Pierre Manhès

industriel et ingénieur français
Pierre Manhès
Description de cette image, également commentée ci-après
Pierre Manhès

Naissance
Lyon (France)
Décès (à 64 ans)
Nantua (France)
Nationalité Français
Domaines Métallurgie du cuivre
Renommé pour Convertisseur Manhès-David

Pierre Manhès (1841 – 1906) est un industriel et ingénieur français, qui a réussi, en 1880, à adapter le principe du convertisseur Bessemer à la pyrométallurgie du cuivre. Avec son ingénieur Paul David, il met au point le convertisseur et le procédé Manhès-David, qui seront largement adoptés, notamment aux États-Unis.

Biographie modifier

Pierre Manhès nait à Lyon le , de Joséphe et d'Antoine Manhès[1], au sein d'une famille de 15 enfants (dont quelques-uns décèderont en bas âge)[2].

100 ans pour une saga familiale :

L'histoire de la famille Manhès commence dans le Cantal, Pierre Manhès (1786-1866) est Marchand Chaudronnier au village de Benech à Mandailles. En 1839, il quitte son village avec son fils Antoine et commence à Lyon une carrière de marchand de métaux. L'année suivante, il achète une fonderie, qui déclinait, 35 quai Fulchiron. Antoine, sera à l'origine de la Fonderie Manhès Pour maîtriser mieux la filière, il achète l'usine de cuivre de Vedène (Vaucluse) dont son fils aîné, Pierre (dont on parle dans cet article) sera le directeur et le développeur technique, deux autres de ses fils, Fleury et Antoine, puis les fils de Fleury, Antoine et Jacques, seront les gestionnaires de la maison Manhès qui deviendra la fonderie des frères Manhès. Cette aventure familiale s'arrêtera en 1939, par la fusion avec les établissements Brossette et fils.

Il épouse le Marie Claudine Malterre, avec laquelle il aura 11 enfants[1], comme Geneviève-Louise, dont le mariage avec Louis Couturier en 1899 illustre l'ancrage familial au sein de la bourgeoisie lyonnaise[3].

« Appelé par le développement des affaires de son père à s'occuper principalement de la métallurgie du cuivre[4] », il met au point, en s'inspirant du procédé Bessemer, un mode de traitement nouveau des minerais, qui est rapidement adopté en Angleterre, aux États-Unis et au Chili[4].

Son engagement dans la vie économique lyonnaise lui valent d’être nommé chevalier de la Légion d’Honneur en 1885. Il est aussi distingué à l'étranger, où il devient commandeur de divers ordres (ordre du Médjidié et d'Isabelle la Catholique)[3].

Il décède à Nantua, le [5] et est inhumé le au cimetière de Loyasse à Lyon[1].

Invention du procédé Manhès-David modifier

Croquis du convertisseur, doté d'un système d'injection de poudre siliceuse dans l'air soufflé, selon un brevet déposé en 1884[6].

L'invention du procédé Bessemer, en 1855, suscite un intérêt extraordinaire de la part des métallurgistes. Mais quelques années après, les limitations du procédés sont avérées, et il faut attendre 1877 pour que Sidney Gilchrist Thomas l'amène à sa pleine maturité. Sa généralisation au traitement du cuivre est très rapidement envisagée :

« Les analogies entre ces deux fabrications sont en effet très grandes. De même qu'au haut fourneau, le minerai est réduit à l'état de fonte, combinaison de fer et de carbone, de même le minerai de cuivre est transformé par une simple fusion, la fonte crue, en un composé sulfuré, formé de cuivre, de fer et de soufre. Dans ces deux opérations, on sépare les métaux des gangues, et l'on obtient des produits principaux analogues ; d'un côté, c'est un carbure et un siliciure de fer et de manganèse; de l'autre, un sulfure de fer et de cuivre. Par la simple action du vent, on élimine pendant l'opération Bessemer le silicium, le manganèse et le carbone ; de la même manière, on enlève à la matte son soufre et son fer, qui sont tous deux plus oxydables que le cuivre.

Mais les difficultés rencontrées dans le traitement des mattes sont bien plus grandes que celles du traitement de la fonte, où les éléments à oxyder ne dépassent pas 9 à 10 pour 100 du poids du métal ; la matte, au contraire, ne contient en général que 20 pour 100 de cuivre. Il faut donc enlever par oxydation 80 pour 100 des matières traitées. Les éléments étrangers de la fonte, silicium et carbone, développent en brûlant une quantité considérable de chaleur […] Le soufre et le fer au contraire ne produisent que 2 200 et 1 500 calories [par kilogramme][7]. »

— Paul Weiss, Le Cuivre

En effet, s'il est théoriquement possible, le soufflage du cuivre dans un convertisseur Bessemer rencontre de grosses difficultés lors de sa mise en œuvre. Les essais de John M. Hollway en 1878 échouent : le soufflage se fait de manière très intermittente, le réfractaire s'use énormément, les tuyères se colmatent, le métal se fige avant la fin de l'opération, beaucoup plus longue que les procédés sidérurgiques, etc.[8]

Pour autant, Pierre Manhès, qui connait bien la métallurgie du cuivre[note 1], mène des essais dans son laminoir de Vedène (Vaucluse) puis dans ses usines d'Éguilles (près d'Avignon). Il utilise pour cela un petit convertisseur Bessemer d'une capacité de 50 kilos. « Après de nombreux mécomptes[7] », il comprend les adaptations à faire pour assurer la réussite du soufflage[7] :

  • l'inclinaison progressive du convertisseur, pour éloigner les tuyères du fond, où se rassemble le cuivre, plus dense ;
  • l'interruption du soufflage pour vidanger les scories produit par l'oxydation du fer.

