) dans l'État Karen [10]. Le film avait été interdit par le gouvernement pour avoir présenté le SPDC et ses soldats négativement[11].

En février 2010, une trentaine de membres du groupe sont emprisonnés[12], dont Phyo Zeya Thaw, qui est arrêté dans un restaurant de Yangon avec des amis le 12 mars 2008[9]. En avril, Yan Yan Chan, cofondateur d'Acid , est également arrêté[13].

Procès et emprisonnement

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Phyo Zeya Thaw aurait été battu lors de son interrogatoire[14]. Le 20 novembre 2008, il a été condamné à cinq ans de prison pour avoir enfreint la loi n° 6/88 du Conseil de restauration de l'ordre public, [9] « organisation illégale en vertu de la loi sur les associations illégales »[15]. Amnesty International décrit cette loi comme « une loi formulée de manière vague, dont les dispositions générales peuvent être interprétées comme rendant illégale la création de tout type d'organisation »[14]. Il a été condamné à une année de prison supplémentaire pour possession de devises étrangères, car il avait en sa possession des bahts thaïlandais, pour une valeur approximative de 20 dollars américains , ainsi que des dollars de Singapour et des Ringgit malais au moment de son arrestation[14].

Avant sa condamnation, il déclare aux journalistes : « Je suis triste, mais pas à cause de mon emprisonnement... Je suis triste pour l'avenir de notre pays et de notre peuple quand je pense à ce qu'il s'est passé. Ces mots viennent du fond de mon cœur. Je souhaite dire aux gens : « Ayez le courage de rejeter les choses que vous n'aimez pas, et même si vous n'osez pas soutenir ouvertement la bonne cause, ne soutenez pas la mauvaise . » [9] Sa condamnation a été critiquée par Amnesty International, qui l'a qualifié de prisonnier d'opinion et a demandé sa libération immédiate[1].

Libération et carrière politique

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Phyo Zeya Thaw avec Aung San Suu Kyi le 11 mars 2016
Phyo Zeya Thaw prononce un discours lors des manifestations contre le coup d'État de 2021, le 3 mars 2021
Le 2 décembre 2011, la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a rencontré des représentants de la société civile, dont Phyo Zeya Thaw (à l’extrême droite de la photo).

Il a purgé sa peine à la prison de Kawthaung et a été libéré le 17 mai 2011[9],[16]. En août 2011, le commissariat de police du canton de Mingala Taungnyunt lui a interdit de se produire sur la scène du lac Kandawgyi de l'île Hmyawzin[17].

Il était membre de la Ligue nationale pour la démocratie ( LND ). Lors des élections partielles de 2012 au Myanmar, il s'est présenté dans la circonscription du canton de Pobbathiri pour un siège à la Chambre des représentants (la chambre basse du pays), et a remporté le siège que Tin Aung Myint Oo avait quitté en 2011[18].

Lors des élections générales de 2015 au Myanmar, il s'est présenté dans la circonscription du canton de Zabuthiri et a remporté un siège à la Chambre des représentants.

Exécution

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En novembre 2021, il est arrêté par la junte militaire birmane et est accusé d’avoir planifié des attaques contre des cibles de la junte en vertu de la loi antiterroriste et de la loi sur la protection des biens publics.[réf. nécessaire]</link>[ [1] ] En janvier 2022, il a été condamné à la peine capitale. La junte a annoncé que son exécution était imminente en juin 2022, et le 23 juillet 2022, il a été annoncé qu'il avait été exécuté avec trois autres personnes, dont le militant pro-démocratie Kyaw Min Yu , également connu sous le nom de Ko Jimmy[19].

Réactions

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Les organisations Human Rights Watch et Amnesty International ont réagi avec stupeur. La directrice de Human Rights Watch pour l'Asie, Elaine Pearson, a parlé de procès motivés par des raisons politiques et a souligné que les familles des condamnés n'avaient appris les exécutions que par les médias.

Le gouvernement allemand a fermement condamné les premières exécutions au Myanmar depuis plus de trois décennies[20]. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, Tom Andrews, a tweeté qu'il était « choqué » par la nouvelle : « Les États membres de l'ONU doivent honorer leur vie en faisant de cet acte odieux un tournant dans la réponse du monde à cette crise. » [21] Le 28 juillet 2022, les ministres des Affaires étrangères du G7 ( Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni et États-Unis d'Amérique ) et l'Union européenne ont publié une déclaration condamnant fermement son exécution par la junte militaire[22].

Vie personnelle

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Phyo Zeya Thaw était marié à Thazin Nyunt Aung, également rappeuse[23].

Dans la culture populaire

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  • Dans End Game: Union Multiplayer, jeu de tir multijoueur de Shoot and Support, le personnage Zeya Thaw a été créé en l'honneur de Phyo Zeya Thaw[24].

Références

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  1. a et b « Myanmar, Unlock the Prison Doors! », Amnesty International (consulté le )
  2. (en) « Myanmar: Junta Vows to Enforce Death Sentences », Human Rights Watch, (consulté le )
  3. « Activist, Ex-Lawmaker Among Detainees Executed in Myanmar », Time.com (consulté le )
  4. (my) « အကြမ်းဖက်အဖွဲ့အစည်းဖြစ်သော NUG ၏ စေခိုင်းချက်အရ NLD ပါတီဝင် မောင်ကျော်(ခ) ဖြိုးဇေယျာသော်မှ လက်နက်/ခဲယမ်းများ ထုတ်ပေး၍ ရန်ကုန်မြို့ အတွင်း အကြမ်းဖက်လုပ်ငန်းများ ဆောင်ရွက်ခဲ့မှုအချို့အား ဆက်လက်ဖော်ထုတ်ရရှိ », Myawaddy,‎ (lire en ligne)
  5. a b c d et e Alex Elgee, « Another Birthday behind Bars », The Irrawaddy,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. Joseph Allchin, « Fresh blood for a new decade », Democratic Voice of Burma, (consulté le )
  7. « Junta imprisons Yan Yan Chan », thefirstpost.co.uk, (consulté le )
  8. « Burma jails comedian for 45 years », The Independent,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  9. a b c d et e « AAPP Case No. 0062 », Assistance Association for Political Prisoners (consulté le )
  10. « Rambo Draws World's Attention to Forgotten Crisis in Burma », Burma Campaign UK, (consulté le )
  11. Thomas Bell, « Banned Rambo film hot property in Burma », The Telegraph,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. Rachel Harvey, « Burma's youth rapping for change », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  13. Min Lwin, « Popular Burmese Rap Performer Arrested », The Irrawaddy,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. a b et c « MYANMAR: Hip-Hop Artist and Student Activist Jailed for Peaceful Protest », Amnesty International (consulté le )
  15. « 5 Generation Wave activists sentenced », Mizzima News, (consulté le )
  16. (my) « ပြည်သူ့ နာကျင်၊ခံစားမှုကို အနုပညာဖန်တီးချင်တယ် », မဇ္ဈိမသတင်းဌာန,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. Phanida, « Hip-hop singer Zay Yar Thaw forbidden to perform in charity show », Mizzima News,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. « Generation Wave Celebrates 6th Anniversary », The Irrawaddy,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. Helen Regan et Rhea Mogul, « Myanmar junta executes leading democracy activists », Cnn.com (consulté le )
  20. « Auswärtiges Amt – Bundesregierung verurteilt erste Hinrichtungen in Myanmar seit mehr als drei Jahrzehnten », Deutschlandfunk.de (consulté le )
  21. « I'm devastated by news that former parliamentarian Zeyar Thaw and longtime activist Ko Jimmy were executed with two others today. UN Member States must honor their lives by making this depraved act a turning point for the world's response to this crisis. My statement attached. », Twitter.com (consulté le )
  22. (en) « G7 Foreign Ministers' Statement on the Myanmar Military Junta's Executions », United States Department of State (consulté le )
  23. (en) Hizume, « Wife of hip-hop star in Myanmar seeks to halt his execution », What's Happening in Myanmar? -NHK, (consulté le )
  24. « Zayar Thaw is back for the revolutionary people », MPA,‎ (lire en ligne)

Liens externes

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