Ces deux opérations amènent à corriger sans cesse l'inclinaison de la cornue pendant le soufflage. Il essaie alors en 1881, avec succès, des tuyères horizontales arrivant latéralement au-dessus du fond. Vers 1884, au moment où le procédé est essayé aux États-Unis, il développe avec son ingénieur Paul David, une forme cylindrique qui s'avère plus adaptée aux spécificités de l'affinage des mattes de cuivre[8].

Pierre Manhès travaille ensuite sur l'adaptation de son procédé à la pyrométallurgie du nickel, particulièrement le traitement des minerais sulfurés et arséniés de nickel. En effet, le cuivre et le nickel peuvent être extraits par des procédés proches, même si le nickel, plus oxydable que le cuivre, a tendance à passer rapidement dans les scories. Pour autant, Pierre Manhès n'hésite pas à explorer d'autre méthodes pour l'affinage du nickel, comme la fusion en présence des chlorures[10]

Autres activités modifier

Sa fortune établie grâce à son procédé, Pierre Manhès participe activement à la vie économique lyonnaise. Il est ainsi administrateur délégué de la S.A. Lyonnaise des Placers Aurifères des Apennins, devenue par la suite S.A. des Mines d’or du Gorzenti, ainsi que de la Société des Naphtes et Pétroles du Caucase et même de l'éphémère Banque de Lyon et de la Loire[note 2]. Proche des milieux d’affaires catholiques, il fonde avec des associés, à l’automne 1881, la Caisse lyonnaise, une éphémère société anonyme au capital de vingt millions de francs[3],[note 3].

Dans les années 1870, il siège comme juge suppléant au Tribunal de Commerce de Lyon. Comme tant d’hommes d’affaires lyonnais, il participe également à plusieurs sociétés savantes comme la Société géologique de France, la Société d'encouragement pour l'industrie nationale ou la Société de l'industrie minérale. Proche des milieux catholiques, il fait partie de la Congrégation des Messieurs de Lyon et est actionnaire du Nouvelliste de Lyon[3].

Notes et références modifier

Notes modifier

  1. Pierre Manhès est notamment l'auteur, en 1878, de l'ouvrage « Études sur la conservation du cuivre à doublage »[9].
  2. Cette banque, fondée en 1881, fut emportée dans la tourmente de la faillite de l'Union générale en 1882.
  3. La Caisse lyonnaise était une officine financière destinée à placer l'argent de la Banque de Lyon et de la Loire, alors portée par la bulle spéculative de 1882[11]. Malgré les discours sur le « but de la Société, la prudence et la sagesse qui présideront à ses opérations, les résultats déjà acquis par des participations qui sont apportées par les fondateurs et qui justifient amplement les cours actuels, en un mot, la ferme confiance que l'on peut avoir en son avenir[12] », il ne restera rapidement rien de cette aventure.

Références modifier

  1. a b et c « Pierre MANHÈS sur geneanet.org »
  2. « Antoine MANHÈS sur geneanet.org »
  3. a b c et d Jérôme Rojon, « L’industrialisation du Bas-Dauphiné : le cas du textile (fin XVIIIe siècle à 1914) », Université Lumière-Lyon 2,
  4. a et b Société géologique de France, Bulletin de la Société géologique de France, t. 7, Société géologique de France, , p. 120
  5. Société géologique de France, Bulletin de la Société géologique de France, t. 6, Société géologique de France, , p. 118
  6. (en) Pierre Manhès, « Process of treating copper matte (patent US 456516 A) »,
  7. a b et c Paul Weiss, Le Cuivre : Origine, Gisements, Propriétés physiques et chimiques, Métallurgie… Marché du cuivre, Principales applications… Alliages industriels, J.-B. Baillière et fils, , 344 p. (ASIN B0019TU3SK, lire en ligne), p. 192 ; 194
  8. a et b (en) Donald M. Levy, Modern copper smelting, C. Griffin & company, limited, (lire en ligne), p. 192-193
  9. Pierre Manhès, Études sur la conservation du cuivre à doublage, impr. de A.-L. Perrin et Marinet, , 68 p. (BNF 30871955, ASIN B001BWXJKO)
  10. Henri Moissan et Léon Victor René Ouvrard, Le Nickel, Gauthier-Villars et fils, Masson et Cie, (lire sur Wikisource), p. 75-77 ; 88
  11. [PDF](en) Eugene N. White, « The Krach of 1882 and the Bourse de Paris », 9-10 septembre 2005
  12. [PDF]« Caisse Lyonnaise », Journal de l'Ain, no 147,‎ (lire en ligne)

Voir aussi modifier

Sur les autres projets Wikimedia :